Le visage de Twitch a beaucoup changé.
En quelques années, la plateforme s’est agrandie en diversifiant son contenu, passant d’une pratique de niche, à un espace d’expression dépassant le jeu vidéo et l’esport. C’est grâce à ce phénomène que l’on a vu naître la question politique sur Twitch.
Sous le terme politique, on peut entendre des choses très différentes. Nous avons déjà évoqué la pratique du streaming, l’engouement autour et les conséquences qui peuvent en découler en nous appuyant sur la situation de Yuber.
Ici, je veux parler avec vous de la politique au sens du fonctionnement pratique de notre société, dans sa dimension sociale ou même morale.
Il n’est pas question de parler de parti politique et de politiciens dans cet article. Il est impossible de faire l’impasse sur leur arrivée progressive sur la plateforme, ou encore du travail d’Accropolis dont le rôle ne peut être minoré concernant la politique sur Twitch.
Pour parler de la politique sur Twitch, il nous faut revenir ensemble quelques années en arrière, à une époque où la plateforme n’était qu’une branche de JustinTV. Twitch avait pour objectif de réunir tout le contenu jeu vidéo de JustinTV. La majorité des diffusions était axée sur la compétition, celles des organisateurs d’événements comme ESL ou Dreamhack avec un flux commenté, et celles des joueurs avec leurs POV.
Cette époque laissait assez peu de place à une pratique de divertissement dissociée de la pratique compétitive. À l’époque, des personnalités tel ZeratoR n’existaient pas en dehors d’une structure – dans son cas aAa, Millenium puis Gamecred. Sa proposition de contenu reposait principalement sur le cast de Starcraft 2, bien qu’il soit l’un des premiers à explorer de nouveaux formats.
L’évolution progressive de Twitch s’est accélérée avec son rachat par Amazon le 25 août 2014 pour une valeur avoisinant le milliard de dollars. De plus en plus, la mise en avant de personnalités s’est accentuée, alors que la démarche avait débuté dès 2012 avec l’arrivée du launcher en page d’accueil. Cette interface devient un outil important pour rediriger les nouveaux spectateur·rices sur une chaîne mise en avant.
Pourtant, l’objet va perdre rapidement de son intérêt, car les communautés vont se fédérer autour des streamer·euses. Les sites communautaires et les WebTV sont de moins en moins essentiels au développement du secteur, ils restent cependant porteurs pour les nouveaux talents.
Libérés de la politique interne des médias, les streamer·euses indépendant·es possèdent une liberté d’expression qui ne dépend que de leur propre jugement. Les propos se multiplient, les dérapages aussi. Très logiquement, le débat politique est devenu très présent sur Twitch.
J’ai longtemps voulu vous parler de la politique sur Twitch et dans l’esport, sans avoir l’angle adéquat pour le faire. De plus, le sujet est très vaste et particulièrement difficile à couvrir sans se perdre dans de trop nombreuses problématiques. En partant du divertissement disponible sur Twitch, j’ai souhaité m’intéresser à nos modes de consommation, au fonctionnement de cet écosystème, en dépassant le regard du spectateur.
J’ai recoupé différentes sources issues de l’actualité de cette année, des interviews avec différent·es streameur·euses ainsi que des références à des streams pour comprendre la politisation progressive des échanges sur Twitch. La démarche appelle nécessairement le développement de nombreux points abordés dans cet article, l’objectif principal est de proposer une première approche de cette pratique de plus en plus présente sur la plateforme.
Il est bon de s’interroger sur les formes d’expression, les usages, mais aussi la complexité des liens qui se forment entre les streamers·euses, les marques qui investissent le milieu et le public. Que l’on soit issu de la génération du Just Chatting, ou que l’on provienne de la vieille école gaming, la politique sur Twitch est incontournable.
Stream et politique sur Twitch, des pratiques différentes
Notre façon d’appréhender la politique découle d’une multitudes de facteurs. Notre genre, notre ethnie, notre origine sociale, notre parcours scolaire, notre éducation aux phénomènes de sociétés… Sur Twitch, on retrouve autant de profils différents qu’il y a de streamers·euses.
Pour autant, il est possible de tracer certaines lignes directrices pour comprendre quel genre d’approches les streamers·euses proposent sur le sujet.
« À force d’exprimer mes idées sur Twitter, le public de Twitch a bien vu mon positionnement politique. »
À la proue du navire, les streameur·euses les plus actifs sur le sujet, ceux qui n’hésitent pas à appuyer sur le bouton d’alarme lorsqu’il est nécessaire de le faire, ceux que je catégorise ici comme les streamers·euses militant·es.
Pour définir une telle catégorie, il a été nécessaire de choisir différents facteurs déterminant l’approche militante des intéressé·es. J’ai pris en compte la récurrence des sujets politiques dans les différent échanges des streamer·euses, leur propre reconnaissance dans une pratique militante mais aussi les différentes prises de positions que ce soit lors de leurs lives, mais aussi sur leurs réseaux sociaux.
Être militant·e n’est pas une position évidente, car il est très difficile de défendre une cause sur Twitch et très peu de streamer·euses osent s’engager publiquement. Pourtant, leur action est vitale dans les débats, car ils bousculent le statu quo en apportant des grilles de lectures différentes de la position attendue.
