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Pierre Mc Mahon :« La fédération apportera sa crédibilité à l’esport amateur »

Par Lenaic Leroy
Fédération des Associations Esportives de France

D’après les chiffres du baromètre 2020 de France Esports, l’esport amateur comprend aujourd’hui 1,2 millions de pratiquants en France. 

Vous en faites partie ? Certains d’entre vous étaient peut-être même présents à l’époque où l’on dormait sous les tables des LAN. 

Que vous ayez joué en ligne ou en LAN, vous connaissez ce gain d’adrénaline à l’approche d’un match important, mais aussi les longues attentes lorsque des problèmes viennent interrompre le cours de la compétition. Tous les esportifs désormais professionnels sont passés un jour ou l’autre par les compétitions amateurs.

Ce terreau commun repose principalement sur des organisations associatives, que ce soit pour créer les événements comme la Lyon e-Sport, mais aussi des clubs qui encadrent les joueurs comme les orKs Grand Poitiers. En reposant sur l’énergie et la passion de leurs bénévoles, les associations sont capables de porter des projets d’envergures qui modèlent la pratique de l’esport amateur.

L’explosion de l’esport ces 10 dernières années n’est pas représentative de l’évolution d’une pratique amateur. On parle beaucoup de l’arrivée des Worlds de League of Legends et des partenariats avec de grandes marques populaires qui sont avant tout, l’apanage des entreprises qui ont fait de l’esport un business. 

Évidemment, l’esport amateur n’a pas chômé pendant ces dix dernières années. Certaines pratiques issues du monde professionnel ont été intégrées, permettant aux marques d’investir les LAN et de faire leur publicité auprès du grand public et des joueurs. Des clubs amateurs sont parvenus comme les professionnels à convaincre des partenaires d’investir dans leur structure, faisant ainsi l’acquisition de ressources et de compétences généralement propres au milieu professionnel. 

Dans l’ensemble, même chez les amateurs, la pratique s’est professionnalisée à différentes échelles. Il existe un gouffre conséquent pour les joueurs, entre le niveau amateur et le niveau professionnel. Il y a quelques temps déjà, j’avais interrogé avec vous Dizdemon et Brosak pour comprendre comment se faisait la transition d’esportif amateur à professionnel. 

Le constat était mitigé, que ce soit le travail personnel, la chance ou un bon contact, les facteurs étaient trop nombreux et flous pour permettre une bonne lecture de ce changement.

Une nouvelle possibilité entre désormais en compte : la Fédération des Associations Esportives de France.

Créée il y a quelques semaines, la fédération réunie les associations qui s’engagent dans l’encadrement des esportifs amateurs.

L’objectif ? Développer l’esport amateur pour rendre les parcours des joueurs et des associations plus sûrs. Comment ? En développant des outils adaptés et au cœur de ce système, un circuit compétitif annuel digne des professionnels. 

L’idée est forte et porte beaucoup de promesses pour l’esport amateur qui s’est toujours structuré sur des initiatives ponctuelles ou trop isolées pour faire écho dans tout le secteur. 

Afin de connaître un maximum de choses sur la Fédération des Associations Esportives de France, j’ai rencontré son président récemment élu : Pierre Mc Mahon

Durant notre échange, il m’a tout révélé sur la création de la fédération, son fonctionnement mais aussi les objectifs qu’ils veulent atteindre pour transformer l’esport amateur de demain. 

L’interview est entre vos mains, je vous souhaite une bonne lecture.

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Salut Pierre, j’ai plein de questions au sujet de la Fédération des Associations Esportives de France et sur ton propre parcours. Est-ce que tu peux rapidement te présenter à nos lecteurs et lectrices ? 

Bien sûr, je suis Pierre Mc Mahon, président des orKs Grand Poitiers, il s’agit d’une structure qui existe depuis quinze ans avec une fondation en 2005. Depuis 15 ans, nous travaillons avec toutes les structures qui pourraient fédérer ou structurer l’esport amateur. Aujourd’hui je suis aussi le président au sein du bureau de la Fédération des Associations Esportives de France.

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Tu peux m’en dire plus sur le processus qui t’a amené avec les autres membres fondateurs à la création de cette fédération ?

