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Quel développement pour l’esport local ? Réponses avec Vincent Foulquier d’orKs Grand Poitiers !

Par Alexandre Hellin
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Depuis l’arrivée du streaming et des grandes compétitions, l’esport connaît une véritable révolution.

Mais, est-ce réellement les plus gros changements que nous attendions ? Et si le vrai bouleversement que doit connaître l’esport était encore devant nous ?

Je parle de celui qui nous impacterait vraiment, en tant que fans.

Aujourd’hui, l’esport se développe principalement par les gigantesques levées de fonds et la structuration des équipes professionnelles. Le marché international est en bonne santé et l’audience connaît des pics d’affluence toujours plus spectaculaires.

Les questions du moment concernent la manière dont les équipes doivent penser leur business model pour devenir (enfin) rentables ou encore la manière dont elles peuvent renouveler leurs talents en partance pour la retraite.

Mais s’il y a bien quelque chose qu’on oublie trop souvent à propos de l’esport, c’est qu’il n’est pas seulement synonyme de joueurs professionnels, d’investissements et de course à l’audience. C’est aussi un tissu associatif important, un vecteur de rencontres et d’histoires qui méritent d’être développées.

Plus jeune, je passais tout mon temps libre sur Counter Strike 1.6. Durant des milliers d’heures, j’ai joué avec des centaines de joueurs différents. Pourtant, hormis quelques discussions sur Teamspeak, je n’ai jamais tissé de liens avec eux. Ils sont devenus de bons amis éphémères, tout au plus.

L’esport n’était pas populaire. J’étais très discret sur ma passion pour les jeux vidéo compétitifs, au risque d’être catalogué comme un adolescent bizarre ou anormal. Au lieu d’aller en boîte ou dans des soirées qui ne me ressemblent pas, je collais des têtes au Desert Eagle à travers le Middle sur De_Dust2, et j’aimais ça.

J’aurais aimé grandir à une époque où l’esport est considéré comme cool et branché. J’aurais aimé pouvoir me rendre dans des lieux de rencontres près de chez moi. J’aurais aimé échanger avec plus de personnes qui partagent ma passion.

Ça peut devenir possible. C’est, pour moi, le plus gros chantier de l’esport : son développement local.

Peut-on s’attendre à voir l’esport s’implanter plus concrètement dans nos villes ? Peut-on espérer multiplier les lieux de rencontres de proximité pour les fans d’esport ? Pourrais-je emmener mes (futurs) enfants le mercredi après-midi s’entraîner avec d’autres joueurs ?

Des premiers signes le montrent.

En mars 2018, la communauté urbaine de Grands Poitiers a fait le premier pas, en ce sens, en devenant partenaire de l’équipe orKs. Ensemble, ils sont devenus la première équipe esport, que l’on peut réellement qualifier de « locale ».

C’est un vrai symbole.

Je me suis approché de Vincent Foulquier, responsable des relations publiques de l’équipe pour revenir sur leur parcours. À travers eux, j’ai voulu en apprendre plus sur le développement de l’esport local. Et ça semble prometteur !

Bonne lecture.

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Bonjour Vincent ! Pourrais-tu te présenter et nous expliquer quel est ton rôle au sein d’orKs Grand Poitiers et de l’esport local ?

Je m’appelle Vincent Foulquier et j’ai 23 ans. Je suis, aujourd’hui, bénévole dans deux organisations esport. La première est le média Breakflip où je suis rédacteur, à titre très occasionnel, depuis leur création en 2017. Ça fait très longtemps que je n’ai pas écrit, faute de temps, mais j’aime beaucoup l’exercice.

Ensuite, je suis responsable des relations publiques et du pôle partenariat chez orKs Grand Poitiers. Mes activités gravitent autour de notre communication sur les différents médias et journaux, mais aussi sur internet. On peut me considérer comme le porte-parole de la structure. Je suis également un des responsables principaux dans la gestion des partenaires, essentiellement financiers. J’ai ce rôle depuis l’année dernière, mais ça fait 5 ans que je suis adhérent d’orKs. Avant d’arriver où j’en suis, j’ai commencé en tant que simple joueur League of Legends.