Dans les faits, on retrouve de plus en plus d’échanges directs entre les spectateur·rices et les streameur·euses. Les discussions de début de live deviennent monnaie courante. Certains en font même un contenu à part entière comme Krayn ou encore Zul’Zorander qui a développé avec Guile93 une émission hebdomadaire : Vendredi moi tout, afin de débattre des actualités.
Des formats innovants apparaissent de plus en plus afin d’atteindre le public recherché. La lecture de textes ou d’articles réunit de plus en plus de personnes en 2020, tandis que les streamer·euses politisés tendent à plébisciter ce format.
Incontournables dans le genre, Modiie propose régulièrement la lecture de sciences humaines et sociales – apportant son bagage universitaire sur de nombreux sujets – tandis que Nat’Ali procède à la lecture d’articles de journaux sur différentes problématiques comme le sexisme et le crunch dans les studios de jeux vidéo. Plus récemment encore, Zul’Zorander a proposé une émission : Des streams et des livres, permettant la découverte de différents auteurs engagés.
En s’appuyant sur les travaux de journalistes, mais aussi d’auteurs reconnus, la pratique permet de mettre en lumière un événement problématique et de le transposer sur Twitch sans prendre le risque d’être épinglé comme streamer·euse à problèmes. Ces nouvelles approches favorisent l’échange des idées au sein de groupes de partage.
Unique en son genre en France, l’initiative Afrogameuse, désormais association loi 1901, promeut la pratique du jeu vidéo et plus particulièrement du streaming pour les femmes racisées afin de lutter contre les stéréotypes et l’invisibilisation des minorités.
Le militantisme représente un engagement parfois difficile à défendre pour toutes celles et ceux qui le pratique. La politique sur Twitch n’est pas la bienvenue, car elle pose trop de questions sur l’éthique en place et peut freiner le développement économique du secteur, deux notions qui sont souvent opposées.
« Je considère que lorsque je stream, ma chaîne doit être une enclave permettant à chacun de se déconnecter de la plupart des problématiques que l’on retrouve au quotidien. »
De l’autre côté de l’échiquier, bon nombre de streamer·euses revendiquent une pratique apolitique.
Les streamer·euses dont je considère la pratique comme apolitique sont ici catégorisés par le recul qu’ils peuvent avoir sur le débat politique, mais aussi par leur choix de ne pas participer à ce dernier. En ne dévoilant pas leur opinion personnelle, ces streamers·euses sont détaché·es de la question politique, même si cette position est révélatrice du choix dont elle résulte.
Durant plusieurs années, il ne s’agissait même pas d’une revendication, c’était une norme acceptée par tout le secteur. La question s’est néanmoins posée : est-ce que jouer au jeu vidéo est politique ?
Dans les faits, de nombreux facteurs ont contribuer à politiser le jeu vidéo, à commencer par le jeu vidéo en lui même. Plus le secteur a évolué, plus les créateurs des jeux ont introduit dans leur discours un message à portée politique qui dépasse le support vidéoludique.
Des développeurs indépendants sont pionniers en la matière avec des jeux comme Beholder, This War of Mine ou encore Undertale.
De fait, des joueurs.euses prennent la parole sur des questions politiques, car le jeu vidéo les y invite. Cette offre ne fait pas l’unanimité, car de très nombreuses personnalités parviennent encore aujourd’hui à distinguer leur pratique des positionnements moraux ou politiques qu’ils impliquent.
Communiquer sur les différents réseaux sociaux, particulièrement Twitter est plus difficile en abordant une pratique apolitique. Le débat est très présent et en étant mentionné, on peut très rapidement se retrouver au cœur de l’attention, qu’on le veuille ou non. Pour rester apolitique tout en s’appuyant sur les réseaux, il est nécessaire de créer son propre cadre, de ne promouvoir qu’une offre de divertissement basée sur le jeu vidéo et sa pratique. Cela passe par les tweets de promotion de streams ainsi que les story Facebook et Instagram, par le relai des médias spécialisés sur les dernières nouveautés ou encore par des interactions avec des personnes similaires.
D’un autre côté, être apolitique sur Twitch, c’est jouer sur un format qui assure de ne pas faire de vague, de rentrer dans le moule. Donner son avis, c’est risquer de se voir ficher un jour ou l’autre par l’opinion publique.
Être streamer·euse et apolitique ne va pas à l’encontre de la transmission de valeurs. Des figures importantes du secteur comme Maghla jouent un rôle dans la perception de l’image des femmes. Même lorsqu’on ne souhaite pas entrer dans les débats, la visibilité, à plus forte raison lorsqu’elle bénéficie a une streameuse, amène à être jugé.e, notamment sur les opinions exprimées.
Le travail de DamdamLive est très intéressant sur la question, car elle défend ardemment son droit à une pratique dépolitisée du stream alors que la tendance va à contresens. Cela ne l’empêche pas non plus d’interpeller son public, elle ne s’implique simplement pas dans des débats critiques reposant sur la confrontation d’arguments.
De plus, être apolitique joue un rôle important dans les relations avec les différents partenaires et donne un très net avantage de visibilité, permettant évidemment d’obtenir une portée beaucoup plus importante.
Parler de la politique sur Twich n’est généralement pas un facteur positif pour le rayonnement d’une chaîne. S’en tenir au divertissement est un choix stratégique que l’on développera plus tard, mais qui doit rester en tête pour comprendre les relations au sein du secteur.
