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L’esport peut-il changer ma vie ?

Par Christopher Lima

Tu t’apprêtes à lire l’histoire de ma vie… Peut-être même celle de la tienne. Il y a ces passions comme  qui nécessitent un investissement monstre, pour très peu de récompenses à l’arrivée. L’esport et Rainbow Six en font partie.

Depuis plus d’un an, je donne tout mon temps à ce qui me semble juste : raconter l’histoire de Rainbow Six: Siege et de ses acteurs. Chaque jour, j’œuvre pour manier nos langages et en ressortir ce qu’il y a de meilleur.

Je n’ai jamais compté mes heures. Comment peut-on le faire quand on s’investit pleinement dans ce qui nous motive chaque matin au réveil ?

Tout cela dans un seul but : accomplir ce rêve d’enfant. Vivre du jeu vidéo et de l’assemblage des mots. Pouvoir partager des connaissances et des émotions.

Tout sacrifier pour ma passion de Rainbow Six ?

Mais… Que suis-je prêt à sacrifier – de plus – pour donner à mon destin la trajectoire qu’il mérite ?

Si je m’arrête là, qu’aurais-je à perdre en ayant commencé uniquement avec des idées, mon vécu et une page vierge de Google Docs ?

Je dirais qu’au-delà d’une centaine d’articles de fond et d’échanges extraordinaires, je laisserais s’échapper un passé d’efforts, un présent de rêves et un futur qui a tout à m’offrir.

Je verrais s’envoler la réussite d’avoir pu m’entretenir avec les meilleurs joueurs mondiaux.

Mais aussi celle d’avoir créé mon auto-entreprise, malgré son statut précaire, après avoir été contacté par Ubisoft pour produire du contenu Rainbow six .

En abandonnant le rêve de toute une vie, je donnerais raison à ceux qui me disaient – à l’époque et encore aujourd’hui – que je n’arriverais à rien, car – toujours selon eux – l’esport n’a rien à offrir aux gens comme moi.

Est-ce que je devrais les écouter, abandonner et replonger dans la réalité ?

C’est la question que je me pose désormais. Même si dans le fond, tout ce que j’ai pu accomplir, en partant de zéro, j’en suis fier.

Sans avoir fait d’études dans une grande école, sans connaître – au commencement –
les rouages de l’esport, sans savoir dans quoi je m’embarquais, je n’ai fait que
progresser et m’adapter.

Derrière chaque chute, comme pas mal de fous rêveurs dans ce milieu, je me suis toujours
relevé.

Les développeurs, les journalistes, les photographes, les présentateurs, les joueurs semi-professionnels, les structures, leur staff, leurs compétiteurs, et surtout les millions de viewers et de joueurs « casu » : nous possédons une richesse nommée Passion.

Les plus belles réussites de notre histoire ont découlé de cette affection, avec laquelle il est impossible de tricher.

Ce qui est fait sans passion n’a pas d’âme et ne touchera jamais réellement un être humain.

Messieurs les grands Patrons de l’industrie vidéo ludique, gardez toujours en tête que nous, les amoureux de l’esport, sommes et serons les piliers des fondations de vos marchés économiques esportifs.

C’est pourquoi nous l’avons tous compris. Même si c’est une dangereuse source de démotivation, le bénévolat ne reste pas moins qu’un vecteur authentique vers la réussite. Pas parce qu’il apporte des choses. Mais bien parce qu’il n’en apporte pas. Ou du moins, pas autant qu’à ceux qui en profitent en tout premier plan.
C’est ce qui nous pousse à montrer ce qu’on a dans le ventre, à se battre pour survivre tel un plancton dans un monde de requin.

Rainbow-Six

« Comme Sledge, il faut parfois briser des murs pour avancer » (©Schris)

Je ne suis pas meilleur qu’un autre. J’ai beaucoup à apprendre. Mais je repense souvent à ce que j’ai accompli avec trois fois rien. C’est à ce moment que j’imagine ce que je pourrais accomplir avec trois fois plus.

