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Frederick Gau : «Si j’ai envie de faire un projet, je le fais, c’est ça Gozulting»

Par Lenaic Leroy

De toutes les entreprises de productions audiovisuelles, Gozulting est probablement celle ayant fait le plus de bruit en 2022. 

Vous connaissez sûrement une production menée par l’entreprise, tant ils sont actifs sur les scènes compétitives, mais aussi auprès des créateurs de contenus sur Twitch. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. 

À ses débuts en 2017, l’entreprise est déjà connue du secteur, car ses fondateurs sont tous du milieu. Pour autant, personne ne sait bien ce qu’est le projet et ce qu’il peut devenir. À l’époque, Twitch et l’esport ne sont que de jeunes pousses très fragiles. 

Aujourd’hui, l’entreprise compte 21 salariés et un très large catalogue de projets à son actif. Un développement fulgurant, à l’image d’un secteur bouillant. Gozulting, c’est aussi une réinterprétation des codes du streaming. En cinq ans, ils ont largement participé à construire l’image du secteur, aussi bien devant et derrière la caméra. 

Il était impossible pour moi de ne pas rencontrer un des membres fondateurs pour revenir sur cette histoire. Frederick Gau, co-fondateur de Gozulting et actuel CEO a accepté d’échanger sur ce parcours, mais aussi sur son appréhension plus personnelle de l’évolution du secteur.

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Salut Fred, pour commencer est-ce que tu veux bien revenir sur l’histoire de Gozulting ? 

Au départ, on a pensé Gozulting comme une boîte à outils. On n’était pas satisfait par ce que le marché avait à nous offrir alors on a décidé de monter une boîte. D’abord de consulting, mais comme ça ne paye pas, on a vite été sur de la technique.

J’étais avec Valentin Lormeau, qui est actuellement le directeur technique de Gozulting. C’est le véritable Mc Gyver du secteur et il le fait très bien. On était accompagné de Clément Laparra pour la partie consulting et storytelling. Le dernier membre à l’origine de Gozulting, c’est Xavier Oswald, notre monsieur business et networking. 

On avait des synergies très différentes et des parcours sans rapport, mais on allait tous dans la même direction. 

Notre premier client, Red Bull, encore aujourd’hui chez nous, a été suivi par Webedia. On a démarré comme toutes les start-up : dans mon garage. Aujourd’hui, on a nos locaux. Au départ, nous avons massivement investi dans du matériel plutôt que dans de l’humain. L’objectif était de faire un maximum de production sans avoir à réinvestir à chaque fois. Cela nous a permis à long terme d’avoir tout notre matériel et d’étendre notre activité. 

Entre 2017 et 2018, on a fait des productions qui ne payaient pas beaucoup, mais qui ont permis de prouver notre expertise sur le marché. Nous étions très humbles, malgré nos parcours respectifs à l’ESL ou chez Webedia. 

Le major Dota 2 à Disneyland Paris

En décembre 2018, on a fait un pari avec un mec qui gérait Dota 2 chez Mars. On s’était chauffé pour faire un major Dota 2 en France, on a d’abord été du côté de Bercy, mais c’était impossible pour eux. On s’est rendu à Disney, ils ont accepté et ça a été le plus gros changement pour Gozulting. 

Toutes les contraintes qui peuvent être liées à la production avec Disney ou avec des entreprises chinoises, on les a rencontrées. C’est à ce moment-là que nous avons agrandi l’équipe avec l’arrivée de Xavier Descharmes pour la communication et Nyo pour le graphisme, les assets et la direction artistique

Il nous fallait quelqu’un qui connaît bien Dota 2 et qui soit très fort à la technique, le fameux Victor Jolivet. Il est rentré en cinquième actionnaire sur ce projet en quittant les équipes de Webedia. 

On n’était pas producteur exécutif de l’événement, on assistait Disney sur la logistique, l’interaction avec la régie et la gestion de la régie française. Le major s’est globalement bien passé, sans qu’il ne rencontre un énorme succès. Avant l’arrivée des Worlds de League of Legends quelques mois plus tard, c’était l’événement avec le plus de visibilité en France. 

