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L’esport sur World of Warcraft, quelles perspectives ?

Par Guillaume Chevalier

Parmi les nombreux univers développés dans les jeux vidéo, certains ont réussi la prouesse de marquer l’enfance de plusieurs générations. Au panthéon des sagas les plus mémorables, on retrouve Final Fantasy, Mario, Metal Gear, Star Wars, The Legend Of Zelda et beaucoup d’autres. Warcraft et son univers en font aussi partie et y tiennent une place particulière.

Débutant son histoire en 1994 en tant que simple stand-alone avec Warcraft : Orcs and Humans, cette franchise donne naissance, dix ans plus tard, à un jeu en ligne révolutionnant l’industrie : le MMORPG World Of Warcraft.

Se basant sur un univers riche et une histoire qui balaye près de 150 000 années, ce pur produit de l’éditeur Blizzard donne lieu à de nombreux produits dérivés (film, autres jeux vidéo qui se déroulent dans le même univers, romans, figurines, etc.).

Non content de s’exporter sur autant de supports différents, le jeu inscrit même son nom au Guinness World Record en tant que MMORPG le plus populaire : en 2008, 62% des joueurs de MMORPGs jouent à World of Warcraft. Il atteignait en 2010 la barre des douze millions de joueurs abonnés.

Même si le jeu entame un certain déclin à partir de 2012, un cœur solide d’aficionados lui reste fidèle. Le nombre d’abonnés repart à la hausse à partir de 2014, pour le 10ème anniversaire de la licence, en repassant au-dessus du cap des dix millions.

À une époque où des mastodontes tels que League of Legends ou Fortnite n’étaient encore que des projets dans des cartons ou au stade de bêta, World of Warcraft faisait donc figure de parangon de réussite.

Après 2014, le jeu entame de nouveau un lent déclin, flirtant même avec la barre des trois millions d’abonnés. Il faudra finalement attendre 2017 pour voir ce chiffre croître et même doubler à l’occasion de la sortie de l’extension Battle For Azeroth.

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WoW : Battle for Azeroth donne un regain d’intérêt aux amoureux de l’univers imaginé par Blizzard. Crédits : Blizzard

Même si le nombre d’abonnés a grandement fluctué au cours des quatorze années d’existence du jeu, sa réussite commerciale et populaire reste toutefois indéniable, et ce, alors même que le jeu est toujours resté payant (l’abonnement mensuel s’élève aujourd’hui à 12,99€).

Cependant, malgré le franc succès commercial de World Of Warcraft à ses débuts, l’éditeur de cette grande franchise semble avoir manqué un coche dans les années 2010.

En effet, à cette époque, les éditeurs entrevoient le potentiel marketing de l’eSport. Ils décident de mettre en place leurs propres circuits compétitifs et en deviennent les principaux acteurs.

Blizzard, organisant déjà ses propres compétitions sur World of Warcraft depuis le milieu des années 2000, ne s’aligne pas sur les projets de ses concurrents directs et finit ainsi par les voir le dépasser.

À cet effet, il convient de faire un petit retour en arrière…

En 2011, League of Legends inaugure ses premiers Championnats du Monde à Jönköping. La finale oppose Fnatic à Against All Authority (aAa) pour un cashprize total de 100 000 dollars. Le jeu compte, à cette époque, onze millions et demi de joueurs mensuels. C’était le début d’une grande et longue aventure qui amènera, huit ans plus tard, Riot Games à organiser des championnats aux quatre coins du monde, en comptant dans les participants des clubs de football, de basket ainsi que les plus grands clubs eSports au monde.

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La première finale des Worlds de League of Legends oppose Fnatic à aAa ! Crédits : Riot Games

Pour sa part, en 2011 toujours, Valve organisait sur son jeu Defense of the Ancients 2 (DotA 2) la première édition de The International à Cologne, avec un cashprize hallucinant de 1,6 millions de dollars. Trois ans plus tard, DotA 2 dépassera d’ailleurs la barre symbolique des dix millions de joueurs.

Cette remise en contexte met ainsi la lumière sur deux acteurs importants de l’écosystème eSport actuel qui, à quelques mois près, lorsque World of Warcraft connaissait son pic de popularité, lançaient leurs premiers grands tournois eSports.

Il est important de souligner qu’à titre comparatif, Riot Games et Valve possédaient, en 2011, sur leurs jeux respectifs, des bases de joueurs à peu près équivalentes, si ce n’est moins importantes que le MMORPG.

Blizzard s’essaye de façon assez précoce à l’eSport sur World of Warcraft, l’éditeur fait même figure de pionnier en la matière au milieu des années 2000. Cependant, après avoir été proactif et montré la voie aux autres acteurs de l’écosystème, Blizzard fait par la suite preuve d’immobilisme lorsque de nouveaux éditeurs investissent le secteur via de nouvelles stratégies.

Blizzard a très tôt commencé à organiser des événements eSports. L’approche était très novatrice à l’époque. En effet, dès 2007, à l’occasion de la BlizzCon, Blizzard met en place un événement offline réunissant les meilleures équipes d’arène de 3v3, l’équivalent des premiers championnats du monde d’arène. C’est l’un des seuls éditeurs à l’époque qui organise ses propres tournois. Il était plus usuel aux prémices de l’eSport, de faire appel à des entreprises tierces (ESL, ESWC) pour prendre en charge l’organisation et la gestion des circuits compétitifs.

Il ne faut pas non plus négliger le rôle important que pouvait jouer la communauté dans la création de nouveaux produits eSports, la façon dont DotA 2 a fait son apparition sur le devant de la scène en est un parfait exemple. On pourrait d’ailleurs argumenter que c’est toujours le cas lorsque l’on voit l’apport considérable qu’elle peut représenter pour un éditeur (artworks, skins, mises à jour). Encore une fois, DotA 2 nous offre un exemple récent des plus intéressants avec le jeu Auto Chess, qui n’était à la base qu’un mode du produit de Valve.