« Se fixer des règles c’est important, mais il faut savoir les transgresser. Face à quelque chose qui me met hors de moi, je prendrais la parole quoi qu’il arrive, car il faut savoir vivre avec soi-même. »
L’immense majorité des streamers joue dans l’entre-deux, oscillant entre le silence et la prise de position ponctuelle. Ils ne font pas de leur pratique un outil d’expression, mais ils n’hésitent pas à faire appel à leur communauté lorsqu’un phénomène les touchent.
Très souvent, ils agissent sur Twitter plutôt que sur Twitch, car la plateforme est beaucoup plus propice à ce type de contenu. On voit régulièrement différentes personnalités utiliser leurs réseaux sociaux pour évoquer des problématiques. Récemment, Bestmarmotte a attiré l’attention sur l’enjeu de la rémunération des graphistes et monteurs de vidéos par les streamers.
La plupart des réactions sont modérées: des remarques lors d’une discussion, des allusions à un évènement. On les retrouve fréquemment dans la bouche de personnalités comme MisterMV qui reste assez distant face à la polémique, mais qui a toujours fait savoir son opinion d’une manière ou d’une autre.
Néanmoins, il arrive que des comportements fassent sortir un·e streameur·euse de sa zone de confort. C’était le cas d’Antoine Daniel il n’y a pas si longtemps lors d’un live sur le jeu The Witcher 3. Alerté par des messages sexistes dans son chat, il n’a pas hésité à prendre la parole et confronter ses viewer·euses sur la gravité des propos tenus.
Dans un autre registre, la politique sur Twitch est présente pour son aspect culturel. On retrouve des références humoristiques chez Antoine Daniel et MisterMV qui ont longtemps évoqué le cas de Patrick Balkany ou d’autres politiciens « véreux ». Par la critique de personnalités identifiées par le public, ils s’associent à un positionnement qui clarifie la tendance de la chaîne.
On retrouve la politique sur Twitch chez Etoiles lors des nuits de la culture. L’objet politique est présent régulièrement dans les thématiques de l’émission Question pour un Champion. Dans ce cas particulier, Etoiles parle de la politique sans y être attaché, pour autant, cela ne fait pas de lui un streamer politisé ou engagé.
Enfin, il n’est pas possible d’évoquer la question politique sur Twitch sans parler du travail du collectif Accropolis. La chaîne désormais renommée Jean Massiet Accropolis, du nom de son fondateur, a pour objectif de promouvoir la culture politique auprès des jeunes de la plateforme en apportant le bagage nécessaire à la compréhension des institutions.
Suivis des séances de l’Assemblée nationale, questions au gouvernement, interviews de sénateurs, le programme est riche et permet de connaître les débats actuels en mettant l’accent sur les sujets qui parlent même aux plus jeunes. L’approche n’est pas militante ou partisane, l’objectif étant avant tout éducatif.
Il s’agit d’une exception sur Twitch, puisque la politique est l’objet premier de la chaîne, c’est par la suite seulement que Jean Massiet a intégré le jeu vidéo à sa proposition de contenu.
De la même manière, Hugo Décrypte, youtubeur politique désormais sur Twitch propose des suivis des actualités en direct, apportant un peu plus d’options dans le paysage de la plateforme.
La diversité des pratiques politiques sur Twitch est difficilement synthétisable, car la plateforme regroupe de très nombreuses sensibilités et ici, je n’ai fait qu’effleurer la question en évoquant différentes personnalités populaires du secteur.
Cet article n’est pas représentatif du plus grand nombre: les streamer·euses presques invisibles qui n’arrivent pas à sortir de la masse, mais qui développent leurs propres expériences. Sans un travail quantitatif adéquat, il est difficile de réunir les sources nécessaires à l’étude de cet ensemble face aux quelques figures émergentes. En avril 2020, on comptait déjà plus de 7 millions de streamers·euses, le confinement ayant amené plus de 3 millions de nouvelles personnes à se lancer dans l’expérience du streaming.
Il est en revanche possible de voir comment la politique sur Twitch est utilisée et quelles sont les répercussions de son usage sur les communautés.
Médiation et perception de la politique sur Twitch
La politique sur Twitch a différentes formes et usages. Son traitement peut avoir des vertus éducatives, tandis que d’autres voient dans l’objet politique une source de problèmes qui ne doit pas être évoquée sur la plateforme. Néanmoins, une grande majorité conçoit la politique sans engagement et fait la promotion d’un certain nombre de valeurs sans passer par une parole politisée.
« Une chaîne Twitch dépasse le jeu vidéo et représente une véritable plateforme d’expression. »
Le streaming est devenu un vecteur de partage plébiscité par les plus jeunes générations. Plus que la télévision ou plus récemment les vidéos Youtube, les possibilités d’interactions entre les streamer·euses et les viewer·euses sont nombreuses.
Néanmoins, les streamer·euses les plus alertes et éveillé·es sur la gestion communautaire ont réalisé que pour maintenir l’échange, il est nécessaire d’appliquer des règles et d’éduquer leur communauté.
Certain·es partagent ouvertement leurs opinions et leurs valeurs afin de clarifier leur position. Ce choix est nécessaire pour que les spectateurs comprennent à quel type de communauté ils ont affaire afin d’identifier le contenu qui leur correspond.
