Connaissez-vous l’actualité esport, à commencer par le grand gagnant de la finale de Counter-Strike : GlobalOffensive de l’IEM Katowice ?
Étiez-vous devant le match pour voir cet exploit ? Vous avez sûrement vécu un des moments les plus intenses de l’année.
Pour ma part, je n’ai ni vu le match, ni la moindre image de ces IEM Katowice. Et pourtant, je suis au courant de l’exploit Ence jusqu’à la rencontre contre Astralis, de l’intervention spontanée de Nikof lors de son interview, mais aussi des mésaventures de Kinstaar et de sa pioche.
Aucun suspens hélas, j’ai tout simplement ouvert mon fil d’actualité Twitter pour me rendre compte de toutes ces informations au cœur de l’actualité esport.
Cependant, si j’ai eu l’occasion de savoir toutes ces choses, alors que j’étais à la Gaming Winterfest de Melun plutôt qu’en Pologne, c’est parce que des acteurs du milieu, des rédacteurs et journalistes ont pris la peine de reléguer l’information jusqu’à mes réseaux.
Aujourd’hui, notre fil d’actualité a très largement remplacé le journal télévisé. Nous prenons nos aises et choisissons les informations qui nous semblent les plus pertinentes au quotidien.
Les sites d’actualités esport sont très actifs et rendent les informations disponibles d’abord sur leur plateforme avant de les promulguer sur les réseaux sociaux. Que ce soit par une recherche sur le moteur de recherche de votre choix (même Internet Explorer oui, oui) ou par Twitter et Facebook, vous aurez face à vous les informations les plus fraîches sur les compétitions, les jeux ou les joueurs.
Acheminer l’actualité jusqu’à vous peut représenter plusieurs heures de travail au quotidien. La presse écrite joue un rôle important, sa réussite dépend principalement des rédacteurs et des journalistes.
Pour vous donner un aperçu du travail de rédacteur, j’ai eu la chance d’échanger avec Flamm, actuellement rédacteur en chef adjoint de Team *aAa*.
Son travail au sein de l’association consiste à traiter les informations, mais aussi assurer la bonne mise en œuvre du travail des bénévoles qui contribuent énormément à la réussite de ce projet.
J’ai moi-même ainsi que la majorité des membres de Esport Insights vécu ce quotidien chez Connectesport. Pour ma part, il s’agissait de suivre et traiter toute l’actualité (roulement de tambours) sur Heroes of the Storm, un exercice quotidien effectué bénévolement et qui représentait souvent des dizaines d’heures hebdomadaires en complément de mes études.
Ce bagage est important dans mon appréhension de l’actualité esport et de son traitement. En revanche, il peut être difficile et vous le comprendrez rapidement, de bien saisir ce que représente le traitement de l’actualité sans en avoir soi-même fait l’expérience.
Nous consommons les actualités, mais de nombreux débats sont à l’œuvre sur la nature des sujets, leurs formats ou encore sur la nature des sources. Des sujets qui révèlent tout le travail des rédacteurs auxquels je tire mon chapeau pour leur persévérance.
Bonjour Flamm, est-ce que tu peux te présenter pour que nos lecteurs en sachent un peu plus sur l’homme derrière le capitaine ?
Je m’appelle Benjamin, j’ai bientôt 39 ans et je suis chef rédacteur adjoint, directeur du pôle League of Legends pour Team *aAa*. Mon statut de chef rédacteur adjoint me donne plusieurs missions, du traitement de l’actualité esport sur League of Legends à celle d’autres jeux comme les Battle Royale, mais aussi des annonces dans l’esport comme récemment, le partenariat entre Nike et la LPL.
J’écris beaucoup pour *aAa* bien que je n’ai aucune formation dans le journalisme. J’ai fait des études dans l’hôtellerie, un bac puis BTS et un master dans le tourisme.
Cela fait quelques années que tu es chez *aAa*, tu avais déjà de l’expérience avec l’esport avant de rejoindre l’association ?
J’ai rejoint team *aAa* en 2013 comme rédacteur bénévole. Avant cela, j’avais un lien en tant que joueur amateur, sur Counter-Strike puis sur League of Legends. C’était avant tout du jeu entre amis, on est loin de l’esport.
Pour la rédaction, je n’étais pas à mon coup d’essai, car à l’origine, je suis proche de la communauté des MMORPG. Je suis un très grand joueur de World of Warcraft, Lord of the Rings Online ou Rising Force Online. C’était mon univers avant de rencontrer l’esport.