Créatif et adversaire de la répétition, j’ai mené un combat contre le syndrome de la page blanche. Avec cette volonté de faire chaque papier meilleur que son prédécesseur. Et l’idée folle que je pourrais passer d’observateur à acteur.
Je devais donner de la voix à mes écrits, afin de trouver ma propre voie dans l’esport.

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Pourquoi accorder autant d’importance à cette sphère ?

Passons au-dessus du débat impliquant de mettre un « e » devant le terme sport. N’en
déplaise aux médisants, à ceux qui refusent d’ouvrir les yeux, ceux qui voient dans les jeux vidéo, le mal incarné : l’esport réunit tout ce qu’on pourrait trouver à la base du sport traditionnel.

Plus loin que ça, c’est un formidable écosystème qui transforme de la vie virtuelle en expériences humaines incroyables.

Et si l’esport a aujourd’hui tendance à rimer avec opportunités et retombées économiques, je veux croire qu’il conservera ce qui me séduit chez lui : un mouvement de valeurs qui ne sera dicté par aucun autre motif que celui de la passion.

Nous devons préserver l’esprit de liberté qui poussait des gens ordinaires à organiser des tournois basiques, dans une cave, à défaut de disposer d’un simple local.

Mais peut-être est-il déjà trop tard ?

Qui sait ce que l’esport peut nous apporter quand lui-même se cherche toujours ?

Tout laisse à penser que seuls les plus opportunistes pourront tirer leur épingle du jeu. Quand d’autres, pas assez riches pour mettre sur table leurs projets, pas assez pistonnés pour avoir de la visibilité, ou peu préparé à ce monde et ses codes pour ne pas abandonner, seront laissés pour compte. Et ce, qu’importe leur talent.

Tu te demandes certainement qui je suis pour te parler de tout ça et de Rainbow Six ?

Je répondrais : une éponge qui absorbe son environnement, une plume qui décrit le monde autrement, et parfois même un mégaphone qui apporte une touche de philosophie.

Ma légitimité, je l’ai construite sur du réel. J’ai toujours souhaité me démarquer. Emprunter des sentiers périlleux, je trouve cela bien dans une société où chacun ressemble de plus en plus à son voisin.

À la volonté de se conformer à des modes et des codes je répondrais : pourquoi ? Cela paraît clairement en totale contradiction avec l’esport qui – lui – reste fondé sur un principe de compétitivité, d’innovation et de caractères forts.
Peu importe le jeu sur lequel tu t’épanouis, ton âge – trop jeune ou trop vieux diront certains – ou tout aussi bien les moyens et le temps que tu es prêt à employer dans l’esport : si tu es là, à vouloir participer à ce mouvement mondial, ce n’est pas par hasard.

Ta présence compte. Il n’y a pas d’océans sans goutte d’eau. Et l’esport c’est un tsunami qui déferle actuellement dans l’opinion générale.

A l’image du coaching et de la formation, le journalisme devra se faire une place sur les différentes scènes esportives (©François Kaiser)

Qui sait si je suis prêt à surfer sur cette vague ?  Je me suis autoformé sur le tard, très souvent avec un sentiment de solitude.

Pas étonnant qu’à l’heure où j’écris ces lignes, l’inspiration me vienne tout droit de « 8 Miles Road » d’Eminem. Et certaines de ces paroles qui résonnent dans ma conscience.

« Dès fois j’ai l’impression que je devrais m’arrêter / Pourquoi est-ce que je mène ce combat ? / Pourquoi est-ce que je continue d’écrire ? / Parfois c’est dur de vivre dans la vraie vie / Parfois je voudrais sauter sur la scène et exploser le micro / Montrer à ces gens de quoi je suis capable ».

Il faut bien comprendre qu’au-delà de mon statut de journaliste semi-pro, je raconte plus que des histoires : je les vis.

Peut-être un peu trop dangereusement, je le concède. Car à force de vivre en rêvant, tu te mets à rêver de vivre.

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Et cela pour un homme, c’est ce qu’il y a de plus dur à accepter le jour où tout s’arrête. Le jour où tu jettes l’éponge, usé par la montée d’une colline d’efforts face à des montagnes de questions en suspens. Sur mon 8 Miles Road, je suis aujourd’hui en panne sèche.