Il est possible d’aller encore plus loin et de partager ses valeurs dans une logique éducative. La pratique est d’autant plus importante que le public de Twitch est jeune. La modération voulue par les streamer·euses est contournable grâce à l’anonymat sur la plateforme, sans que Twitch n’apporte d’outils complémentaires pour tempérer les échanges.
Les streamers·euses ont la possibilité de faire accepter aux spectateurs un certains nombre de règles avant de pouvoir accéder au chat. Il s’agit d’une modalité qui reste purement informative, mais qui permet de fixer des limites dans l’utilisation de l’espace collectif.
L’éducation des spectateur·trices au streaming est d’autant plus importante pour les streameuses qui n’ont pas d’autre choix que de subir des remarques répétées de spectateurs sur leur physique, leurs pratiques ou leurs idées. Il en va de même pour les personnes racisées, la communauté LGBTQIA+ ou encore les personnes en situation de handicap qui souhaitent transmettre un savoir qui sort des standards de la plateforme.
En participant au chat Twitch, on apprend finalement à se comporter en société de la même manière que dans n’importe quel autre espace. Dès lors, il est vital de rappeler que l’on a toujours affaire à une personne avec son parcours et ses sensibilités. Il en va de même avec les spectateurs qui sont en droit d’attendre une certaine considération de la part des streamer·euses.
Plusieurs personnalités sont particulièrement sensibles à ces questions, un exemple probant étant celui de Trinity. Streameuse désormais très axée sur les lives IRL, proposant de la cuisine et des voyages ainsi que des jeux vidéo, elle défend le respect d’autrui avec des positions souvent remarquées concernant le rapport au corps. Dans ce genre de cas, la responsabilisation de la parole va de pair avec la visibilité.
De même que l’éducation peut être moteur dans la dynamique d’une chaîne Twitch, son absence peut avoir des conséquences. Les streamer·euses jouissent d’une aura très forte auprès de leur viewer·euses, il est impossible aujourd’hui de ne pas parler d’un star system pour les plus suivis du secteur. Certains ne participent pas à l’éducation de leur communauté, se permettant des remarques, des critiques parfois dangereuses pour ceux qui les reçoivent. On peut assister aux attaques de la part d’une communauté parfois composée de plus de dizaines de milliers de personnes contre un seul individu exposé sur les réseaux sociaux.
En novembre 2019, le compte Twitter Claralisation avait proposé une étude sur l’influence des streameur·euses sur le comportement des viewer·euses. En se basant sur trois chaînes : ZeratoR, MisterMV et Kamet0, elle avait ainsi questionné les insultes prononcées par les streamer·euses et les viewer·euses, plus particulièrement dans le cas des insultes sexistes.
Cette étude en libre accès possède plusieurs failles expliquées par l’auteur du document, notamment sur les moyens d’analyses disponibles, mais elle nous apporte néanmoins une grille de lecture intéressante sur un sujet encore sous-exploité.
Se pose alors la question de la responsabilité de l’individu à l’origine de cyberharcèlement. L’action ne vient parfois pas directement des streameur·euses. Il est impossible de nier l’influence qu’ils·elles peuvent avoir sur leurs fans et sont donc amenés à prendre acte et agir non pas comme une simple personne, mais comme une figure publique. Cela comprend tous les avantages et inconvénients que cela représente. Le sujet passe souvent pour une broutille lorsque les individus sont confrontés à leurs responsabilités, mais dans les faits le cyberharcèlement est un crime puni par la loi qu’il ne faut donc pas prendre à la légère.
La période estivale a été particulièrement révélatrice en la matière avec de nombreuses problématiques de harcèlement et de sexisme. En juin dernier, de très nombreux streamer·euses critiquaient le manque de réactivité de Twitch concernant les problématiques de harcèlement, appelant au boycott de la plateforme lors du Twitch Blackout.
Bien que précipité, le concept fait le tour de la plateforme et les streamer·euses s’ils ne s’engagent pas, parlent du processus comme a pu le faire ZeratoR avec son audience. Peu de streamer·euses vont annuler leur journée de live en raison de ce Twitch Blackout, mais il s’agit d’une première pierre pour faire entendre le mécontentement global concernant la gestion de Twitch.
Très peu de temps après, le compte Twitter Mir0irDuWeb relaie une série de clips et de screenshots issus de la chaîne du streamer français Altair comportant du contenu raciste, sexiste, misogyne et appelant à la violence envers les femmes.
Suite à cette exposition, plusieurs personnes s’emparent du sujet et encouragent la communauté a faire des retours. Forcer de constater la situation, Twitch prendra alors la décision de suspendre la chaîne comme avertissement sur une période de 14 jours.
Enfin, au mois de juillet éclate la bulle Ubisoft avec de très nombreux témoignages de harcèlement, d’agressions sexuelles, d’abus de pouvoir de la part de plusieurs exécutifs du groupe français.
L’affaire est portée par plusieurs médias, Libération et Numérama en France mais aussi Kotaku à l’étranger, relayant les témoignages de victimes.
Le dégoût est fort chez de nombreuses personnes et Nat’Ali a pris très à cœur la problématique, ayant elle-même rencontré ce type de comportement lors de ses études en animation 3D. Afin de faire comprendre la gravité de la situation, elle a réalisé en direct la lecture et le commentaire des différents articles sur le sujet, mettant en lumière les principaux enjeux.
