Jean Massiet est un personnage singulier dans l’histoire de Twitch. Pour ceux qui n’ont jamais croisé sa route, il est à l’origine d’une chaîne Twitch de vulgarisation politique. Depuis 2015, Jean Massiet suit l’actualité politique, la décrypte et la rend accessible au plus grand nombre. Son objectif est clair : il veut parler de la politique avec les jeunes et pour les jeunes.
Un projet d’abord associatif et entrepreneurial, Accropolis, puis une chaîne individuelle qui prend le nom de son créateur : Jean Massiet. Aujourd’hui, il fait partie des streamers les plus en vogue dans le streaming français et à raison. Avec quelques influenceurs comme Hugo Travers, il est l’un des seuls à s’être positionné sur la question politique, et le premier à entreprendre sur Twitch à ce sujet.
De nombreux projets sont nés de l’initiative de Jean Massiet, des émissions comme le Grand Débathon, le Climarathon, le Débat du siècle et surtout : Backseat.
Une émission qui a vu le jour en juin 2021 dans une bande-annonce qui résume bien les ambitions de Jean Massiet sur Twitch. Ce nouveau Talk Show pour les jeunes a pour ambition de couvrir l’élection présidentielle avec décontraction, intelligence et attention. À l’issue de sa saison 1, Backseat est devenue un des rendez-vous phare de Twitch.
J’ai suivi attentivement l’évolution de Backseat durant cette première saison. Aussi loin que je me souvienne, j’ai suivi le travail de Jean Massiet depuis 2017 et je dois reconnaître son rôle pionnier dans l’évolution de certaines pratiques sur Twitch. C’est pourquoi j’ai décidé de mener cet entretien avec Jean Massiet à l’issue de la saison 1 de Backseat.
Comment est-il parvenu à développer un projet ambitieux et fédérateur sur une plateforme qui rejetait encore massivement l’arrivée de la politique ?
Notre échange ne s’arrête pas à cette seule question, puisque nous abordons des questions éditoriales, financières et techniques qui sont essentielles pour comprendre comment se construit une émission comme Backseat. Je vous laisse à la lecture de cet entretien avec Jean Massiet, en vous souhaitant une bonne lecture.
Bonjour Jean Massiet, tu arrives sur Twitch en 2015, qu’est-ce que tu as en tête en arrivant sur la plateforme ?
À ce moment-là, je développe un concept de commentaire en direct des Questions au gouvernement de l’Assemblée Nationale. L’idée était de surprendre en proposant un contenu qui n’a jamais été vu sur Twitch. C’était voulu en décalé par rapport aux habitudes et à l’image que l’on se fait de l’exercice de commentaire du parlement. Je m’inspirais des commentateurs d’esport, Chips et Noi ou Pomf et Thud. L’ambiance recherchée était surtout inspirée des streams de ZeratoR.
La proposition est volontairement provocatrice, avec pour vocation à choquer son monde.
Dans le thème quelque chose de choc, dans la forme un setup de stream très classique ?
Exactement, on est sur un format classique avec un fond vert, la diffusion du flux de l’assemblée. Éditorialement parlant, je ne fais rien d’autre que de refaire ce qui existe déjà sur la plateforme.
2015 c’est loin. On a vu du changement sur Twitch, quand est-ce que les choses évoluent de ton côté ?
J’ai un positionnement particulier sur Twitch dès 2015. Au départ, je cherchais à développer une webTV. Aujourd’hui, je suis connu sous le nom Jean Massiet, mais pendant les 4-5 premières années, le projet était collectif sous le nom d’Accropolis. J’avais pour ambition de ne pas être un streamer solitaire, mais de faire une webTV similaire à O’Gaming, Eclypsia ou Millenium.
Assez tôt, mon ambition était un projet professionnel pour moi, mais aussi des moyens techniques, des plateaux, des caméras, une régie, des personnes qui travaillent sur cette chaîne. Cette webTV a évolué au fil des années et très tôt, une de nos ambitions était de produire des émissions à plusieurs, avoir un plateau et des émissions différentes avec une rotation d’invités.
Assez tôt, j’ai créé une entreprise et acheté du matériel pour pouvoir prendre de l’ampleur. Les choses ont commencé à beaucoup changer dès 2018 lorsque j’ai rejoint Alt Tab Production. Je me suis installé avec eux dans leurs nouveaux locaux. C’était la première fois où j’avais accès à de grands locaux, un régisseur et un plateau qui a été transformé en plateau canapé. C’était une ambition personnelle, de pouvoir recevoir sur mon propre plateau des invités.
