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Lily – Armateam : « C’est important de rendre à la communauté ce qu’elle te donne. »

Par Alexandre Hellin
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Savez-vous ce que les grandes équipes esport ont en commun ?

Elles réussissent à attirer les meilleurs joueurs.

Mais avant tout, leurs communautés de fans sont prêtes à les supporter dans la victoire comme dans la défaite, dans les moments d’euphorie comme dans les larmes.

Grâce à cet engagement, les sponsors sont prêts à leur dérouler le tapis rouge et déposer beaucoup d’argent sur la table pour y attacher leur image. Seulement, n’est pas Fnatic qui veut.

Vous pourriez avoir l’ambition de jouer les premiers rôles et réussir à dénicher des joueurs prometteurs, si vous n’avez aucune visibilité, il est impossible de survivre.

Pour une jeune structure, faire décoller son audience et créer une image de marque est probablement l’obstacle le plus difficile à surmonter.

Vous devez créer du contenu, avec consistance. Raconter votre histoire et celles de vos joueurs. Divertir vos premiers fans.

Ça demande beaucoup d’énergies, du temps, mais aussi et surtout de l’argent. Sans tout ça, il est utopique d’espérer émerger parmi la masse d’équipes et de joueurs qui naît aujourd’hui.

Créer une équipe esport en imaginant reproduire le parcours d’un Vitality ou d’un G2 est louable. Ils l’ont fait, pourquoi pas vous ? Vous définissez les jeux à investir, vous partez à la recherche de jeunes talents et vous créez un compte sur les différents réseaux sociaux.

Votre groupe fonctionne et les premières victoires arrivent. Vous décidez de les publier sur Twitter ou Instagram.

Il ne se passe rien, mais c’est le départ, et vous le savez. Seulement, l’optimisme des débuts est vite remplacé par le découragement. Ça n’avance pas aussi vite que vous l’attendiez.

Tout n’est pas si rose. Personne ne remarque vos efforts et le moindre retweet provoque un pic d’adrénaline, rapidement éclipsé par la mauvaise surprise de voir un bot apparaître dans vos notifications. La descente est brutale.

La croissance de votre nombre d’abonnés avance aussi vite que mamy derrière son déambulateur.

Dans ces conditions, aucune chance d’aller toquer aux portes de potentiels sponsors pour réussir à offrir des salaires à vos meilleurs joueurs. D’autres structures le feront pour vous.

Comment éviter ça ? Quel est le secret pour construire une communauté et faire mouche auprès de ses fans ? Comment peut-on gérer la communication d’une équipe esport efficacement ? Quelles compétences cela implique ? Quelles sont les astuces ?

Pour trouver ces réponses, il est intéressant d’analyser ce que d’autres ont réussi à faire avant vous.

Armateam, dirigée par Rémy « Llewellys » Chanson et Jérémie « Torlk » Amzallag, est un exemple intéressant. Aujourd’hui, l’équipe fait partie des rares organisations esport à être économiquement viable en France, là où la plupart sont constamment au bord du précipice.

Il existe plusieurs méthodes pour diriger une équipe esport, et même si le format d’Armateam est difficilement réplicable, sa stratégie de communication est intelligente.

J’ai voulu en savoir plus ! C’est pourquoi, je me suis approché d’Anaïs « Lily » Diverchy, responsable communication chez Armateam.

J’ai déjà rédigé un article complet sur comment améliorer la visibilité d’une équipe esport sur les réseaux sociaux, mais il me semblait important d’apporter une meilleure compréhension de ces enjeux avec une personne dont c’est l’activité quotidienne.

À travers son expérience, son parcours et son histoire personnelle, Lily nous dévoile de précieux conseils, allant des réseaux sociaux à la gestion de la visibilité des joueurs, ou encore des anecdotes frappantes qui reflètent certains problèmes profonds de l’esport.

Bonne lecture !

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Bonjour Anaïs Diverchy, pour débuter cette interview, peux-tu te présenter, nous expliquer ton parcours et la manière dont tu es arrivée dans l’esport ?

Bonjour, je m’appelle Anaïs Diverchy, j’ai 28 ans et suis arrivée dans l’esport en 2013 chez Millenium. Tout a commencé à la Paris Games Week où j’ai eu l’occasion de faire des photos pour mettre en avant les joueurs et la structure. C’est à ce moment-là où j’ai rencontré Rémy « Llewellys » Chanson.

Il m’a très vite accordé sa confiance. Je suis devenue, en quelque sorte, son bras droit. J’étais la personne dans l’ombre qui a pu l’épauler sur la création des premiers tournois Hearthstone de Millenium. Je continuais également à prendre des photos lors des événements. Par la suite, je suis rentrée dans la rédaction Hearthstone de Millenium, en étant affectée plus particulièrement à la partie esport du jeu. Je suivais les compétitions, je mettais à jour les résultats, j’écrivais des articles…

J’étais aussi le lien entre Llewellys et la rédaction « gaming » d’Hearthstone. Grâce à cette confiance, je pouvais me permettre de répondre à certaines questions sur le forum. C’est d’ailleurs comme ça que je suis repérée par Cédric Page, le PDG de Millenium à l’époque. Il m’a proposé un poste de Community Manager dans la structure. Au départ, j’étais en freelance pour gérer les différents réseaux sociaux de l’équipe, les soirs et week-ends, car la journée, ils avaient un stagiaire.