Du jour au lendemain je me suis retrouvé dedans sans vraiment comprendre pourquoi. Dans le logement familial, il n’y avait pas vraiment de relation avec l’ordinateur, le premier est arrivé très tard je devais avoir 23-24 ans. J’ai commencé mon tout premier MMO à cet âge avec Dark Age of Camelot. La découverte de ce nouvel univers était une véritable extase, j’ai même choisi de prendre une année sabbatique pour profiter de la sortie du Seigneur des Anneaux Online.
J’ai tout de même fini par reprendre mes études, mais j’ai gardé un lien fort grâce à la rédaction avec cet univers. Je n’avais aucune formation de rédacteur et les premiers temps étaient compliqués. C’est en rejoignant *aAa* en 2013 que j’ai reçu l’encadrement nécessaire pour améliorer mon travail et m’intéresser plus à l’esport.
Tu n’es pas le seul dans ce cas, de très nombreux rédacteurs, moi y compris se sont lancés sans aucune formation et dépendent de la confiance d’association pour faire leurs premières armes.
Sur la dizaine de rédacteurs actifs chez *aAa*, nous ne comptons qu’un seul rédacteur issu d’une école de journalisme. Pour autant, il a commencé la rédaction avant d’avoir décroché son diplôme.
Pour la plupart des rédacteurs, il s’agit d’autodidactes passionnés par le jeu vidéo et l’esport. La tendance qui revient néanmoins chez *aAa*, c’est que les rédacteurs bénévoles sont issus d’études supérieures. Cela se comprend, car nous demandons une certaine qualité rédactionnelle.
Il n’y a pas de minimum de travail à fournir, car on parle de bénévoles, mais la qualité de traitement de l’information sur le site amène à une certaine sélection des rédacteurs.
Il est difficile avant d’attaquer les études supérieures d’avoir une affinité avec l’écriture même si certains sont déjà à l’aise. L’exercice écrit est beaucoup plus conséquent après le secondaire.
Je suis tout à fait d’accord, nous n’avons pas de politique dans le choix de nos bénévoles, mais le simple travail de rédaction représente une forme de tri naturel. Ce n’est pas le manque d’aptitude qui empêche ceux qui n’ont pas fait d’études secondaires de s’essayer à la rédaction.
Il faut avoir avec soi un bagage linguistique important alors que la majorité des informations sont en anglais voire en coréen. Il faut maîtriser la langue et de plus en plus, ces compétences ne sont acquises que dans le supérieur.
La rédaction est un milieu particulier, car il demande beaucoup de rigueur et on ne voit pas forcément le résultat de son travail immédiatement. Ce n’est pas forcément quelque chose qui plaît à tout le monde.
Il y a une véritable attention de la part de la communauté sur le travail des bénévoles. Les lecteurs viennent de l’esport et sont très critiques, il faut savoir être ouvert et la recevoir.
Les années d’études permettent souvent d’apprendre à recevoir la critique. Il y a beaucoup de candidats qui se proposent pour faire de la rédaction, mais très peu restent plus qu’une semaine ou un mois.
Même lorsqu’ils proposent d’écrire un article, ils se rendent compte de ce que représente l’exercice. Il s’agit de beaucoup de recherche, de la rigueur et de la concentration. Ils restent des bénévoles et nous sommes là pour les accompagner, pas pour les faire travailler. Bien souvent, on voit rapidement ceux qui ne parviendront pas à suivre.
J’imagine que la professionnalisation se fait aussi sentir dans la rédaction d’actualité esport comme dans le reste du secteur.
On voit moins de candidatures venir, mais elles sont plus motivées. Il y a deux ans environ, quand l’esport a commencé à exploser en France en particulier, nous avons reçu des candidatures sur presque tous les jeux.
Dès le mail de candidature, on voyait bien qu’il y avait un souci sur ce que la personne allait être capable de proposer. Personnellement, je suis favorable à la réalisation d’un premier papier pour savoir si la personne répond à notre ligne éditoriale. Malheureusement, beaucoup n’ont pas rendu ce premier papier malgré une candidature spontanée.
Beaucoup d’amateurs ne s’imaginent pas tout le travail que représente la rédaction d’un article. Ils sont passionnés de leur jeu et parfois, ils ont l’impression qu’il suffit d’aligner les mots sur le papier pour en faire un article.