« Chacun exprime sa pensée et considère qu’il est légitime. Je ne pense pas être plus intelligent qu’un autre et cela ne m’incite pas à prendre la parole en public car cela peut être source de tensions. »
Le streaming est avant tout une pratique d’animation, qui demande un jeu d’acteur et de l’improvisation. Les streamers eux-mêmes n’hésitent pas à le répéter, il y a une véritable distinction entre la personne qu’ils·elles sont face caméra et celle qu’ils·elles sont au quotidien.
En ayant des interactions quotidiennes avec ces personnages, les viewer·euses développent de plus en plus d’affinités et construisent une relation, mais qui ne se tisse pas en lien direct avec le streamer, uniquement avec son image.
Il s’agit d’une relation asymétrique. Les streameurs·euses développent des liens avec leur communauté jusqu’à ce qu’il soit impossible face à 1 000 ou 10 000 personnes d’accorder la même attention à toutes. Face à des nombres aussi conséquents, l’échange devient unilatéral, la dichotomie entre personne publique et privée instaure une distance supplémentaire qui crée un rapport de force inégal dans les échanges.
Dès lors, comment échanger sur des problèmes politiques sans engager sa propre parole ?
Il s’agit de transgresser la règle, de parfois être en accord avec soi-même, au dépend de la figure publique que l’on représente, ou bien, d’emprunter des détours pour atteindre l’objectif voulu.
Il arrive toujours que le vernis craque même chez ceux qui sont les plus attentifs. Il s’agit d’une brève parole qui devient une prise de position. Elle peut être accidentelle comme voulue, c’est aux streameur·euses de décider de l’affirmer, la nuancer, la nier afin de ne pas laisser le public décider à leur place de leur positionnement.
Beaucoup parviennent ainsi à faire comprendre les limites de leur tolérance, sans pour autant inviter un débat. Malgré tout, les thématiques sociales et normatives évoquées rentre dans le champ politique. Le plus gros de l’évolution se fait au travers de la modération qui joue un rôle clé par la censure de messages et l’aiguillage des spectateurs.
« De nombreux streamers se sont appuyés sur des webtv généralistes pour grimper et ces dernières font l’impassent sur la politique sur Twitch, ne pas en faire parti limite les possibilités d’ascension. »
L’expression libre sur Twitch se fait sous de nombreuses conditions. La première, le respect des termes d’usages de la plateforme. Dans les faits, il est très simple de ne pas respecter ces derniers puisqu’il n’existe qu’une très faible modération de la part de Twitch.
Il est donc possible de passer entre les mailles du filet pour les streamer·euses ou les viewer·euses s’il n’y a pas de la part de la communauté un signalement émis pour un propos ou un geste en direct.
Le second aspect dépend principalement des communautés des streamer·euses et de leur équipes de modération. Toute chaîne Twitch en croissance dépend entièrement de quelques bénévoles pour faire fonctionner sa communauté dans de bons termes.
Les modérateurs possèdent des droits supplémentaires pour assurer le bon fonctionnement du chat en éliminant les messages nuisibles, les insultes, remarques désobligeantes, mais aussi toute personne qui ne suivrait pas les règles fixées par le·la streameur·euse.
La définition de ces règles ne dépend que des streameur·euses, du moment qu’elles ne transgressent pas la charte de Twitch. De fait, il y a un choix politique qui s’effectue en définissant un règlement qui encadre la chaîne. Aucune chaîne ne peut vivre sans ce cadre complémentaire, car la pluralité des profils sur Twitch oblige à limiter le champs d’action de chacun pour permettre le respect des libertés individuelles.
De plus, il est possible de censurer le débat politique sur Twitch en utilisant ces outils. Des streamers qui ne veulent pas entendre parler de débat au sein de leur communauté peuvent faire taire les échanges en intervenant verbalement. Il peuvent également effacer des messages, effectuer un bannissement temporaire ou permanent de la chaîne pour un ou plusieurs viewer·euses.
Ces ressources permettent ainsi de censurer des sujets ou des mots-clés et des bots sont programmés pour alléger la tâche des équipes de modération. De fait, on voit principalement sur des chaînes communautaires et des WebTV une élimination des sujets considérés comme trop politisés. Que ce soit automatiquement par les bots ou manuellement par la modération, la chaîne doit composer avec une multiplicité de profils tout en conservant une image neutre selon leurs standards.
Même si la censure est un choix menant au rejet de la politique sur Twitch, il s’agit malgré tout d’un choix très fort et particulièrement politique. Il n’y a pas de rejet de l’intégralité des sujets, il y a une sélection propre aux sensibilités politiques de celui·celle qui est en charge de la chaîne. Censurer des sujets, c’est prendre parti pour quelque chose et qu’on le veuille ou non, l’objet politique nous rattrape.
Avec une modération contenue ou répressive, on voit toujours des échanges et des débats se créer à différentes échelles. Le secteur est vivant et se constitue de nombreux types d’échanges qui prennent des formes diverses.
Impact de la politique sur Twitch dans les relations du secteur
Le milieu du streaming est avant tout social et dépendant des différents réseaux de chacun. Il existe plusieurs niveaux d’implication, de la simple interaction viewer·euses streamer·euses, jusqu’à l’échange commercial avec une entreprise.