Juste après la Dreamhack Tours en 2015, ils m’ont accepté en stage. J’ai pu descendre à Marseille, dans leur gaming house. Mon voyage est de courte durée puisque début août, Millenium déménage à Levallois-Perret, car l’entreprise est rachetée par Webedia. En novembre de la même année, je termine ma période de stage et redeviens freelance pour Millenium Esports, une structure spécialement créée pour la gestion de nos équipes. Nous étions 4 à travailler pour elle : Llewellys, Samishh, un commercial du nom d’Antoine, et moi-même.

Cette histoire s’arrête, pour moi, en décembre 2016, en même temps que Llewellys et la section Hearthstone de Millenium. Quelques semaines plus tard, Armateam est née. Tout s’est fait très vite. L’idée est lancée autour du 20 décembre et nous devons tout préparer pour une annonce le 1er janvier : imaginer la soirée de lancement, monter le site, discuter avec nos premiers partenaires, etc. C’était sportif !

Tu as un fort passif sur Hearthstone, à l’image d’Armateam. Chez Millenium, tu t’occupais d’autres jeux, notamment avec les joueurs présents dans la structure ?

Chez Millenium, ils nous arrivaient de gérer une soixantaine de joueurs sur pas mal de sections comme Starcraft 2, League of Legends, Call of Duty, Hearthstone, FIFA…

Nous étions 3, avec Llewellys et Samishh, pour s’en occuper. C’est très peu. J’avais un rôle de Community Manager, mais je les aidais inévitablement pour toute la partie logistique et managériale des joueurs.

Ça représente quoi de s’occuper de la communication d’une équipe esport comme Armateam ? Que fais-tu au quotidien ?

Chez Armateam, j’ai différents rôles aujourd’hui. Mes activités concernant le community management me prennent environ 30% de mon temps. À côté, je fais du marketing, de la vidéo, du graphisme, je m’occupe aussi du site internet et il m’arrive de faire de la rédaction.

Je n’ai pas vraiment de journée type, mais j’ai mes petites habitudes pour gagner du temps. Le matin, je commence par regarder tous nos réseaux sociaux pour y voir l’activité de notre communauté. Je regarde les statistiques, je vérifie les commentaires et y réponds si je n’ai pas pu le faire la veille ou la nuit.

J’essaie de couper avant 00h parce qu’honnêtement, c’est très chronophage comme activité. On a vite fait de ne pas voir le temps passer. C’est difficile parfois quand tu es connectée h24. Aujourd’hui, j’essaie de prendre un peu de distance. Lorsque je pars en week-end, je n’emporte plus rien, par exemple.

Ensuite, je programme toutes les publications possibles. Grâce à notre web tv Hearthstone principale, je possède une ressource inépuisable de contenu à disposition. Je recherche les clips récents qui fonctionnent le mieux et les repartage sur nos réseaux sociaux, car il y a forcément une grande partie de la communauté qui ne les ont pas vus. Ça marche très fort et font toujours rigoler.

J’essaie toujours de susciter un maximum d’engagement, par tous les moyens. Celui-ci en est un, par exemple.

Je passe également sur les réseaux sociaux des joueurs pour vérifier qu’ils n’ont pas fait de bêtises. Je fais tellement de choses, qu’au final, ça pourrait varier énormément pour la suite de la journée.

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Maverick et Odemian dans les nouveaux maillots Armateam. Crédits : Anaïs Diverchy

C’est intéressant ce rôle multicasquettes que tu as. Je pense qu’une personne qui souhaite travailler à la communication d’une équipe esport doit forcément l’être.

Oui, en effet ! Il faut être ouvert d’esprit et ne pas se dire « Je suis CM, donc je ne fais que des publications sur les réseaux sociaux ».

Je ne prétends pas être videomaker ou graphiste, mais je possède les bases. Je crée mon contenu de A à Z. Bien sûr, quand je veux produire quelque chose de très qualitatif, je vais donner mon maximum, m’autoformer ou suivre des tutos sur YouTube, mais ça reste un métier.

Je ne m’arrête jamais. Je fais énormément de veille en ce sens. J’ai plus de temps aujourd’hui pour ça, car nous accueillons des stagiaires plus souvent. Ça me permet de déléguer certaines tâches et de leur apprendre le métier. J’avais du mal au début, car les réseaux sociaux d’Armateam, ce sont un peu mes bébés. Maintenant, je prends de la distance.

On m’a laissé ma chance quand j’ai commencé, il est normal que j’en fasse autant aujourd’hui. Certaines stagiaires ont réussi à apporter un regard neuf concernant nos réseaux sociaux.

Par exemple, l’année dernière, l’une d’elles a lancé un snapchat pour Armateam. Je connais la plateforme, mais je ne m’y étais pas intéressée plus que ça stratégiquement. Je ne maîtrisais pas complètement les codes. C’était clairement son créneau et a su me convaincre que son idée était pertinente. Elle s’est occupée de la plateforme, au départ.

Quelle est la stratégie mise en place par Armateam pour communiquer avec ses fans sur les réseaux sociaux et faire évoluer votre communauté ?

On a la chance de pouvoir s’appuyer sur une web tv performante. Ça passe beaucoup par là. C’est une stratégie mise en place dès le départ. Nous lions nos équipes avec une web tv.

Bien sûr, il y a des exceptions. Nous ne l’avons pas fait pour Starcraft 2, car le jeu se perd un peu et nous avions seulement 2 joueurs. Mais lors du lancement d’Armateam, nous avons directement proposé une web tv Hearthstone. Ensuite, nous avons créé une équipe Call of Duty, aux alentours de mars 2017, avec la même stratégie.