Tu nous expliques ton parcours esport, pourrais-tu nous en dire plus sur ta vie personnelle à travers ton parcours scolaire ou professionnel ?

Je suis diplômé d’une école d’infirmier depuis juillet dernier. Mon activité esport est purement bénévole. D’ailleurs, je n’ai pas le projet, à court ou moyen terme, de vivre de l’esport. Pour le moment, le secteur dans lequel je suis me plaît et on y trouve beaucoup de travail. De mon point de vue, l’esport reste très amateur, même si ça me prend énormément de temps et reste très intéressant.

Vivre de l’esport est un objectif pour beaucoup de personnes, mais à moins d’évoluer dans un projet vraiment établi et sûr, il faut toujours s’assurer un back-up, que ce soit au niveau de tes études ou de ton emploi. J’ai continué mes études dans le domaine qui me plaisait le plus hors esport, mais si à l’avenir, j’ai la chance d’avoir une débouchée concrète et professionnelle, je pourrais sauter le pas, sinon, ce n’est pas possible.

Grand Poitiers est devenue la première collectivité à intégrer l’esport local en sponsorisant une équipe, en l’occurrence ici, orKs, en mars 2018. Peux-tu revenir sur les étapes préliminaires de ce partenariat qui reste unique encore aujourd’hui en France ?

L’histoire remonte très loin, même si, sur la fin, ça part d’un concours de circonstances plutôt positif pour nous. A notre échelle, orKs voit l’association avec Grand Poitiers comme une très belle opportunité. Mais en fait, c’est un peu comme des poupées russes. Notre projet s’inscrit dans un projet encore plus grand.

La communauté urbaine de Grand Poitiers possède un objectif concret : celui de se développer autour des nouvelles technologies. Pour ça, ils réfléchissent sur de nombreux projets autour du Futuroscope ou de différentes start-ups annexes. C’est le moteur principal de cet écosystème qu’on appelle le Technopole de Poitiers. Je ne suis pas spécialisé dans le domaine donc je ne pourrais pas t’en dire plus, mais de nombreux acteurs essaient de faire avancer la communauté urbaine sur les nouvelles technologies. A l’intérieur, il existe le Projet Esport Grand Poitiers, qui a vu le jour l’an dernier. Ses axes de développement s’articulent autour de la Gamers Assembly, l’association orKs, le CREPS, les formations etc.

La Gamers Assembly est la plus grosse LAN de France, mais aussi le seul événement qui remplit véritablement le parc des expositions de Poitiers, les deux halls et les arènes, et cela, sur toute l’année. C’est l’événement phare de la ville et les dirigeants de la mairie veulent capitaliser dessus. Ça passe par le développement de la Gamers Assembly, et d’autres événements esport.

L’association orKs Grand Poitiers autour des élus dont Alain Claeys et Isabelle Dilhac. Crédits : orKs Grand PoitiersL’une des étapes était également de créer un partenariat avec une équipe. Ils sont arrivés jusqu’à nous grâce à la proximité que nous avons avec Futurolan. Ce sont eux qui organisent la Gamers Assembly, plusieurs autres événements esport sur la région Nouvelle Aquitaine et maintenant sur toute la France, avec notamment, l’Occitanie Esport.

Nous sommes  souvent en contact avec eux par rapport à ces événements. On y participe pleinement depuis plusieurs années et, en 2017, nous les avons assistés dans l’organisation de la GA’lloween.

Ils ont de très bonnes relations avec Grand Poitiers et c’est ce qui nous a permis de discuter avec eux. Dès qu’ils ont voulu sponsoriser une équipe, tout s’est enchaîné très vite. En quelques mois, nous avions concrétisé l’annonce.

Là où c’est très intéressant, c’est que Grand Poitiers s’est aperçu très vite que l’esport et le gaming pouvaient faire de grandes choses. Comme tu le dis, la Gamers Assembly est le seul événement remplissant le Parc des expositions de Poitiers de l’année. Est-ce que les élus ont des attentes précises sur le long terme dans leur partenariat avec orKs et l’esport local ?

A titre personnel, et même avec leur mandat, il n’y a pas d’objectifs particuliers avec une date limite de réalisation. Tout simplement, car ils sont plus dans une quête de capitalisation de l’esport sur Grand Poitiers.