La création ne s’est pas faite de manière impulsive, il s’agit du fruit d’une longue réflexion. On a vu plusieurs structures se créer dans le passé, nous les avons rejointes, mais bien souvent cela ne nous correspondait pas. Cet été, j’ai reçu un appel du président de l’association Nantes Esport: Stefen M-Debat.

Il voulait échanger sur la possibilité d’une structuration de la pratique esportive amateur. Il parlait déjà d’un circuit amateur, pour que les associations d’encadrement de joueurs amateurs puissent se réunir afin d’évoluer ensemble. Le circuit permettrait de proposer comme dans le sport traditionnel, un système de divisions comprenant des promotions et des relégations, mais aussi une période de mercato pour réguler les transferts de joueurs afin de sécuriser leurs parcours et celui des structures accompagnantes.

J’ai d’abord répondu avec distance, car j’ai vu beaucoup de personnes faire l’essai avant nous, ayant moi-même fait partie de certaines initiatives et aucune n’avait été en accord avec les attentes associatives présentes chez orKs GP. Nous prônons l’ancrage territorial des associations, c’est d’ailleurs pour ça que nous sommes affiliés à une entité publique, Grand Poitiers depuis 2018, devenant la première équipe de France représentant un territoire. J’attends la structuration de l’esport amateur par ce biais et je ne veux pas faire un circuit sans intégrer cette dynamique.

Après une quinzaine de jours, les équipes de Nantes Esport ont reprit contact avec nous en validant tout ce qu’on avait mis en avant lors de nos discussions, que ce soit la territorialisation, l’aide à la création d’association et à leur maintien. Le tissu associatif esportif français est très fragile. Un départ de joueur vers une nouvelle structure peut causer la fermeture d’une association. Cela impacte négativement l’écosystème, car les associations sont à la base du développement des joueurs. Il faut sécuriser la structuration de la pratique amateur, car elle est aujourd’hui à la merci des plus grosses équipes qui possèdent soit de plus gros objectifs, soit un plus gros chéquier.

Certaines structurations comme France Esports sont très pertinentes, le travail est remarquable sur le baromètre, sur la communication avec les institutions publiques. Je soutiens la démarche, mais en ce qui concerne les associations qui encouragent les joueurs amateurs, ces dernières rejoignent le collège des promoteurs, soit le même collège que les entreprises alors que leurs problématiques ne sont pas les mêmes. Il existe pourtant un collège des joueurs qui permettrait d’apporter des réponses adaptées, mais lors de la dernière élection, celui-ci n’a pas comptabilisé plus de 250 votants. C’est dommage que ce collège ne soit pas pleinement représentatif de la base écosystémique de l’esport, c’est-à-dire les joueurs.

Baromètre FE profil joueurs

Le baromètre 2020 de France Esports nous rappelle le spectre très large que couvre l’esport amateur avec 1.2 million d’esportifs amateurs en France. Source : France Esports

Cette base est au centre de tout le système, mais sa représentativité est très faible. La volonté dans la création de cette fédération est d’accompagner France Esports, d’être une entité qui représente la voix d’un tissu associatif conséquent, que ce soit dans les collèges promoteurs ou joueurs. La structuration sera à travailler avec France Esports. D’ailleurs, nous avons invité France Esports lors de notre assemblée constitutive pour qu’ils puissent présenter l’association auprès des joueurs.

On reviendra sur la relation avec France Esports plus tard, car un point important qu’il faut mentionner, c’est ta position de représentant suppléant au collège des joueurs de France Esports.

Pourquoi ne pas avoir concrétisé certains aspects que tu évoques en t’appuyant sur le groupe de travail consacré à la structuration régionale de l’esport amateur ? 

Il y a un besoin de représentativité que je ne peux pas avoir chez France Esports de la même manière qu’avec la Fédération des Associations Esportives de France. Toutes les associations qui existent sur le territoire ne sont pas forcément adhérentes à France Esports. La fédération peut toucher certaines d’entre elles qui ne connaissent pas ou n’adhèrent pas forcément à l’association.

La stratégie est simple, il est important de regrouper toute l’énergie des associations, afin de la structurer et la centraliser pour que la parole parvienne jusqu’à une entité comme France Esports. Cela apporte à l’écosystème amateur une légitimité et une crédibilité qui manquent aujourd’hui.