Ces relations ont des limites connues qui dépendent à la fois du poids d’une chaîne sur Twitch, mais aussi de l’image que celle-ci renvoie auprès des différents acteurs. La politique sur Twitch joue un rôle conséquent dans les relations qui sont entretenues, que ce soit entre streamers, avec le public et les marques partenaires.
« Il existe des amitiés d’opportunités, d’autres plus sociales […] Il n’y a pas la même compétitivité sur Twitch que celle que l’on trouve sur Youtube alors que sur Twitch, lorsque l’on regarde un stream on ne regarde pas celui d’un autre. »
La place des relations entre les streameur·euses est très importante. Aujourd’hui, le développement d’une chaîne demande énormément d’efforts ainsi qu’un peu de chance. La sortie d’un jeu peut être un excellent moyen de créer de l’engouement autour d’une chaîne en saisissant un créneau encore inexistant. Cependant, la compétition est rude et de très nombreux streamer·euses sautent sur l’occasion.
Néanmoins, le moyen le plus efficace et le plus stable reste l’échange avec le reste de la communauté. Participer à des streams collaboratifs, être présent lors des événements majeurs du secteur, des solutions qui apportent de la visibilité au delà de sa propre communauté.
Nous avons récemment observé la richesse de ces échanges grâce à des jeux comme Among Us. La qualité du divertissement dépend entièrement de l’échange entre les participants, permettant aux plus créatifs d’entre eux de développer une image positive auprès de nombreuses communautés. Les grands rendez-vous organisés par des streamers ou des WebTV sont aussi des incontournables avec la grand-messe annuelle : le Zevent.
Cependant, pour arriver à rejoindre ces cercles de connaissance, il faut déjà se faire une place sur Twitch. L’ascension est lente et demande beaucoup d’abnégation ou de relations. Nous avons vu ces dernières années l’arrivée de nombreux influenceurs et youtubers qui se sont faits une place sur Twitch en profitant d’un réseau très établi. Squeezie a invité chaque jeudi des personnalités du streaming afin de s’entourer de personnes déjà respectées sur la plateforme, une technique efficace qui a permis au youtuber d’obtenir les louanges de nombreuses communautés.
Pour développer des relations durables, il faut réussir à véhiculer une image de soi qui correspond aux attentes du secteur. Parler de politique sur Twitch, c’est prendre le risque de donner à voir une image de polémiste, s’exposer publiquement dans un milieu ou la précarité est déjà très présente.
Difficile alors de rejoindre un groupe d’intérêt commun si l’image que l’on renvoie paraît dangereuse aux autres streamer·euses. Très vite, on voit que les plus grosses chaînes évitent les collaborations avec des streameur·euses trop engagés, favorisant plutôt des figures qui confortent leur position tout en favorisant leur développement mutuel.
Ces échanges sont très courants dans les WebTV puisqu’elles entretiennent des communautés importantes et permettent à des streamer·euses peu connu·es, mais avec un véritable potentiel, de s’exposer en travaillant pour la chaîne.
Du côté des indépendants, on retrouve des affiliations intéressantes entre des streamers·euses chevronné·es et des nouveaux sur la plateforme comme ZeratoR avec son ami d’enfance Gius, ou encore MisterMV avec Mynthos. Si cette reconnaissance favorise le développement d’une chaîne, bénéfique dans un premier temps, il reste nécessaire de fournir un contenu régulier et qualitatif permettant à la communauté de s’y identifier.
Certains partenariats entre streamers ne sont pas toujours vus d’un très bon œil, car les communautés qui les animent ne partagent pas les mêmes opinions. Très régulièrement, on retrouve le débat encore vif lorsque Sardoche est invité à différents événements. Les propos polémiques tenus régulièrement par Sardoche brusquent une partie de la communauté. La réappropriation de son image lui permet d’être de plus en plus présent sur des plateaux comme Popcorn ou lors d’événements comme la Lyon e-Sport, renforçant l’animosité de ses détracteurs et l’engouement de ses fans.
« C’est toujours plus facile de ne pas avoir un vernis politisé pour dialoguer avec des acteurs professionnels. »
Pour assurer la pérennité d’une chaîne Twitch, il est très difficile de s’appuyer uniquement sur le soutien des abonnés. Cette source de revenues est trop fluctuante et à la moindre absence de contenu, le nombre d’abonné change drastiquement.
Aujourd’hui, moins de 1 % des créateurs de contenus vivraient des revenus qu’ils tirent de la plateforme. De nombreuses entités, des entreprises endémiques comme des marques à la recherche d’opportunité sont en contact avec le secteur. De nombreux partenariats sont créés avec des chaînes pour promouvoir un produit, communiquer pour la marque ou encore sponsoriser un événement ou une compétition.
Il est possible de s’interroger sur le bien-fondé de tous ces investissements – qui cherchent avant tout à trouver une clientèle de manière directe ou détournée – et sur l’éthique de certains des échanges mis en place.
Le sponsoring d’événements est devenu indispensable dans la sphère esportive. Toutes les compétitions d’envergures sont entourées de nombreuses marques pour apporter l’argent nécessaire à leur fonctionnement. Riot Games participe très activement à la promotion de ce modèle dans toutes les ligues compétitives de League of Legends. Au sein de la partie même, des fanions aux couleurs des marques jalonnent la carte, tandis que pour le spectateur, des allusions très régulières par les casters renvoient aux marques partenaires.