Le major a été un très bon tremplin pour Gozulting. Il a ouvert une période où nous avons enfin commencé à utiliser des plateaux dans nos locaux pour produire de plus en plus de contenus. 

C’est à la même période que nous avons suivi OG Esports sur la communication et gestion de contenu de l’équipe. Lorsqu’ils gagnent leur deuxième TI à Shanghai, nous sommes derrière tout le suivi de contenu chez eux.

Le grand bond en avant 

C’est une période où on a recruté énormément de monde, à tel point que nos locaux étaient devenus trop étroits. À la fin de l’année 2019, nos chiffres étaient bons. Durant l’année, nous avons aidé à la mise en place de la Maison de l’Esport, on a lancé le premier UFA. On a commencé à se mettre au format documentaire, à produire du contenu à l’étranger, bref à diversifier notre activité. Nous préparions au début 2020 la finale des Worlds de Dragon Ball FighterZ avec Red Bull au moment où la pandémie a frappé. 

Pendant trois mois, nous avons fait un maximum de négociations tout en axant notre proposition sur les technologies du web. On augmente nos compétences et on produit beaucoup de contenus dématérialisés pour la télévision ou des institutionnels. 

En 2020, il n’y avait pas tant de projets, mais on sait déjà que l’on veut créer nos propres contenus. On veut faire de la production pour certaines personnes et on le concrétise en 2021. Arrivent des projets comme Game of Rôles, le Gotaga Shift Race ou encore en juillet 2021 le premier KCX. 

C’est en 2021 qu’on a eu l’occasion de travailler pour la première fois avec Amine sur le Five Club et sur le Loup Garou durant la soirée Habitants de Zaun. Mister MV nous a fait confiance pour la production de Speedons qui est un véritable projet de cœur. 

Aujourd’hui, le budget des marques est entièrement consacré aux talents plus qu’à des événements.

L’année 2022 a commencé aussi fort avec un nouvel événement KCX le 8 janvier. On a fait une tonne de projets en même temps avec nos partenaires. Un projet en particulier qui a fait beaucoup parler, c’est Game of Rôles Les Deux Tours. C’était un choix collectif de le faire sur une antenne neutre pour montrer que l’on peut parler de politique. France Info avait un peu peur et heureusement le projet a été mené avec le soutien de la direction et de Clément Viktorovich

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Aujourd’hui, le budget des marques est entièrement consacré aux talents plus qu’à des événements. C’est un gros morceau de notre activité et on continue à faire des projets que nous proposent des clients ou des prestataires. On développe toujours nos propres projets dans l’esport et auprès de talents en plus de toutes ces activités. 

Comment est-ce que tu imaginais Gozulting au lancement de l’entreprise ? 

Au départ, on m’incitait beaucoup à quitter Webedia, car je n’aimais pas l’ambiance de guerre des clans en interne. À l’anniversaire de Clément, on discute de l’idée et on se rend compte qu’on en avait marre d’entendre toutes les conneries sur l’esport. Quitte à ce que des entreprises donnent de l’argent à n’importe qui dans le secteur, autant que ce soit nous qui sommes capables de montrer quelque chose à la fin. 

En février 2020, la finale des Worlds Tours de Dragon Ball FighterZ s'est déroulée en France avec Gozulting à la production. Crédit : Gozulting

En février 2020, la finale des Worlds Tours de Dragon Ball FighterZ s’est déroulée en France avec Gozulting a la production. Crédit : Gozulting

À cette époque, on avait vu le Canal Esport Club se planter et personne n’a été capable de leur dire que ça ne marcherait pas. Depuis, le groupe Vivendi n’a pas remis un pied dans le milieu et c’est une perte importante pour le secteur. 

Quand on a monté la boîte, on se disait qu’on allait faire la meilleure entreprise sur de l’événementiel, soit une équipe esport. Pour des questions budgétaires, on a vite compris que l’équipe esport était hors de propos. 

On a aussi été lucide sur la question des recrutements. Dès le début, on était clair sur le fait que les gens avec qui on allait bosser étaient dans le même état d’esprit que nous, des gens qui avancent. C’est un peu comme une agence de talents technique. Demain, si tu veux avoir quelqu’un qui est fort, tu viens chez Gozu.