En 2008, la crise économique frappe durement les acteurs de l’industrie du jeu vidéo. Cela impacte de facto directement le développement de l’eSport, obligeant certains acteurs à revoir leurs plans. Les sociétés spécialisées dans l’organisation de compétitions sont dans l’obligation de procéder à des coupes budgétaires : les WCG (World Cyber Gaming) annoncent l’absence d’une édition européenne pour l’année 2008.

Cela marque ainsi un coup d’arrêt au développement compétitif de certains jeux, surtout pour ceux dont l’éditeur avait pour habitude de délaisser toute la partie opérationnelle de leurs stratégies eSports à des entreprises tierces. C’était le cas de beaucoup d’éditeurs à cette époque, à l’exception notoire de Blizzard. Les tournois sur World Of Warcraft ne sont donc que peu impactés et restent en l’état pendant quelques années.

En 2017, Blizzard introduit un nouvel élément au portfolio de ses produits eSports sur World of Warcraft : le Mythic Dungeon Invitational (MDI). Ce nouveau mode de jeu est testé lors d’un show match à la Gamescom fin 2016.

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La Gamescom 2016 marque le début d’un renouveau version esport pour World of Warcraft ! Crédits : Gamescom / BlizzardLa Gamescom 2016 marque le début d’un renouveau version esport pour World of Warcraft ! Crédits : Gamescom / Blizzard

Des équipes sont en effet invitées dans le cadre d’une compétition, dont l’objectif est d’être le plus rapide à compléter certains donjons de World of Warcraft, spécialement choisis pour l’occasion.

2017 a aussi vu l’apparition de nouvelles compétitions d’arène online. Les changements se poursuivent en 2018 avec, pour le circuit compétitif des combats d’arène, l’arrivée de deux saisons régulières pour la zone EU et NA, agrémentées de finales offline pour chacune d’entre elles.

Ces championnats feront aussi partie des qualifications pour les finales mondiales à la BlizzCon. Le MDI, de son côté, voit aussi la création de qualifications régionales (EU, NA, APAC et Chine).

Pour l’année à venir, le MDI intégrera enfin deux saisons régulières dans son circuit compétitif, le championnat mondial d’arène s’ouvrira de son côté aux régions APAC, Chine et LATAM. Ces deux modes de jeu, poussés par la vision eSportive de Blizzard sur WoW, adopteront donc finalement la même organisation.

À noter que 100 000 dollars sont alloués à chaque finale régionale avec la possibilité d’augmenter cette somme via un système de crowdfunding. Ces sommes d’argent restent cependant très éloignées des budgets dédiés au cashprize des principales compétitions eSports du moment.

À ces initiatives de Blizzard est venu s’ajouter dans la sphère publique, fin 2018, un mode de compétition que l’éditeur n’avait pas anticipé et qui est dû, avant tout, à une initiative communautaire : les courses mondiales de Raid (des Donjons qui réunissent vingt joueurs contre des boss redoutables).

Pour la première fois depuis la sortie du jeu, une équipe a en effet diffusé sa course contre la montre afin de devenir la première équipe mondiale à terminer le Raid de G’huun Udir, à savoir : Method.

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Visuel du stream déployé par Method durant son progress. Crédits : Method

L’objectif de ce mode de jeu est relativement simple : être le premier à l’échelle internationale à finir ces instances de combat colossales. Il repose sur une singularité : ces courses contre la montre ne nécessitent aucunement l’intervention d’un éditeur une fois les nouvelles instances rendues accessibles au public lors de chaque extension.

Paradoxalement, ce mode de jeu a aussitôt suscité plus d’intérêt que les deux autres types de compétitions eSportives dont Blizzard fait la promotion.

World of Warcraft et ses projets eSports subissent de nombreuses transformations ces derniers mois, ce pourquoi il serait intéressant, au vu des informations présentées dans cette introduction, de tenter de répondre aux questions suivantes :

Pourquoi les différentes formes d’eSport développées sur World of Warcraft relèvent-elles d’un paradoxe ?

Comment et pour quelles raisons le mode de Raid peut-il devenir le fer de lance de la politique eSportive de World of Warcraft ?

Quel intérêt ce mode de jeu peut-il présenter pour des sponsors ?

Et enfin, quels possibles challenges ce nouveau format compétitif communautaire sera-t-il voué à relever dans un futur proche ?

Le paradoxe eSport World of Warcraft

La communauté de World Of Warcraft s’est toujours montrée fidèle au jeu, malgré les fluctuations inévitables du nombre de joueurs au cours du temps.

Si, lors des dix dernières années, la fourchette d’abonnées a varié entre 3 et 11 millions de joueurs, la franchise a néanmoins su conserver une base solide de joueurs, peu importe le contexte.

Cette base pourrait même encore progresser si le jeu, à la manière d’un CS:GO, passait en free-to-play. Puisque Blizzard a introduit ces dernières années un système de microtransactions in-game pour obtenir des éléments bonus, ledit système pourrait au bout du compte remplacer une barrière d’entrée de plus en plus contraignante.

Le sujet a d’ailleurs déjà été abordé à de maintes reprises. Il est d’autant plus étonnant que ce système persiste sur World Of Warcraft au regard du fonctionnement du marché vidéoludique actuel, où le free-to-play fait sa loi auprès du plus grand nombre ; lancé en février 2019, Apex Legends en constitue l’exemple le plus remarquable puisqu’il a dépassé la barre des cinquante millions de joueurs en à peine un mois.

Malgré le succès populaire rencontré par son jeu durant plus d’une décennie et une présence précoce sur la scène eSport, Blizzard limite, pendant de nombreuses années, ses investissements dans le développement eSport de World of Warcraft. L’éditeur préférant se concentrer sur d’autres jeux tels que Hearsthone, Overwatch et enfin Heroes of the Storm via des programmes ambitieux.