La réalité est totalement différente. Les sujets prennent souvent des semaines de réflexion, il faut prendre le temps de voir la forme, préparer des interviews…
L’esport qui pouvait donner cette sensation d’accessibilité à tous a peut-être trompé en ce qui concerne le métier de rédacteur ou de journaliste. Il faut savoir éviter les fake news, avoir une bonne méthode de traitement de l’information.
Cela ne vient pas de nulle part, il faut souvent faire des études pour apprendre ce genre de choses. Pareillement pour la langue, cela peut paraître anodin de parler français, mais à l’écrit, il faut maîtriser une écriture assez soutenue, ce qui est loin d’être évident.
Maintenant que je regarde ce que j’ai proposé durant mon master pour mon rapport de stage, je me rends compte à quel point je n’étais pas prêt au métier de rédacteur. C’est grâce à des mois de travail, à l’encadrement du personnel de *aAa*, que j’ai réussi à avoir un niveau meilleur, mais encore largement améliorable.
Je suis encore souvent dans ma zone de confort et je sais que je ne me pousse pas forcément au maximum de mes capacités. Après tout ce temps, je sais que j’ai encore du travail à faire pour être considéré comme un rédacteur professionnel.
Les rédacteurs qui sont actifs sur l’actualité esport chez aAa sont tous bénévoles à l’exception de Zidwait et de toi-même. Qu’est-ce qui permet de créer le lien au quotidien avec ces acteurs essentiels de l’association ?
Tous les rédacteurs sont très impliqués dans la rédaction et dans le jeu qu’ils couvrent. S’ils sont encore présents pour certains après 4 ou 5 ans, ce n’est pas un hasard. Généralement, ils sont investis et ils aiment écrire, c’est une passion pour eux autant que le jeu vidéo.
L’association fait le maximum pour rendre leur expérience de rédacteur agréable et cela passe entre autres par la possibilité de venir en LAN avec l’équipe. Certes, ils vont travailler sur place, mais c’est aussi ce qu’ils recherchent.
J’ai vu des changements se faire de ma transition de bénévole à cadre au sein de l’association. En endossant ce rôle, j’ai dû prendre en compte des actualités et des jeux qui ne m’intéressent pas forcément, mais qui ont leur place chez *aAa*.
Du moment où l’on dépasse le plaisir et la passion, que l’on parle de travail, il est tout à fait normal de faire des concessions et de devoir prendre sur soi. Ces sujets ne m’attirent pas, mais ils font partie du métier et c’est une petite concession quand on y pense.
Qu’est-ce que cela veut dire être rédacteur en chef adjoint chez *aAa* ?
Il s’agit de traiter de l’actualité compétitive, des patchs de jeu, les nouveautés de l’écosystème. Il y a aussi la réalisation d’interviews qui prennent du temps et qui demandent beaucoup de traitement. Je dois aussi aider à la bonne mise en œuvre de l’association et du travail des bénévoles.
Nous avons plusieurs projets qui se sont mis et qui se mettent en place, l’arrivée de notre équipe League of Legends en LFL par exemple. La réalisation du dossier nous a pris beaucoup de temps, mais aussi la recherche de manager et de coach.
Il y a souvent des nouveautés qui arrivent et qui s’ajoutent au travail du quotidien, cela casse la routine. Il m’arrive d’avoir des jeux comme Rocket League qui reviennent ponctuellement, ou de nouveaux jeux comme Apex Legends qui viennent transformer la façon d’appréhender l’actualité esport.
Je n’ai vraiment pas le temps de m’ennuyer. Même si on parle beaucoup des jeux, il faut parfois prendre le temps de jouer pour savoir ce que l’on raconte. Savoir dans la théorie est une chose, mais il faut aussi de la pratique.
On ne doit pas juste répéter ce que l’on a plus ou moins entendu, mais bien savoir de quoi on parle.
Il n’y a pas de lassitude dans le milieu, en particulier avec tous les changements qui existent dans l’esport. Les joueurs professionnels qui abandonnent la compétition, ils sont souvent lassés et ils ne prennent plus leur pied parce qu’ils ont fait le tour de ce qui les faisait jouer au jeu. On ne peut pas rester professionnels dans le milieu si on ne parvient pas à être animé par sa passion.
Tu as eu une expérience marquante chez *aAa* que tu serais prêt à partager ?
Je pense à mon premier déplacement, c’était pour les IEM Katowice de 2014. Il s’agissait de mon tout premier déplacement en tant que rédacteur esport, le premier avec *aAa*, mais aussi le tout premier que je faisais à l’international. Le tiercé gagnant.