J’ai entendu parler de Gozulting très tôt et j’ai eu l’impression que vous aviez une certaine notoriété sans chercher à être mis en lumière.

On a jamais fait de communications jusqu’à l’arrivée de Xavier. Au départ, c’était juste Valentin et moi qui nous baladions dans une camionnette pleine de matériels pour faire des projets jusqu’à pas d’heure. On fait beaucoup plus de chiffres aujourd’hui parce qu’on fréquente des influenceurs et notre compte Twitter a grossi. 

Pour une boîte de production, ça n’a aucun sens d’avoir autant de suivi. On a aidé OTP à un moment où il en avait besoin, ça fait partie des choix stratégiques qui ont été bons pour l’entreprise. En interne, on ne se préoccupe pas trop de la notoriété. Il y a des gens très forts chez Gozulting, car on veut durer et si demain on en a marre, on changera d’activité. 

On réfléchit à nos projets comme dans une grande filiale. Un projet qui est accepté chez Gozulting, il va être fait jusqu’au bout, sinon on fait autre chose. Parfois, il y a eu un peu d’arrogance de notre part en laissant penser qu’on était les plus forts, mais on évite de rendre ce genre d’image. Maintenant qu’on a plus d’influence, on doit être vigilant sur notre communication. 

J’ai tendance à être pour la concurrence. C’est grâce à elle qu’on est obligé de donner le meilleur de nous-même. Plus tout le monde est fort sur le marché, plus celui-ci le sera. Je suis pour qu’on bosse tous ensemble, même si cela veut dire que les plus faibles vont en pâtir. C’est une philosophie qui n’est pas au goût de tout le monde. 

C’est aussi la réalité du secteur : beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

Il n’y a pas beaucoup de postes, qu’on le veuille ou non. Chez Gozulting, on doit recevoir un ou deux CV par jour. On est désolé pour eux, mais on ne peut malheureusement pas les embaucher. On doit faire attention à tout, l’ambiance de l’équipe, la qualité de vie au sein du groupe tout en gardant la même direction.

Aujourd’hui, on vit dans une petite utopie et tout va bien. Ce qui est important, c’est qu’on ne se bat pas avec ZQSD Production, Webedia, Ace. Nos concurrents, c’est plutôt Blast, ESL, des entreprises qui gagnent beaucoup plus d’argent que nous et qui représentent un challenge sur plusieurs années. 

L’intégration des petites boîtes dans les grosses se fera peut-être un jour, mais pour le moment, on cherche à être une alternative indépendante pour faire des trucs cool. 

En France, on a énormément de créatifs et de producteurs très forts qui s’exportent à l’étranger. On cherche à exploiter cette force chez Gozulting, en faisant de la qualité française sur le marché français. Quelques-unes de nos productions se sont faites à l’étranger, mais on veut garder les réflexes de production à la française. 

L’ouverture de vos services à d’autres secteurs que le jeu vidéo, ça a été discuté en interne ?

C’est plus le résultat de notre fonctionnement. Jusqu’ici, on n’avait jamais le temps de faire autre chose en dehors du secteur. On ne possède pas de commercial qui démarche pour trouver de nouveaux projets. Les clients viennent nous chercher et c’est un peu une aberration en considérant le fonctionnement du marché. 

C’est un peu la problématique avec Gozulting, on est toujours partant pour de nouveaux projets. On cherche à se diversifier en apportant autre chose à des clients qui se sont habitués à d’énormes budgets. Certaines entreprises possèdent des codes qui ne sont pas les miens, donc je dois chercher à me les approprier. 

On a la chance d’avoir des talents qui aiment travailler avec nous comme Kamel. C’est une chance d’avoir Victor à la réalisation, car il est apprécié par tout le monde dans le milieu en plus d’être très fort. On vend beaucoup à l’image, mais pour produire des événements comme l’UFA, il va nous falloir autre chose. 

Le jour où j’ai envie de faire un projet, je le fais, c’est la force de Gozulting

Aujourd’hui, on arrive à aller dans des boîtes ou des secteurs qui n’ont pas du tout les mêmes budgets que l’esport. Je pense qu’on a atteint le plafond de l’esport français. Désormais, il faudrait que l’on aille chercher les événements internationaux et, l’un dans l’autre, on est un peu battu. Il y a une certaine somme à mettre sur la table et dès que c’est un gros projet, on ne peut pas forcément suivre.