Avec un peu de recul, ce choix peut sembler difficile à comprendre, mais respecte en quelque sorte l’approche stratégique de Blizzard. Celle-ci se matérialise encore aujourd’hui avec Overwatch : ainsi, l’éditeur design des jeux compétitifs et prévoit même des programmes eSports parfois très (trop ?) ambitieux.

  Le decision making : décider vite, décider bien

Ces programmes eSports peuvent même être décorrélés de la réalité, ne répondant pas à une logique statistique, mais spéculative. Les moyens mis à disposition de certaines compétitions peuvent paraître disproportionnés à l’égard des résultats obtenus : les ambitions de l’éditeur ne correspondent pas toujours à la réalité du marché.

En effet, non pas que les choses soient mal faites, mais certains produits n’ont pas la capacité de rentabiliser les coûts investis. Cette capacité peut, par exemple, se mesurer à la taille de la communauté de joueurs. Cependant, bien que l’on puisse comprendre la vision long termiste qui anime Blizzard, ces paris sur l’avenir peuvent avoir des conséquences assez désastreuses. Heroes of The Storm avec les HGC en ont fait l’amère expérience.

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Blizzard annonce en décembre 2018 la fin de son support de la scène esport d’Heroes of The Storm. Crédits : Blizzard

Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, vous pouvez retrouver l’article complet de Lénaïc Leroy : Blizzard a mis un terme au HGC de la pire des manières.

Blizzard a donc parfois tendance à vouloir se précipiter dans l’installation de ses programmes eSports. Il est préférable d’avoir une approche stratégique progressive et des ambitions plus réalistes.

De plus, il est vain de penser qu’en investissant massivement dans un circuit compétitif pour qu’il devienne la vitrine publicitaire du produit, aussi belle soit-elle, on puisse créer un lien de corrélation directe entre investissement et assise communautaire d’un jeu.

D’autres paramètres entrent en compte, le lancement d’Apex Legends en est une belle preuve en soi. Alors que les circuits compétitifs tendent de plus en plus à devenir des entités business autosuffisantes et non plus simplement des outils marketing promotionnels, l’approche stratégique de Blizzard doit être amenée à évoluer.

Pour revenir à World of Warcraft, et en suivant la vision eSportive de Blizzard, ce MMORPG n’était à l’origine pas calibré pour une pratique compétitive, et ce malgré l’ajout de certains modes de jeu. En conséquence de quoi, son potentiel eSportif a été délaissé à partir des années 2010 par Blizzard.

Pour ma part, je pense qu’un jeu peut se développer eSportivement, à partir du moment où trois facteurs sont réunis : un succès populaire avéré, une demande de la part de la communauté et enfin l’existence de mécaniques de jeu permettant la présence d’un skill cap.

J’aimerais revenir sur cette dernière notion qui me semble importante. Pour faire en sorte qu’un jeu devienne compétitif, il faut créer un système offrant aux joueurs talentueux la possibilité de pouvoir pleinement s’exprimer. Cela permet de différencier les joueurs les plus accomplis du reste de la communauté. Si ces facteurs sont réunis, il faut par la suite mettre en place les éléments permettant de créer une scène compétitive (mode compétition, mode spectateur, circuit compétitif, etc.). Certains produits s’y prêtent cependant plus que d’autres.

Concernant World of Warcraft, après des débuts prometteurs et novateurs en 2007, il faudra attendre neuf années pour voir un nouvel élément faire son apparition dans le paysage eSportif de la franchise phare de Blizzard : le mode Mythic pour les donjons. Il sera annoncé en grande pompe à la Gamescom 2016 lors d’un show match.

Ayant donc accumulé un retard considérable, Blizzard tente donc de se rattraper, dès 2017, avec le lancement du circuit Mythic Dungeon Invitational. Comme expliqué dans l’introduction, Blizzard décide alors de se pencher sur le développement de ses deux circuits compétitifs. Ces derniers finiront par se régionaliser et se segmenter en différentes saisons, quatre ans après que League of Legends en a inauguré la recette avec les LCS EU et NA notamment.

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Blizzard multiplie ses actions dans l’esport pour répondre à un besoin latent des joueurs du jeu. Crédits : Blizzard

Outre les quelques années de retard qu’accuse Blizzard, les cash prizes sont dérisoires comparés à ceux proposés dans les autres compétitions. 100 000 dollars pour des finales régionales : voilà tout ce qu’offre l’éditeur aux vainqueurs de modes de jeu calibrés pour des équipes de trois à cinq joueurs. Cependant, le système de crowdfunding qui sera mis en place pour l’année à venir permettra de rééquilibrer un tant soit peu les inégalités.

Jusqu’en 2016, Blizzard fait preuve d’une certaine passivité et c’est d’autant plus étrange lorsqu’on sait que, dès 2011, Riot Games et Valve lancent leurs propres championnats du monde puis, dans la foulée, des programmes eSports régionaux et/ou internationaux.

Ces deux acteurs révolutionnent en quelque sorte le rapport qu’avaient les éditeurs avec leurs programmes eSportifs respectifs, il était en effet rare de voir des éditeurs s’impliquer dans le circuit compétitif de leurs produits et d’exercer un certain contrôle dessus.

Blizzard était un cas à part dans l’écosystème eSport car jouant aussi ce rôle depuis de nombreuses années, mais à une moindre échelle. Il est donc possible de penser que Blizzard a sciemment décidé de mettre de côté l’aspect compétitif sur l’une de ses franchises phares et voulu se concentrer sur d’autres aspects.

Un dernier mode de jeu s’est développé compétitivement ces derniers mois sur le jeu ; contrairement aux deux premiers, il n’est pas le fait de Blizzard. Fin 2018, pour la première fois depuis la création du jeu, une escouade de Raid diffuse sur Twitch, sous les couleurs de l’équipe eSport Method, ses tentatives pour devenir le premier groupe mondial à finir le Raid de G’huun Udir. Jusque-là, aucune équipe n’avait encore pris le risque de dévoiler publiquement ses techniques de combat, pour des raisons stratégiques qui firent toutefois pâle figure devant le succès de ce contenu novateur.