Je ne prends aucun partie, mais le slogan « capitale de l’esport » revient souvent. Paris et Tours se l’attribuent, Poitiers également, et même la région Occitanie. C’est dans cette optique que Grand Poitiers a décidé de s’y investir plus largement. Ils veulent une reconnaissance et une crédibilité aux yeux du grand public, mais aussi des acteurs de l’esport, afin de s’imposer comme la vraie capitale.

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orKs Grand Poitiers, fer de lance de l’esport pour la région Nouvelle Aquitaine. Crédits : orKs Grand Poitiers

Chez nous, ça ne passe pas forcément par l’obtention de résultats esportifs, mais plutôt par un écosystème global. Ça passe par une équipe, des événements, l’accueil de joueurs professionnels avec le CREPS (centre de ressources, d’expertise et de performances sportives, ndlr) où on dispense des formations spéciales etc. Grand Poitiers essaie d’avoir le panel le plus large sur l’esport.

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J’aimerais revenir sur orKs, tant au niveau de l’organisation que sur son aspiration à devenir une équipe esport majeure. Ce partenariat a changé quelque chose pour vous ?

Oui, ce serait idiot de dire que ça ne nous a rien apporté. Concernant l’aspect de devenir une équipe esport majeure, ce n’est pas un objectif auquel on aspire, en tout cas, pas à court terme. Avant cette étape, il faudrait réussir à professionnaliser un staff encadrant afin d’aider les potentiels joueurs. On y pense même pas encore, donc on y est très loin.

Ça n’a pas été évoqué une seule fois ?

Non, avoir des joueurs professionnels, ce n’est pas un objectif. Cela dit, en ce moment, nous discutons pour avoir une personne salariée de l’association pouvant gérer les futurs locaux d’orKs. Ça, c’est un projet en cours qui nous paraît crédible. Nous n’avons pas de date précise pour l’embauche, mais c’est une première étape vers notre professionnalisation.

L’envie d’orKs, c’est d’apparaître comme une référence dans le monde amateur en se plaçant comme une pépinière de talents. On veut faire émerger des profils plutôt que de les garder, car nous savons que nous ne pourrions pas les assumer.

Nous sommes fiers quand des équipes restent chez nous jusqu’à la professionnalisation. C’est là que nous jouons vraiment notre rôle. Nous n’y arrivons pas tout le temps, car il arrive que les joueurs souhaitent tout et tout de suite. Souvent, ils partent trop tôt et leur carrière se brise. Cela dit, certains talents passés chez nous ont explosé, et ça, c’est une superbe histoire.

En devenant la référence du monde amateur, on aimerait toucher plus globalement le grand public. C’est là où le partenariat avec Grand Poitiers est intéressant. Nous n’avons pas la vocation d’être simplement une équipe esport. Ce qu’on souhaite, c’est aussi être un véritable vecteur de démocratisation du sport électronique. Grand Poitiers s’inscrit pleinement dans cette démarche.

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orKs Grand Poitiers se construit comme une pépinière de talents pour la scène professionnelle. Crédits : orKs Grand Poitiers

Cela nous permet de développer notre activité. On a également pour objectif de créer des animations. Il y a quelques semaines, nous avons participé à la Paris Games Week 2018 avec un stand. On organisait des petites sessions esport grand public afin que tout le monde puisse y participer, parents comme enfants.

A la fin de l’année, nous allons également lancer le « trophée esport Grand Poitiers ». Je préfère le préciser, ici, on parle d’esport dans sa version tranquille. Plusieurs étapes vont voir le jour dans différentes zones géographiques de la communauté de Grand Poitiers, sur Splatoon et Hearthstone. Le but est de faire émerger des équipes en fonction des villes comme Saint-Benoît ou Poitiers et de les faire s’affronter.

La finale aura lieu à la Gamers Assembly avec toutes les formations détectées. Tout le monde peut jouer à Splatoon. Concernant Hearthstone, il nous fallait un jeu esport qui puisse cibler un maximum de personnes, mais qui soit crédible aux yeux des passionnés.