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On essaye de trouver d’autres méthodes de financement, de nouveaux projets. Il y a un vrai challenge de se renouveler dans un secteur qui se réinvente tous les six mois alors que la télévision le fait tous les quinze ans. On ne peut pas se reposer sur nos lauriers. 

Aujourd’hui, c’est quoi l’équilibre entre vos productions et celles pour les clients ? 

On doit faire encore 75 à 80 % de nos contenus en marque blanche, le reste, c’est le nôtre. On a quelques projets comme l’Odyssée, Games of Rôles qui se développent. Tu regardes notre activité au début 2020, c’est du 100-0. C’est quelque chose qui se construit petit à petit. 

Tu parles de Game of Rôles, cette émission, c’est un peu votre laboratoire de production ? 

Oui, Game of Rôles on fait énormément de choses. Comme c’est notre projet, on fait plein d’essais avant de pouvoir le proposer à d’autres. Le principe de Game of Rôles c’est de s’éclater. Tu ne me verras jamais te dire que je n’ai pas envie de faire l’émission, je la trouve vraiment stylée. 

Je reçois souvent des messages de fans qui adorent le contenu et qui aimeraient pouvoir bosser chez Gozulting. C’est gentil, mais on ne recherche pas des gens parce qu’ils aiment ce qu’on fait, mais parce qu’ils ont quelque chose à apporter. C’est le secteur qui n’est pas assez mûr, tout le monde n’est pas taillé pour faire de la production audiovisuelle, c’est pareil pour le journalisme

Gozulting a produit avec France Info l'émission Game of Rôles Les Deux Tours, une tentative ambitieuse de jeu de rôle politique.

Gozulting a produit avec France Info l’émission Game of Rôles Les Deux Tours, une tentative ambitieuse de jeu de rôle politique.

Il faut faire des sacrifices pour tenir dans le secteur et on voit bien qui est capable de les faire. 

Nous, on est content de pouvoir produire tout ce qu’on fait, mais l’objectif, c’est de pouvoir être capable de produire n’importe quel major dans le monde qui viendrait s’installer en France. C’est un vrai challenge et aujourd’hui, on est bien identifié à l’échelle nationale, mais ça ne reste que la France. 

Vous avez la sensation d’un plafond de verre ? 

Oui, mais on ne le ressent pas forcément dans l’activité esport ou dans l’événementiel, car on fait en sorte de l’outrepasser par d’autres choses. Game of Rôles en fait partie, ça nous permet de toujours chercher de nouveaux horizons. Désormais, on a un très grand choix de prestations à disposition et dès qu’un projet nous plaît, on part direct. 

Le jour où j’ai envie de faire un projet, je le fais, c’est la force de Gozulting. On peut faire un projet quitte à ce que cela nous coûte de l’argent, la liberté ça n’a pas de prix. 

Tu as des projets que tu aimerais faire et qui sont inaccessibles aujourd’hui ? 

J’aimerais faire un major Dota 2, mais je ne peux pas le faire. J’aimerais faire quelque chose autour de la coupe du monde de Rugby et je ne peux pas le faire. Faire plus de lives sur la vie IRL ou sur des voyages, c’est encore impossible aujourd’hui. Il y a plein de choses qui peuvent être faites, mais pas au niveau que nous on veut produire. On fait du documentaire, mais je suis bien incapable de produire du contenu de série télévisée. 

J’ai encore des choses à apprendre et je vais pouvoir faire des nouveaux projets. Dans le milieu, nous sommes en perpétuelle évolution jusqu’à ce que Twitch devienne la télé. Je veux dire par là qu’on aura plus de créativité. Pourtant, si j’ai envie de lancer un live de 95 heures, rien ne m’en empêche sur Twitch. C’est ce qui rend impossible l’esport sur la télévision, le système de diffusion par heure n’est pas compatible avec la pratique. 