Aujourd’hui, un joueur esport en France ne peut pas vivre décemment de son salaire. L’objectif de Llewellys est de corriger ce problème en combinant également les revenus générés par une web tv.

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Torlk et Llewellys, cofondateurs d’Armateam. Crédits : Anaïs Diverchy

C’est la raison principale pour laquelle on se structure de cette façon. On a fait la même chose avec League of Legends ou Fortnite.

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Concernant les réseaux sociaux. Nous sommes présents sur Facebook, YouTube, Twitter et Instagram.

Il y a différentes choses à dire là-dessus.

Facebook reste le réseau social le plus populaire au monde. J’y suis depuis plus de 10 ans, mais je commence à le trouver has been. Pour la jeune tranche d’âge que l’on vise dans le gaming, je ne pense plus qu’il soit efficace. Je n’y crois plus trop.

Twitter est notre plateforme principale, sans trop de surprise. Il nous permet d’échanger plus facilement avec la communauté.

Il y a également YouTube où l’on poste principalement des VOD de nos streamers, mais également des vidéos insides à base de vlog ou de petites interviews.

Enfin, on est passé sur Instagram lorsque Snapchat a modifié son interface cette année. La plateforme multiplie les erreurs, et je n’ai jamais été réellement satisfaite de ce qu’ils font. J’ai motivé toute l’équipe à me suivre, même s’ils ne sont pas très actifs. Au moins, toutes nos stories sont disponibles sur Instagram.

J’ai pu voir ce que vous faisiez sur Instagram. Tu mets en avant les joueurs et les photos sont sympathiques.

J’ai l’objectif de faire une publication par jour sur la plateforme. J’y arrive plus ou moins, mais je peux me taper sur les doigts, car ce n’est pas tout le temps le cas.

Ensuite, il y a les stories. Je suis dans les locaux d’Armateam deux fois par semaine, donc c’est plus compliqué de faire de l’inside.

C’est en partie pour cette raison que l’on fait venir des stagiaires, afin qu’elles puissent assurer ce genre de contenu plus souvent et découvrir l’importance de suivre les joueurs au quotidien.

Quelles difficultés rencontre-t-on quand on gère la communication d’une équipe esport au quotidien ? Que ce soit dans le développement de la fanbase, le rythme de publication ou encore le manque de budget potentiel. Avec votre stratégie liée à la web tv, il vous faut obligatoirement recruter des personnalités fortes dans vos équipes, sinon, il peut être difficile de suivre ?

C’est vrai. Par exemple, sur League of Legends, la web tv fonctionnait beaucoup autour de Sardoche. Il apportait sa communauté sur le stream, ce qui permettait de dispatcher la visibilité avec les autres joueurs de l’équipe.

C’est ce qui s’est passé sur la web tv Hearthstone de Millenium. Il y avait Torlk et Bestmarmotte qui amenaient énormément de personnes différentes sur leurs streams. Au fil du temps, certains profils ont émergé comme Maverick, Odemian, Vinz, etc.

Pour Fortnite, c’est la même idée. À chaque fois, on essaie de prendre des équipes où l’un des joueurs possède une communauté construite. Ça permet de tirer toute l’équipe vers le haut et de construire une image de marque forte.

On voit un format similaire, surtout aux USA avec des équipes comme Optic Gaming, qui disposent de joueurs professionnels et de créateurs de contenus. Pour Armateam, c’est quelque peu différent puisque vos joueurs font les deux.

C’est mon rêve de pouvoir faire ça, mais les gens ne se rendent pas compte que ça demande un budget extravagant en plus de prendre beaucoup de temps.

Les équipes comme Optic Gaming ont un staff de plusieurs dizaines de personnes.

Chez Armateam, nous sommes 3.

Votre stratégie est peut-être le meilleur compromis pour créer une équipe esport performante, mais surtout, viable en France.

Lorsqu’on stream des compétitions, c’est là où notre web tv fait les meilleures statistiques. Les gens sont fans de ça. Ils ont envie de voir leur streamer/joueur gagner. Ils veulent être présents pour nous supporter. Sur les réseaux sociaux, c’est un délire à quel point les notifications fusent dans tous les sens. Notre communauté est géniale pour ça.

J’aimerais revenir sur votre positionnement principal autour d’Hearthstone. Ce n’est pas un problème sur le long terme ? On voit qu’il y a des jeux comme Magic ou Artifact qui arrivent, comment vous vous positionnez ?

Ce sont deux jeux sur lesquels nous allons nous développer. C’est l’un de nos objectifs. À partir du moment où tu joues à un jeu de cartes, c’est que tu aimes ça. Nos joueurs passent déjà du temps dessus en stream.

Dans ce sens, nous avons décidé d’organiser une LAN entièrement dédiée aux jeux de cartes, l’Arma Convention, qui se déroulera en Mars à l’École 42. Elle réunit trois jeux « online » : Hearthstone, Magic Arena et Artifact. On va également proposer une partie « physique » avec des jeux connus tels que Magic The Gathering, mais aussi des jeux moins connus du grand public ou qui viennent de sortir afin de les faire découvrir.

Entre Hearthstone et Magic, il y a des similitudes. Notre public peut se reconnaître dans les deux jeux. Pour Artifact, c’est différent, et c’est pour ça que nous avons lancé une seconde web tv, par exemple.