Tu évoques la PGW 2018 et le tournoi intercommunal que vous essayez de mettre en place pour l’esport local. Ce sont justement des sujets que je m’apprêtais à enrichir. Concernant le tournoi intercommunal, ça concerne 40 communes du mois de décembre à mars. Le projet me semble ambitieux. Avez-vous trouvé assez de participants ?

Pour le moment, c’est un peu la surprise. Au départ, nous avions laissé les inscriptions libres sauf pour Hearthstone, mais depuis peu, nous avons ouvert des formulaires en ligne pour tout le monde. Ça laisse la possibilité aux personnes de venir s’inscrire sur place le jour de l’événement ou de le faire en ligne dès maintenant, selon leurs préférences.

Maintenant, savoir si ça va marcher ? Nous aurons la réponse sur place. On verra si la communication est efficace et si on a pu cibler assez de monde.

Les gens peuvent toujours venir spontanément, donc ça peut créer des réactions en chaine. L’objectif, c’est que tout le monde puisse venir tranquillement, comme le père de famille qui voudrait passer du temps avec ses enfants.

Quand je préparais l’interview, j’ai pu me renseigner sur orKs Grand Poitiers. Je trouve l’initiative géniale. Quand j’ai découvert que vous organisiez ce tournoi, je me suis agréablement surpris à penser que vous alliez dans la bonne direction. Vous êtes les premiers d’un mouvement de l’esport local qui devrait s’accentuer dans les prochaines années et êtes également déjà sur un questionnement local très profond. Cela dit, j’ai peur que ce soit trop tôt. Si votre initiative fonctionne, ça envoie de très bons signaux, car ça veut dire que l’engouement est réel, mais l’esport local semble encore avoir un rayonnement très faible pour ça.

On ne va pas se mentir, c’est un gros pari. On a aucune référence et aucune estimation du nombre de visiteurs que nous allons toucher. C’est un premier test à l’aveugle. C’est pour cette raison que nous organisons 4 étapes en répartissant les 40 communes. En fonction des événements, on pourra jauger l’affluence et réguler les compétitions.

Peut-être que la zone A fera émerger 3 équipes, la zone B, quant à elle, une seule, etc. Tout dépendra de la tournure des événements, mais c’est clairement un pari risqué.

Hearthstone est, selon nous, un choix judicieux dans le sens où c’est le jeu avec le meilleur rapport joueur/fréquentation. Les fans ont toujours répondu présents sur nos événements locaux.

Splatoon, c’est aussi un pari. Mais il fallait un jeu accessible pour tout le monde donc, c’est clairement un test. On espère que ça se passera bien, mais nous n’avons aucune assurance.

J’ai hâte de voir le résultat. Pour la Paris Games Week, vous aviez un stand. Quels étaient les objectifs d’une telle présence à Paris ?

Au niveau de l’association, nous n’avions pas d’objectifs précis. Nous y sommes allés dans le cadre du partenariat et montrer que nous sommes présents. Nous sommes en relation avec la communauté de Grand Poitiers, et non seulement la ville de Poitiers. Nous parlions du trophée. C’est une initiative pour faire profiter toutes les communes, sinon on les délaisse et ça n’aurait aucun sens de s’appeler Grand Poitiers. Eh bien, pour Paris, c’est la même logique.

Grand Poitiers est à l’initiative du projet de faire rayonner la communauté urbaine sur Paris, mais aussi le plus gros événement grand public de l’esport et du jeu vidéo en France. Pour gérer le stand, il fallait différentes personnes pour venir aider. C’est là que nous nous sommes positionnés. L’idée vient de Grand Poitiers, mais nous sommes partenaires donc nous y allons pour les soutenir.

Pour eux, l’objectif, sans vraiment en être un, était de faire découvrir l’association et essayer de parler avec des joueurs sur place pour tenter de faire émerger des profils. Pour être transparents, nous n’avons pas fait énormément de recrues, mais ça nous permet tout de même d’être visibles et montrer ce que l’on sait faire. On a animé un stand et les acteurs autour ont vu que nous savions le faire. Ça ne peut être que bénéfique pour la suite.

Le stand Esport Grand Poitiers à la Paris Games Week 2018. Sources : orKs Grand Poitiers

J’aimerais revenir sur le développement de l’association. Concrètement, comment Grand Poitiers vous aide pour l’esport local ?