Pour moi, c’était une occasion de voir la compétition autrement, faire ma première photo de fan avec les champions de League of Legends à l’époque, les KT Rolster. C’était aussi la première fois que je croisais des joueurs comme Yellowstar ou Soaz.
Depuis, je ne crois pas qu’un événement ou une actualité ait été aussi important pour moi.
On ne peut pas évoquer ton travail de rédacteur sans prendre en compte la rapidité avec laquelle tu arrives à traiter les actualité esport. Cela fait de toi un pilier de l’information chez *aAa* et c’est grâce à une veille, j’imagine, très méthodique. Tu peux m’en dire plus sur ta manière de traiter l’information ?
On a la chance d’avoir des outils performants, Tweetdeck étant celui que j’utilise le plus. Chaque veille informative est différente selon le jeu. Le type d’actualité change, pour League of Legends on trouve beaucoup de patchs, mais la priorité va souvent au mercato. Il s’agit de beaucoup de suivi des structures à haut niveau, des joueurs les plus importants pour connaître leur actualité.
Lorsque je commence le boulot, c’est mon premier réflexe, j’ajoute à Tweetdeck plusieurs sites de références, en particulier pour tout ce qui touche à l’Asie. On doit toujours rester vigilant et ne pas oublier de dormir de temps en temps, il paraît que c’est assez utile pour rester actif.
Twitter est une source importante, mais aussi les différentes rumeurs, les petits oiseaux comme les appelles nos rédacteurs. Ces informations sont importantes, des fuites sont possibles en particulier sur des forums comme Reddit.
En revanche, il faut faire énormément de tri, car la quantité de fake news est colossale. On trouve de tout et de n’importe quoi, surtout du n’importe quoi.
J’ai particulièrement été formé sur la veille informationnelle dans le tourisme, un point mis en avant pour le e-management.
Il faut savoir être aux aguets, toujours au courant de ce qu’il se passe. J’apprends tous les jours de mon travail sur le sujet il arrive toujours que des informations passent à l’as.
Une veille informationnelle réussie dépend des outils et de l’utilisation que l’on en fait. Un Tweet deck peut être très performant du moment où l’on l’utilise pour plus qu’un simple Twitter.
Nous sommes actuellement en pleine compétition, le suivi est assez calme, mais lorsque l’on arrive en pleine phase de mercato, les informations n’arrêtent pas de fuser, qu’elles soient vraies ou fausses.
Tu parlais de l’importance du sommeil, j’imagine que pour être toujours à l’affût de la dernière actualité esport, il faut savoir moduler son temps, son espace, sa façon de vivre pour être le plus apte à répondre à la demande.
Pour ma part, mon bureau a totalement changé depuis que je rédige. Désormais, il est impossible de travailler sans avoir trois écrans, alors que je pensais que c’était superflu. Durant la Lyon e-Sport, n’avoir qu’un seul écran pour couvrir l’événement, c’était très difficile. En temps normal, un écran me sert uniquement pour la veille, un second pour travailler et le troisième pour le reste des tâches.
La qualité de ma veille informationnelle va être impactée par un manque d’organisation et de matériel. Il s’agit de prendre certaines habitudes, avant d’aller au bureau je regarde mon Twitter, en repartant aussi afin d’être toujours au courant.
Être toujours aux aguets de l’actualité, c’est quelque chose qui te bouffe au quotidien.
Dans la pratique, il faut avoir une grosse organisation, je prépare souvent des colonnes par jeu, parfois par événement, dernièrement pour les IEM Katowice.
On ne se rend pas compte du travail que représente le traitement de l’information, la recherche et sa mise en forme. Le travail de veille se fait à double sens, on apporte à notre lectorat l’information avec un traitement particulier qui leur permet de prendre tous les éléments en main. Cela passe entre autres par le travail important de community management, un aspect supplémentaire du travail souvent trop pris à la légère.
L’actualité esport demande une certaine réactivité en plus de la rigueur, car on ne peut pas passer outre la concurrence des nombreux sites d’actualités esport.
Il ne faut pas se cacher qu’il y a une guerre entre les différents sites d’informations. Notre ligne éditoriale est un peu différente et nous aide à garder une longueur d’avance. Réussir à proposer l’information en premier, c’est un gage de réussite pour le lectorat. On va réussir à capter l’auditoire friand d’information, mais cela met énormément de pression.