Au vu du succès de cette diffusion sans précédent, la demande concernant ce type de contenu s’avérait donc importante. Ainsi, lorsque Method a renouvelé l’expérience début 2019 pour le Raid Bataille pour Dazar’alor, leur stream a rencontré de meilleurs résultats que le broadcast des finales mondiales d’arène en 2018 ou encore la finale du MDI la même année.

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L’analyse des data obtenues se montre on ne peut plus évocatrice : le premier événement se place bien au-dessus des deux autres. En cumulant les chiffres des différents streams rattachés à l’équipe Method, on obtient un pic d’audience deux fois plus important que pour les deux autres compétitions prises séparément ; l’écart se fait moins important concernant l’audience moyenne, car la durée du live s’est avérée dix à vingt fois supérieure si on comptabilise les quatre chaînes Twitch ayant diffusé les tentatives de Method dans leur course mondiale de Raid.

Fatalement, la diffusion s’est donc déroulée durant certaines heures plus creuses, où l’audience était de fait plus réduite.

Quoi qu’il en soit, le développement de l’eSport sur World of Warcraft est à mon sens tout à fait singulier, voire paradoxal. À l’instar d’une présence sur le marché du jeu compétitif très précoce, Blizzard a accumulé un retard immense par rapport à certains de ses concurrents, alors même que sa franchise phare avait une popularité concurrentielle.

Lorsque Blizzard s’est enfin décidé à développer un programme eSport, l’éditeur a finalement rencontré le succès via un mode de jeu qu’il n’avait pas planifié, encore moins médiatisé. À mon sens, le mode de Raid présente ainsi un intérêt compétitif capital, non seulement pour World of Warcraft mais pour l’écosystème eSport de manière générale, étant donné la petite révolution qu’il peut engendrer.

Les courses mondiales de Raid : une modernisation inattendue de l’eSport

Bien que relativement courte, l’histoire du développement de l’eSport nous permet déjà de tirer certaines leçons. À quelques exceptions près, nous sommes dans une industrie cyclique : de nouveaux jeux apparaissent puis disparaissent dans la foulée. Plus importants encore, de nouveaux modèles compétitifs naissent et viennent ainsi influencer le marché de manière plus ou moins durable.

Les Battle Royale sont, par exemple, la parfaite illustration de ce concept. Après une période dominée par les MOBA, les RTS et les FPS, H1Z1, PUBG puis Fortnite et enfin Apex Legends ont initié un nouveau style de jeu et, surtout, à l’échelle de l’industrie eSportive, un nouveau genre de compétition. Cela a permis à l’eSport, notamment via Fortnite, de faire basculer l’industrie dans une dimension plus populaire.

Reste l’épineuse question de savoir où se situe la frontière entre la pratique compétitive et celle plus casual.

Mais quel est donc le rapport entre ces nouveaux modèles compétitifs et World of Warcraft, me direz-vous ?

Tout simplement, le mode de course mondiale de Raid pourrait susciter une révolution, à moindre échelle, au sein de l’industrie eSport, tant par le fonctionnement de son modèle compétitif que par les challenges qu’il amène à résoudre. J’emploie délibérément le terme de révolution, car, à mon sens, nous sommes ici face à une modernisation d’une pratique déjà bien ancienne et très ancrée dans l’univers du gaming : le speedrun.

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L’esport mis au goût du Speed Run !

Née en 1993 sur le jeu Doom, cette pratique est aujourd’hui encore très implantée dans l’univers vidéoludique. Pour résumer succinctement, un speedrun consiste à finir le plus rapidement possible un objectif dans un jeu vidéo (il s’agit le plus souvent d’arriver à la fin du jeu en question). Étant donné l’extrême maîtrise et la connaissance qu’une telle pratique suppose, elle est donc tout naturellement associée au retrogaming ; certaines stratégies de speedrun ne voient en effet le jour que plusieurs années après la sortie d’un jeu.

Des événements entiers sont dédiés régulièrement à l’exécution de speedruns et ils peuvent attirer une audience tout à fait conséquente. Il s’agit le plus souvent d’événements caritatifs, comme l’Awesome Games Done Quick ou la Summer Games Done Quick.

La course mondiale de Raid sur World of Warcraft correspond ainsi parfaitement à la définition du speedrun, en plus d’y intégrer des éléments nouveaux. En effet, de par la taille des équipes des participants (25 joueurs), le fait que toutes les équipes démarrent au même moment et l’apport de nouveaux contenus via les extensions, la course mondiale de Raid modernise de toute évidence la pratique du speedrun.

Avec ces éléments, elle rend ainsi cette pratique compétitive encore plus attractive et haletante. En y ajoutant les atouts usuels du speedrun en termes de divertissement, nous avons là un produit taillé pour la compétition, avec un haut potentiel d’attraction qui se démarque de celui des autres jeux eSports que nous avons l’habitude de côtoyer.

En effet, la majorité des jeux eSports actuels se base sur un système de PvP, opposant des joueurs les uns aux autres. La course mondiale de Raid confronte le joueur à un environnement hostile, chose peu habituelle au sein de l’industrie eSport.

C’est quelque chose de bien plus courant dans le monde du sport. En effet, des disciplines tels que le Kayak, l’escalade ou encore l’aviron se basent sur ce concept. De par la proximité entre le sport et l’eSport, cette typologie de discipline est amenée à se développer dans le cadre de la pratique compétitive des jeux vidéo.

Pour ce faire, cela passera dans un premier temps par une reconnaissance du facteur compétitif du Speedrun au sein même de la communauté eSport. Ce n’est pas encore le cas à l’heure actuelle. World Of Warcraft, de par sa notoriété, pourrait devenir le chef de file de ce courant et permettre un consensus, au moins partiel, autour de cette branche compétitive.

