Depuis plusieurs mois maintenant, la lutte contre la réforme des retraite fait rage et des millions de citoyens, comme vous, moi ou encore Artillerie, s’opposent à cette dernière. De l’autre coté, le gouvernement compte bien la faire passer quand même. S’en est alors suivi une contestation record, tant dans son nombre de participants que sa longévité.
A priori, cette réforme des retraites n’a rien à voir avec le jeu vidéo. Eh bien, ce n’est pas tout à fait vrai ! En effet, il y a plusieurs points qu’il est important de souligner. Déjà, comme tous les travailleurs, ceux du jeu vidéo vont aussi être impactés par cette réforme.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que des syndicats spécialisés comme le STJV prennent la décision de participer à ces manifestations. L’autre point qui va nous intéresser, c’est que des personnalités du streaming et du jeu vidéo se sont dernièrement engagées contre la réforme.
Eux qui sont habituellement réticents à s’engager sur des sujets politiques ont décidé de sauter le pas. J’ai rencontré Artillerie qui a la particularité d’avoir une multitude de casquettes. Journaliste, elle traite souvent de la culture web et de Twitch.
Elle est aussi streameuse et a sa propre chaîne sur laquelle elle n’hésite pas à exprimer ses propres opinions. Elle a aussi participé à une caisse de grève qui a pour but de financer ceux qui sacrifient des journées de travail pour lutter contre cette réforme. En bref, Artillerie me semblait être la bonne personne à aller questionner.
Ensemble, nous sommes revenus sur son parcours, son arrivée sur Twitch, le Piquet de stream, les influenceurs qui prennent position vis-à-vis de la réforme ou bien encore sa vision de la politique sur internet par la télévision. Une interview très riche que je vous propose de découvrir plus en détail dans la suite de cet article.
Salut Artillerie, est-ce que tu pourrais te présenter et nous en dire plus sur tes activités ?
Salut, je m’appelle Artoise, mais les gens sur internet me connaissent sous le pseudo d’Artillerie ou bien Artillerie Lourde, le nom de ma chaîne Twitch. J’ai 24 ans, l’une de mes nombreuses activités, celle qui me tient le plus à cœur, c’est d’être journaliste.
Je travaille comme indépendante avec plusieurs médias, même si là je travaille beaucoup avec Konbini. Je m’intéresse beaucoup à la création de contenu et surtout celle sur Twitch avec l’économie des créateurs de contenus. Je vais faire ça surtout lorsque je travaille avec des rédactions.
Je voulais aussi mêler mon activité de journaliste à celle du stream. Dans ce cas de figure, la ligne éditoriale est beaucoup plus large, car je vais avoir un parti pris plus grand. Je parle de tous les sujets qui m’intéressent et sur lesquels j’ai envie de discuter avec ma communauté.
Ça peut être à la fois la création de contenu, les influenceurs et aussi tout ce qui va toucher aux droits des femmes et des minorités. J’ai souvent des parti pris très engagés, car je milite aussi beaucoup sur ces sujets et je sais que sur Twitch j’ai cette liberté.
Comment t’es venue cette idée de te lancer sur Twitch ?
J’ai voulu devenir journaliste parce que je n’appréciais pas la manière dont on faisait ce métier. Dans la télévision principalement, mais aussi dans les grands médias. Je trouvais que les sujets étaient mal traités ou que c’était beaucoup tourné sur le sensationnel. Je ne me retrouvais pas dans la façon dont l’information était traitée et j’avais l’impression de ne pas être la seule.
J’avais cette impression que les gens de ma génération ne se retrouvaient pas dans ce traitement de l’information. Aujourd’hui tu allumes la télévision sur une chaîne comme BFM TV, tu as envie de péter un câble en 5 minutes. Ça va toujours dans le même sens, trop peu de contradictoire et puis en tant que jeune on se sent super méprisés par les plateau télé de manière générale.
En plus moi politiquement je suis de gauche et j’ai l’impression que les médias ont beaucoup participé à la montée de l’extrême droite en France. A partir de là, on comprend la méfiance des gens vis-à-vis des journalistes. En plus, j’avais cette envie de parler, d’aller au contact des gens et transmettre des idées en faisant autrement que ce qui a l’air d’être la norme en vigueur.
J’ai eu l’opportunité de faire des études à Lyon 2 en préparant un master de journalisme orienté innovation. Rapidement, la plateforme Twitch est apparue comme une évidence. En plus à cette époque, Samuel Etienne se lançait et on commençait à se dire qu’il y avait un terrain à prendre sur Twitch pour les journalistes.
Pendant 2 ans j’ai étudié Twitch d’un point de vue universitaire, j’ai fait un mémoire sur la montée du journalisme sur la plateforme. Ce qui en a découlé, c’est que quand j’ai fini mes études, je n’avais qu’une envie, c’était de faire ce que j’avais étudié pendant plusieurs années.
Tu traites beaucoup de sujets engagés, tu peux nous en dire plus ?
J’ai terminé mes études en juin 2022 et en septembre je me suis mise sérieusement à Twitch avec cette idée d’être libre de toute pression éditoriale. Finalement, je différencie bien mon travail sur Twitch de celui dans une rédaction.
Ma posture de journaliste n’est pas du tout la même et les gens l’ont bien comprise. Au final, il n’y a jamais vraiment de conflit, car je défini bien cette posture suivant si je travaille pour un média ou pour Twitch.