Pour plein de raisons, Accropolis n’a pas pu poursuivre cette aventure après 2019-2020. Il était très difficile de faire vivre Accropolis. C’était encore une petite chaîne, on galérait pour le moindre partenariat, je ne pouvais pas payer les salaires. J’ai finalement dû laisser tomber l’aventure collective. Le projet et la chaîne Twitch se sont réorganisés autour de moi sous le nom Jean Massiet.
Grâce aux expériences de plateau canapé, j’ai commencé à envisager de nouvelles émissions, des manières de faire. À l’époque d’Accropolis, j’ai déjà eu l’occasion de faire des émissions à gros budgets, du moins pour Twitch.
Tu penses au Grand Débathon ?
Exactement, mais aussi le Climarathon. J’ai eu l’opportunités de faire des plateaux très cool dans ce format de plateau canapé. C’était une formule intéressante pour le décalage que cela crée avec le monde de la politique. Ces événements m’ont permis de tester mes capacités sur des émissions ambitieuses, la réception auprès du public, mais aussi les limites éditoriales.
J’ai ces expériences et petit à petit, mon fantasme éditorial se rapproche d’un late show à la française. J’ai créé un setup de late show dans les locaux à Ivry-sur-Seine, c’était d’une certaine manière les prémices de Backseat. J’avais invité Léa Chamboncel dans cette émission où l’on traitait des sujets de la semaine. J’avais trouvé l’ambiance très cool, papoter et rigoler tout en parlant de politique, ça marchait déjà bien.
En 2020 pendant le confinement, j’ai créé une émission en visio : le Jean Massiet Invitational. Je m’inspirais du travail de copains dans l’esport comme Krok ou Zaboutine. Un passionné qui reçoit des invités pour parler technique avec eux, un format assumé, très jargonneux. Le Jean Massiet Invitational, c’était trois invités pour parler d’actualité politique. J’avais reçu Usul, Paloma Moritz et d’autres invités, mais l’objectif principal était de me tester dans ma capacité à animer une émission avec plusieurs chroniqueurs.
Il n’y a eu que trois ou quatre épisodes du Jean Massiet Invitational. Je n’étais pas satisfait, je nous trouvais trop premier degré, chiants à mourir et la visio est un véritable enfer quand on cherche à faire une émission à plusieurs personnes.
Le distanciel, c’est très statique pour la réalisation.
C’est statique, il n’y a aucune relance, tu ne peux pas arrêter une personne qui se lance dans un tunnel. Tu ne possèdes aucun code de la communication non-verbale. Je suis très attaché au format en plateau. Pendant toutes ces années, j’avais un fantasme, une envie et une ambition – faire un jour une émission régulière qui soit aussi ambitieuse que des émissions comme le Climarathon ou le Débathon.
Je voulais faire une grande émission d’actualité politique pour les jeunes. Tout est dans le mot grande. Ces émissions ont été des travaux préparatoires. J’ai sept ans d’expérience sur Twitch avec Accropolis et j’ai vu plein de modèles économiques différents. J’ai l’expérience de grandes émissions surproduites, de projets lancés pour me tester, pour essayer différents setups. Ce cumul permet de mûrir un projet comme Backseat au début de l’année 2021.
Tu avais déjà des affinités avec l’audiovisuel ?
Je n’ai pas d’expérience ou de connaissance de l’audiovisuel en 2015, mais je fréquente tout le milieu de l’esport à Paris. Je me retrouve régulièrement sur des tournages d’émissions et je suis habitué à l’environnement. J’ai fait beaucoup de choses avec les copains d’O’Gaming et je fais partie de ce monde-là. Mine de rien, c’était les gens les mieux équipés sur Twitch.
Je vois qu’il y a beaucoup plus de talents et d’innovation sur Twitch qu’à la télévision
Dans un cadre plus familial, ma mère travaille dans l’audiovisuel. Elle m’avait déjà emmené sur des tournages d’émissions et pour moi, c’était clair que l’audiovisuel est quelque chose qui se fabrique. Grâce à cette expérience, je n’ai jamais été impressionné par la télévision. J’ai mis des années à comprendre le rôle de cette expérience, mais pour beaucoup, il y a un véritable aspect un peu magique autour de la télévision.
Depuis l’adolescence, j’ai été dans des régies, j’ai vu des techniciens, des caméras des câbles. Je sais qu’une émission de télévision se prépare autant qu’une représentation au théâtre.
En ayant grandi avec Youtube et la culture web, avec Twitch dès 2012, je vois qu’il y a beaucoup plus de talents et d’innovation ici qu’à la télévision. Il y a peut-être une part de moi qui est revancharde en cherchant à faire mieux, plus moderne, plus habile, plus intelligent.
La disparition d’Accropolis a été déterminante dans ton évolution sur Twitch ?