J’aimerais revenir sur tes propres difficultés à faire ce que tu fais au quotidien, notamment pour aider ceux qui se lancent dans l’aventure de la communication d’une équipe esport.

En ce qui me concerne, on peut parler de la distance et le fait que je ne sois pas sur place tous les jours pour être avec les joueurs. On parle beaucoup de la communication sur les réseaux sociaux, mais la communication interne a son importance.

Quand tu as la personne en face de toi, si tu as quelque chose à lui dire, tu peux le faire directement et sans détour. Au contraire, si tu n’es pas là, les relations sont beaucoup plus complexes. Tu échanges par Skype et ça engendre son lot de problèmes. Parfois, on ne voit pas tout de suite ton message alors que c’est urgent.

C’est pareil de mon côté lorsque j’ai le nez dans mon travail où je dois être pleinement concentrée. Si je ne vois pas la notif, il peut se passer de longues minutes sans réponse. Il y a aussi la façon d’écrire pour te faire comprendre, la réception du message, être coupée, etc.

Je pense que c’est une superbe problématique que tu nous dis là, car 99% des gens qui essaient de lancer une structure esport, ils échangent à distance avec leur équipe. C’est une prise de conscience qu’il faut avoir dès le départ.

Oui, il faut réussir à construire une relation de confiance. De mon expérience, il faut parler avec les joueurs absolument tous les jours pour créer une connexion. Pour que le travail avance, il faut inculquer une vision commune.

Sans tomber dans le harcèlement, c’est important, car du jour au lendemain, tout peut être détruit si un des joueurs décide de quitter l’équipe pour x ou y raisons. Pour la stabilité, c’est très important, pour ton image de marque aussi.

Ça renvoie une mauvaise image de toi auprès des fans. Tout est lié.

Quelle est ta relation actuelle avec les joueurs et les membres du staff. Travaillez-vous la communication ensemble ou c’est plutôt toi qui diriges tout et Llewellys et Torlk valident ?

Ça dépend. Globalement, on décide tous ensemble. Je suis quelqu’un de très ouvert. Il y a même des fois où je ne vais pas savoir quoi faire sur certaines actions de communication et on discute pour essayer de nouvelles choses. Je rapproche ça au syndrome de la page blanche.

Mais là, typiquement, j’ai lancé pour le mois de décembre le calendrier de l’avent de l’Armateam. J’ai tout décidé de A à Z. Llewellys et Torlk l’avaient déjà fait en 2017, mais je n’étais pas disponible à l’époque pour des raisons personnelles. Ça n’avait pas forcément bien marché d’après les retours de nos joueurs.

Cette fois, dès le mois de novembre, j’avais déjà fait mon plan de communication avec tous les lots qu’on allait faire gagner quotidiennement. Il fallait que ça marche.

Mon rôle est de rappeler aux joueurs ce qu’ils doivent faire durant cette période. Ils désespèrent parfois quand je leur envoie beaucoup de documents, mais c’est nécessaire pour que tout se passe bien. Je dois être là pour les relancer, car ils ont autre chose à faire. Ils ont leurs entraînements, les compétitions, leurs séances de streaming…

J’aimerais rebondir sur deux points. Le premier concerne ce fameux syndrome de la page blanche où tu expliques tes difficultés à trouver des idées. C’est intéressant pour ceux qui essaient de lancer une équipe esport. Souvent, tout est cadré. Il y en a un qui gère la gestion des joueurs, un autre qui fait la communication, etc. Souvent, on laisse le CM seul. Justement, l’idée de partager ce rôle, de se faire aider et de discuter avec son équipe est, pour moi, primordial pour avancer.

Oui, clairement ! Lorsque je suis sur place, on parle souvent. Nos bureaux sont regroupés. La salle d’entraînement et de stream des joueurs est aussi à proximité, donc ils passent nous voir après leurs sessions de jeu. On est amené à discuter constamment.

D’ailleurs, j’ai une anecdote toute récente [rires].

Torlk commence à vouloir lancer un délire de subgoal à 2000 abonnés pour un stream en gilet jaune. Nous étions à 1700, de mémoire. Il m’en parle et j’accepte l’idée. Un quart d’heure plus tard, il fait les 300 abonnements. J’ai dû courir dans Paris pour trouver un gilet jaune. Ce n’était absolument pas calculé et pourtant, pour notre communication, c’est génial.

On le voyait avec son gilet jaune en stream, on était morts de rires. Cela dit, il est parti dans une élocution interminable ensuite. Au début, c’est marrant, mais il est parti trop loin dans la blague. Ça ennuie les gens quand ça devient long. Même nous, on n’a pas regardé jusqu’au bout [rires].

Il y a certaines idées qui fonctionnent mieux que d’autres, et c’est normal, mais on en discute tout le temps. Au final, on était tous les 3 d’accords.

300 abonnés sur l’investissement d’un gilet jaune, c’est bien joué ! J’aimerais revenir sur le second point concernant tes plans de communication. Quelle est ta démarche exactement pour les faire ? Je pense que ça peut intéresser ceux qui aimeraient se lancer et n’y connaissent pas forcément grand-chose sur ce point important.

Mes plans de communication sont plus souvent liés aux sorties d’extension ou ce genre d’annonces. Ce n’est pas forcément esport mais la démarche est similaire.

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Je procède en faisant systématiquement un diagramme de Gantt. C’est un outil qui permet de définir la date de chaque action à réaliser et la durée de celle-ci. Je suis psychorigide avec ça.