Je crois que les journalistes ont quelque chose à apporter sur Twitch, notamment via leur esprit critique. Moi bien sûr, quand je traite l’information j’ai un biais qui vient de mes valeurs. Pour autant, je ne déforme pas la réalité pour qu’elle aille dans mon sens.
Je vais certes lire des articles et de médias qui m’intéressent, mais ça arrive souvent qu’on aille voir ce qu’il se passe du côté de ceux qu’on critique. On essaye d’avoir cette critique des médias qui m’intéresse beaucoup pour la rapprocher de mes valeurs.
Souvent on a tendance à qualifier ça de journalisme militant. Moi ça ne me dérange pas qu’on me dise que c’est ce que je fais. Pour moi c’est pas du tout un gros mot, c’est porter des idées qui sont importantes pour moi. Mon intérêt, c’est vraiment d’éclairer sur des sujets d’injustice sociale, de droit des femmes et d’essayer d’ouvrir le regard de mon public à ces sujets.
C’est important l’impact que l’on peut avoir sur Twitch qui ailleurs soit n’existe pas, soit n’a pas cette ampleur là. C’est pour ça que pour moi, Twitch, il y a quelque chose à prendre pour proposer quelque chose de nouveau en termes de journalisme.
Le live est lancé gros programme aujourd'hui :
— 🔥Artillerie🔥 (@ArtillerieTV) April 6, 2023
– La grève & Internet
– Le gouvernement en roue libre
– Le harcèment de Lucile
– On suit la mobilisation
Petit react à la fin 💫https://t.co/jhDmEfEY9S pic.twitter.com/n8XjMeX7La
Est-ce que Twitch ne serait pas la plateforme “idéale” pour faire du journalisme militant ? On a l’impression que sur des plateaux de télévision, les personnes militantes ont justement beaucoup de mal à dérouler leurs arguments et leur pensée sans se faire interrompre.
Il y a plusieurs points à voir. Le premier, c’est quand on regarde qui possède les médias à la télévision, ce n’est que des personnalités d’extrême droite ou des magnats de médias. Forcément, le traitement journalistique, il n’a plus de pluralisme à la télévision ou alors très peu.
Je ne sais pas si Twitch est la plateforme idéale, mais ce qu’il en est c’est que les fonctionnalités qu’elle propose comme la possibilité de pouvoir dérouler ses arguments sont intéressantes. C’est un peu ce qu’avait pu expérimenter Samuel Etienne et ça lui avait beaucoup plu, même si lui est beaucoup plus neutre en termes de posture bien qu’il ait récemment déclaré ne pas vouloir inviter de personnalité d’extrême droite dans l’émission C à vous (ndlr ; Samuel Etienne avait pourtant tenté d’inviter Marine Le Pen sur sa chaîne Twitch)
À la télévision, on a 5 minutes pour parler d’un sujet. Si sur Twitch j’ai envie de prendre 2 heures pour le même sujet, je prend ces 2 heures. Pour ce qui est de dérouler des arguments c’est mieux, mais ça offre aussi la possibilité de tout explorer. On n’est pas obligé de se concentrer sur un angle précis comme peuvent le faire la télévision, la radio et même beaucoup de journaux.
Car avec cette façon de faire, on peut même arriver parfois à faire dire l’inverse de ce que l’on voulait montrer. Pour avoir fait un peu de télévision, même quand tu es bien intentionnée, tu peux parfois te prendre à ton propre jeu, tu as moins le temps de rentrer dans le fond du sujet et au final c’est assez pauvre en termes d’informations.
En plus de cela, quand tu as une ligne éditoriale qui se veut assez neutre, c’est parfois difficile de respecter ses propres valeurs. C’est encore plus vrai quand on sait que le propriétaire va aussi avoir sa ligne avec ses propres biais.
Oui, tu as une ligne éditoriale des médias que tu vas être obligée de suivre, au moins dans une certaine mesure.
C’est ça en fait ! Forcément les militants et plus largement la gauche ont beaucoup de mal à aller sur les médias. Ils savent qu’ils sont invités pour faire “image” de pluralisme, mais à aucun moment on ne leur laisse vraiment la parole ou le temps de dérouler leurs arguments.
Moi, il y a quelque chose qui m’agace énormément à la télévision. C’est que même si je vois qu’il y a une personnalité qui m’intéresse qui est invitée, elle va à peine prendre la parole qu’on va lui couper. Du coup, il n’y a pas d’échanges, et pour moi, c’est complètement vide.
Je trouve que ça n’a aucun intérêt quand tu cherches vraiment à entrer dans le fond des sujets. C’est pour ça que je pense que les sujets qui sont à la recherche de sujets profonds se retrouvent sur Twitch.
J’ai par exemple beaucoup parlé de ce qui s’était passé à Sainte Soline. Quand je vois comment les médias en ont parlé, que ce soit des manifestations ou des violences policières, les gens en ont marre qu’on leur serve de l’information prête à consommer qui n’apporte rien.
Ils vont donc chercher quelque chose de différent sur Twitch. Sur la plateforme les journalistes et commentateurs de gauche sont assez présents. Je pense qu’on s’adresse à un public assez niche, mais je pense qu’on peut à l’avenir prendre un créneau auprès de personnes qui ne sont pas dans cette niche.
En conférence de presse ou sur les plateaux télé, le ministre de l’Intérieur @GDarmanin enchaine les mensonges et les approximations depuis une semaine. La preuve en 5 exemples. pic.twitter.com/hEHxxKAaak
— Loopsider (@Loopsidernews) March 29, 2023
Ça fait écho à l’actualité récente où l’on apprenait que sur BFM TV par exemple, l’utilisation du terme “violence policière” aurait été interdit par la direction.
