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Grève LCS : Les coulisses du bras de fer entre LCSPA et Riot Games !

Par Dimitry Bigot
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C’est un moment historique qui vient juste de se produire, nous avons eu le droit à une grève en LCS, la scène professionnelle américaine de League of Legends. Dit comme ça, et surtout au vu du contexte actuel en France, on est tenté de ne pas bien voir à quel point ce moment est historique et pourrait marquer un tournant dans l’histoire du jeu.

Dans un précédent article, nous revenions sur l’histoire de la grève dans l’esport. Le constat était alors simple : ce n’est pas un événement commun, loin de là. Surtout, il a tendance à toucher des scènes que l’on pourrait qualifier de « mineures ».

Sur la question des salaires, les plus grosses scènes sont normalement protégées, des salaires minimum ayant été mis en place. C’est le cas sur les scènes de League of Legends et donc assez logiquement en LCS. Alors pourquoi assiste-t-on à cette grève qui touche l’une des plus grosses ligues esport du monde ?

C’est précisément ce que nous vous proposons de découvrir dans cet article. Nous reviendrons point par point sur la situation qui a mené à cette grève. Nous nous intéresserons aussi à la réaction de Riot Games et des instances dirigeantes des LCS qui se sont efforcées, tant bien que mal, de cacher la poussière sous le tapis.

Pour finir, nous nous pencherons aussi plus globalement sur LCS et leur fonctionnement, ce dernier ayant mené à la situation de transition qui a précédé la grève. Un programme chargé, mais essentiel pour comprendre les tenants et les aboutissants de toute cette histoire !

Les LCS, l’eldorado européen pendant des années !

Si vous suivez les compétitions de League of Legends depuis un petit moment déjà, vous savez que certaines ligues ont leurs propres spécificités. Prenons l’exemple de la LEC : depuis le début des compétitions sur le jeu, la ligue européenne a réussi à former des joueurs chaque saison.

La raison derrière ce besoin de trouver et de former toujours de nouveaux joueurs a été pendant des années due à un pillage en règle des talents de la ligue par sa voisine nord-américaine. Il faut dire qu’entre les deux ligues, il y a une différence de taille : celle du salaire !

Malheureusement, les équipes n’ont jamais communiqué publiquement sur les salaires des joueurs. Il est donc difficile de vous donner des chiffres exacts. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’il valait mieux jouer en LCS NA, qu’en LCS EU si vous vouliez pouvoir mettre de l’argent de côté.

D’ailleurs, même actuellement avec une hausse globale des salaires en LEC, la situation serait toujours clairement à l’avantage des LCS. Selon certaines estimations, le salaire moyen avoisinerait les 400 000 € par an, contre 180 000 € pour la LEC.

D’ailleurs, si l’Europe n’est plus forcément la cible de choix des LCS pour leur marché, l’Australie et la Corée du Sud se sont eux aussi vu piquer quelques-uns de leurs talents qui ont rejoint la ligue nord-américaine. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un œil au pourcentage de joueurs issus de la région.

Si en LEC, 7 joueurs sur 50 du Spring split étaient originaires d’un pays en dehors de la juridiction de la ligue. Cela représente 14%. En LCS par contre, nous ne sommes pas les mêmes chiffres ! Sur les 59 joueurs inscrits, 33 étaient issus d’un pays en dehors de la LCS, soit 55% !

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Cela s’explique notamment par le fait qu’au bout de quelques années, les joueurs étrangers jouant en LCS peuvent bénéficier de la résidence nord-américaine, ce qui fait qu’ils ne comptent plus parmi les joueurs étrangers à la ligue. C’est d’ailleurs l’une des raisons indirectes de cette grève LCS !

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Avant de devenir une légende aux USA, Bjergsen a fait ses armes en Europe (Crédit : Copenhagen Wolves)

L’effondrement économique, un terreau fertile pour la grève LCS !

Peut-être qu’à ce niveau-là, certains sont perdus. Ils se demandent en quoi faire venir des joueurs de l’étranger a pu entraîner une grève LCS. La raison est simple : en dehors des salaires, les perspectives offertes restent assez minces pour ces joueurs étrangers.