Les compétitions indépendantes profitent du même système, la Société générale était ainsi partenaire de la ZLAN aux côté de Twitch ou encore Omen.
Du côté des WebTV, on trouve des partenariats et des sponsoring lors d’événements. C’est l’occasion pour les marques d’apposer leur logo et de montrer leurs actions auprès de leur public cible. lestream a proposé récemment une soirée Le Grand Quiz par Quick, une soirée sponsorisée par la chaîne de restauration rapide Quick. La soirée avait pour but de faire le lien entre la marque et sa cible de consommation en profitant du rayonnement de la WebTV.
Au quotidien, ce sont les streamers indépendants qui sont les plus sensibles aux ressources mises à disposition par les entreprises. Cela se concrétise par des partenariats et des opérations spéciales. Les marques démarchent des streamers pour devenir des ambassadeurs. On retrouve principalement les entreprises endémiques, fournisseurs de matériel informatique ou audiovisuel spécialisé dans le streaming.
Pour les opérations spéciales, les streamer·euses sont démarchés pour une ou plusieurs présentations d’un produit, souvent un jeu lors d’une soirée de promotion. Le prix est fixé en fonction du nombre de spectateurs potentiel et apporte son lot de contrainte vis-à-vis de la ligne de divertissement originale d’une chaîne.
La critique du modèle est courante. Par exemple, MisterMV a toujours favorisé les productions indépendantes en ayant un regard dur envers les grosses entreprises. L’arrivée progressive des opérations spéciales a créé beaucoup d’émoi au sein de sa communauté qui n’a pas toujours compris pourquoi il était nécessaire pour faire vivre sa chaîne d’accepter ces offres, alors qu’il en avait longtemps fait la critique.
Son cas n’est pas isolé, car le rapport avec les entreprises du secteur est complexe. Comme nous l’avons vu avec l’affaire Ubisoft, les dessous de la création d’un jeu vidéo regorgent d’abus sur les employé. Tout le monde est d’accord pour reconnaître ces problèmes, que ce soit de manière plus ou moins frontale, mais cela n’empêche pas des streamers d’accepter les propositions commerciales des mêmes entreprises.
Depuis plus d’un an maintenant, Plarium arrose tou·tes les streamer·euses de propositions toujours plus hallucinantes pour faire la promotion de leur gacha: Raid Shadow Legends.
Les gacha sont des jeux généralement free to play, mais avec des modèles économiques agressifs. En effet, le ralentissement de la progression incite fortement à la consommation de produits en jeu.
La promotion d’un produit aussi particulier est complexe, car Plarium offre une somme plus importante par téléchargement de leur jeu, seulement si les joueurs s’engagent jusqu’à un certain niveau. Le but, les faire passer le cap de l’achat afin de les intégrer dans la logique cyclique du jeu.
L’offre faite aux streamer·euses est assez faible tant que cet objectif n’est pas atteint, poussant un peu plus la communauté à la consommation. Il y a une véritable responsabilité des streamer·euses dans ce cas de figure. Certain·es comme Zul’Zorander ont déjà exprimé leur refus pour des raisons éthiques, un choix avec de fortes répercussions économiques sur une chaîne.
Alors la tombola pour faire du forcing pour que ses viewers s’inscrivent à un casino, euh pardon un jeu mobile dégueulasse, on en est là dans les hautes sphères de Twitch ? Quel putain d’enfer.
— Zul’Zorander (@Zulzoranderr) June 12, 2020
« Un constat est évident, si je n’avais pas été une figure engagée, j’aurais eu la possibilité d’aller beaucoup plus loin, beaucoup plus vite. »
Les échanges sont d’une autre teneur lorsque les streamers prennent ouvertement position sur des sujets de société.
Très souvent, les entreprises les évitent tout simplement. Pour ne pas prendre de risque, ces personnalités ne sont pas contactées. Elles représentent un risque de débordement pour les entreprises qui ne désirent pas s’affilier à des courants de pensées ou des opinions, leur objectif seul étant l’obtention de nouveaux clients.
À l’heure ou les marques promeuvent de plus en plus un life style par leur produit, elles font des choix éthiques et profitent souvent de valeur humanistes pour transmettre une image positive à leur clientèle. Ce sont pourtant les streamer·euses les plus engagé·es dans des luttes éthiques qui sont les plus lésé·es à cause d’une approche trop frontale des problématiques.
L’isolement des streamer·euses politisé·es ferme le débat et accorde la parole à une majorité plus flexible. Alors que notre société se questionne sur de nombreux sujets – la pandémie, la liberté d’expression, le racisme et l’islamophobie – Twitch est une parenthèse dorée où rien ne saurait arrêter l’entertainment. S’il reste lucratif.
Le streaming, une pratique politisée, qu’on le veuille ou non
Face aux différents constats évoqués durant le développement de cet article, il est nécessaire d’apporter des éléments complémentaires.
Dans les cas évoqués, il est clair qu’un choix a été effectué dans la nature des propos politiques tenus sur Twitch. Cette omission doit être désormais compensée afin de rappeler que sur Twitch, les acteurs politisés ne sont pas tous militants d’une cause.