Pour moi, ça relève d’une grande hypocrisie parce que les violences policières aujourd’hui, soit on les reconnait, soit on les reconnaît pas, mais on sait qu’elles existent ! On a l’impression qu’on a un intérêt à ne pas les reconnaitre pour certains.
Quand on met un membre du gouvernement face à des preuves vidéos, ils ne peuvent pas l’assumer, alors qu’ils en sont conscients. Je pense que les gens en ont marre de cette hypocrisie là et ils en ont marre qu’on les prenne pour des cons.
L’un des exemples récents, c’est la réponse de Gérald Darmanin à une question posée à l’Assemblée Nationale. Celle-ci portait sur 3 jeunes femmes qui ont porté plainte pour agressions sexuelles venant de policier lors d’une manifestation à Nantes. Le ministre n’a alors pas eu un mot pour elles, esquivant la question et félicitant les forces de l’ordre.
Ce genre de réaction, c’est un véritable aveu de faiblesse de leur part ! Malgré les vidéos, ils ont des ordres pour traiter l’information avec de tels éléments de langage. Parmi les victimes et plus globalement les manifestants, on retrouve beaucoup de personnes qui n’avaient jamais manifesté avant et qui n’avaient donc jamais expérimenté les violences policières.
Malheureusement, ce n’est pas un phénomène nouveau. Dans les banlieues, ça fait une décennie que c’est dénoncé par exemple. Mais aujourd’hui, c’est plus visible, on a encore intensifié la répression. Des gens qui n’avaient jamais manifesté et donc jamais vraiment pris parti pour ce sujet se sont retrouvés nez à nez avec cette violence. Forcément, il y a donc de plus en plus de gens qui se réveillent sur ce sujet.
Ça commence à faire quelques années qu’ils se rendent compte qu’avec tout ce qui se passe du point de vue sociétal, le gouvernement les prend pour des cons. Forcément, au bout d’un moment, ça ne fonctionne plus.
Ca s’est accéléré maintenant que l’on a accès à encore plus d’informations et on peut constater que ce qui est dit à la télévision relève parfois du mensonge. D’ailleurs, c’est très grave qu’ils aient autant de liberté là-dessus. Je me demande ce que fait l’Arcom parce que c’est carrément de la désinformation, de la manipulation, et on en a des preuves concrètes !
🔴 #QAG : J’ai interrogé @GDarmanin sur des #VSS commises par des policiers lors d’une mobilisation contre la #ReformeDesRetraites à #Nantes, lui demandant de les suspendre pendant l’enquête de l’IGPN.
— Andy Kerbrat🔻 (@AndyKerbrat) March 21, 2023
En toute indignité, il salue leur courage sans aucun mot pour les victimes ! pic.twitter.com/t3LABkSXcf
Restons sur le thème de la violence, mais en prenant cette fois ta situation. Artillerie, tu fais du journalisme militant et on le sait, ça expose aux critiques, parfois violentes. Tu as été victime de plusieurs vagues de haine sur les réseaux sociaux. Comment dans ces moments difficiles, on arrive à trouver le moyen de se dire ça vaut quand même le coup ?
Je vais prendre comme exemple la dernière attaque que j’ai subie, quand j’ai fait la vidéo pour Konbini. Ce n’était pas dans le cadre de mon travail journalistique, mais ça restait quand même une démarche militante.
Avant la publication de la vidéo, on s’y attendait parce que tu abordes ce type de sujet qui est, je le regrette, très clivant. En plus, tu le fais sur Konbini, un média lui aussi clivant. Après là où on a été étonné c’est devant l’ampleur que ça a pris.
Moi ce qui m’a fait tenir et m’a fait comprendre que j’avais bien fait de témoigner, c’est les dizaines de message que j’ai reçu. C’étaient soit des messages de soutien, soit des personnes qui me demandaient des conseils. J’avais vraiment ouvert une brèche et elles se reconnaissaient en moi.
Je savais que j’avais été utile pour elles et même si une seule personne m’avait écrit, ça aurait valu le coup. Mon but était de diffuser une information assez peu claire et difficile à trouver, alors que c’est pour moi nécessaire et essentiel.
Ensuite, il faut relativiser parce que les attaques ont été très violentes, notamment sur Twitter. Par contre, elles se sont limitées au post en question, il y a peut être eu 2 personnes qui sont arrivées dans mes DM pour m’insulter par exemple.
C’est très minime et comme ça fait longtemps que je suis sur les réseaux sociaux, je n’en suis pas à mon premier message insultant. En plus, je suis une femme, donc évidemment ça arrive souvent. En vrai, je pense que j’ai une force, c’est que ça ne m’atteint pas mentalement.
Après peut-être que cela vient aussi que je n’ai pas une immense communauté. Si j’avais des centaines de milliers d’abonnés, je ne sais pas comment je réagirais face à tout cela. En tout cas, en l’état c’est gérable et puis sur internet tout va vite. En 48h tout le monde avait oublié.
Finalement, ça ne me dérange pas et je me dis que si je peux faire pleurer l’extrême droite c’est que j’ai touché un sujet sensible. Après, ce genre d’événement amène du débat, même s’il ne fait pas toujours plaisir. Certains médias utilisaient par exemple ça sous l’angle du grand remplacement car les blanches ne font plus d’enfants.