Pour une sortie d’extension, dès que Blizzard fait l’annonce, j’en fais un où je définis tous les axes sur lesquels on doit communiquer. Très souvent, on réalise des streams de révélation des cartes et des annonces annexes. Ce sont les temps forts du plan de communication, donc je définis nos actions autour de ça.

On est en relation étroite avec Blizzard là-dessus, car on sait quand il est possible de communiquer seulement 2-3 jours avant. Une fois qu’on a le feu vert, je prévois toutes les publications, excepté sur YouTube où je ne crée pas moi-même le contenu.

L’objectif est bien sûr de toucher le maximum de personnes.

Vous fixez des objectifs précis en interne ou avec l’éditeur ? Si vous faites gagner une extension, est-elle fournie par Blizzard ?

On possède un partenariat avec Amazon Coins qui nous fournit tout ce dont on a besoin là-dessus. En échange, j’ai un certain nombre de tweets et de vidéos YouTube à faire en rapport avec eux. Je les programme sur mon plan de communication pour définir chaque annonce et les optimiser au mieux.

On essaie toujours de penser à ce que notre communauté aimerait voir. Nous sommes partis à Toronto, au Canada, au mois de mars pour un événement Hearthstone. Je pense que c’est un bon exemple. Pour la première fois, toute l’équipe s’est envolée ensemble. Les joueurs, Llewellys, nos stagiaires de l’époque, etc.

L’objectif était de retransmettre toutes les émotions que l’on vivait à nos fans. En plus de la compétition, on est parti visiter les Chutes du Niagara, on a mangé à la CN Tower, etc. Tout ça, on l’a partagé sur les réseaux sociaux avec des vlogs notamment. En plus, nous avons eu de la chance, car Odemian gagne le tournoi, c’était fou !

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Victoire d’Odemian au HCT Toronto. Crédits : Anaïs Diverchy

C’est quelque chose de fort et qui m’anime vraiment. J’aimerais pouvoir faire plus de contenus de ce genre qui véhiculent de fortes émotions. C’est beaucoup plus intimiste et ça permet de dévoiler l’équipe sous un nouveau visage. Ça crée forcément de nouveaux liens.

Nos fans ne peuvent pas forcément s’y rendre, grâce à ça, ils peuvent vivre la même histoire que nous.

Tu me parlais d’Amazon Coins. Qu’attendent vos partenaires de la part d’Armateam ? Quelles sont vos relations avec eux ?

Nous avons différents types de partenaires, qui ont des objectifs différents pour nous. Par exemple, pour Amazon Coins ou encore Winamax, ce qu’ils recherchent, c’est la création de comptes utilisateurs sur leur plateforme. Pour Top Achat, nous devons les aider à développer leurs ventes.

Pour réussir sans impacter négativement notre communauté, on imagine des stratégies spécifiques. Pour Winamax, l’opération consiste à intégrer une émission hebdomadaire dans notre programme. C’est principalement Torlk et Vinz qui gèrent cette partie. Concernant Amazon, ils sont visibles constamment sur notre web tv où l’on indique leurs informations et un lien pour se diriger vers leur plateforme. Ils sont constamment visibles. C’est un partenariat à moitié pour la tv et à moitié pour l’équipe, contrairement à Winamax où maintenant, ils ne supportent que l’aspect web tv.

Dès le départ, vous avez réussi à commencer Armateam avec Winamax et Top Achat. Comment avez-vous convaincu de nouveaux partenaires ? Quelle est votre relation avec eux ? J’imagine que la web tv et votre audience jouent un rôle important.

Oui, c’est vrai. Depuis le début, on a eu différents partenaires, comme BURN Controllers par exemple. C’est assez fou. On les a rencontrés via nos relations chez Top Achat. Nous voulions monter une équipe Call of Duty et ils étaient intéressés par l’idée. Ça s’est fait assez naturellement.

Globalement, avant de signer avec un partenaire, il y a une phase d’observation où on construit une relation. Tout est lié. A chaque événement, nous allons discuter avec différents responsables marketing sur leurs stands pour proposer nos idées. Ensuite, ils adhèrent ou non. S’ils veulent en savoir plus, on leur fait une présentation en nous basant sur leurs besoins.

C’est pour ça qu’il est important de discuter avec eux et de cerner ces points clés. On peut baser notre offre précisément sur leurs attentes, que ce soit un sponsoring d’équipe, d’événement, de web tv etc.

Effectivement, l’important est d’aller en événement et rencontrer les différents acteurs. Ça permet de mettre un visage sur un nom.

Il y a le feeling qui est très important aussi.

Vous avez la chance d’avoir, principalement, des joueurs avec une forte communauté, qui ont conscience de l’importance de travailler leur image. Est-ce que tu les accompagnes sur ce sujet ?

Oui, bien sûr ! J’aide pas mal Torlk, car il est demandeur. Il a une forte expérience là-dedans, mais tout conseil est bon à prendre. Je suis avec lui depuis l’époque où il est arrivé chez Millenium avec une communauté moindre. Il s’est énormément développé grâce à YouTube. J’ai pu l’aider, notamment sur le référencement naturel des vidéos, la création des vignettes, etc.

Ça peut être compliqué pour un joueur de comprendre comment les plateformes fonctionnent. YouTube est compliqué à appréhender, car personne ne sait véritablement comment son algorithme fonctionne. Au contraire, Twitter ou Facebook, c’est un peu moins opaque. Néanmoins, la veille est importante, car les règles changent tout le temps et ce qui marche aujourd’hui ne marchera pas forcément demain.

