En presque sept années de festivals, conventions et LAN en tous genres, le Stunfest restait l’un des seuls festivals de jeux vidéo et d’esport dans lequel je n’avais pas mis les pieds. Cette année, hors de question que je passe à côté et la majorité de l’équipe d’EIN a décidé de faire le déplacement pour profiter pleinement de l’événement.
En amont de notre week-end au Stunfest, on a eu la chance de revenir sur son organisation avec Aymeric Lesné, directeur de 3 Hit Combo, l’association à l’origine du festival. Je vous invite à aller (re)lire notre interview pour vous replonger dans l’histoire de l’événement.
Le Stunfest a lieu tous les ans à Rennes et s’installe le temps d’un week-end dans la salle de spectacle du Liberté. Presque 6 000 m² pour accueillir la fine fleur de la scène du versus fighting française – et parfois internationale ! -, du speedrun, des conférences et les dernières créations de la scène indépendante du secteur vidéoludique.
Après avoir avalé une galette saucisse, apparemment plat iconique de Rennes (c’est juste une saucisse dans une galette, mais passons), il était temps pour nous de découvrir l’édition 2023 du Stunfest. Première surprise, l’ouverture à partir de seulement 14h le vendredi. Pour avoir été habitué au lever à 7h et au début du travail en salle presse à 8h, autant dire que ça fait du bien. Le samedi et le dimanche, le festival ouvre ses portes à partir de 10h.
Après avoir passé les portiques d’entrée et récupéré le précieux livret d’accueil, on se prend vite au jeu de la découverte de l’esplanade Charles de Gaulle. L’extérieur du Stunfest met à disposition des visiteurices des stands de vente, une buvette et une zone des curiosités. Premier green flag du festival, la présence d’un point prévention, qui permet à chacun·e de venir se renseigner ou alerter sur des problèmes de consentement, diversité, et de se sensibiliser aux discriminations.
Le Stunfest défend la diversité du jeu vidéo et celles des personnes présentes à son événement, que ce soit chez les intervenant·es ou le public. Dans son livret, l’événement propose d’ailleurs une charte éthique et morale qui s’applique à tou·te·s les personnes qui participent au festival. Propreté, lutte contre le gaspillage, consentement et conseils pour éviter le mégenrage, tout y est. Une charte qui n’est pas sans rappeler les éléments présents dans l’article de France Esports, qui rappelait aux organisateurs d’événements de mettre tout en oeuvre pour favoriser la diversité au sein de leurs festivals.
Très rapidement, on investit la zone des curiosités, véritable ode à la pratique du jeu vidéo et aux ambiances rétro. Consoles et bornes d’arcade, jeux de tirs à l’ancienne, vieilles consoles et téléviseurs cathodiques, entre Megaman et Bomberman, les plus nostalgiques ont su retrouver leurs réflexes.
Et au coeur de la zone, centre de toutes les curiosités, des jeux de rythmes allant du tapis de danse en duo, du taiko (ndlr : tambour japonais), ainsi que du Pop’N Music et autres jeux de rythme à boutons. Une superbe initiative pour constater que la trentaine passée, notre coordination est toujours aux fraises et que notre temps de réaction est… à améliorer (encore un ravage de Tik Tok et des réseaux sociaux !)
C’était aussi et surtout l’occasion pour 3 Hit Combo de convier des collectifs et associations locales pour promouvoir le jeu vidéo (Le Clubs des Sacs, Wuki Wuki, Shmup…).
Dans l’antre du Stunfest
Passé les douleurs ravivées de notre nullité aux jeux rétro, il était temps d’investir l’intérieur du Liberté, réagencé pour accueillir la pluralité des manières de faire et consommer le jeu vidéo.
La zone des curiosités se prolongeait à l’intérieur, mais cette fois-ci dans une toute autre ambiance : celle de la découverte d’artistes et d’illustrateurices qui ont ravi les parents venus avec leurs enfants (et n’importe quelle âme intéressée par les arts, ne soyons pas sectaires). L’espace des couloirs était aussi investi par des initiations au speedrun, notamment celui de Zelda : A link to the past, qui est très accessible et permet à chacun·e de terminer le jeu en moins de 5 minutes. Une belle occasion pour les curieux·ses de s’émerveiller devant l’accessibilité déconcertante de certaines runs.
Les couloirs invitaient les visiteurs à rentrer dans l’antre du Stunfest, là où les rayons de lumière ne pénétraient plus. Plongés dans la pénombre, les yeux devaient s’habituer quelques secondes avant de découvrir le travail monumental effectué par les bénévoles de 3 Hit Combo et leurs prestataires.