Mais en parallèle, ça a aussi permis d’ouvrir le débat sur la question du désir de fertilité. J’ai eu pas mal de médias qui m’ont demandé de participer à ces questionnements. Donc voila, je relativise en disant que ce que je fais ne plaît pas à certaines personnes, mais que je ne cherche de tout façon pas à les convaincre.
Après il faut quand même se protéger et comme je suis journaliste, mon identité est publique. Sur mon stream, j’ai une équipe de modérateur qui est attentive. Je suis aussi assez protégée sur mes différents réseaux sociaux.
Est-ce qu’à côté de cela, il n’y a pas un sentiment de lassitude voire de colère quand on voit la violence de certaines campagnes de harcèlement, ou pire ? Comme avec l’affaire FRDETER où on peut avoir l’impression que peu de sanctions sont prises pour protéger les personnes visées.
Quand tu vois que le ministre de l’intérieur caresse l’extrême droite dans le sens du poil, c’est normal qu’ils se sentent tout puissants. Pour le canal Telegram dont tu me parles, j’avais bien vérifié parce que je m’étais dis qu’à tous les coups c’est possible que j’y sois.
Finalement, ce n’était pas le cas, mais on n’est jamais à l’abri que ça arrive ! Oui, ça fait flipper parce que c’est des gens qui sont prêt a te doxxer (ndlr : le fait de révéler des information personnelles, une adresse par exemple) ou à venir te menacer physiquement. Ce sont des gens extrêmement violents.
Ça me fait “rire” quand on compare l’extrême gauche et l’extrême droite, alors que d’un côté tu as des mecs qui arrivent armés avec des couteaux et de l’autre tu as des gens qui vont en manifestation avec des masques et des gants.
Après, encore une fois quand tu t’engages dans ce genre de lutte, il faut être vigilant. Moi je suis encore à un niveau où ça va. En plus je suis blanche donc j’ai moins de risque que d’autres militants, même si, précisons-le, je trouve ça scandaleux.
Ce qui est terrible aujourd’hui, c’est que c’est une situation un peu similaire à une femme qui va porter plainte pour viol, je ne crois pas du tout en nos instances judiciaires. Si ça arrive, il faut avoir du soutien et ne pas hésiter à se tourner vers des groupes créés pour ça. Justement, sur Twitch, j’ai une grosse équipe de femmes streameuses avec qui je suis extrêmement soudée. Du coup, au moindre problème on ne se sent pas seule et on peut échanger là-dessus.
Mais oui, c’est une peur constante et c’est terrible. On a ce sentiment d’impuissance qui est extrêmement frustrant, mais je pense que moi ça me motive à ne pas lâcher parce que ce serait un aveu de faiblesse. Ca voudrait dire qu’ils ont gagné alors qu’il est hors de question que ce genre de personne puisse un jour penser avoir réussi ça.
Après, peut-être que je ne suis pas la plus optimiste à ce niveau-là parce que je pense que c’est trop tard au niveau politique avec l’extrême droite qui pourrait prochainement arriver au pouvoir. Après, s’il faut qu’on passe par là pour mieux pouvoir les rejeter, je le ferai.
Ce combat, c’est le combat d’une vie. Je ne suis pas sûr qu’en tant que militante je puisse me dire un jour “Ah bah ca y est, les femmes et les minorités sont tranquilles”. Par contre être trop dans le fatalisme, c’est leur avouer qu’ils ont gagné, et rien que pour ça, je ne m’arrêterais jamais.
On a l’impression que depuis la réforme des retraites et notamment le 49.3, on a de plus en plus de streamers et influenceurs qui prennent position politiquement vis-à-vis de cette loi. Avant ils avaient tendance à ne pas le faire, préférant “ne pas se mouiller” politiquement. Est-ce que c’est quelque chose que tu as pu toi aussi remarquer Artillerie ?
Par rapport aux influenceurs, je pense que ça reste à relativiser dans le sens où il y a eu un effet d’emballement. De gros influenceurs qu’on n’avait jamais vu prendre la parole ont fait une story sur le sujet. Finalement, ceux qui se sont le plus mobilisés, ça reste ceux qu’on avait déjà identifiés et qui avaient déjà pris position à plusieurs moments.
Je pense qu’il y a aussi eu un effet en cascade. A partir du moment où il y a un influenceur qui a pris le temps de faire une story et de dénoncer le 49.3, il y a eu une espèce de désinhibition où ils se sont dit, si un tel l’a fait, alors c’est bon moi aussi je peux prendre le risque.
Après ça va être intéressant de voir si ça continue parce que la lutte, elle ne fait que commencer. Je pense qu’on est partis sur des mois et des mois de galère avant que ça bouge, si c’est le cas un jour.
Même si je pense que c’est donc à relativiser, c’est quand même intéressant et ça montre quelque chose. Oui, aujourd’hui la politique est un sujet clivant et beaucoup ne veulent pas se mouiller, soit parce qu’ils n’y connaissent pas grand-chose à la politique, ou que leurs agences leur déconseillent.
Sauf qu’aujourd’hui, la réforme des retraites ce n’est pas un sujet clivant. A part une partie des retraités et des gens qui défendent Emmanuel Macron corps et âme, personne ne veut de cette réforme. Pour m’être intéressée aux profils en manifestation, il y avait de tout et même des gens qui viennent d’école de commerce, qui travaillent dans le marketing.