On le voit particulièrement sur le mercato, les informations sont redondantes : un joueur va quitter une équipe pour en rejoindre une autre.
Pour changer cela, il faut faire beaucoup de travail en amont pour appréhender les différentes questions.
La guerre du chiffre est présente, car la communauté actuelle veut pouvoir consommer très vite. On le voit sur les jeux de plus en plus, mais aussi sur les actualités qui doivent être courtes et accessibles.
Cela demande énormément d’adaptation et notre veille informationnelle doit se faire en permanence. Un changement de joueurs doit être traité dans la minute au risque de perdre tout son intérêt.
Cette guerre de l’info n’est pas facile, elle demande des sacrifices et la veille informationnelle à ce niveau ne peut être appliquée qu’à deux jeux avec nos moyens actuels. Lorsque nous sommes en période de mercato sur League of Legends, je dois être à 100 % sur le jeu.
L’esport est planétaire et les annonces n’attendent pas que Flamm se réveille pour être officialisée.
Comment est-ce qu’on peut faire pour ne pas tomber dans le copier-coller d’informations si l’on veut être le premier à faire paraître son article ?
Il faut savoir faire la part des choses pour que sa veille soit adéquate au qualitatif et au quantitatif. Parfois, revenir un peu sur l’actualité et faire un grand article dessus permet d’apporter cette valeur ajoutée à l’information.
C’est lorsque l’actualité se calme, que le mercato se termine, que l’on peut prendre le temps et accorder notre attention à des dossiers particuliers.
Il ne faut pas oublier que la grande majorité des rédacteurs sont des bénévoles. Ils ont une activité à côté alors que moi, il s’agit de mon travail. On l’oublie souvent, mais cette activité est chronophage et pouvoir suivre l’actualité esport en direct tout en proposant des sujets de fond, cela demande beaucoup d’investissement.
La ligne éditoriale de *aAa* est très axée sur l’esport. Est-ce que tu vois un monde où l’on arrive à dissocier la rédaction gaming de la rédaction esport ?
Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Pour prendre League of Legends comme exemple, toute la compétition est directement impactée par les changements dans le jeu. On ne peut pas passer à côté de l’arrivée d’un nouveau patch pour comprendre le jeu compétitif.
Il est important de traiter ce genre d’information, car le changement de la méta peut totalement changer la façon d’appréhender le jeu compétitif.
Il existe cependant des limites dans le traitement de ce type d’information. La ligne éditoriale de *aAa* est floue à ce sujet, car elle dépend de notre envie et des besoins de la communauté.
Lorsque j’ai rejoint *aAa*, nous proposions de petites brèves sur les promotions de champion et sur les rotations des champions gratuits de League of Legends. Ce type de contenu n’a rien à voir avec l’esport et n’impacte en rien la compétition. Il y a une certaine demande de la communauté pour ce type d’informations, même si elle ne concerne pas le compétitif. Encore récemment pour l’arrivée du PSG sur Brawl Star, nous avons réfléchi à la légitimité de ce type de contenu au sein de notre ligne éditoriale.
Certaines personnes vont comprendre que le contenu est légitime, car le PSG Esport a sa place dans l’environnement français, mais on peut douter de la place de Brawl Star chez *aAa* alors que nous n’évoquons pas la compétition de ce jeu mobile.
Pour beaucoup, l’esport représente une vitrine publicitaire, on le voit du côté des éditeurs pour Apex Legends ou Fortnite, mais pour d’autres, c’est une pratique à part entière comme League of Legends, Dota 2 ou Counter-Strike : Globale Offensive.
Chez *aAa*, la frontière entre ces deux pratiques est floue, en particulier parce qu’elle ne cesse jamais de changer. Elle évolue principalement parce que la communauté change tout le temps. Les passionnés ne sont pas les mêmes qu’il y a cinq ans. Elle est de plus en plus jeune et orientée vers le Battle Royale. League of Legends reste le fer de lance du site et cela a même été une raison de critiquer notre ligne éditoriale.
On le voit en particulier avec Apex Legends, la demande est réelle, même chez ceux qui en font la critique. Le Battle Royale n’est pas de l’esport pour eux, mais ils s’y intéressent, car on ne peut pas suivre l’évolution de l’esport sans prendre en compte ce type d’information.
Cela amène à des situations ou dans la même journée, je vais écrire sur le tournoi de Fortnite d’une LAN française, les Twitch Rivals sur Apex Legends, mais aussi les chiffres sur Twitch.