Pour moi, il me semblait très difficile d’atteindre tous ces objectifs en ne m’appuyant que sur mon mandat chez France Esports. La faute ne revient ni à France Esports ni aux associations, il s’agit d’un tout qui forme cette situation. Les associations ne se sentaient pas écoutées, particulièrement sur certaines problématiques qui les concernaient. La création d’une entité qui pourrait les représenter, permet de rattacher ce tissu associatif avec France Esports qui ne parvient pas aujourd’hui à créer du lien de manière directe.

Au sein de France Esports, on retrouve chez les éditeurs le S.E.L.L qui joue un rôle fédérateur pour beaucoup d’éditeurs qui ne sont pas directement représentés. La fédération cherche à se positionner sur le même canal en représentant plusieurs voix réunies à travers une seule entité.

On a parlé des orKs et de Nantes Esport, mais il y a plusieurs associations fondatrice de la Fédération des Associations Esportives de France. Comment les autres fondateurs se sont ajoutés au projet ? 

La création et la première union d’association s’est beaucoup faite par le relationnel. Le projet a été piloté par Nantes Esport, les orKs ayant rejoint rapidement la boucle en apportant une quantité de ressources humaines importante. Il y a eu beaucoup d’appels auprès d’associations que l’on connaissait grâce aux compétitions. Nantes Esport s’est occupé du démarchage auprès des présidents d’associations pour savoir s’ils étaient intéressés par le projet. Certaines structures ont répondu très rapidement et majoritairement par la positive.

Il y a 21 associations fondatrices de la fédération, certaines très anciennes et importantes comme Metaleak, Wanted ou Project Conquerors. Nous sommes très contents de compter parmi nous Crazy esport, la structure représentante de la région Bretagne, mais aussi une association corse : Nustrale Gaming. Des structures plus petites comme Numelops ou Agartha Esport ont leur place, mais aussi Game’Her qui se démarque par une approche spécifique concernant la mixité.

Nous n’avons pas pu appeler toutes les associations et certaines n’ont pas répondu, car elles ne croyaient pas forcément en la crédibilité du projet. L’idée est d’ouvrir les adhésions aux différentes associations qui restent dans une logique d’encadrement de joueurs.

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Nous avons déjà entre 10 et 15 associations qui nous ont fait part de l’envie de nous rejoindre, ce qui doublerait presque le nombre de membres en quelques mois. Le modèle d’adhésion se fait par la structure la première année, avec un système de mutualisation par la suite, permettant à chaque association d’investir à hauteur de ses moyens dans le dispositif.

Comment est-il possible de créer une fédération alors que les éditeurs ont la propriété intellectuelle sur leurs jeux ? 

La notion de fédération ou d’union nationale est un format associatif propre aux associations de loi 1901. Dans une fédération, seules sont capables d’adhérer les personnes morales de types associatives, dans notre cas faisant de l’encadrement de joueurs.

Il s’agit simplement d’une association d’associations, le nom peut prendre diverses formes. C’est un choix de notre part d’avoir appeler celle-ci Fédération des Associations Esportives de France, car celui-ci nous semblait beaucoup plus fort. Il faut savoir qu’il est interdit de faire une fédération française sans avoir une délégation publique pour sa création qui permet d’être la fédération française de sa discipline.

Nous sommes une fédération comme il en existe des centaines en France, le mot ne connotant que notre volonté de fédérer des entités différentes autour d’un projet commun. Cela nous différencie des fédérations sportives bien que l’on se situe entre deux eaux.

Pour nous, il est impossible de faire un circuit ou une compétition sans l’aval des éditeurs. En revanche, il nous est possible d’agir sur une recommandation ou une préconisation d’une certaine uniformisation des compétitions en France. Dans le sport en France, que ce soit à Lilles ou à Bordeaux, les terrains font la même taille, les règles sont les mêmes. Les clubs s’engagent à respecter les règles et à s’entendre partout sur les conditions de jeu est nécessaire à la création d’une fédération.

Dans l’esport, on joue au même jeu mais pas avec les mêmes règles. Pour un même jeu, une compétition peut se faire avec des arbres de tournoi en double élimination, une autre en ronde suisse, des tournois en BO5, d’autres en BO3, les règles étant fixées par chaque organisateur.

Nous voulons travailler sur une préconisation de règlement que les organisateurs de compétitions tiers peuvent utiliser. Cela permettra de labelliser les compétitions d’un tampon FAEF, reconnaissant que le règlement est approuvé par la fédération et invitant ainsi les associations adhérentes à y participer.