  Le dilemme des éditeurs occidentaux

D’autres éléments inhabituels pour une compétition eSport caractérisent les courses mondiales de Raid, les nouveaux Raids mettent en scène des environnements totalement inédits à chaque fois par exemple. S’ils apportent eux aussi des changements via des mises à jour, les jeux eSports « classiques » changent rarement la totalité de leur cadre.

De plus, dès la publication du nouveau Raid par l’éditeur et sans qu’aucun cadre compétitif ne soit instauré de sa part, une compétition internationale s’engage aussitôt, dans laquelle chaque équipe évolue selon son bon vouloir.

D’une facilité déconcertante dans son organisation, la course suscite un vif intérêt auprès des fans de World of Warcraft, et engage des coûts structurels dérisoires. À noter que, sans indication précise quant à la durée de l’événement (qui peut durer trois jours comme une semaine entière), l’audience reste généralement plus absorbée que lors de compétitions eSports standards, par crainte d’en rater les moments forts.

En effet, le spectateur moyen d’une course mondiale de Raid tend à passer plus de temps devant ce type de compétition que celui de l’OWL par exemple (62% de temps passés en plus en moyenne). Cette différence non négligeable montre bien l’engagement supérieur de l’audience dans ce type de compétition. Cela peut constituer un atout non négligeable pour cette discipline notamment d’un point de vue business.

Le mode Raid de World of Warcraft possède donc de nombreux atouts qui, à mon sens, le différencient de ce que nous avons l’habitude de voir actuellement sur la plupart des jeux compétitifs. Mais pour assurer sa réussite, ce nouveau modèle doit remplir certaines conditions, à mon sens indispensables à tout jeu dit compétitif.

Pour qu’un jeu eSport réussisse, rappelons-le, il doit intégrer les éléments suivants : une communauté de joueurs conséquente et désireuse de profiter d’un cadre compétitif, un cadre compétitif à la fois lisible et attractif, et, enfin, la mise en place d’un système de diffusion qui rend l’action compréhensible et intéressante pour le spectateur.

De mon point de vue, la course mondiale de Raid possède déjà les deux premiers éléments ; la communauté de World Of Warcraft est en effet nombreuse et fidèle au jeu. Quant à la demande d’un cadre compétitif, elle est présente, et ce depuis près de treize ans.

Concernant ce dernier, il peut bien entendu être encore amélioré, mais la base déjà existante est tout à fait fonctionnelle. Et puisque les courses mondiales de Raid sont des événements périodiques et internationaux, ils jouissent d’une certaine authenticité et rareté. De ce fait, ils concentrent le plus souvent l’audience sur des dates clés. Le même système peut être retrouvé sur CS:GO avec les Majors, par exemple.

Enfin, pour la diffusion de la compétition, on retrouve à peu près la même situation que pour Fortnite à l’heure actuelle, c’est-à-dire qu’un modèle parfaitement fonctionnel reste encore à trouver.

Ce qui est somme toute logique : il est évidemment complexe de partager la vision de vingt joueurs via un seul stream avec les outils actuels. C’est pour cette raison qu’un système de co-streaming a été mis en place par Method lors de leurs deux premiers Raids diffusés sur Twitch.

Je rappelle aussi que ces événements sont bel et bien diffusés à l’initiative d’équipes eSports, soit des acteurs qui partagent leur propre participation à une compétition. Il s’agit d’un fonctionnement unique dans l’industrie eSportive, qui mérite d’être souligné.

Les courses mondiales de Raid partagent finalement un héritage commun avec l’univers du retrogaming et popularisent cette pratique tout en y apportant des éléments nouveaux. Voilà ce qui, selon moi, peut rendre cette pratique attractive et compétitive.

À l’heure actuelle, ce type de compétition possède de nombreux atouts pour s’établir de manière pérenne dans l’industrie, ce qui pourrait logiquement intéresser de nouveaux clubs eSports et surtout, à termes, les marques.

Deux éléments peuvent ainsi susciter l’intérêt des marques pour les courses mondiales de Raid : d’une part, la grande liberté dans la production de contenu dont jouissent ses protagonistes, d’autre part, le fait que celui-ci leur appartient par la suite.

Investir dans les courses mondiales de Raid : quel intérêt ?

Plusieurs éléments de réponses apparaissent déjà, et ce malgré le nombre limité d’expériences publiques à notre disposition ; après tout, la première expérience de streaming d’une tentative de Raid dans le cadre d’une course mondiale ne remonte qu’à fin 2018 avec Method.

Au sein de l’écosystème eSport, on peut remarquer qu’il existe deux types de jeux eSports sur Twitch : ceux capables d’attirer une audience via des influenceurs, même en dehors des compétitions qui leur sont dédiées, et ceux uniquement présents dans le top 10 des jeux les plus regardés sur Twitch à l’occasion de leurs grands événements.

Pour ces derniers, ils peuvent s’organiser à travers des championnats de longue durée ou bien des événements plus éphémères. Dans le premier cas, on remarque que l’audience se mobilise le plus souvent en masse en début de saison et lors des playoffs : elle peut donc varier sensiblement sur une grande période de temps. À l’inverse, les événements ponctuels, de par leur rareté, concentrent généralement l’intérêt de leur audience sur des périodes clés du calendrier.

En ce qui concerne World of Warcraft, il est rare de le voir présent parmi les jeux les plus regardés sur Twitch. Peu d’influenceurs en font finalement leur contenu, excepté à l’occasion des sorties de nouvelles extensions (Sodapoppin en est un bon exemple). Ainsi, en 2018, pour les dix records d’audience sur ce jeu, sept étaient détenus par des chaînes diffusant un contenu dit compétitif. World of Warcraft rentre donc, à quelques exceptions près, dans la catégorie des jeux suivis sur Twitch principalement pour son contenu compétitif.