Je ne le répèterais jamais assez, je suis parti de rien. Mais en partant, je laisserais tout à Rainbow Six.

Des résumés de match maladroitement formulés à mes débuts, à mes premiers coups d’éclat, en passant par un statut de « meilleur journaliste de la scène Rainbow Six » – que j’ai toujours eu du mal à entendre – je n’ai pourtant fait qu’un petit pas.

Celui de l’audace et de la réflexion qu’aux questions, il faut apporter des réponses.

Qu’en venant à mon contenu, on devait repartir en ayant appris quelque chose ou en ayant ressenti une émotion.

Pour pouvoir conter Rainbow Six et son esport, il me fallait vivre dans sa peau.

Il me fallait, par exemple, capter la pression mise sur les épaules d’un esportif avant sa montée sur scène.

En partageant avec lui cette folie : celle qui pousse des hommes à prendre des risques démesurés pour saisir leur chance, quitte à placer leur vie personnelle en jeu.

De facto, je me suis senti investi de la mission d’assimiler le plus de connaissances possible sur ce qu’avait à m’apprendre ce Nouveau Monde.

Mon quotidien a rapidement laissé place à des échanges enrichissants avec des esportifs professionnels de tout horizon, des développeurs, des coachs, des casteurs, des fans, des journalistes étrangers…

Il me fallait arpenter tout ce qui touche de près ou de loin à l’univers de Rainbow Six et de l’esport.

Peut-être la connais-tu, ou alors peux-tu la comprendre, cette sensation ?

Celle où, au travail, tu penses davantage à comment optimiser ce qu’on pourrait appeler une « passion élaborée », plutôt que de te concentrer sur les tâches que tu exécutes pour « remplir le frigo » ? Ou comment compiler deux journées de boulot en une seule.

Tout ceci impliquant des absences familiales, la déconnexion d’un rythme de vie sain, mais par dessus tout, une épreuve mentale où l’on repousse un peu plus loin, chaque jour, nos limites. Le pire sentiment venant d’un cautionnement.

Nous ne serions pas assez bons pour aspirer à mieux ?

Pourtant, personne ne pourra m’enlever ce que j’ai apporté.

Personne ne pourra contredire la pertinence et le professionnalisme dont j’ai fait preuve dans mon contenu.

J’ai été le premier à m’entretenir profondément avec Fabian, le capitaine de la meilleure équipe de Rainbow Six Siege. Je me revois encore tremblant d’excitation, bégayant en anglais pour poser mes questions à un grand champion, alors que je n’étais personne. En y repensant de plus près, je réalise qu’il aurait pu m’envoyer bouler avec mes questions osées et ma réputation inexistante.

À l’heure de réaliser la même chose avec Falko, unique joueur Français à avoir remporté deux Pro League, j’ai également surmonté un défi. Celui de réussir à faire s’exprimer publiquement quelqu’un qui en avait besoin au fond de lui. Je pense avoir gagné le respect de tels joueurs en ayant été tout d’abord respectueux envers eux. Car jamais je n’ai oublié la place qui est la mienne. Il me faut faire briller les autres avant moi-même.

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Vivre et raconter des événements : l’une de mes plus importantes inspirations (©Ubisoft)

À mon échelle, j’ai eu le mérite de ramener des passionnés d’esport vers Rainbow Six, car ils ressentaient – à travers mon contenu – tout ce que cette scène pouvait leur offrir.

En publiant un article sur mon compte Twitter à 300 followers, j’ai réussi à atteindre plus de 40 000 impressions. Qu’on ne me dise plus jamais que les gens ne savent pas lire et que les sujets de fond ne les intéressent pas.

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J’ai inspiré des jeunes qui souhaitent aujourd’hui se lancer dans le monde du journalisme parce qu’ils ont compris que l’on pouvait mêler culture, reconnaissance et amour de l’esport.

J’ai aussi pris des risques en confrontant des informations sérieuses à des univers décalés, pour divertir les gens.

J’ai dépassé le newsing pour parler d’histoires vraies. Comme lorsque j’ai produit du contenu sur un enfant dyslexique devenu joueur professionnel.