Nous allons aussi réfléchir à une formation des administrateurs de tournoi. L’objectif est de permettre à chacune de nos structures adhérentes de pouvoir envoyer des membres pour être formé sur les modalités d’organisation d’un tournoi, la rédaction d’un règlement et son application, mais aussi les sanctions à prendre selon les litiges. La finalité serait d’avoir des modalités d’administrations communes à plusieurs structures avec une formation et des connaissances similaires à chaque administrateur.

La labellisation des compétitions est très importante pour permettre à notre fédération d’apporter des pratiques communes à tous nos adhérents.

Est-ce que le contexte actuel dû à la pandémie de Coronavirus impacte le fonctionnement des associations ?

La disparition des LAN a porté un coup à tout le secteur, mais heureusement le jeu vidéo possède tous les éléments pour continuer à se développer en ligne. Plusieurs associations ont réussi à tirer leur épingles du jeu grâce à des compétitions qui se jouaient uniquement en online.

Néanmoins, on constate un isolement des associations, car les LAN sont aussi des occasions de discuter de notre fonctionnement, de la gestion des joueurs et de notre développement. L’absence de ces rendez-vous n’a pas été compensée et c’est peut-être aussi pour cette raison que le besoin d’avoir une fédération nous semble aussi important afin d’apporter aux associations une réponse pour se réunir entre elles.

Pour mieux comprendre le fonctionnement de la fédération, j’aimerais savoir comment le bureau s’est constitué ?

La structuration est similaire à une structure fédérale classique. Lors de l’assemblée constitutive et à l’avenir lors de nos assemblée générale, les structures peuvent mandater une personne de leur structure respective pour candidater au conseil d’administration. C’est une candidature de membre élu, dans notre cas il existe neuf postes et nous avons reçu neuf candidatures de la part des structures fondatrices. Une vérification est faite sur l’identité de la personne, nous demandons un volet de casier judiciaire vierge, car c’est une volonté de notre part que notre fédération possède une éthique et un fonctionnement propres.

Les structures votent pour les personnes qui candidatent avec une voix par structure. Une fois le conseil élu, celui-ci va procéder à l’élection des membres du bureau pour chaque poste. Les personnes sont alors élues en leur nom propre et forment le conseil d’administration élu.

De plus, pour toutes les structures n’ayant pas d’élu, elles possèdent un accès au conseil d’administration de manière consultative afin que l’opinion de chacun soit partagée et connue au sein de la fédération.

Vous avez annoncé la création d’un comité éthique, est-ce que tu peux expliquer le concept et son fonctionnement ?

Il s’agit d’un gros travail qui a voulu être enclenché par notre groupe et concorde avec la labellisation des compétitions. Le comité a pour mission de veiller au respect des règles et des valeurs établies par la fédération. Il aura pour but de garantir un environnement compétitif esportif qui soit sain et intègre en France pour les amateurs. 

Il se porte garant de l’éthique des membres adhérents de la FAEF, mais aussi des compétitions adhérentes. Le comité a un rôle de consultation et de conseil auprès du conseil d’administration. Il s’articule autours de valeurs qui nous semblent fondamentales. La première, l’intégrité, que ce soit celle des structures ou des compétitions. La seconde est le respect, que ce soit des joueurs envers les administrateurs tournoi ou envers eux-même. En troisième, l’impartialité. Dès qu’une personne transgresse les règles, toute décision devra être prise de manière impartiale. C’est pour cela que le comité éthique est indépendant du conseil d’administration.

Gamers Assembly halloween edition

Dans les LAN ou en ligne, les compétitions ont un règlement qui régule le comportement des joueurs, mais celui-ci change d’une organisation à une autre. Source : Gamers Assembly

Il joue un rôle de transparence dans la démonstration des faits, mais aussi dans son organisation, bien qu’il reste confidentiel dans son action, car le but n’est pas de faire le lynchage public de ceux qui font des erreurs par la diffamation ou l’incitation à la haine. Ces valeurs vont piloter le comité éthique rattaché à la FAEF mais dont le fonctionnement reste autonome.