Ils nous financent en grande partie. Notre partenariat est sur 3 ans, car cela représente la durée du mandat du président de Grand Poitiers actuel. Aux prochaines élections, nous ne savons pas s’il sera réélu, donc nous n’avons aucune visibilité sur la suite.

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Durant ces 3 années d’affiliation avec Grand Poitiers, nous bénéficions de 10.000€ par an grâce aux subventions publiques. Nous aurons également des locaux. Je n’ai pas plus d’informations concrètes sur ce sujet, mais ils devraient arriver courant 2019. On devrait les organiser avec différentes salles pour accueillir des joueurs libres de la région ou ceux qui viennent en bootcamp. L’ambition est d’essayer de créer une pratique encadrée de l’esport, notamment via la personne salariée dont je te parlais tout à l’heure, qui s’apparente à un office manager.

Il s’occupera des joueurs qui viendraient s’inscrire de la même manière que tu peux le faire pour ton enfant au football le mercredi après-midi. Ils pourront jouer 2-3h avec d’autres joueurs et nouer des liens. Cela dit, nous n’y sommes pas encore et nous ne savons pas vraiment comment tout ça sera organisé. Concrètement, voilà comment Grand Poitiers nous aident.

Quand je regarde vos partenaires actuels, je vois des entreprises comme VeryGames ou Ouikos, mais aucun partenaire local. Est-ce que cette affiliation avec Grand Poitiers vous permet d’avoir des facilités pour rencontrer des partenaires locaux ?

Déjà, être implanté sur un point précis de la carte, c’est un atout pour développer la scène esport amateur, qui en a bien besoin. Tu peux créer des rencontres entre joueurs, faire émerger des profils et les faire jouer dans ton équipe.

On avait ce débat avec France esport. La scène professionnelle tourne d’elle-même, mais les amateurs ont du mal à suivre. Les partenaires locaux, ça a été le sujet de pas mal de questions.

Forcément, notre partenariat avec Grand Poitiers, ça nous a ouvert beaucoup de portes. Ça va tout de suite plus vite. Le problème, c’est qu’on a fait l’annonce juste avant la Gamers Assembly. On a pu participer au meeting B2B pré-événement à la mairie de Poitiers, mais nous n’avions pas encore la crédibilité du partenariat. On a pu créer des contacts, mais il n’y avait rien de concret.

Aujourd’hui, si on arrondit, on arrive à la fin de notre première année. Nous pouvons montrer plus de choses et être crédibles à leurs yeux tout en apportant plus de contenus. Nouer des partenariats locaux, c’est quelque chose que l’on veut faire sur un an. Lorsqu’on démarre une nouvelle année avec certains partenaires, on n’en rajoute pas derrière. On veut se limiter, car ce serait difficile et contre-productif de tous les mettre en avant. C’est surtout une question de gestion.

Pour la période qui arrive, on a pas mal de contacts, mais rien de signé pour le moment.

Les discussions avancent ? Les marques de l’esport locale comprennent l’enjeu ?

Nous avons pu discuter avec des marques locales, mais ce n’est pas du tout établi encore. On a beaucoup d’opportunités, car les personnes sont très intéressées. Je ne sais pas si c’est parce qu’on est voisins, mais les premiers contacts sont concluants. On touche un nouveau public et l’investissement n’est pas énorme pour eux.

Nous ne sommes pas sur les mêmes budgets que leurs investissements marketing classiques.

De la part de Grand Poitiers, nous avons 10.000€, mais nos partenaires nous donnent maximum 5.000€ à l’année. On ne demande pas plus. Quand tu sais que ces entreprises dépensent 30.000 ou 40.000€ pour leur communication, nous sponsoriser n’est pas un grand risque. Ça leur paraît dérisoire.

Pourtant, tu as une équipe locale qui va porter ta marque auprès de ton public. Pour eux, c’est tout bénef’ ! Le problème, c’est qu’au départ, on n’a pas réussi à créer une offre assez solide pour aller taper aux portes de ces partenaires. Parce que, c’est bien beau de demander de l’argent, mais si tu ne peux pas leur apporter un retour sur investissement crédible derrière, c’est compliqué.