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Sodapoppin en plein stream sur World of Warcraft. Crédits : Sodapoppin / Blizzard

Il s’agit là d’une très bonne nouvelle pour toute marque souhaitant investir dans ce secteur et celui des courses mondiales de Raid. En effet, étant donné les caractéristiques de l’audience, les marques s’assurent une visibilité certaine à chaque événement.

Ceci s’explique par la logique de l’offre et de la demande : puisque l’offre est épisodique et rencontre la demande d’une communauté quelque peu frustrée du contenu eSport disponible sur leur franchise préférée, il est très probable qu’elle réponde présente à chaque événement. Il y a même fort à parier qu’elle souhaiterait avoir plus de choses à se mettre sous la dent. Dans un processus de construction d’une offre eSport pour un jeu donné, il reste cependant préférable de se retrouver dans ce type de situation plutôt que l’inverse.

Autre intérêt non négligeable : comme nous avons pu le voir précédemment, après avoir rendu l’instance de Raid publique, l’éditeur n’intervient plus à aucun moment dans la compétition.

À partir de là, les clubs eSports sont libres d’en faire ce que bon leur semble. Soit donc une opportunité en or pour créer un contenu diffusé et possédé à 100% par un club eSport. En exerçant un droit d’auteur sur leurs contenus, les clubs eSports possèdent alors un degré de liberté inégalé, même dans les autres compétitions eSports. Ce qui permet aussi de choisir les éléments mis en avant lors de la création du contenu.

De ce fait, ce contexte représente une immense opportunité pour n’importe quelle marque, car le produit brut de la compétition peut se façonner à souhait et supporter un vaste panel de messages et autres storytellings.

Ainsi, on retrouve une situation où il est possible d’associer les avantages les plus caractéristiques du sponsoring d’un club eSport (storytelling avec les joueurs, création d’un lien émotionnel, contenu sur les insides de l’équipe, etc.), ainsi que les avantages d’un organisateur de tournoi (libre accès au contenu de la compétition, visibilité média, contrôle visibilité sponsors, etc.).

Autre élément important vu précédemment : l’engagement de la communauté de World of Warcraft sur les courses mondiales de Raid. Celle-ci s’avère effectivement plus importante que sur d’autres compétitions comme l’OWL.

Si l’on compare ce type d’événement avec d’autres compétitions eSports plus emblématiques, les chiffres que l’on obtient en termes d’audience sont particulièrement intéressants.

Par exemple, lorsque l’on rapproche les data de la première semaine de la saison 2 de l’OWL et celles du Raid de Dazar’alor réalisé par Method début 2019, le pic d’audience et la moyenne de spectateurs est effectivement à l’avantage de l’OWL. Néanmoins, le nombre d’heures vues est largement en faveur de Method et son contenu. Le cadre étant différent, on voit ici que le contenu mis à disposition de l’audience ne se consomme pas de la même façon. Même si ces chiffres sont difficilement comparables, ils démontrent un intérêt notable sur lequel Blizzard devrait continuer d’investir.

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De plus, ces chiffres sont on ne peut plus encourageants, d’autant plus qu’ils sont atteints sans les mêmes moyens promotionnels ou la même soutien communautaire que l’OWL (20 clubs eSports en OWL saison 2).

Ainsi, les résultats obtenus par Method à travers leurs différentes chaînes Twitch apparaissent tout à fait prometteurs. Outre le potentiel global de ce marché, il peut être intéressant pour une marque de pénétrer un secteur dès sa construction, afin de se placer en tant que pionnier dans le domaine.

Quant au coût des tickets d’entrée, de par la périodicité et la fraîcheur de ces événements, il est fort probable qu’il reste très raisonnable, si on les compare par exemple à ce qui peut se faire en OWL (partenariat Twitch de 90 millions de dollars pour une exclusivité de diffusion sur deux ans excepté en Chine).

Des marques ont d’ailleurs déjà sauté le pas en sponsorisant des équipes de Raid. On retrouve parmi elles Method, bien entendu, qui a pu diffuser ses tentatives dans la Red Bull Gaming Sphere à Londres début 2019, dans le cadre du Raid de Dazar’alor.

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L’équipe Method dans la RedBull Gaming Sphere. Crédits : RedBull / Method

Les marques suivantes étaient aussi partenaires de l’événement : MSI, Fanbyte, Twitch, Vertagear, Kensington, Corsair, Discord et Zippo. Ces partenaires sont majoritairement endémiques, excepté pour le dernier.

Une autre marque non endémique a aussi fait le choix de supporter une équipe de Raid, à savoir la marque GNC, qui est devenue fin 2018 partenaire de l’équipe américaine Limit. Ce partenariat s’est d’ailleurs organisé de manière assez originale. GNC étant une marque spécialisée dans l’apport d’aide sanitaire et de bien-être, elle a mis un nutritionniste à disposition de l’équipe Limit, afin d’aider cette dernière à réaliser les meilleures performances possible dans un contexte compétitif qui peut parfois s’avérer délétère pour la santé des joueurs.

Créer un contexte économique favorable à l’investissement de marques est finalement une des problématiques attenantes à l’eSport. De par la nature des courses mondiales de Raid, le contexte dans lesquelles elles se déroulent et les avantages qu’elles offrent, ce mode compétitif offre de nombreuses perspectives intéressantes pour les marques.

Cependant, afin de favoriser les investissements, il est important d’apporter des éclaircissements ainsi que éléments de réponse aux différents challenges que soulève ce nouveau mode de compétition.

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La course mondiale de Raid : les challenges d’une révolution eSportive

Malgré l’idée développée depuis l’introduction, il serait toutefois faux de penser que les courses mondiales de Raid offrent un environnement parfait pour tous les acteurs souhaitant s’y investir. Il est normal, pour un contenu qui émerge à peine, de rencontrer certains problèmes. Nous allons donc en faire la liste afin de les analyser convenablement.

En dehors des quelques nouveaux Raid dévoilés par l’éditeur (2 à 3 par an), la scène compétitive qui gravite autour de ces événements ne vit pas, puisqu’elle ne dispose d’aucun autre contenu à exploiter.