Des gens qui ne manifestent pas habituellement, mais venaient parce que cette réforme est politique, mais surtout sociale. Peu importe ton bord politique, à moins que tu sois un ultra riche, tu te fais avoir. En faisant ça, Macron s’est mis tout le monde à dos si ce n’est les financiers.
Du coup, au final, ces influenceurs ont peut être compris qu’ils ne prenaient pas autant de risques parce que ce n’était pas un sujet qui allait cliver. La preuve, il y a d’autres sujets qui font beaucoup parler et où ils ont bien moins pris position. Ces prises de positions au final, elles rappellent aussi que ce sont des êtres humains.
Malgré leurs privilèges de YouTuber, ou plus généralement d’influenceurs, ce sont des gens comme tout le monde avec des familles qui vont être impactées par cette réforme. C’est cette émotion là qui va transparaître dans leurs réactions plus qu’une analyse de la réforme en elle-même.
Je pense que c’est ça qui les a poussé à réagir, de se rendre compte que tout le monde est touché et que ça dépasse le simple clivage politique. A voir si ça continue, mais je ne suis pas sûr qu’on aura d’autres prises de position à l’avenir, même si ce n’est que mon avis. Si j’ai tort, je serai la première ravie que des influenceurs très influents prennent ce rôle à cœur et s’investissent plus à l’avenir.
Tours, on est là. pic.twitter.com/SmPscxeu0B
— Benjamin Brillaud (@NotaBeneMovies) March 23, 2023
Est-ce que ce genre d’initiative ne peut pas passer par des émissions comme Backseat où lors de la première saison des influenceurs étaient invités à discuter politique ? En début d’interview, ils étaient hésitants, puis finalement, on voyait qu’ils arrivaient à dérouler une pensée politique.
Ah oui, clairement ! D’ailleurs je suis extrêmement attristée qu’ils aient arrêté. Je ne sais pas pourquoi il ne le fait plus, mais pour moi c’était une excellente idée. D’ailleurs, dans ces interviews on se rendait compte qu’ils avaient des idées. D’ailleurs, ce sont des êtres humains, ils pensent, ils ont des idées, donc bien sûr qu’ils ont des orientations politiques.
L’émission le transcrivait bien et je pense que le fait que ce soit Jean Massiet qui les interroge ça y jouait. Ça les rassurait, peut-être que sur des plateaux télé ils n’auraient pas forcément tenu les mêmes discours.
Ils étaient dans une sortie de confidence et on comprenait qu’ils pouvaient par exemple être révoltés par ce qui se passait. Sur certains sujets politiques complexes, ils avaient des idées, donc oui c’était vraiment très intéressant et ça serait bien que ça se développe davantage. Après à voir la forme que ça pourrait prendre, mais je pense que c’était une excellente idée. En plus, je pense que le public Twitch est assez friand de ce genre de contenu. D’ailleurs, on l’a vu, ça marche très bien Backseat.
J’aimerais qu’on parle de la télévision qui s’intéresse à ces mouvements et plus globalement à ceux de la jeunesse. On a pu y voir pas mal de traitements où les journalistes ne s’intéressaient qu’à la forme et avaient des attitudes moqueuses, sans s’intéresser une seconde au fond et aux revendications avec un sentiment de déconnexion total. On pense par exemple au traitement honteux de cette vidéo de Polska et Tootatis en manifestation.
En vrai tu as tout dit en parlant de déconnexion parce que c’est la réalité. En plus c’est des chaînes qui sont “vieille école”. On est dans des archétypes et des schémas qui sont très hétéronormés et patriarcaux. Je pense qu’on l’a assez bien vu avec Quotidien, mais aussi BFMTV quand ils ont invité ces deux femmes.
Il y a aussi ce mépris pour la jeunesse. On est vus comme des crétins qui ne savent rien, mais qui sont en colère. Comme si on était né en colère et qu’on l’était toute notre jeunesse pour aucune raison. Ce mépris, il prouve aussi je pense qu’ils ont peur de notre engagement.
C’est comme pour le gouvernement qui a peur de la jeunesse. C’est l’une des raisons pour lesquelles on se fait autant taper dessus en manifestations. Pour revenir aux médias, il y a cette incompréhension parce que nous on n’a pas eu besoin d’eux pour se faire entendre de la manière dont on a envie.
On n’a pas eu besoin de leur approbation pour notre manière de militer, ni même pour gagner de l’argent de cette manière avec Twitch par exemple. Finalement, je pense qu’il y a pas mal de jalousie. Ils considèrent que les influenceurs c’est un sous-métier, que nos idées sont des sous-idées parce qu’on a pas assez d’expérience.
Ce qui est bien sûr totalement faux. Il suffit de voir des jeunes qui s’expriment sur cette réforme comme Manes Nadel. Il a 15 ans et pourtant il connaît 10 fois mieux le sujets que certaines personnes qui vont être invitées à débattre sur les plateaux de télévision. Je suis désolée, c’est peut être un peu hautain, mais je pense que l’on est supérieur a eux là-dessus et que c’est ce qui entraîne le mépris.
Aujourd’hui, les grands médias sont en perte de vitesse. L’audience est en train de vieillir, et la jeunesse ça ne l’intéresse pas de prendre la suite. Quand on s’intéresse aux jeunes, personne ne regarde la télé et ça se comprend. On n’est pas représenté et quand c’est le cas, on nous fait passer pour des crétins qui ne comprennent rien. Finalement le traitement qui a été réservé à Tootatis et Polska, c’est un reflet de tout ça avec en plus un fond de système et de misogynie.