La LCS est la seule ligue majeure à ne jamais avoir remporté de trophée international dans toute l’histoire du jeu. Pire encore, ils n’ont jamais réussi à atteindre la finale d’un championnat du monde. Leur seul fait d’arme, c’est d’avoir atteint à deux reprises la finale du MSI. Ces finales, ils les ont non seulement perdues, mais n’ont même pas réussi à remporter une seule partie !

Alors, pendant des années, il a fallu sortir les billets pour convaincre les joueurs de venir. Pour tenter de s’assurer de ne pas sombrer financièrement, les LCS adoptent le système de franchise en 2017, ce qui fait sens dans ce contexte. Outre les raisons financières évoquées auparavant, ce système de franchise est très implanté dans les ligues sportives nord-américaines.

Malgré ce nouveau système, les modèles économiques des équipes se sont effondrés ces derniers mois. C’est là où on commence à comprendre pourquoi cela a mené à la grève LCS. Commençons par TSM qui a décidé de signer un contrat avec une entreprise de crypto-monnaie comme sponsor principal.

Entreprise qui a depuis fermé et dont le patron est poursuivi, ce qui a mis TSM dans une situation plus que délicate. Sauf que ce n’est pas la seule équipe de la ligue qui connaît des difficultés en ce moment ! On peut par exemple penser à CLG qui après le Spring Split a décidé de quitter la ligue, revendant son slot LCS.

Les franchises font pression pour ne plus payer pour une équipe NACL

C’est dans ce contexte que l’on arrive à ce qui va nous intéresser : la grève LCS ! Comme on vient de le voir, en ce moment, les finances ne sont pas à la fête chez de nombreuses équipes. Alors, on va chercher à réduire les coûts.

C’est dans ce but que des équipes se seraient plaintes à Riot Games des NACL. Si vous ne suivez pas trop cette compétition, c’est ce que l’on peut appeler une « ligue secondaire », au même titre que nous avons les compétitions ERL en Europe.

Sauf que là où le système de cette compétition diffère, c’est qu’il s’agit cette fois d’une ligue unique. Celle-ci est composée de 10 équipes Academy issues de celles présentes en LCS. Pour compléter la ligue, 6 autres équipes sont invitées par Riot Games. La demande des franchises est simple, ne plus être obligées d’avoir une équipe en NACL. À quelques heures du début du Summer Split de cette ligue, autant vous dire que ça n’est pas bien passé.

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Ce sont des dizaines de joueurs et de membres du coaching staff qui pourraient potentiellement perdre leur emploi ! Rapidement, la LCSPA, l’association des joueurs LCS s’est emparée de ce sujet. Cette dernière a démonté les arguments de Riot Games et annoncé de possibles actions – dont la fameuse grève LCS – si jamais rien n’était fait !

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C’est autour de la question de l’avenir des NACL que s’est déclenchée cette grève LCS !

La grève LCS officiellement annoncée

Sans grande surprise, Riot Games n’a pas donné satisfaction aux joueurs. Face à cette inaction de la société, la LCSPA a décidé de passer à l’action ! Via un communiqué, elle a annoncé officiellement son intention de lancer une grève en LCS ! L’idée était alors de cibler le lancement du Summer Split.

Celui-ci aurait du avoir lieu le 1er juin dernier et c’était forcément un événement attendu comme tout lancement de Split. Sauf que forcément, voir une grève LCS ce jour-là, ça faisait un peu tache pour l’image des LCS. Face à ce mouvement, Riot Games a pris une décision, mais qui ne penche pas vraiment en faveur des joueurs en grève.

Non, à la place, ils ont tout bonnement décidé de supprimer la limite de niveau minimum nécessaire pour jouer en LCS ! Ainsi, même si les tops joueurs du serveur font grève, les franchises vont librement pouvoir piocher à des niveaux moins élevés. Imaginez, vous êtes diamant ou platine et on vous propose de jouer en LCS !

Difficile de refuser, non ? C’est bien évidemment sur cela que compte jouer Riot Games et la ligue. Si le recrutement de joueurs diamant ou platine n’est pas vraiment une situation envisageable, une solution plus inattendue s’ouvre aux franchises.

Dans cette configuration, les franchises pourront piocher dans le staff pour combler les manques. Une situation que dénonce forcément la LCSPA. Pour eux, cette manœuvre n’a qu’un seul but : faire taire la grève LCS. Une situation qui nous rappelle, par exemple, la grève des éboueurs à Paris.