Nous n’avons eu que de très bons contacts, mais on attend de mieux se structurer et définir où on veut aller pour faire des propositions. On va pouvoir cibler précisément les partenaires que l’on veut rallier à notre association. Pour te donner une idée, on se dirige vers des acteurs non endémiques.

Aujourd’hui, on se sent prêt. On va essayer de rencontrer des franchises implantées sur Grand Poitiers pour leur offrir notre aura auprès du public local.

C’est une excellente nouvelle ! J’aimerais revenir sur un sujet évoqué très succinctement tout à l’heure : le CREPS (centre de ressources, d’expertise et de performances sportives, ndlr). Lors de votre annonce en mars, vous disiez vouloir créer une structure d’entrainement pour les gamers en fin d’année avec eux. Où en est le projet ?

Le CREPS de Poitiers dispense des formations pour joueurs professionnels de haut niveau.

Actuellement, ils sont orientés sur le tennis et les pongistes, car chaque CREPS possède ses spécialités. Elles dépendent de leurs directeurs et des activités qu’ils choisissent. De grands sportifs en sortent voire même des champions olympiques.

Le directeur du CREPS de Poitiers s’intéresse fortement à l’esport et rejoint l’engouement des élus. Cela dit, ça reste de son initiative. On a échangé un peu avec lui pour comprendre ce qu’il pouvait fournir en termes de formation. En l’état, elle est viable et se dispense sur une semaine. Certaines équipes sont déjà venues prendre rendez-vous à la Paris Games Week, notamment Team LDLC qui s’est montrée intéressée. C’était l’objectif que de grandes équipes françaises, puis européennes, viennent faire une formation au CREPS. Puis, orKs se placerait en tant qu’équipe test. On serait les premiers à expérimenter la formation pour en faire des retours et améliorer l’offre afin de la proposer aux autres équipes.

La formation globale dure une semaine. Ce n’est pas un peu court ?

C’est le premier format. Ils veulent travailler plus profondément sur l’esport, mais ils n’ont pas toutes les cartes en main. En tant que premiers tests avant de proposer de plus grandes formations, c’est idéal à mon sens. Actuellement, ils n’ont pas la prétention d’offrir une formation spécifique où tu vas devenir joueur esport professionnel.

C’est vraiment ciblé pour les professionnels afin de les intégrer dans des conditions différentes de préparation, en vue d’une compétition, par exemple. Il y a un réel objectif. Ce n’est pas un simple stage pour profiter du cadre naturel dans lequel est implanté le CREPS.

Tu peux rentrer un peu plus dans le détail de la composition de cette semaine ?

Je n’ai pas le planning exact en tête, mais il y a différentes sessions. C’est une semaine complète, de 7 jours. Le but étant d’optimiser la phase d’entraînement des joueurs en évitant de retrouver le schéma type d’un joueur qui va jouer 15 heures par jour sans aucune autre activité.

On installe un rythme de vie sain où les joueurs se lèvent ensemble à 07 ou 08h du matin pour prendre leur petit déjeuner. Ensuite, on les accompagne sur des activités sportives avec les infrastructures disponibles au CREPS. Ça peut aller de la piscine aux différents stades. Ensuite, il y a un temps de repas collectif pour poursuivre l’après-midi sur des sessions gaming modulables en fonction des heures de jeux.

Dans l’esport, nous savons qu’ils organisent des entraînements en milieu d’après-midi et début de soirée. On essaie de composer avec cette spécificité. Il y a également des phases de cohésion.

Sur la semaine, il y a un jour dédié à une activité libre le matin et l’après-midi, mais tout de même encadré. Tout est planifié pour que les joueurs aient la meilleure préparation physique et mentale en rapport à leurs objectifs.

Donc ça peut concerner les équipes professionnelles comme amateurs ?

Pour le moment, c’est difficilement accessible pour les amateurs, car ça a un coût. Pour la semaine entière, comprenant l’hôtellerie, les infrastructures professionnelles ou encore la nourriture, nous sommes sur une offre entre 2.000 et 3.000€ pour 6 personnes. C’est très abordable pour une équipe professionnelle, mais je ne suis pas sûr qu’une équipe amateur souhaite mettre 3.000€ pour une semaine de formation.