Ce sont deux personnes qui gagnent leur argent avec leur influence et qui en jouent. Je pense à leur slogan “Les formes contre la réforme”. On essaye de nous faire croire que c’est débile, mais c’est faux. Cette communication fonctionne et elles jouent là-dessus. Du coup, pour la télévision elles sont un peu “connes”, alors qu’elles savent parfaitement ce qu’elles font.
Les influenceuses Polska et Tootatis ont manifesté place de la République à Paris. Et elles avaient leur propre slogan 📢#Quotidien pic.twitter.com/6vGlduO8tg
— Quotidien (@Qofficiel) March 24, 2023
Est-ce que tout ça n’est pas aussi lié à l’image de Twitch ou Instagram qui n’ont pas évolué dans la tête de la télévision, où l’on considère le contenu de ces plateformes comme abrutissant ? On en a eu un exemple récent avec le “manque d’hygiène” d’Alain Duhamel.
A chaque fois je me dis qu’on dénonce ça depuis des années, que « non » ce n’est pas une plateforme abrutissante, que ça a fait ses preuves, qu’il y a plein de contenu sérieux, de vulgarisation. En fait, j’ai l’impression qu’ils ne veulent pas sortir de leur bulle et je pense qu’ils le font un peu exprès, ou alors ils sont sacrément bêtes.
Je veux dire, on est en 2023, internet ça fait un moment que ça existe. Ça fait un moment que l’on dit que jouer aux jeux vidéo peut être un métier et que les streamers ne sont pas que des crétins en slip devant un ordinateur. Il y a cette stigmatisation parce que la télévision et les gens issus de celle-ci ne veulent pas reconnaître que leur média, c’est du passé.
Ils ne veulent pas reconnaître qu’ils valent autant que des émissions sur internet. C’est pour ça qu’ils sont dans le rejet, parce que plus que de l’incompréhension, ils n’ont pas envie spécialement de faire l’effort de chercher à comprendre. Quand tu vois la réplique d’Alain Duhamel, tu te demandes s’il a une fois ouvert Twitch de sa vie.
Le pire, c’est ça, c’est qu’ils ne savent même pas de quoi il est question parce qu’ils ne veulent pas essayer. Ils sont dans un mépris total et on peut même aller plus loin et dire que si ces gens sont pour la réforme, c’est qu’ils ont eu leur confort de vie. Ils ont eu tout ce qu’il fallait pour eux au bon moment et quand on leur dit qu’on galère, ils nous traitent de flemmards et de menteurs.
Sauf qu’eux n’ont jamais été dans ces galères, et au final, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité. Moi, ça ne me donne même pas envie de participer et de chercher à leur expliquer, parce qu’ils ne veulent pas chercher à comprendre. Du coup, je pense qu’il faut faire sans eux car je pense qu’ils ont plus besoin de nous que nous avons besoin d’eux.
Aujourd’hui, il y a de plus en plus de médias qui s’intéressent à Twitch, qui prennent en compte la parole de personnes issues de ce milieu. Sauf que ce sont encore majoritairement des médias en ligne, alors qu’à la télévision, ce genre d’initiative est encore rare.
Y. Barthès : "Vous savez qu'il y a des show politiques sur Twitch ?"
— Canard_Ticho (@Canard_Ticho) April 4, 2023
A. Duhamel : "Oui je sais mais je ne les regarde pas"
Y. Barthès : "Pourquoi ?"
A. Duhamel : "Par hygiène"
Merci @JeanMassiet @UsulduFutur @ChamboncelLea @SamuelEtienne @Clemovitch de vous salir pour nous. pic.twitter.com/XL12vzCAo2
Est-ce qu’il n’y a pas quand même un motif d’espoir quand on voit certaines émissions invitant des commentateurs politiques du net ? On a vu C à vous avec Jean Massiet, ou encore C ce soir qui avait invité Léa Chamboncel.
En vrai si, et heureusement parce que sinon on ne serait pas dans la merde ! Mais tu vois, les émissions en question, ça ne reste pas les plus vues, les plus connues. Ce sont des émissions qui sont en général un peu précurseuses dans ce domaine et ça fait plaisir.
Sauf que moi, je me dirai qu’on a vraiment réussi quelque chose le jour où des chaînes comme BFMTV ou autre, avec une très forte audience, feront la même chose. Pour l’instant, c’est pas le cas ; ou quand ils le font c’est très mal fait. Souvent, plutôt que d’engager des gens spécialisés, ils vont prendre leur salarié un peu spécialisé tech.
Après, pour l’instant ils n’ont pas besoin de ça car ils continuent d’avoir de l’audience, à vivre comme ça. Donc oui, il y a un motif d’espoir, mais je pense que de toute manière l’avenir n’est pas à la télé. Je pense que l’enjeu c’est donc de ramener le public de la télévision sur internet.
Le gouvernement cherche à imposer une narrative qui consiste à nier les violences policières et à nier le déni de démocratie pic.twitter.com/8rFGSgkop6
— Léa Chamboncel (@ChamboncelLea) April 6, 2023
Ce qui fait une superbe transition pour parler des initiatives Twitch en termes de politique et de grève. Toi, Artillerie, tu en connais bien une, le Piquet de stream. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur l’idée derrière et sa création ?
Piquet de stream, c’est hyper simple ! C’est une initiative qu’on a monté en quelques jours, pour ne pas dire quelques heures. On a vu que le mouvement contre la réforme allait prendre de l’ampleur.