Bien que sa fréquence constitue la force de ses événements, le développement de la scène passe, pour les acteurs, par la création d’une ligne directrice sur le long terme. À cet effet, ne serait-il tout simplement possible de lier les compétitions d’arène, de donjons héroïques et les courses mondiales de Raid pour créer une sorte de compétition multidisciplinaire ?

Cela pourrait ainsi créer un modèle de compétition unique au monde, en faisant un lien avec les autres circuits compétitifs créés par Blizzard, de manière à attirer de nouvelles équipes eSports.

Celles-ci, avec le soutien de leur communauté, participeraient alors au développement global de l’eSport sur World of Warcraft.

Un autre challenge considérable concerne la lisibilité dans la production de contenu autour des courses mondiales des Raid, l’objectif étant de diminuer le phénomène de fatigue des viewers.

Il est tout à fait logique que suivre vingt-cinq joueurs à l’écran, qui plus est sur World of Warcraft, puisse donner un rendu très brouillon, même pour les habitués, et d’autant plus inaccessibles pour les néophytes.

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Les raids de World of Warcraft peuvent être délicats à suivre pour les néophytes du genre. Crédits : Blizzard

Dans l’optique où conserver l’audience actuelle est aussi essentiel que tenter de conquérir de nouvelles parts de marché, cela ne peut s’exprimer autrement que par un modèle de diffusion qui puisse répondre à ce challenge.

Le système de co-streaming, système utilisé à l’heure actuelle, ne permet d’y répondre qu’en partie. Via ce procédé, chaque joueur peut finalement diffuser son point de vue afin d’accompagner une chaîne principale Twitch qui diffuse l’événement dans son ensemble.

Toutefois, cette technique ne peut résoudre complètement le problème lié au nombre de participants lors de l’événement. Pour ce qui est de diminuer le phénomène de fatigue du spectateur, résoudre les soucis de lisibilité est essentiel ; les solutions peuvent passer par le développement d’un nouvel outil technologique ainsi que par la création et l’utilisation de nouveaux contenus via la collecte de data. Il s’agit d’un procédé qui existe déjà sur des jeux tels que CS:GO ou League of Legends.

À noter qu’entre la diffusion par Method de la course mondiale de Raid fin 2018 et celle début 2019, le pic d’audience est en légère baisse (226 k fin 2018 et 197,12 k début 2019) ; une baisse qui ne peut sans doute pas uniquement s’expliquer par le phénomène de fatigue des viewers. Il faudra donc attendre de nouveaux événements pour voir se dessiner une tendance plus solide. Cela étant, l’hypothèse précédente reste tout à fait valable et il vaut mieux anticiper des réponses au cas où le problème viendrait à se manifester avec plus de véhémence dans le futur.

Les derniers challenges concernent enfin des approches purement business : à savoir comment attirer des marques dans un univers complexe puis, après coup, comment monétiser le contenu brut mis à disposition des équipes.

Dans un premier temps, il sera sans doute délicat pour des marques non endémiques de sponsoriser des acteurs participant aux courses mondiales de Raid. L’univers de World of Warcraft est complexe, les méthodes de diffusion ne sont pas encore optimales et le calendrier de compétitions peu accessible, car les Raids sont annoncés au fur et à mesure.

Toutes ces inconnues ne facilitent pas les prises de décision pour des acteurs qui peuvent être extérieurs à cet univers. Un long travail de vulgarisation attend donc les clubs eSports se lançant dans cette discipline.

Au-delà d’une approche de démarchage de nouveaux sponsors, les clubs eSports peuvent aussi faire profiter de cette expérience à certains de leurs partenaires actuels, de manière à leur faire découvrir le concept des courses mondiales de Raid. Cette étape intermédiaire peut ainsi constituer une ouverture privilégiée de ce marché en expansion.

Concernant la monétisation de la diffusion et des contenus créés, il y a là aussi un challenge complexe, mais intéressant ; c’est en tout cas l’avis partagé par le CEO de Method lors d’une interview donnée à The Esports Observer.

Les courses mondiales de Raid sont des événements nouveaux caractérisés par des périodes de live plus longues que les compétitions habituelles (518 heures de live pour la course mondiale de Raid de Method début 2019 contre 180 heures de live pour la première semaine de l’OWL saison 2). De plus, il n’existe pas encore de fil directeur sur le déroulé de ce type d’événements, comme il peut y en avoir sur d’autres tournois (Analyst Desk, Pick & Ban…).

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Les raids sur World of Warcraft pourraient potentiellement implanter un cadre de cast plus poussé. Crédits : Riot Games

Il est donc sans doute nécessaire de repenser les offres commerciales habituellement mises en place pour des événements eSports. Selon moi, il faut aussi repenser la façon dont les partenariats sont activés : se contenter de mettre les logos des sponsors pendant les 500 heures de stream ne représente pas un grand intérêt, par exemple.

Les organisations ont de fait l’opportunité de créer quantité de contenu, à travers un champ des possibles presque illimité, de par la nature et le cadre de la compétition. D’autant plus que le fait d’avoir vingt joueurs à disposition rend la création d’un storytelling plus aisée, car il est mathématiquement plus probable de trouver des personnalités atypiques.

C’est donc du côté de la création de contenu que les clubs eSports doivent se tourner pour monétiser la visibilité dont ils bénéficient sur leurs principales chaînes de média et inclure en même temps ces éléments dans les packages de sponsoring. Ces quelques pistes peuvent à mon avis apporter des éléments de réponse face aux challenges de la monétisation des courses mondiales de Raid. Nul doute que d’autres solutions seront trouvées prochainement.

A quoi s’attendre pour l’avenir ?

Dans une récente interview donnée à The Esports Observer, Jeramy McIntyre, le Head of eSports de World of Warcraft, est revenu sur la stratégie de Blizzard concernant le développement de la pratique compétitive sur cette franchise phare.