Donc oui, j’aide nos joueurs. Bien sûr, je ne peux pas les pousser s’ils ne sont pas motivés à se construire une audience. Il y a des profils plutôt réservés ou certains qui te disent clairement « je suis un joueur esport, pas un influenceur ».

Comment gères-tu ces profils-là chez Armateam ?

C’est compliqué. Ils ne savent pas gérer leur communication, mais surtout, ils ne veulent pas le faire. Tu peux leur donner tous les conseils possibles, à la fin, c’est eux qui doivent se bouger. Ça me rappelle des anecdotes de l’époque Millenium. On avait beaucoup plus de joueurs esport en gestion. Certains avaient des profils vraiment difficiles à faire évoluer.

D’autant plus que vous aviez 60 joueurs à gérer pour 3. Hormis quelques bons élèves, globalement dans l’esport, les équipes ne travaillent pas assez ces sujets-là avec leurs joueurs pour façonner leur image de marque.

Il n’y a pas le temps et les budgets pour le faire correctement. On était chez Millenium et nous étions que 3 pour 60 joueurs, donc les autres équipes en France pouvaient faire difficilement mieux.

Aujourd’hui, les équipes LCS sur League of Legends ont plusieurs personnes autour de 5 joueurs. Tu as des coaches, des psychologues, ils ont des agents… Pour la problématique dont on parle, c’est l’agence de talent qu’il faut développer, et ça aurait pu me plaire. C’est ça dont le joueur a besoin en réalité pour se construire une audience, une personne constamment derrière toi à te dire quoi faire et quand le faire.

J’ai dû gérer la communication d’un joueur League of Legends chez Millenium, dont je tairais le nom. Ça l’ennuyait littéralement, il m’a demandé de prendre son compte Twitter en charge. Je l’ai fait un temps, mais ça ne lui apprend rien. Le jour où il change d’équipe, il est perdu.

Aujourd’hui, ce joueur s’est développé une audience ?

Non, il a tout arrêté.

Ce n’est jamais évident pour un joueur de comprendre ça. Sa carrière n’est jamais assurée, et encore moins s’il ne se développe pas une fanbase pour jouer en sa faveur.

Il y a beaucoup de ces joueurs qui estiment qu’ils ne sont pas suivis sur Twitter parce qu’ils ne sont pas en LCS ou qu’on ne les voit pas en stream de grandes compétitions.

Quelque part, ils ont raison, mais tu peux te développer sans ça. Il y a assez d’événements pour te développer une audience. La France est l’un des pays avec le plus de LAN.

Un joueur peut avoir une voix qui compte. C’est une fausse excuse de penser l’inverse. Ils ont juste la flemme.

Ils sont jeunes. Les joueurs ne comprennent pas encore l’importance de développer une bonne image. Il m’est déjà arrivé qu’un partenaire nous contacte en pleine nuit parce qu’un joueur racontait n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Tu te lèves en urgence et tu ne sais pas trop ce qu’il t’arrive [rires].

Les partenaires sont très regardants sur la communication des joueurs.

Oui ! Les sponsors sont de plus en plus frileux à supporter une équipe. Ils dépendent grandement des résultats. Si tu fais top 5 ou top 2, ce n’est pas la même chose pour eux. Si en plus, tu prends le risque que l’un des joueurs fasse une boulette sur Twitter, ça peut vite devenir compliqué. Les sponsors ne veulent pas être associés à ça.

J’aimerais me recentrer sur toi. Tu expliquais tout à l’heure que ton rôle est assez vaste au sein d’Armateam et ne s’arrête pas au community management. Comment on met sur pieds les événements que vous produisez, et surtout, comment en gère-t-on la communication ?

Ça dépend de pas mal de choses. Est-ce que l’événement a des sponsors ou pas, par exemple. Typiquement, une Armacup dans nos locaux, ça va être complètement différent d’une Armacup à Toulouse, où là, on avait le conseil départemental de l’Haute-Garonne ou encore Omen by HP en partenariats.

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Table ronde lors de l’Arma cup Haute-Garonne. Crédits : Anaïs Diverchy

Quand nous sommes dans nos locaux, l’objectif est d’attirer un maximum de monde sur la web tv. Quand nous sommes à Toulouse, notre seul objectif, ou presque, c’est attirer du monde en physique. C’est deux approches complètement différentes.

Pour réussir tout ça, les streamers travaillent beaucoup. Le fait d’en parler durant les stream, c’est un avantage énorme. On a une communauté vraiment fidèle. Ils se déplacent tout le temps. Certains fans venaient de Paris ou de Lille pour l’événement à Toulouse. C’est impressionnant.

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De ton côté, comment tu prépares ça ?

Je fais mes fameux diagrammes de Gantt [rires]. Je prévois la manière dont on va annoncer la nouvelle, si on a des invités, quand est-ce qu’on le dit, est-ce qu’on fait une interview… Si oui, quand est-ce qu’elle doit être publiée, etc.

Il y a une grosse organisation en amont pour programmer les publications. Lors de l’événement, c’est principalement du live tweet, de l’inside avec les insta stories, si on peut, on fait un vlog… Parfois, on ne peut pas mettre de vidéos sur YouTube parce que l’événement est sponsorisé par Twitch et se réserve l’exclusivité de diffusion, etc.

Pour conclure, il y a le reporting pour définir si les résultats sont bons ou pas, mais nous n’avons jamais été déçus.