Mais tout cela, je l’ai fait avec l’impression d’avancer à l’aveugle. Tous les choix n’ont pas été simples à faire.

Je pourrais en vouloir à ceux qui ont critiqué ma volonté de diffuser la culture R6, au sein du plus important média français de l’esport. À ceux qui m’ont abandonné dans les moments de doute et ceux qui m’ont jalousé dans les moments de réussite. Mais l’esport m’a fait évolué. J’ai appris à muer ma colère en force. L’esport m’a fait grandir.

Je pourrais aussi quelque part en vouloir à Millenium de ne pas me proposer un poste, de ne pas me former au métier de journaliste, de ne pas m’offrir plus qu’une place de bénévole. Mais Rainbow Six est un nourrisson dans le monde de l’esport, l’esport n’étant encore lui-même qu’un enfant. Je le savais au moment de fixer mes objectifs, et je l’ai accepté en toute honnêteté.

Qu’en advient-il de ceux qui ont consulté régulièrement mon contenu, sans pour autant accorder le moindre sens du partage ? Cela m’aurait grandement aidé. Si mon contenu n’est pas qualitatif, pourquoi venir le consulter à chaque sortie… Là encore, je ferais fi de tout ressentiment. Notre société fonctionne ainsi, il faut l’accepter.

En fait, je pourrais avoir une dent contre la terre entière. Principalement pour le fait que je stagne et que je ne vois aucun avenir pour moi – à l’heure actuelle – dans le milieu de l’esport. Mais ça, ce serait tomber dans la facilité.

Après plus d’un quart de siècle écoulé dans mon existence, j’ai compris que ce que l’on désire, il faut le conquérir, à force de travail et de détermination. Et que jalouser les autres n’apporte que de l’exclusion et des regrets.

C’est à moi et à personne d’autre d’évincer mes peurs.

Cette peur de m’effacer face à la professionnalisation de toute une scène.

La peur que ma voix ne comptera jamais.

Cette foutue peur de rater ce qui devrait être la chance de ma vie.

Suis-je un journaliste ? Officiellement, non. Je n’ai ni carte de presse, ni de salaire régulier dans ce domaine. Mais c’est mon rêve.

Je veux soulever plus de questions importantes.

Je veux faire émerger des projets qui auront – à moyen ou long terme – leur part de conséquences sur la scène de Rainbow Six.

Je veux apporter tout ce que je pourrais de positif à ma communauté. Celle qui m’offre tant en retour.

Je veux que ce joyau numérique soit reconnu à sa juste valeur parmi ces frères de l’esport et dans notre société.

Rainbow Six est un jeu magnifique. C’est une partie d’échecs améliorée.

Soit comment placer tes forces et défendre tes faiblesses. Un principe tiré tout droit de la vie humaine.

Que ce soit via des articles ou via un micro…

Devant ou derrière une caméra…

Loin des plus gros événements ou dans leurs coulisses…

Il y a quelque chose de certain.

J’ai toujours mes idées. J’ai toujours mon vécu. J’ai encore cette « putain » de force en moi.

Reste à savoir s’il s’agissait de la dernière page vierge que je remplissais.

L’esport peut-il changer ma vie ?

Cette fois, c’est à lui de me donner la réponse.

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2 Commentaires

Cecile 22 décembre 2018 - 15 h 40 min

Bonjour Christopher,
Je ne découvre que depuis peu le monde du esport et sa richesse (je suis préparatrice mentale), bravo pour votre article! Authenticité, sincérité… Il y a une notion que j’aime beaucoup, celle du don et du contre-don: ce que vous donnez par passion vous sera rendu un jour ou l’autre, pas forcément par ceux auxquels vous pensez, mais vous serez récompensé tôt ou tard. Continuez à vivre votre passion, tant que vous sentez que c’est votre place 😉 bonne continuation! Cecile

Reply
Luzi 24 décembre 2018 - 10 h 45 min

Bonjour Cecile,

Je vous remercie pour votre message ! Si le but premier n’est pas d’attendre quelque chose en retour, il est vrai que la reconnaissance reste l’une des principales clés pour avancer.

Bonne continuation dans ce magnifique monde qu’est l’esport !

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