Accropolis avait un véritable problème de positionnement média. L’absence d’audience, dû à un positionnement qui manquait de clarté. On avait beaucoup de monde sur le projet et c’était très compliqué à comprendre pour les gens du public. On manquait d’audience et de partenaire, fatalement, on a manqué d’argent pour répondre à nos ambitions.
Le passage à Jean Massiet a réglé ces deux problèmes puisque j’ai développé mon audience grâce à un meilleur positionnement éditorial. C’était clair, le nom de la chaîne, Jean Massiet, était incarné. C’est tout ce qui fonctionne aujourd’hui sur Internet. Comme cela faisait déjà quelques années que j’étais là, que j’avais fait mes preuves, j’ai réussi à obtenir des premiers partenariats. Ils ont rendu possible le développement d’autres projets avec d’autres modèles économiques qui deviennent viables.
Est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur à la création de Backseat ?
Pas vraiment. Moi, je voyais le succès de Popcorn dont j’ai toujours été admiratif. Du point de vue visuel, Popcorn est probablement l’émission dont je me suis le plus inspiré pour Backseat. Je sentais que la scène Twitch était de plus en plus mûre. On venait d’avoir les Worlds de League of Legends à Bercy, la Trackmania Cup au Grand Rex, des événements en France toujours plus ambitieux.
Il y a un élément que j’avais dans le viseur, c’était l’élection présidentielle de 2022. Je fais de la politique, je sais que nous avons une émulsion naturelle autour de l’élection la plus importante du pays. Je savais que l’échéance arrivait et je voulais être présent et offrir à mon public une manière de couvrir cet événement à la hauteur de celui-ci.
J’avais mes expériences sur Twitch, à la télévision et la radio comme chroniqueur, quand j’y réfléchis, il y avait un alignement de planètes qui se mettait en place sans que je n’en aie vraiment conscience. Je travaillais déjà avec Alt Tab Production qui s’occupait de mon émission en partenariat avec Public Sénat : Sénat Stream, le premier stream diffusé à la télévision.
On fonctionnait déjà ensemble et je suis allé les chercher pour un nouveau projet ambitieux. En janvier 2021, on a organisé pour la première fois une réunion pour parler de ce projet : Backseat.
Comment est-ce que le projet Backseat est reçu chez Alt Tab Production ?
Le projet est plutôt bien reçu. Alt Tab Production a sa propre histoire, ses problématiques et son savoir-faire. Nous nous sommes mis autour de la table pour donner naissance physiquement à un plateau tout en décidant d’un modèle économique.
Il a fallu six mois pour faire aboutir le projet en juin 2021. Quand je vais les voir avec cette idée, elle trotte déjà depuis longtemps dans ma tête. Je suis dans une logique où je me demande toujours quelle est l’étape suivante. Ce qui est sûr, c’est que j’avais ce fantasme d’avoir mon émission hebdomadaire.
Ça fait partie de l’ADN de Twitch, chercher à franchir les limites actuelles et explorer de nouveaux horizons. C’est aussi vrai pour ZeratoR ou pour Domingo.
C’est pour ça que je me permets de faire la comparaison avec eux. Non seulement, avec PA et Adrien, on cherche l’étape d’après pour notre communauté, mais on ne se satisfait pas de ce qui est existant. On cherche à faire ce qui n’a jamais été réalisé. On fait partie de ceux qui repoussent les frontières de Twitch. Zerator, Domingo et moi-même, nous avons réalisé des choses qui n’existaient pas et à plein d’occasions, j’ai été le premier à faire quelque chose sur Twitch.
Ce côté pionnier, j’y suis très attaché, non pas pour le plaisir d’être le premier, mais pour avoir la possibilité d’explorer de nouveaux territoires. Je ne veux pas me satisfaire d’un confort, je veux essayer, me planter, lancer des projets ambitieux. C’est quelque chose qui m’a toujours animé et qui m’animera toujours.
Une fois que Backseat a été lancée, j’ai tout de suite réfléchi à la suite des événements. Comment est-ce qu’on s’améliore, qu’est-ce qu’on fait de mieux ? Voilà.
Cette énergie est palpable durant la première saison de Backseat. On retrouve des évolutions, des réflexions, mais lorsque tu développais le projet, est-ce que tu avais déjà tout en tête ?
C’était beaucoup de travail et d’hésitation. L’équipe avait besoin de lignes directrices et j’ai dû faire des choix pour que le projet avance. Je n’ai fait aucun choix que je regrette, tout a été apprentissage et changement sur Backseat. J’ai fait des choix de durée, de position, d’horaire. On a finalement arrêté l’émission sur le jeudi, une émission de deux heures et demie, avec deux invités qui se succèdent, un du web, un autre de la politique. La direction artistique a été travaillée avec Axelle Mey, pour le nom de l’émission, c’est le chat qui a trouvé cette idée, je l’ai trouvée chouette, on l’a gardé.