A l’intérieur, l’organisation a fait le choix de scinder la salle de spectacle du Liberté en plusieurs parties. La grande scène et la petite scène étaient séparées par un grand drap noir. La première accueillait tout le week-end des conférences, des sessions de speedrun, du versus fighting et des concerts en fin de soirée. La petite scène faisait la part belle à la présentation des jeux de la scène indépendante et du travail des développeur·euses. Le Stunfest avait d’ailleurs organisé ses propres “Stunfest Indie Awards” et une remise des prix a eu lieu en fin de journée du samedi.
La Zone indie dévoile ses pépites
En dehors des deux scènes, l’espace du Liberté avait été aménagé pour accueillir la fine fleur des jeux indépendants. En tout, près de cinquante jeux étaient mis à disposition des visiteurs, amateur·trices de jeux vidéo, petits et grands. Chacun·e pouvait y trouver son compte : des jeux d’arcade, aux RPG, en passant par les sempiternels jeux d’action/aventure, ou encore les puzzle game. Il y en avait pour tous les goûts.
De notre coté, on a pris beaucoup de plaisir à jouer à Zigglox, Toaster Ball (et son tournoi qui a électrisé les foules) , Sclash, Aetheris (on a eu beaucoup de mal à déboulonner Lénaïc Leroy de sa chaise…), Sandwalkers, Crime O’CLock… On aurait aimé tout tester sur le week-end, mais l’espace indé était victime de son succès. Beaucoup de joueurs et joueuses patientaient derrière les ordinateurs et canapés pour tester les jeux. A tel point qu’il était parfois – souvent – difficile de se frayer un chemin entre les différents stands.
C’était une formidable opportunité de discuter avec les développeurs et développeuses des jeux : les interroger sur le temps qu’ils ont mis, les difficultés rencontrées, le processus de création, le travail sur le son… Un temps et des discussions précieuses qu’on aimerait avoir plus souvent en tant que journaliste.
De toute mon histoire personnelle, j’ai rarement eu l’occasion de tester des jeux avant leur sortie. Ma seule expérience du genre, je la dois à la PGW. Mais il n’y a absolument rien à voir entre les deux propositions. Pas de queue d’1h30, pas de test expédié en 3 minutes chrono mais bien l’occasion de prendre son temps, d’apprécier les qualités des jeux et surtout d’engager une vraie conversation avec les créateurices, élément qui manque cruellement à un événement comme la PGW.
Le samedi soir, lors de la remise des prix, le jeu Danghost a reçu le grand prix du jury, Dolos le prix espoirs du jury, Toasterball le prix du coup de coeur sélection jeunes et Satanislas le prix des publics.
SilverGeek continue son travail de liens entre les générations
Les habitué·es de la Gamers Assembly connaissent forcément le tournoi de Wii Bowling organisé par l’association Silver Geek. L’association vise à améliorer la santé et le bien-être des seniors, à développer les liens sociaux et intergénérationnels, tout en réduisant la fracture numérique. Dans ce cadre, elle organise des compétitions esportives amateures entre équipes de personnes âgées, qu’elle a intitulé “Le Trophée des Seniors Silver Geek”.
Les finales régionales sont organisées lors des grands événements esportifs, à la Gamers Assembly, à la PGW, la Japan Expo ou encore au Stunfest.
Les visiteurs ont eu l’opportunité rare d’assister à l’esport suprême : une compétition sur Wii Bowling entre plusieurs équipes de joueurs et joueuses (presque) professionnel·les, âgé·es au minimum de 60 ans. Comme dans toute compétition de haut niveau qui se respecte, les Spare (les 10 quilles sont renversées en deux coups) sont acclamés comme il se doit. Il fallait y être pour se rendre compte de l’effervescence du public. On est rendu à un tel niveau de hype – saluons ici le travail incroyable du caster Chocobo – que chaque strike (les 10 quilles sont renversées en un seul coup !) est associé à un rugissement de la foule et des applaudissements à la hauteur de la prouesse.
Comme pour l’esport classique, la compétition sur Wii Bowling a consisté en phase de poules puis deux demi-finales avant de laisser la place à la grande finale. Après deux heures de compétition acharnée, ce sont les bretons Yvette et Daniel (84 et 83 ans) qui ont remporté le trophée des seniors du grand ouest de Wii Bowling ! Le binôme se qualifie pour la finale de la compétition, qui devrait avoir lieu à la Paris Games Week. Ils rejoignent Gilbert et Jeannine, les deux gagnants de la session Nouvelle-Aquitaine à la Gamers Assembly 2023 qui représentaient Angoulême et avait remporté la finale à 1 point près (true esport !)