Il souligne les spécificités du MMORPG, notamment le fait que l’eSport ne soit pas au coeur de ce jeu, contrairement à Overwatch par exemple. Il en profite aussi pour partager sa propre vision de l’eSport sur son produit : son objectif n’est pas d’aller concurrencer en termes d’audience les autres mastodontes de l’industrie, mais plutôt de créer de l’engagement chez les joueurs de World of Warcraft.

Cette approche assez conservative, il ne s’en cache pas, concerne les deux circuits officiels mis en place sur le MMORPG, mais aussi la course mondiale de Raid. Il oppose ainsi une vision long-termiste et progressive à la course aux chiffres et à la croissance ambiante au sein de l’écosystème eSport.

C’est dans cette optique-là que se comprend le positionnement de Blizzard sur la course mondiale de Raid. Bien qu’il soit conscient du potentiel du produit, il souhaite cependant ne pas y toucher pour le moment car il fonctionne très bien tout seul.

Blizzard comprend donc parfaitement que ce mode de jeu recèle une pléthore d’atouts et pourrait attiser l’intérêt de nombreux acteurs de l’écosystème. Que ce soit la communauté eSport, les marques ou l’industrie dans son ensemble, chacun peut finalement y trouver des éléments intéressants, qui se différencient des contenus eSportifs standards. On peut alors parler à cet effet de modernisation révolutionnaire au sein de l’industrie.

Comme expliqué dans le développement de cet article, la situation reste cependant paradoxale quand on oppose les deux circuits officiels poussés par Blizzard et la course mondiale de Raid ; un paradoxe qui reste dans une certaine mesure tout de même bénéfique pour l’éditeur.

Cela étant dit, si Blizzard ne souhaite pas faire preuve d’un interventionnisme qui pourrait enrayer la machine, en faire la promotion serait néanmoins un apport non négligeable pour soutenir quelque peu le développement d’un mode de jeu très prometteur.

Cependant, plusieurs challenges doivent encore être adressés pour passer un nouveau cap. Certains de ces défis, s’ils sont relevés correctement, pourraient même bénéficier à l’écosystème dans son ensemble.

On peut prendre par exemple le cas du phénomène de fatigue des viewers. Le développement d’une nouvelle technologie permettant la diffusion simultanée d’un grand nombre de points de vue différents pourrait servir à d’autres jeux tels que Fortnite.

Si ce type de défi est passé sous silence, il y a  fort à parier que l’audience finira par se détourner de ce type de contenu, à cause d’une expérience spectateur loin d’être optimale.

Avec du recul, on peut identifier deux périodes dans le développement de l’esport de World of Warcraft : une première période débutant au milieu des années 2000 ou Blizzard a fait figure d’avant-gardiste de par son investissement direct sur sa franchise phare et une deuxième période débutant dans les années 2010 ou l’éditeur a eu une attitude plus conservatrice, attentiste. Cette deuxième phase laisse même l’impression que l’éditeur refuse de prendre un quelconque risque.

En 2018, l’OWL inaugure sa première saison avec 12 équipes ayant acheté des slots dont le prix moyen était de 20 millions de dollars, l’attitude de l’éditeur à propos de sa franchise phare ne fait clairement pas écho à ce type d’approche.

On pourrait penser qu’il s’agit de deux éditeurs indépendants l’un de l’autre tant les stratégies sont diamétralement opposées.

Si l’on ajoute l’expérience Heroes of the Storm et les HGC à ces éléments, ainsi que la perte de vitesse d’Hearthstone en 2018 ou encore les questions qui entourent l’OWL, la stratégie eSport de Blizzard soulève de nombreuses interrogations.

Qu’on ne fustige pas injustement Blizzard : tous les éditeurs eSports commettent des erreurs. Néanmoins, certains en tirent d’admirables leçons, tel qu’Ubisoft avec Rainbow Six Siege. Reste à savoir dans quelle catégorie se rangera Blizzard à l’avenir. Jusqu’alors, il est impossible d’émettre la moindre certitude tant le sujet est complexe et porte à controverse.

Sources pour réaliser cet article :

Estimation de l’évolution du nombre d’abonnés à World of Warcraft de 2004 à 2019 – Judgehype

L’esport de World of Warcraft, ce qui nous attend en 2018 – Site World of Warcraft

Mythic Dungeon Invitational : Les épreuves contre la montre approchent – Site Blizzard

Saison de printemps du championnat du monde d’arène : guide de visionnage – Site World of Warcraft

Statistiques du channel WoW sur Twitch – Sullygnome

How the World of Warcraft Raid Race Turned into a Business Opportunity for Method – The esports observer

How Method Maintained a Monopoly on Streaming the World of Warcraft Raid Race – The esports observer

Method Co-Owner Wants Official Raid Race Support From Blizzard – The esports observer

Head of World of Warcraft Esports Prefers a “Conservative” Approach – The esport observer

World of Warcraft’s Dual Esports Approach – The esport observer

Blizzard Entertainment Revamps World of Warcraft Esports, Introduces Crowdfunded Prize Pool – The esport observer

World of Warcraft Doubles Viewership on Twitch in 2018 With New Expansion – The esport observer

Method Shows World of Warcraft is Ready for a New Wave of Esports Investment – The esport observer

Method Takes Control of Twitch Again by Streaming World of Warcraft Raid Race – The esport observer

Overwatch League Sees Viewership Growth in Second Week of Action on Twitch – The esport observer

Lab Series Sponsors Invictus Gaming, ImbaTV and Douyu to Host First-Ever Dota Auto Chess Competition – The esport observer

Dota Plus may be too little, too late for Dota 2’s disappearing player base – Superdata

Method’s World of Warcraft Raid Race Uncovers Untapped Esports Market – The esport observer

L’esport, victime de la crise ? – Vakarm

Auto Chess is going mobile, removing Dota 2 themes, and getting a competitive league – Dot esports

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