Il est constitué de membres présentés par des associations adhérentes à la Fédération des Associations Esportives de France. Ces candidatures sont soumises au conseil d’administration qui peut alors intégrer les candidats après vérification de leur parcours. Le conseil d’administration garde un certain droit de regard sur l’activité du comité pour que celui-ci ne soit pas entièrement détaché du fonctionnement de la fédération. Il peut, le cas échéant, demander la dissolution du comité si celui-ci n’agit pas selon les termes de fonctionnement de la fédération. Néanmoins, sa dissolution suppose une recomposition immédiate avec de nouveaux membres.

La première des missions du comité éthique va être de valider le dossier d’admission d’une association voulant adhérer à la fédération pour s’assurer qu’elle corresponde bien aux valeurs promues par la FAEF. Le comité éthique a d’ailleurs un droit de refus concernant des associations si des propos tenus par des associations sont en total désaccord avec ceux de la fédération.

Dans un second temps, sa mission est de faire respecter le code éthique que ses membres auront rédigé. Il s’agit de règles de bon fonctionnement des compétitions, allant du respect des individus à l’interdiction du dopage médicamenteux ou logiciel. Ce code sera appliqué sur les compétitions organisées par la fédération ou dans les compétitions qui seront labellisées.

Aujourd’hui, quels sont les moyens à disposition de la fédération ?

Actuellement, le fonctionnement de la fédération est complètement autonome. Nous ne disposons d’aucune aide extérieure si ce n’est celle de partenariats ou des apporteurs d’idées. Aujourd’hui, ce n’est pas la cotisation de 21 associations qui permettra le fonctionnement de la fédération. Il va nous falloir trouver des partenaires publics et privés pour faire avancer la structuration. Il est évident qu’il va falloir des agréments d’utilité publique si l’on veut prétendre a des subventions d’états. 

On sait que la tâche sera très lourde, mais on veut avancer vite, car il existe de très nombreux obstacles sur notre route. Dans les faits, nous avons un statut de membre associé de la fédération que nous aimerions proposer à différentes structures, des organisateurs de compétitions, des éditeurs de jeux vidéo, mais aussi pour France Esports. L’idée est d’avoir des membres au sein de la fédération qui sont capable de nous aider, d’apporter des compléments à nos idées. On aimerait pouvoir intégrer par ce biais un cabinet d’avocat afin de travailler ensemble sur la structuration du point de vue législatif. Nous ne sommes que des associations et des bénévoles, nous en sommes fiers, mais nous ne possédons pas la professionnalisation que peuvent avoir certains acteurs privés qui peuvent nous aider.

Pour parler de vos objectifs, comment vois-tu la fédération changer l’esport amateur que ce soit sur du court, moyen ou long terme ?

Dans un premier temps, nous voulons créer les bases d’un circuit de type ligue en France. Cela décline alors tout un tas de choses : l’uniformisation des règlements, le comité éthique et le code éthique, la format de la structuration avec des ligues permettant l’ascension et la descente ainsi que des périodes de mercato, la formation des organisateurs de tournoi et les calendriers compétitifs.

L’objectif est de pouvoir labelliser des compétitions pour les organisateurs déjà existants sur le territoire comme ESL, Dreamhack ou Lyon e-Sport. Nous voulons travailler avec ces organisateurs en apportant des préconisations de règlements et des administrateurs afin d’uniformiser la pratique.

À moyen et long terme, le but est de faciliter l’ancrage territorial de nos associations membres. Nous voulons les aider à aller chercher le soutien de leur municipalité, de leurs régions pour obtenir un encrage permettant à terme d’avoir des équipes soutenues et reconnues dans chaque ville. Il serait possible de procéder à des championnats départements, régionaux, avec une activité de club dans le même modèle que les clubs sportifs.

Nous avons déjà créé ce modèle de clubs à Poitiers faisant l’encadrement de jeunes en utilisant un modèle sportif pour promouvoir la bonne pratique du jeu vidéo. La structuration pérenne du secteur ne peut se faire pour nous qu’en s’appuyant sur cet ancrage territorial.

Comment est-ce que tu imagines la formation des administrations de compétitions au sein de la fédération ?

Concrètement, il va être nécessaire d’échanger avec les éditeurs pour savoir quels jeux vont pouvoir être intégrés dans le circuit. Le but est de couvrir tous les types de jeux compétitifs pour avoir un panel représentatif de la pratique. En l’occurrence, il va falloir des administrateurs spécialisés dans chaque titre que l’on va proposer. Il existera un tronc commun à chacun, mais chaque jeu possède sa propre spécificité.