Vous vous fixez des objectifs d’acquisition de fans ou un engagement précis pour Armateam ?

On a principalement un objectif d’impression, que l’on doit annoncer à nos partenaires lors d’événements sponsorisés ou des opérations commerciales spéciales. On ne survend pas nos résultats. On fixe des objectifs concrets et réalisables, car on connait nos capacités. C’est un réel atout.

Les partenaires locaux comme le conseil départemental de l’Haute-Garonne sont contents et ça permet de refaire des événements plus facilement ailleurs, avec des partenaires publics, j’imagine ?

Oui, on a déjà eu Versailles, par exemple. Cela dit, à Toulouse, la personne en charge du partenariat chez eux était fan de Torlk.

Ça facilite les choses effectivement [rires] !

Tout est lié à la web tv encore une fois. Il nous disait regarder le stream. C’est ce qui l’a motivé à faire un événement avec nous.

Parlons-en de la web tv. Vous venez d’en lancer une nouvelle pour Artifact, vous en avez déjà eu pour LoL aussi, par exemple. Comment on orchestre ce choix de lancer une nouvelle web tv Armateam ?

Ça dépend grandement si on veut lancer une nouvelle équipe ou pas. Pour Artifact, c’est un peu différent, car pour le moment, l’objectif est de faire découvrir le jeu à notre communauté. Il n’y a pas de circuit esport actuellement.

Pour LoL ou Fortnite et comment on choisit une équipe, Llewellys ou Torlk auraient été meilleurs pour répondre, mais ça passe principalement par les sponsors. Si des partenaires souhaitent une nouvelle équipe Counter Strike ou tout autre jeu, on va chercher les joueurs en fonction du budget disponible et de leurs objectifs.

Comment gérais-tu la communication autour des web tv Armateam quand il y en avait plusieurs ?

Je me dédoublais [rires].

A l’époque, j’avais plus de temps. Je ne faisais pas du tout de marketing, aujourd’hui, un peu plus et puis, j’ai d’autres choses. On avait aussi des stagiaires à cette période qui jouaient à League of Legends ou à Fortnite. Quand on avait les 3, il fallait absolument tout suivre de chaque scène, même si tu ne joues pas forcément au jeu. Il faut t’y intéresser.

C’est une vraie organisation. On faisait en sorte que les moments chauds de chaque web tv ne passent pas en même temps, notamment en séparant les événements. Ça me permettait de tout voir. Et puis, si ça devenait vraiment compliqué, comme je te le disais, j’ai la chance d’avoir un discord avec une communauté exceptionnelle qui m’envoie les meilleurs clips. Ils me facilitent grandement la vie.

C’est l’aspect génial d’avoir une belle communauté comme Armateam.

Complètement !  Pour réaliser le best-of des moments forts de la tv, je vais dans les tops clips et je pioche. C’est génial, et heureusement, car ce serait impossible sans ça.

A l’époque, chez Millenium, pour faire le best-of de Torlk et Marmotte, c’était compliqué. Ils faisaient les clips eux-mêmes et me donnaient les liens dans un document Google. Encore pires, s’ils n’avaient pas le temps, ils notaient le jour et l’heure du temps fort. C’était fastidieux, car le stream indique seulement le temps de live et non l’heure qu’il était. Il fallait du courage pour tout retrouver [rires].

Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui aimeraient travailler à la communication d’une équipe esport comme Armateam ? Quelles sont les compétences clés à travailler ? L’aspect multicasquette, comme toi, est indispensable, j’imagine.

Je pense que le bénévolat est encore quelque chose de bien. C’est une bonne expérience à prendre. J’ai commencé comme ça chez Millenium. Je me suis montrée et j’ai réussi à m’occuper des comptes principaux. On avait plusieurs Twitter pour dissocier des jeux comme League of Legends, Hearthstone, etc.

C’est principalement les bénévoles qui étaient derrière ceux-là. Je leur donnais des conseils, je les accompagnais sur Tweetdeck, etc. Ça permet de se former en douceur à un métier et de faire du concret.

Il faut aussi faire pas mal de veille. Dans la communication, tout évolue constamment. Personnellement, je suis complètement autodidacte et me suis formée seule. Dans les écoles, tu ne vois pas tout, et encore moins à monter une vidéo ou maîtriser Photoshop, ou alors, très peu. Il ne faut pas être un Spielberg, mais au moins, connaître les bases. Et pour ça, il n’y a pas de secrets, il faut pratiquer.

Surtout dans un secteur comme l’esport où l’image est importante. Et je te confirme, en école de commerce, on ne t’apprend pas à monter des vidéos [rires].

Il faut être ouvert, ne pas avoir froid aux yeux et encore moins avoir peur. Il y a un petit côté journalistique où tu dois informer des résultats, etc. Bien sûr, il faut beaucoup travailler. L’esport est un milieu fermé. Il y a très peu de places. Il ne faut pas compter ses heures.

Il m’arrivait de faire des semaines à 90h à l’époque. Il faut se donner. Je vieillis et mon corps ne suivrait plus, mais quand il fallait suivre une compétition jusqu’à 05h du matin parce que tes joueurs étaient aux USA et qu’une compétition en Suède débutait en début d’après-midi, il fallait tenir bon.

Effectivement ! Quels conseils donnerais-tu, cette fois, aux personnes qui dirigent une équipe esport et qui souhaitent développer une communauté en partant de zéro ?