On a encore des libertés, mais ce qui me dérange, c’est de voir des contenus qui se réapproprient les codes de Twitch sur des propositions de télévision. J’aimerais voir plus d’interactivité, car aujourd’hui, on a vu de la F1, on a vu du foot, et maintenant, à part faire une coupe du monde des streamers ? 

J’espère qu’il vont le faire et que ce sera cool, mais cela devient un peu costaud comme projet. La direction de Twitch et l’effet de communauté, ça rend difficile la rencontre entre différents créateurs. 

Je voulais connaître ton avis sur le climat actuel sur Twitch, car en tant qu’entreprise Gozulting joue un peu le rôle de la Suisse et travaille sans considération pour les tensions entre les communautés. 

Depuis quelque temps, on voit un changement de discours. On n’entend plus parler du tous ensemble sur Twitch, on retrouve plus un effet de chacun chez soi sur sa chaîne. Tu reviens deux ans en arrière, tout le monde bossait ensemble. C’est aussi le résultat de la concurrence du marché. 

Le seul problème à mes yeux, c’est qu’aujourd’hui, on est en train de créer une opposition entre des ultras et des fans. Il y a une polarisation des avis et tout le monde en a conscience. Cela dépasse les créateurs de contenu qui peuvent vouloir faire des choses en collaboration avec d’autres, mais ce n’est pas sûr du tout que cela soit bien reçu par leur communauté. 

Entre le Twitch que l’on a connu il y a quelques années et celui que l’on voit aujourd’hui, il y a eu un énorme lissage du contenu.

Le départ d’Antoine Daniel de Twitter, ça montre aussi combien la toxicité a des impacts lourds sur la santé mentale des créateurs. Exactement comme Hanouna avec ses spectateurs entièrement dévoués à sa cause, on voit le phénomène se produire sur Twitch et il n’y a plus d’espace de discussion entre les communautés. 

Il faut réussir à mettre tout le monde autour de la table pour en discuter, probablement en live, mais aujourd’hui, qui veut prendre le risque de s’attirer les foudres de l’ensemble de la communauté ? 

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Entre le Twitch que l’on a connu il y a quelques années et celui que l’on voit aujourd’hui, il y a eu un énorme lissage du contenu. L’idée de notre côté, c’est d’être capable de sortir un truc cool, mais on n’est pas assez conscient de ce qui est adapté à Twitch ou Youtube, alors tout le monde polisse son contenu. 

Il faut des super événements pour faire grossir le marché et Squeezie et Amine ont mis un coup de pied dans la fourmilière. Cela n’avait pas été anticipé, on ne pensait pas que Twitch pouvait aller aussi haut. 

Cet événementiel, il permet de marquer les esprits, mais jusqu’à quel point ? 

Tu fais quoi après un gros événement ? Un live dans ta chambre, tout le monde t’attend pour le nouvel événement 8.0. Franchement, dans le futur, il suffit que tout le monde se professionnalise et soit patient. Le milieu est trop énergivore et l’enjeu de la bande passante risque de se mêler à tout ça. 

Il faut que tout le monde se mette à bosser et aujourd’hui on s’arrête beaucoup au paraître. Je pars du principe que je travaille pour les autres et je n’ai pas envie d’essayer à tout prix de défendre une réputation. Je suis persuadé qu’il y a plein de choses à faire et bientôt, des jeunes vont arriver et faire la différence dans le milieu. 

Aujourd’hui, Twitch s’apprend à la dure. La plateforme a de l’avenir et tout le monde attendait ce déclic pour permettre de grossir au maximum. 

Il faut un énorme travail de la communauté, évacuer la tension qui s’accumule depuis le Zevent 2021. Il ne faut pas faire peur aux marques entrantes et aux partenaires. Demain, une entreprise qui voit ce qui se passe sur Twitter et Twitch, peut réfléchir à deux fois avant de mettre le pied à l’étrier. S’associer avec un créateur, cela peut vouloir dire se fermer des portes chez d’autres. C’est un vrai danger pour l’avenir du marché. 

On doit être porteur du projet et une boîte de production comme Gozulting doit accompagner les talents comme n’importe quelle marque. Je pense qu’on va aller de plus en plus dans ce sens, car sinon les entreprises ne reviennent pas. 