On retrouve dans de très nombreux cas, des propos politique sur Twitch tenus par des individus, ne revendiquant aucun lien avec des idéologies ou des formes d’expressions politiques. On le voit à chaque propos sexistes ou misogynes tenus, chaque insulte ou imitation raciste partagée, chaque moquerie ou parole déplacée à l’encontre de la communauté LGBTQIA +. En ne reconnaissant pas la portée politique de ce type de propos, les streamer·euses se dédouanent de leur responsabilité vis-à-vis de leur communauté.
Ces gestes sont profondément politiques et le manque de réactions du secteur à leur encontre l’est d’autant plus. Une nouvelle fois, l’intégralité de ces propos sont punis par la loi, que se soit sous forme d’injures, de diffamations ou de menaces.
Il ne se passe pas un mois sans qu’une nouvelle figure de Twitch soit épinglée pour avoir prononcé des discours problématiques en live ou sur les réseaux sociaux. Pour autant, ces mêmes personnes sont présentes dans les événements collectifs, lors des soirées de jeux en commun et ne connaissent aucune limitation de la part de Twitch.
Il est difficile d’attendre grand chose en termes de modération de la plateforme après les révélations de Games Industry. Grâce à plusieurs témoignages d’employés de Twitch datant de différentes périodes, le média a mis en avant des cas de harcèlements, d’agression, de racisme, mais aussi d’ingérence de la part de Twitch concernant des problématiques similaires sur sa plateforme.
La bulle qui entoure le streaming protège les rares personnalités qui sont aujourd’hui visibles malgré des comportements dépassant le cadre établi. Néanmoins, la popularisation du streaming et l’arrivée de nouvelles figures forcent le changement. Certains se rachètent une conduite, d’autre s’effacent pour une communauté de niche.
Que ce soit dans la nature du contenu ou dans les profils que l’on retrouve, Twitch s’ouvre au plus grand nombre, y compris les personnalités politique. En France, on notera l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon, député de la France Insoumise qui utilise Twitch pour des émissions ou comme réseaux au même titre que Facebook ou Twitter.
Récemment, l’élue démocrate New-yorkaise, Alexandria Ocasio-Cortez a fait son arrivée sur Twitch en compagnie de figures célèbres du streaming américain comme Pokimane le temps d’une soirée de jeu sur Among Us. Accompagnée de Ilhan Omar, élue démocrate du Minnesota, les deux politiciennes ont mis à profit l’engouement pour le jeu afin d’inviter un maximum de personnes à voter lors des élections présidentielles.
L’événement a fait de nombreux curieux, puisqu’il a réuni plus de 430 000 spectateurs simultanés, un chiffre qui positionne le stream d’AOC comme le 3ème plus important de l’histoire de Twitch. Nous sommes très loin des premières heures de la plateforme que se soit dans la forme des propositions comme dans la nature des interactions que l’on retrouve.
Les entreprises et les annonceurs du milieu décident des conduites acceptables plus que les utilisateurs. Webedia ne peut pas être négligée dans cette histoire, puisque l’entreprise possède des liens avec de nombreux streamer·euses indépendant·es français·es. En étant l’interlocuteur privilégié entre les acteurs endémiques et les streamer·euses, la société décide assez largement des comportements qu’elle accepte de voir apparaître sur ses différentes productions.
La professionnalisation du secteur se décide en amont dans des bureaux a huit clos, avec les agences de talents et de communication qui forgent des carrières pour des raisons économiques évidentes. Il suffit de froisser la mauvaise personne ou d’être d’un avis divergent pour que l’avenir d’une chaîne soit mis en suspens.
La réalité est dure et l’évolution du secteur a toujours été en faveur des besoins économiques, dans l’esport comme dans le divertissement. Trop souvent, il a été question de savoir comment il était possible de payer ceux qui pratiquaient, sans réfléchir aux conséquences de choix à l’éthique douteuse.
Cette année, l’esport a retenu son souffle à l’annonce par Riot Games d’un partenariat avec Neom. Le choix d’intégrer un investisseur aux mœurs et aux pratiques contraires aux valeurs recherchés a créé un tollé chez les fans et les employés de la compagnie.
Il a fallu attendre un cas suffisamment important pour que tous prennent conscience que l’argent investi dans l’esport n’est pas toujours éthique. Il en va de même avec le streaming, le cas des gacha ayant déjà été évoqué précédemment.
La prise de conscience politique sur Twitch est essentielle et amènera le secteur dans les années à venir à une transformation progressive des mœurs et des usages. En tendant vers une approche plus professionnelle du milieu, il est possible d’être plus inclusif, responsable et honnête avec les valeurs que le secteur promeut. Il ne faut pas avoir peur de regarder en face les travers de Twitch, et de dénoncer les actes dégradants et blessants que l’on rencontre. L’absence de prise de position permet ainsi au cycle de se répéter sans permettre à notre communauté d’apprendre de ses erreurs.
Twitch est un réseau particulièrement politique. Son interactivité et la multiplicité des profils que la plateforme abrite font du streaming une force unique en son genre. La poursuite de la professionnalisation ne doit pas être forcément une fin en soit. En embrassant ce phénomène, il est possible de s’affranchir du dictat de l’audimat, de former une expérience unique en comparaison avec Youtube ou la télévision. Streamer, c’est avant tout échanger, et cela se fait d’un individu à l’autre, grâce à des contenus originaux qui se renouvellent pour le plus grand bien de notre divertissement.