Tant que les déchets n’étaient pas ramassés, la situation était visible et il était difficile de ne pas en parler. Alors, des entreprises privées et même des militaires avaient été embauchés pour évacuer les déchets. Finalement, décision avait été prise de réquisitionner les grèvistes et ainsi rendre invisible ce mouvement, attendant simplement qu’il s’éteigne, caché sous le tapis.

Riot décale le lancement, mais ne recule pas pour autant ! 

Malgré cette tentative de passer outre la grève, Riot Games a rapidement compris qu’il serait difficile de faire en sorte de lancer le Split LCS comme si de rien n’était. D’autant qu’à cause du nombre de joueurs en grève, le sacro saint spectacle risquait d’en être entaché.

Dans ces conditions, Riot a alors pris une décision sans précédent, celle d’annuler le lancement du Split et de le déplacer de deux semaines. Rapidement, la LCSPA s’est félicitée de cette décision, mais est-ce vraiment une victoire ? Car, oui, dans le communiqué annonçant le report, il est aussi question des 5 demandes faites par l’association des joueurs.

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À ces demandes, Riot répond à chaque fois par la négative et va même plus loin. L’entreprise menace tout simplement d’annuler le Split si la situation ne se décante pas d’ici la nouvelle date de reprise des LCS. Concrètement, Riot ne veut rien lâcher et s’engage dans un nouveau bras de fer.

En annonçant la potentielle annulation du Split, l’idée est très simple : faire peur aux joueurs suivant cette grève LCS en leur indiquant que s’ils continuent, ils pourraient tout simplement se retrouver sans salaire pour toute la durée du Split ! Pire encore, c’est aussi sûrement une tentative d’impliquer les fans.

Si ces derniers étaient plutôt favorables à la LCSPA depuis le début de cette histoire, du côté de Riot on va sûrement essayer de retourner la situation. Le calcul vise à reporter la faute de l’annulation du Split sur l’association des joueurs, pour détourner le focus du sujet original.

Quel impact aura cette grève LCS dans le futur ?

Cette situation est véritablement inédite dans l’écosystème de League of Legends ! Et surtout, elle pourrait faire des émules dans le futur. C’est d’ailleurs peut-être ça qui fait le plus peur à Riot Games dans cette grève LCS.

En effet, si celle-ci venait à faire plier Riot Games, elle montrerait tout simplement aux joueurs que l’éditeur et les franchises ne sont pas toutes puissantes et qu’elles ont besoin des joueurs pour pouvoir assurer le spectacle.

Or, en faisant grève, ces joueurs touchent directement à ce qui embête Riot Games ! Ils s’assurent que le spectacle n’ait pas lieu. D’ailleurs, le fait de supprimer la limite de niveau pour l’accession en LCS le prouve bien. Peu importe le niveau affiché, tant que le spectacle est assuré, c’est tout ce qui compte.

D’ailleurs, la LCSPA l’a bien compris et avant l’annonce de report, elle proposait d’épauler les joueurs qui auraient été contactés pour remplacer des grévistes afin de les aider à ne pas avoir à le faire s’ils le désirent. C’est donc un véritable bras de fer qui s’est engagé entre la LCSPA et Riot Games.

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Reste à voir qui en sortira vainqueur et surtout ce que cela pourrait signifier pour le futur. Ce qui est sûr, c’est qu’en tant que spectateur, il est aussi très important de prendre part à cette lutte. En effet, nous avons un pouvoir sur les décisions étant donné que la ligue dépend grandement de ses viewers.

Un nombre de spectateurs qui s’écroule à cause de cette tentative de faire taire des joueurs qui pourraient se retrouver sans travail et cela pourrait toucher directement au porte-monnaie. Car si les sponsors financent la ligue, ils pourraient bien voir d’un mauvais œil une chute de viewers.

De plus, on l’a déjà vu à de nombreuses reprises par le passé, mais quand une marque commence à avoir une image écornée, les sponsors ont tendance à quitter le navire avant de se voir eux-mêmes associés à cette image. Riot Games joue donc potentiellement gros dans toute cette histoire et cette grève LCS dépasse clairement le cadre des NACL !

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