L’arrivée d’Apex Legends a secoué tout le monde par ses chiffres, 25 millions de joueurs en quelques jours. En conséquence, je dois faire au début de la semaine un petit bilan régulier sur le viewership même si cela n’a pas d’incidence directe avec l’esport.
Aujourd’hui, dès qu’un jeu explose sur internet, s’il possède un mode compétitif, il sera automatiquement affilié à l’esport.
Pas plus tard que le mois dernier, le débat entre esport et esportainment avait fait émoi sur la toile. De mon point de vue, on voit une première démarcation nette dès qu’un éditeur est prêt à ajuster son jeu pour le seul besoin des compétiteurs.
J’avais une discussion avec des rédacteurs sur l’équilibrage des champions dans League of Legends. C’est une question qui est omniprésente depuis le début de l’esport. Déjà sur Starcraft et Starcraft II, certains amateurs ne comprenaient pas des changements faits à la demande des joueurs professionnels.
Sur League of Legends on le voit très bien, des changements d’items, de stratégie sont effectués en réponse à la pratique des professionnels. Riot Game, en jugeant que certains aspects ne sont pas divertissants pour le spectateur décide de changer le jeu afin d’améliorer l’expérience compétitive.
La frontière entre divertissement et esport est très fine et difficilement matérialisable. Pour beaucoup, l’esport reste encore une fenêtre publicitaire afin de vendre le jeu. Les joueurs influents participent à la popularisation des cosmétiques en les utilisant lors des compétitions. Cela paraît anodin, mais l’impact du compétitif sur l’esport et le divertissement est énorme.
Le jeu et l’esport ne sont pas dissociables aujourd’hui, ceux qui ne font pas le pari du divertissement ne vont pas réussir à accrocher les joueurs malgré un très bon potentiel.
De plus en plus de personnes vont interagir avec l’esport sans être directement concernées par le jeu. Tout est fait pour qu’une personne qui ne joue pas puisse accéder à l’esport et profiter du divertissement qui lui est proposé, de la même manière que le football arrive à faire venir un public néophyte lors des grands événements.
On le voit pendant les très gros championnats, sur League of Legends durant les Worlds par exemple. Une partie du public ne joue pas au jeu, mais regarde la compétition parce qu’un proche s’y intéresse.
Sur Counter-Strike : Global Offensive, les IEM de Katowice font des résultats impressionnants cette année. Je ne suis pas Counter-Strike, mais je m’intéresse à cette compétition.
Aujourd’hui, la liaison entre divertissement et compétition est essentielle à la réussite de la pratique. Certains veulent dissocier les deux pour revenir à une pratique dite pure. Pour reprendre l’exemple du football, on le voit lors de la coupe du monde par exemple, les gens viennent pour voir un spectacle d’envergure plus qu’une compétition. Ils n’ont pas besoin de connaître les règles, ils apprécient le moment.
Merci Flamm pour ces éclairages !
Vous possédez désormais quelques clés supplémentaires pour comprendre la vie d’une actualité.
Il existe de nombreuses formes de traitement, certains sites préfèrent la qualité à la quantité, d’autres l’efficacité et la rapidité. Il faut avoir conscience de ces différences et des multiples strates d’analyses et de traitement qui s’accumulent autour d’une même information.
Bien souvent, Twitter est à la base de débat et de conflits par manque d’éducation sur la nature d’une information. De plus en plus, les rédacteurs s’affirment et parviennent à lire entre les lignes pour repérer et éviter les intox ou fake news.
Néanmoins, tant que le secteur ne sera pas complètement professionnalisé, il sera toujours faillible, bien que certains journalistes professionnels aient fait de nombreuses erreurs à l’égard de l’esport par manque de discernement.
On voit particulièrement la difficulté de définir la place de l’esport et du divertissement dans le traitement de l’information. De la même manière que les spécialistes ne parviennent pas à se séparer sur le sujet, les médias sont à cheval entre deux approches et n’arrivent pas à séparer ou fusionner les deux ensembles.
Les médias esport sont au cœur du sujet, puisqu’ils permettent à l’information de circuler, aux idées de se répandre chez le plus grand nombre. En choisissant une ligne éditoriale affirmée sur la compétition, *aAa* fait le pari de mettre en avant l’aspect compétitif plus que le divertissement, même si l’un ne parvient plus à se dissocier de l’autre, au grand dam des plus nostalgiques.