L’administration comme la communauté n’est pas la même d’un jeu à l’autre, et nous voulons pouvoir faire de nos administrateurs des représentants de leur communauté.

Les modalités de formation sont encore à travailler, mais si cela ne tenait qu’à moi, la fédération devrait prendre en charge cet aspect. Une formation doit passer par un ingénieur de la formation possédant les outils pédagogiques adaptés ainsi qu’une méthodologie d’acquisition de savoir. Les associations n’ont pas vocation à le faire et n’ont pas forcément les compétences pour.

Pour que la labellisation des compétitions soit cohérente, il sera nécessaire que les administrateurs de tournoi formés soient aptes à faire la formation, mais aussi des tests théoriques ou techniques pour valider et obtenir une certification. 

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Je pense aux administrateurs de compétitions d’esport amateur qui ne sont actuellement pas affiliés à une association, comment pourraient-ils être intégrés à une formation sans avoir d’adhésion ?

C’est une question que l’on doit se poser et il faudrait trouver un modèle permettant à des personnes tierces d’accéder à notre formation pour être certifiées sur nos compétitions. On peut demander à nos structures membres d’alimenter le nombre d’administrateurs tournoi présents sur nos événements, car c’est un devoir pour nous d’administrer les tournois. Cependant, on ne se voit pas fermer la porte à ceux qui veulent spécifiquement être intégrés pour continuer d’administrer des tournois.

Nous avons déjà beaucoup parlé du futur circuit que la fédération veut mettre en place, dans quelle mesure celui-ci peut être appliqué ?

L’objectif de ce circuit est d’être entretenu sur toute l’année comme un fil rouge. Nous allons privilégier la solution en ligne pour permettre au calendrier d’être maintenu. Rien n’empêche cependant une solution hybride, permettant d’intégrer dans le circuit des moments forts en physique.

Toutes les LAN sont organisées par des acteurs indépendants, la Gamers Assembly par FuturoLAN, la Lyon e-Sport par l’association du même nom, Dreamhack par l’entreprise Dreamhack France. On ne se voit pas imposer à différents acteurs un circuit unique de ce type. Je pense qu’il est nécessaire de commencer par une solution en ligne, de laisser du temps au processus pour le construire sereinement.

Lyon e-Sport 2020 CarlJR

Que ce soit l’esport amateur des associations ou l’esport professionnel des entreprises, les deux versants sont utiles au développement de l’écosystème.

Dans les faits, on ne sait pas s’il sera applicable dès le premier semestre 2021, il s’agirait seulement d’une ébauche que l’on pourrait peut-être mettre en place plus sérieusement pour la rentrée de septembre 2021. Il nous faut un retour d’expérience sur les problématiques ou la faisabilité du projet. Quoi qu’il arrive, il reste encore à faire tout le travail avec les éditeurs pour savoir s’ils veulent d’un circuit de ce type et il est impossible de faire quoi que ce soit sans leur aval.

Quels rapports allez-vous entretenir avec les associations qui ne sont pas adhérentes à la fédération ?

La fédération des Associations Esportives de France a pour vocation de fournir des projets pour ses adhérents. Nous approchons un maximum d’associations et nous savons qu’elles ne seront pas toutes adhérentes chez nous. Que se soit parce qu’elles ne seront pas contactées, qu’elles ne se retrouvent pas dans nos valeurs ou parce qu’elles n’auront pas passé les filtres du comité éthique, il y aura forcément des associations extérieures à la fédération.

La fédération a un but d’aider les associations dans l’aboutissement et la structuration de leurs projets. Des membres pourront être aidés de la fédération pour organiser des choses en internes, pour être connectés avec le territoire auquel ils veulent être rattachés ou pour demander de l’aide sur de la mutualisation matérielle afin de créer des événements physiques.

Notre champ d’action peut aussi aller jusqu’aux fonctionnements administratifs en essayant d’apporter des connaissances et des soutiens de partenaires qui pourraient être rattachés sur les assurances ou les mutuelles. L’offre de service sera adaptée à toutes les associations peu importe leur taille. Il sera nécessaire d’expliquer et de convaincre sur l’intérêt du projet, que ce soit par la pédagogie ou par l’éducation. Pour les associations qui resteraient extérieures, elles ne pourront pas participer au circuit que nous organiserons.