Ça a démarré avec une streameuse, Yukaino, qui s’est dit qu’il serait possible de relancer une sorte de Recondustream en lien avec cette réforme. En fait, on n’a rien inventé. De mon côté j’ai vu Klitchnorris, un streamer avec qui je m’entends bien dire qu’il était partant.
J’ai donc rejoint l’initiative au tout début parce que depuis que je m’étais lancé dans le streaming, j’avais envie de mettre à profit mon activité de streameuse pour montrer qu’on peut aussi participer d’une autre manière à la mobilisation.
On a monté ça avec une équipe technique formidable et les contacts qu’on avait à la CGT pour ouvrir une caisse dans leur propre caisse de solidarité. Après, pendant deux mois quasiment non-stop, on a proposé des streams. N’importe quel streamer pouvait rejoindre l’initiative et proposer des diffusions en rapport avec la réforme, ou pas.
Ca pouvait être en solo ou à plusieurs, c’était très libre. Le but c’était vraiment juste de mettre à profit notre activité pour soutenir les grèves. A titre personnel, je sais que les manifestations c’est hyper important dans la mobilisation, mais ça ne suffit plus.
Avec tout ce qui se passe dans la rue, il y a beaucoup de gens qui n’ont pas les moyens ou ont peur d’aller dans la rue. Pour lever cette sensation, le Piquet de stream c’était aussi dire que ce n’était pas grave de ne pas aller en manifestation, que tu pouvais la soutenir autrement en étant présent sur le stream, en faisant des dons, en relayant la cagnotte ou même simplement en parlant de l’initiative.
Ça a marché parce qu’au bout de deux mois, pas mal de médias, même en dehors de la France, ont parlé de nous. Au moment du 49.3, le moment où l’on a décidé de faire muter l’initiative, car on ne tenait entre autre plus la cadence, les gros streamers comme Antoine Daniel ont relancé la cagnotte.
Cagnotte qui est d’ailleurs encore en cours, même après la fin des streams !
Oui, oui tout à fait, on est parti de rien et on a quasiment récolté 100 000€. Ce relai par des gros streamers, il nous a aussi permis de faire vivre cette cagnotte. Après notre objectif, c’était aussi de montrer que des petits streamers avec des petites audiences et peu de moyens financiers sont capables de faire ce genre d’initiative.
Si nous on a réussi, c’est possible ! Tout le monde en est capable, et avec un peu de détermination, on peut soulever des montagnes. On voulait montrer l’exemple et on espère que d’autres ont eu l’envie de faire pareil. On a monté un truc clé en main, avec le setup pour des gens qui voudraient faire pareil.
Ils peuvent récupérer tous les codes sources, tout ce que nous on a mis du temps à mettre en place. Parce que pour nous l’idée n’est pas du tout d’avoir le monopole sur les cagnottes de grève sur Twitch. On souhaite qu’un maximum de personnes avec leurs propres idées fassent pareil que nous. Parce que l’objectif c’était simplement de soutenir le mouvement de grève via une cagnotte et aussi de politiser un peu le public de Twitch sur ces sujets.
Ah d'accord, Antoine Daniel a partagé la caisse du @PiquetDeStream en live y a quelques jours et maintenant en story
— Clek ✨️☁️ (@desentredeux) March 24, 2023
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En plus de parler aux gens, cela a aussi permis de lever une somme considérable pour les caisses de grève, ce qui est important dans le contexte actuel. Car faire la grève, avec l’inflation et les salaires qui stagnent, ça a un coût ! De plus, les retombées sont parfois légères ou mettent longtemps à arriver.
Moi personnellement, je me dis que pour qu’une grève elle tienne, il faut que les gens puissent y rester. On sait que quand on est en grève, on n’est pas payés. D’ailleurs, aujourd’hui, le gouvernement compte sur le fait que les gens soient trop pauvres pour la tenir.
Après, ils tiennent des discours, disant que comme le peuple n’est pas en manifestation ou ne fait pas grève, il n’est pas contre la réforme. Donc si le seul moyen de faire pression, c’est de faire la grève, il faut trouver de l’argent pour permettre à ces gens d’y participer.
Finalement, c’est un cercle. Si tu veux manifester, il faut te mettre en grève. Sauf que pour pouvoir te mettre en grève, il faut de l’argent donc nous on récolte cet argent. Au début, on n’a pas l’impression d’avoir un rôle si utile que ça. Puis tu te rends compte que finalement cet argent-là permet de faire fonctionner tout un système dans la mobilisation.
Je pense qu’on voit aujourd’hui des caisses de grèves très fortes, au point de faire flipper le gouvernement. C’est d’ailleurs un moyen d’être plus malin qu’eux en contournant leur stratégie dont on vient de parler. C’est pour ça que ça les effraie tant parce que les caisses ont eu un succès énorme.
On parle de plusieurs millions d’euros qui ont été récoltés sur une seule caisse, c’est du jamais vu ! En plus de ça, on peut voir la solidarité du peuple face à ce gouvernement et ça donne de l’espoir !
D’ailleurs Artillerie, quel accueil avez-vous reçu des organisations syndicales avec le Piquet de stream ?
Nous étions avec la CGT Infocom et PPT Sud 92 et ils ont été adorables avec nous. Ils nous ont fait confiance, ils savaient qu’on connaissait cette plateforme, qu’on savait quoi faire. On nous a laissé carte blanche, on pouvait faire et parler de ce que l’on voulait.