C’est compliqué à dire. Je ne suis jamais réellement partie de 0. Armateam, on ne peut pas dire ça, et Millenium était déjà bien lancé. Cependant, je pense que le premier chantier concerne les joueurs.

Il faut nouer des liens et soigner son storytelling. Si tu n’as pas un joueur phare sur lequel t’appuyer, c’est compliqué. Il faut gagner tes matchs et surfer dessus. Tout est lié à tes résultats. Personne ne suit une équipe qui perd tout le temps.

Tu as un dernier mot pour cette interview ?

J’aimerais revenir sur la façon de fédérer une communauté. Discord est une bonne plateforme qu’on oublie souvent. J’ai encouragé nos joueurs à aller dessus pour qu’ils puissent discuter avec leurs fans. C’est important de rendre à la communauté ce qu’elle te donne.

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Armateam a su construire une communauté fidèle. Crédits : Anaïs Diverchy

Avec Armateam, on peut aller plus loin. On fait parfois une LAN pensée pour les abonnés afin de les remercier. A cette occasion-là, ils peuvent venir partager des moments avec nous.

Le virtuel, c’est bien, mais le physique aussi.

Merci à toi Lily !

separateur rose esport insights

L’interview touche à sa fin. J’espère que mon entrevue avec Anaïs Diverchy vous éclaire sur la façon de bien gérer la communication d’une équipe esport.

Plusieurs leçons sont à retenir :

  • Pour être efficace, il est nécessaire de structurer sa communication et d’avoir un plan précis, à l’image d’Anaïs chez Armateam. Chacun de vos contenus doit trouver sa place dans un objectif commun.
  • Vous devez toujours rechercher à maximiser l’engagement de votre communauté. Ne publiez pas de contenus dont vous n’êtes pas fiers.
  • Ne restez pas figé sur une seule activité. Un rôle multicasquette est essentiel pour répondre aux nombreux besoins d’une équipe esport dans sa communication (marketing, logistique, graphisme, vidéo, rédaction…)
  • Il est très difficile de gérer la visibilité des joueurs. Ça demande du temps et beaucoup d’argent, que peu d’équipes peuvent se permettre aujourd’hui.
  • Les joueurs n’ont pas conscience de l’importance de développer une bonne image. Vous devez les sensibiliser à se construire eux-mêmes.
  • Un joueur esport, sauf s’il est dans une équipe internationale, ne vit pas décemment de son seul salaire de joueur, si on prend en compte son investissement.
  • Les sponsors ne recherchent qu’une chose : votre visibilité et l’image que vous véhiculez.
  • La communication interne est souvent éclipsée, et pourtant, elle est tout aussi importante (si ce n’est plus) que la communication envers vos fans. La manière dont vous parlez à vos joueurs ou votre staff a des conséquences importantes sur votre évolution. C’est d’autant plus important que 99% des équipes esport échangent à distance.

Avant de conclure, j’aimerais revenir sur le modèle poursuivi par Armateam.

Nombreuses sont les questions autour de la performance des joueurs esport et leur implication en stream ou dans la création de contenus.

Peuvent-ils partager leur temps d’entraînement avec du streaming et espérer atteindre un excellent niveau ?

Certains expliquent que c’est incompatible. D’autres, comme Rémy « Llewellys » Chanson prennent le pari inverse.

En réalité, ce n’est ni tout noir, ni tout blanc. Il semble censé de penser qu’un joueur doit être pleinement focus sur un seul objectif : gagner. Cela passe forcément par un entraînement intensif où aucun excès ne doit intervenir.

Personnellement, je pense que les joueurs doivent maintenir un lien avec leur communauté qui va bien au-delà de la simple apparition en compétition. Comme le dit Lily durant l’interview, les joueurs pensent souvent que l’accès à de grandes équipes leur octroie une visibilité suffisante pour exister. C’est en partie vrai, mais pas vraiment.

A tous les niveaux, un joueur esport doit prendre en main son image, tout comme son équipe. La création de contenus est importante pour ça.

Bien sûr, tout le monde n’a pas la possibilité de pouvoir bénéficier d’une web tv avec des milliers de spectateurs. Mais il faut voir plus loin que cela.

Le vrai débat apporté par le business model d’Armateam concerne la manière d’accompagner ses joueurs, au-delà de leur performance. À l’instar du sport traditionnel, les joueurs doivent devenir des personnalités reconnues et construire leur voix.

A ce titre, le pari tenté par Llewellys et Torlk semble être le meilleur compromis possible entre performance et visibilité.

Qu’en pensez-vous ?

N’hésitez pas à partager cette interview sur les réseaux sociaux et à nous suivre sur notre compte Twitter pour ne rien louper de notre actualité !

Encore merci à Anaïs Diverchy et Armateam pour leur temps.

À bientôt !

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3 Commentaires

Marlot 16 janvier 2019 - 20 h 22 min

Lily est tout simplement géniale.

Reply
Lily 17 janvier 2019 - 12 h 31 min

Haha merci <3

Reply
Pierre Bourillot 18 janvier 2019 - 14 h 51 min

Merci pour l’article top ! Lily est super honnête et malgré le vrai succès qu’est Armateam aujourd’hui elle nous montre à bien à quel point le parcours a pu être difficile.
Je suis quand même assez étonné pour la partie qui concerne l’encadrement obligatoire des joueurs pro, son témoignage donne l’impression que ce sont pour beaucoup des enfants peu responsables et impliqués, c’est inquiétant quand on sait combien leur image doit être bien travaillée pour donner une bonne image de l’esport en général…

Reply

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