Quelles sont vos attentes relationnelles concernant les entreprises du secteur ?

Notre objectif n’est pas de prendre des parts de marché chez les professionnels, mais de répondre aux besoins de nos associations membres. Aucun dispositif ne permet de sécuriser le parcours du joueur et des entités qui prennent le temps de les former.

Aujourd’hui chez les orKs nous avons connu des joueurs comme Dioud, Glutonny ou Clem, tous sont désormais dans d’autres structures après avoir fait leur début chez nous. Notre association a les épaules pour essuyer ce genre de départ, mais de nombreuses associations ne s’en remettent pas.

La sécurisation du joueur doit être une priorité pour que les associations ne ferment pas après un départ et le circuit doit permettre de concrétiser cela.

Notre développement se fait en parallèle du travail que font les entreprises, plus il y a de compétition sur le territoire, mieux le secteur se porte. En apportant un nouvel échelon à l’échelle amateur, nous apportons une nouvelle pierre pour démocratiser la pratique esportive. C’est pour ça que nous avons invité des acteurs comme ESL ou FuturoLAN, car nous voulons travailler avec eux.

Nous avons déjà parlé de France Esports, quels rapport prévoyez-vous d’entretenir avec l’association à l’avenir ?

Lors de notre assemblée constitutive, Stephan Euthine et Nicolas Besombes ont très clairement fait remarquer qu’ils étaient en pleine réflexion sur l’intégration des associations. Que ce soit au même titre que le S.E.L.L ou en constituant un collège global, personne n’a la réponse parfaite clé en main.

L’objectif est d’intégrer les associations par la fédération ou par un autre moyen. Nous voulons être des accompagnants et échanger sur le sujet pour savoir ce qui est possible et ce qu’ils sont prêts à faire. Il serait bon de voir la fédération servir de canal de discussion pour que France Esports dialogue avec les associations.

Merci beaucoup pour cette interview Pierre, il y a beaucoup de chemin pour que la fédération trouve sa place dans l’esport amateur et je vous souhaite bon courage ! 

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La Fédération des Associations Esportives de France a beaucoup de potentiel pour l’esport amateur. Que ce soit dans sa volonté d’unifier la parole ou d’apporter aux amateurs un circuit normalisé et encadré, le dispositif apporte dans l’idée beaucoup au secteur. 

Les associations d’esportifs amateurs ne sont pas aujourd’hui intégrées dans la discussion pour savoir ce que l’esport va devenir, alors qu’elle en sont souvent à la source. Les organisateurs d’événements ne les consultent pas, de même que les éditeurs qui font dans les deux cas leur affaire avec leur proposition de produit. 

L’enjeu pourrait être de créer un dialogue plus riche avec les différents acteurs du secteur, afin de créer des passerelles durables entre chacun d’entre eux. 

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Le circuit compétitif de la fédération serait très fort pour permettre aux esportifs amateurs de se faire la main sur un modèle qui a déjà fait ses preuves chez les professionnels. En apportant une proposition qualitative au travers des associations, ces dernières pourraient voir venir à elles des joueurs jusqu’ici sans étiquettes pour intégrer le circuit compétitif, renforçant les fondements de l’esport amateur.

Dans l’ensemble, une chose est sûre, si la fédération parvient a prendre la place qu’elle cherche, elle créera du lien. Un élément qui manque cruellement aujourd’hui et qui permettra au secteur d’en sortir renforcé. L’esport amateur et l’esport professionnel ont besoin d’être plus connectés, et pas seulement lorsqu’il est nécessaire pour les clubs de trouver une nouvelle pépite qui soit rentable. 

La professionnalisation de l’esport amateur est en marche grâce au soutien des territoires et de l’énergie que dégagent les associations. Cette énergie est précieuse et utilisable pour que le modèle de l’esport amateur soit à l’image voulue. Elle impactera sûrement les générations à venir de joueurs professionnels qui proviendront d’un secteur avec une pratique éthique durable.

J’espère que l’article vous a plu autant qu’à moi lors de sa réalisation. N’hésitez pas à nous faire vos retours que ce soit dans les commentaires ou sur notre twitter, ce sera un plaisir pour nous de pouvoir discuter de la fédération ensemble.

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