Le versus fighting toujours au coeur de l’identité du Stunfest
Historiquement, le Stunfest a toujours été une terre d’accueil du versus fighting. Chez eux, pas de compétition sur League of Legends, CS:GO ou Fortnite. Leur ADN, c’est les jeux de combat, c’est d’ailleurs l’origine de leur nom.
Si l’édition 2023 a maintenu plusieurs jeux de combat, il n’en reste pas moins que l’association a dû faire le choix de réduire le nombre de jeux. Décision qu’elle regrette autant que les joueurs et joueuses déçu·es. Cette année donc pas de Mortal Kombat, pas de DBZF, oubliez aussi Guilty Gear Xrd Rev 2, Capcom vs SNK etc… Les fans espèrent revoir l’âge d’or du versus fighting de retour au Stunfest en 2024.
La sainte trinité était représentée cette année : Super Smash Bros Ultimate, Tekken 7 et Street Fighter V. Des joueurs et joueuses venu·es de toute la France se sont réuni·es pour se fracasser (virtuellement) la tête, à coups de chop, cross-down, fake jump, loop et autres vocables spécifiques à la scène FGC.
Si le premier étage était réservé à la compétition “pure”, le Stunfest a accueilli d’autres moments où le versus fighting était mis en lumière. Le samedi après-midi s’est tenu une compétition hors norme : un tournoi mêlant Street Fighter VI (le jeu sort ce 2 juin) et dance battle, le tout présenté par Ken Bogard, caster iconique de la scène de versus fighting et Bouside Ait-Amane, co-directeur et chorégraphe du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (CCNRB).
Pendant près de deux heures se sont succédés des 1v1 sur SF VI et des battle de danse, les deux types de confrontation servant à engranger des points pour déterminer le duo gagnant à chaque manche. Un mélange des genres qui n’en était pas à son coup d’essai – c’était la troisième édition – et qui a subjugué l’assemblée des spectateur·trices (et toute l’équipe d’EIN !). On ne va pas relancer l’éternel débat du sport et de l’esport, mais il faut dire que le mélange des deux donne une saveur particulière à ce genre d’événements.
Pour des raisons logistiques, nous n’avons pas pu assister à la dernière journée du Stunfest. Pourtant, c’était probablement l’une des plus intéressantes d’un point de vue esportif – toutes les finales des jeux de versus fighting (et de Geo Guesser !?) se tenaient le dimanche – et d’un point de vue universitaire/journalistique. Plusieurs tables-rondes étaient organisées l’une sur la “grande aventure Roblox” présentée par l’OMNSH et la seconde sur les “enjeux et perspectives de la presse du jeu vidéo”.
Vous imaginez bien que cette dernière a attiré toute notre attention, puisqu’il y a quelques mois nous publiions notre article sur les conditions de travail de la presse vidéoludique et esportive. Même si elle n’apportait pas beaucoup de réponses à celles et ceux qui sont, comme nous, le nez dans le guidon, elle a été salvatrice pour les néophytes qui n’étaient pas au fait de la situation terrible dans laquelle se trouve la presse du jeu vidéo.
Parmi toutes les LAN et festivals de jeux vidéo, le Stunfest s’impose, avec la Gamers Assembly, comme l’une de mes préférées. L’ambiance en petit comité, les conférences mêlant jeux vidéos et philosophie/sciences sociales, les tables-rondes, et la scène indépendante ont pesé lourd dans la balance. Je pense aussi que la diversité du public y a été pour beaucoup. Je ne pense pas avoir vu un public aussi diversifié dans les autres événements auxquels j’ai pu assister (shout-out à toutes les personnes non-binaires et trans ou qui en arboraient les emblèmes/couleurs).
En tant que journaliste esportif, on regrettera peut-être une zone des joueurs relativement réduite. Il est toujours plaisant de pouvoir regarder des matchs de qualification de derrière les compétiteurices, mais l’agencement du lieu le permettait peu. Heureusement, on saluera le petit espace prévu pour visionner les matchs sur écran, avant que le dimanche ne permette à tous et toutes d’assister aux phases finales sur la grande scène.
Toute l’équipe d’EIN est très heureuse d’avoir pu assister à l’édition 2023 du Stunfest, et tient à saluer toutes les personnes, bénévoles comme prestataires, qui ont permis à l’événement d’avoir lieu, et ce dans les meilleures conditions possibles. On espère pouvoir y retourner l’année prochaine et on se permet de partager la cagnotte de soutien du festival, qui reste encore et toujours en grande difficulté financière et compte sur la solidarité des festivaliers.