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Très bien ! L’esport local permet, ou permettrait, de rapprocher les fans et les joueurs de toute une communauté de villes. Comment vous essayez de fédérer tous ces habitants de Grand Poitiers via l’esport local hormis avec la Gamers Assembly ou votre tournoi intercommunal ?

Par rapport au tournoi intercommunal, il est vrai qu’on emploie le terme tournoi, mais il y a une grande part d’animation. Avec Splatoon, on ne veut pas mettre spécialement en avant l’esport à travers la compétition pure et dure. Effectivement, il y a un tournoi avec des équipes, un gagnant et des prix, mais le message est axé pour plaire à la famille et les inciter à venir s’amuser.

L’association orKs a acheté plusieurs Switch pour faire jouer les gens à Splatoon, mais aussi pour leur faire essayer d’autres jeux. C’est là où interviennent les animations avec les jeunes, ou même les moins jeunes. Ils peuvent venir tester le nouveau Pokémon, Zelda, Mario Kart et d’autres titres, tous ensemble.

Certains pourront dire que ce n’est pas de l’esport. C’est du jeu vidéo « casual » qui pourrait se présenter comme une introduction à l’esport pour le grand public. Notre proposition de tournoi intercommunal, c’est de l’esport grand public standardisé avec des animations afin que tout le monde puisse s’y retrouver. La vraie partie professionnelle, si on peut le dire comme ça, est préservée avec Hearthstone.

Actuellement, pour les événements proposés, il n’y a que ça de notre part. Sinon, c’est Futurolan qui reprend le flambeau avec la Gamers Assembly, la GA’lloween, l’Atlantic Lan etc. Là, on peut venir en tant qu’intervenant, pour aider à l’organisation ou tout simplement comme participant.

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La Gamers Assembly est un événement important pour la ville de Poitiers ! Crédits : orKs Grand Poitiers

Concernant les salons, pour le moment, nous avons simplement participé à la Paris Games Week, mais il se peut qu’on essaie de s’exporter sur d’autres salons pour tenter de vendre notre offre sur un plan national.

Ce qui est intéressant, c’est que vous êtes une porte d’entrée pour la compréhension de l’esport, notamment pour les parents via l’esport local. Tu évoques une volonté d’étendre votre aura hors de la région avec une participation à différents salons extérieurs. Pourquoi ? Essayez-vous d’obtenir une aura nationale comme on peut le voir avec des clubs de foot de L1/L2 ayant une forte ferveur régionale, mais qui peuvent toucher tout le pays ? C’est peut-être les prémices de tournois nationaux avec des équipes implantées géographiquement par ville.

C’est clair que ce sont des objectifs fantasmagoriques. Actuellement, on essaie d’être terre à terre. Nous sommes les premiers et n’avons pas de références. On doit tout imaginer.

Il y a 2 aspects. Celui des joueurs où on ne veut pas s’impliquer pour le moment. On n’a pas les épaules et ça ne serait pas pertinent par rapport à notre vision des choses.

Le second aspect est l’animation. Forcément, on veut faire vivre Grand Poitiers et porter la communauté urbaine au niveau national. En fait, le local et le national sont deux étapes distinctes de notre développement, mais elles peuvent avancer conjointement, avec bien évidemment, un focus prioritaire sur le local.

Peut-être est-ce un peu trop tôt, mais avez-vous observé un changement significatif avec vos fans en région sur l’esport local ?

On n’a pas encore de gros rayonnements quantifiables comme ça. Cela dit, on a des exemples. Quand on a annoncé notre partenariat avec Grand Poitiers à la Gamers Assembly et dévoilé notre maillot, certaines personnes sont allées sur le stand de Ouikos pour acheter le maillot, car il y avait « Grand Poitiers » écrit dessus.

C’est génial !

Oui, c’est un début et ça a fait son effet. Même les élus nous le demandent. On a dû leur faire des maillots. Même dans le grand public, il y a des gens qui l’ont acheté, car il venait de chez eux. Ils s’y sont attachés. On est fier de ça.