Ils nous ont dit qu’ils nous devaient une fière chandelle, ils nous ont invité à faire une soirée de fin qu’on a malheureusement pas pu organiser. Finalement ces syndicats, ils ont besoin de nous. Ils ont un peu abîmé leur image ces dernières années lors des luttes et ils savent que c’est par ce genre de plateforme et en s’adressant à la jeunesse qu’ils vont réussir à les rallier.
Hommage rendu par @InfoComCGT au @PiquetDeStream (@Sparklesia) à l'AG de Gare de Lyon.
— la chouette (@la_chouet) March 20, 2023
2 mois d'engagement humain intense.
Tenir le stream H24 : 👏👏👏 et merci
Ils ont fini hier soir avec 63 000€ en 1234 dons pic.twitter.com/Z1pqGxiRpT
Justement Artillerie, est-ce que tu penses que ce genre d’initiative pourrait être reconduite, voire démocratisée par des streamers importants de la plateforme ?
Ah bah, ça serait super bien ! De tout manière je pense que oui, c’est quelque chose qui va se démocratiser. Je pense que le Piquet de stream va connaître des petits. Après, est-ce que ce sera de la part de gros streamers ? Je ne sais pas.
De la part de streamers déjà politisés, c’est sûr. Après je ne suis pas sûr que l’on voit un ZEvent version gréviste sur Twitch. Je n’y crois pas trop parce que malheureusement ceux qui pourraient avoir vraiment une force de frappe ont du mal à se mouiller. Après, encore une fois si ça arrive, je serais la première ravie, mais j’ai peu d’espoir.
Pour revenir sur la jeunesse, est-ce que ça n’est pas aussi une des forces du mouvement du fait que cette dernière va être moins tenue par des impératifs financiers quand elle est au lycée ou dans les études supérieures ?
Je ne dirais pas que les jeunes n’ont rien à perdre puisqu’ils n’ont rien à la base ! Oui les jeunes quand ils vont manifester ne vont pas perdre de l’argent, mais quand on voit la précarité dans laquelle ils sont, on se dit qu’effectivement, il n’y a plus rien à perdre.
Je sais que quand j’étais étudiante, j’étais extrêmement précaire. Je ne sais pas si on s’en rend compte, mais on est en France et des étudiants n’ont pas de quoi manger ! On affame la jeunesse et on lui demande après qu’elle accepte de continuer de travailler deux ans de plus, pour arriver sur un marché du travail qui est saturé. On se fout de nous et c’est pour ça que la jeunesse est aussi révoltée. Non seulement on la prive de tout actuellement, mais ce sera aussi le cas dans le futur.
De toute manière, la jeunesse, c‘est ce qui va permettre un tournant dans les mobilisations. S’il y a une décennie on avait une dépolitisation des jeunes, ce n’est plus le cas aujourd’hui. A titre personnel, j’ai été politisée très tôt. Dès le lycée, j’étais dans le blocus parce que mes parents m’ont transmis ça.
Mais j’ai des amis à cette époque, jamais je n’aurais imaginé qu’ils iraient manifester et pourtant pour la réforme des retraites ils y sont. Donc oui, il y a vraiment un tournant, mais c’est dû au fait que la situation s’aggrave. Au bout d’un moment, les gens quand tu leur enlèves tout ce qu’il y a de fondamental, forcément ça révolte.
Voilà cette interview avec Artillerie touche à sa fin et je voudrais déjà la remercier d’avoir pris le temps pour cet échange. Comme vous avez pu le voir, le sujet est vaste et il y a énormément de choses à dire. Sommes-nous aux prémices d’un engagement politique plus massif de la part de nos influenceurs ?
Pour le moment, c’est très difficile de le dire. Artillerie le souligne elle-même en indiquant que pour elle, c’est avant tout la réforme qui permet ce genre de sortie. Cette dernière étant très massivement soutenue, les influenceurs peuvent s’exprimer sur le sujet sans avoir à trop se mouiller politiquement.
Toutefois, comme elle le dit aussi, les événements récents ont aussi tendance à politiser la jeunesse. Cette politisation pourrait alors tout à fait créer un nouvel élan pour la politique sur Twitch. D’ailleurs, on a vu cette attente lors du stream de Jean Massiet pour le 49.3. Ce dernier était alors le stream le plus regardé au monde de Twitch, rien que ça.
Maintenant, est-ce que ce mouvement va continuer à grandir, jusqu’à arriver au fameux « ZEvent version gréviste » évoqué par Artillerie ? C’est en effet très dur de le dire. Pour avoir de plus amples réponses, il faudra se montrer patient et voir si certains influenceurs qui ont pris position contre la réforme le feront aussi sur d’autres sujets.
On a des signes qui nous permettent d’être optimistes et d’autres moins. Je pense par exemple aux streamers qui ont signé la tribune contre la loi sur l’encadrement de la publicité pour les influenceurs. On avait alors eu le droit à un festival de personnes indiquant avoir donné leur accord pour la signature sans même avoir lu le texte de loi, ni même la tribune.
En résumé, soyons patients et voyons comme la situation évolue. Avec le calendrier des lois annoncé par Emmanuel Macron d’ici cet été avec notamment la loi travail, ce qui est sûr c’est que les influenceurs auront de nouveau l’occasion de s’exprimer et les caisses de grèves comme celle du Piquet de stream, l’occasion de soutenir le mouvement de contestation.