Vous avez une force chez Gozulting, de pouvoir mobiliser l’identité des origines de Twitch et le savoir-faire accumulé pour être un accompagnateur qui parle avec de l’expérience.

En France et en Espagne, on a une création de contenu qui n’a rien à voir avec ce qu’on voit aux USA. L’événementiel est vraiment très fort en France et le marché français est surtout tourné vers les talents. Les marques ont conscience de ça et elles ne peuvent pas être uniquement dépendantes de personnalité. Aujourd’hui, que ce soit l’esport ou autre, aucun événement ne parvient à vivre sans s’affilier à des influenceurs. 

L’apparition dans la LFL d’équipes tenues par des influenceurs, ce n’est pas un hasard, c’est eux qui ramènent l’audience. 

Le streaming français a encore ces racines indépendantes et ne possède pas un budget lui permettant d’assumer complètement la prise de risque. Il faut chercher des acteurs non-endémiques qui sont capables de suivre le rythme pour financer cette évolution. 

Le Karmine Corp Experience ou KCX2 a été un rendez-vous majeur en 2022 pour les fans du club. À la production de cet événement phare de l'esport en France : Gozulting

Le Karmine Corp Experience ou KCX2 a été un rendez-vous majeur en 2022 pour les fans du club. À la production de cet événement phare de l’esport en France : Gozulting

Des projets très intéressants se développent et des millions de vues sont à attendre, après est-ce que cela va dans la direction que tout le monde veut ? J’espère qu’il n’y aura pas trop de déçus, mais il reste pas mal d’indicateurs qui montrent qu’il reste encore de belles années devant nous. Enfin, en relativisant, car on le voit aujourd’hui avec Twitter, tout peut changer en quelques semaines. 

Comment est-ce que tu perçois le travail de collègues d’autres boîtes de production ? 

Pour créer des concepts, Amine est très fort et trouve des solutions pour créer du lien avec la communauté. Du côté de l’esport, OTP fait très bien vivre la compétition en parlant à des gens sans forcément être dans un esport costard cravate. Les décors de ZQSD Production sont incroyables, l’ESL c’est une énorme machine qui fait de belles choses à l’international même si ça reste très fade. 

Webedia sort des budgets conséquents et habille de mieux en mieux ses plateaux. Il y a un véritable progrès de leur côté pour apporter de la réalisation et des concepts sur leur émission. 

C’est important de continuer à réinventer nos projets. Quand MisterMV fait Speedons, il réadapte un format américain à la française. Quand ZeratoR fait la ZLAN, qu’on le veuille ou non, c’est un concept qui est 100 % original et qui matche parfaitement avec la communauté. 

Il faut continuer à creuser ces concepts qui sont entièrement tournés vers la communauté. 

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Le savoir-faire Gozultien

En cinq ans seulement, Gozulting a très largement marqué l’esport et le streaming français. 

Lancée sur de plus petits contrats, l’entreprise est aujourd’hui une machine capable de produire l’imaginaire de beaucoup de créateurs. Les plateaux compétitifs ou de divertissements produits par Gozulting ont une véritable marque de fabrique, une identité sincère qui se démarque d’un modèle plus homogène.  

On ne peut pas résumer cet échange au seul entretien sur l’entreprise, car notre discussion a longuement porté sur l’état de santé du streaming français. La crise rencontrée actuellement nécessite une réponse de tous les acteurs, créateurs comme spectateurs. En prenant à bras-le-corps les enjeux liés à l’identité des communautés, c’est la question de la toxicité qui est traitée.

Elle est omniprésente, un véritable marronnier du net, mais l’accentuation très forte du nombre de spectateurs de la plateforme a changé la donne sur Twitch. Désormais, ces questions doivent être réfléchies en profondeur, pour le bien de la santé des créateurs et du secteur. 

Gozulting est l’une des entreprises qui parvient encore à créer du lien entre les individus. À réunir les fans d’une communauté, les créateurs dans un même élan. Le streaming français a ce quelque chose de singulier, dont il faut prendre soin.

Je n’ai aucun doute concernant la décennie qui s’ouvre devant nous. Elle sera celle qui marquera un tournant majeur pour Twitch et pour le streaming français, en bien ou en mal. 

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