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orKs Grand Poitiers montre la voie pour un meilleur esport local à travers son identité. Crédits : orKs Grand Poitiers

Avec l’expérience que tu as, toi plus spécifiquement, mais aussi orKs, j’aimerais te poser une question plus générale pour conclure cette interview. Que penses-tu de l’évolution de l’esport local ? Est-ce que tu te sens un peu désolé de ne voir aucune autre équipe prendre exemple sur vous ? Penses-tu que l’on verra un avancement dans les prochains mois, ou au contraire, l’esport restera cantonné à son système exclusivement online ?

Je pense que ça viendra naturellement. Il fallait un premier exemple pour montrer que c’était possible. Par chance, c’est nous. Mais, ce n’est pas quelque chose qu’on a inventé. Quand on a fait notre annonce, on s’est rendu compte que beaucoup d’autres personnes y avaient pensé aussi. Certaines avaient même commencé des démarches sans succès, notamment auprès de Grand Poitiers.

Il y a une volonté de la part des équipes de s’implanter géographiquement. Même si ce n’est pas toujours positif dès le départ, il y a quand même des actions de la part des collectivités locales. Il y a Grand Poitiers, c’est vrai, mais il y a aussi la région Occitanie qui est vachement présente et intéressée. Toulouse et Montpellier, il va falloir se tourner là-bas pour les deux prochaines années.

Il y a aussi Paris forcément. C’est notre capitale donc il faut qu’ils soient les meilleurs partout. Ils ont de sacrés arguments. Accueillir les Worlds de League of Legends, ce n’est pas rien. Tout en sachant qu’ils ont fait plein de choses avant !

Effectivement, c’est encore difficile pour Poitiers d’accueillir ce genre d’événements.

On n’y aspire pas vraiment. Là où c’est intéressant, c’est que ça améliore nos offres globales. On propose telles choses donc les autres veulent faire mieux que toi, donc il y a une surenchère.

Chaque ville veut faire son trou dans l’esport. Il sera obligatoire de passer par la création d’équipes. Le business des équipes professionnelles tourne très bien. Mais pour renouveler leurs équipes, il faut une bonne scène amateur.

Même si elles ne se donnent pas forcément le titre de pépinière, les grosses équipes le feront. Un peu comme Vitality avec son équipe Academy. Si les villes ne se lancent pas d’elles-mêmes, ce seront les équipes professionnelles qui forceront pour créer des antennes. C’est mon opinion, mais je pense qu’on est obligé de se décliner. Il y a plein de choses à faire. Après, je ne connais pas tous les acteurs. Je sais qu’Orléans et Tours sont intéressés, mais il faut encore surveiller toutes les autres villes de France qui restent encore muettes.

Je te remercie Vincent !

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L’interview touche à sa fin. J’espère que vous avez apprécié toutes les informations sur le potentiel développement de l’esport local recueillies auprès de Vincent Foulquier, responsable des relations publiques d’orKs Grand Poitiers.

C’est pour moi un excellent exemple de ce que nous réserve l’avenir de l’esport.

La communauté urbaine de Grands Poitiers fait partie de ces acteurs dont on a besoin pour évoluer. A travers leur association avec des professionnels, le CREPS ou une équipe comme orKs, ils montrent la voie qu’il est possible d’emprunter.

La région Centre ou Occitanie prennent également notre écosystème au sérieux. En tant qu’acteurs locaux, c’est également à nous de les aider à développer l’esport que nous attendons.

Voici, selon moi, les 6 points à retenir de cette entrevue avec Vincent Foulquier, d’orKs Grand Poitiers :

  • L’esport local ne pourra pas se développer sans le support des élus régionaux.
  • Nous avons besoin de soutenir plus fermement les associations en les accompagnants dans la création d’événements locaux.
  • L’esport local est un véritable vecteur de développement pour la jeunesse, que ce soit sur un aspect économique ou humain.
  • L’esport local est une chance inouïe de faire éclore de nouveaux joueurs professionnels
  • Les régions commencent réellement à comprendre les possibilités offertes par l’esport, profitons-en !
  • L’esport local est une chance incroyable de combattre l’isolement des adolescents et de les construire socialement.

J’espère que cette interview permettra de faire avancer les choses en montrant tout ce qu’il est encore possible de faire.

Vous pouvez suivre Vincent Foulquier et orKs Grand Poitiers sur leur twitter !

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À bientôt !

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