On a pris une très bonne décision avec Alt Tab Production en réalisant un pilote non diffusé. Il y avait deux objectifs. Tout d’abord nous former sur ce modèle d’émission, car pour tous c’était une première. Pour moi, les chroniqueurs sur l’ambiance, mais aussi les équipes techniques pour les angles de caméra.
Le deuxième objectif, c’était d’avoir un objet filmé, montrable a de partenaires potentiels. On avait déjà une réflexion sur le modèle économique et on a tourné ce pilote dans les conditions du direct pour avoir quelque chose à montrer. L’émission a été réalisée avec de vrais invités, des chroniqueurs, il ne manquait que le chat. C’était un investissement financier important, on va en reparler.
Plus vite que tu ne le crois.
J’aborde le sujet, car la seconde bonne idée avec Alt Tab Production, c’était le choix d’un financement participatif à hauteur de 50 % du budget. Pour permettre ce financement participatif, on a décidé de financer l’émission. On a appelé ça la saison 0, un prototype diffusé tous les jeudi sur ma chaîne en annonçant au public que s’il voulait voir l’émission en septembre, c’était possible en donnant de l’argent.
La saison 0 était composée de six émissions qui ont été très pratiques pour rôder l’émission. C’était un moyen de faire toutes les erreurs, se jauger d’un point de vue technique et éditorial. J’avais prévenu Pomf et les équipes que je voulais un lancement en septembre 2021 avec une émission prête et lancée. Je ne voulais aucun test, car avec la présidentielle, les choses allaient s’accélérer brutalement. Ça n’a pas loupé, puisque la rentrée de septembre a été marquée par la candidature d’Eric Zemmour.
L’émission Backseat telle qu’elle a été diffusée n’est pas très loin de mon fantasme original.
Cette pré-saison a été extrêmement utile pour récolter de l’argent, faire connaître l’émission et en faire la promotion. Le pari était réussi, l’émission était prête en septembre. Les chroniqueurs étaient à leur place, j’avais six émissions derrière moi et je savais animer le plateau, on pouvait avancer tout droit.
Comment est-ce que les six épisodes de la présaison ont été financés ?
C’est un investissement que nous avons fait avec Alt Tab Production. Nous avons établi un contrat de coproduction que nous avons négocié longtemps. C’était des discussions, des réflexions sur le modèle, sur les différents scénarios. Nous avons été très matures dans notre approche de l’aspect juridique et financier de Backseat. Ça aurait pu être un projet de potes qui s’amusent, mais j’ai 7 ans d’expériences sur Twitch, ils en ont 10. On a tous eu le temps de faire nos projets mal cadrés avec des organisations catastrophiques.
On a été intelligent en se posant les bonnes questions. Ambitieux, mais pas à côté de la plaque. On a discuté des envies de chacun, des moyens, des discussions qui amènent à la signature d’un contrat alors que l’émission n’existe pas encore. On ne sait pas si le projet allait être un succès ou s’il allait tenir dans le temps. C’était très dur, je n’avais aucune idée de la levée de fonds possible auprès de la communauté. Mon seul repère, c’était le Zevent et il s’agit d’un cas particulier. Je n’avais jamais fait l’expérience du crowdfunding et j’avais très peur du résultat.
Tu avais quel genre d’attentes avant le lancement de l’émission ?
Il y a ce que je voulais et ce qui était réaliste. L‘objectif à terme est d’avoir 10 000 viewers en pic sur Backseat. C’est un objectif psychologique que je me fixe, c’est débile et assez dangereux en tant que streamer, mais je ne peux pas m’en empêcher.
Concernant le financement, je n’avais aucune idée, mais on avait déjà un budget mis en place pour réaliser Backseat. On avait tous les éléments sur un tableur Excel pour chiffrer l’émission. On a décidé de faire venir 50 % du budget par le financement participatif et le reste par des partenaires. Ça représentait déjà 100 000 €, du coup, on a décidé de faire un système de palier.
Chaque palier augmentait le nombre d’émissions que l’on se permettait de faire et la récurrence. Dans le cas où le financement ne prendrait pas et qu’on n’atteignait que 40 000 €, on ne faisait qu’une émission par mois. En atteignant 70 000 € on réalisait deux émissions par mois et avec 100 000€ un Backseat hebdomadaire.
En dépassant le cap des 100 000 € on pouvait améliorer le plateau, faire des extérieurs, recevoir du public.
Dans tous les scénarios que tu évoques, jamais la qualité de l’émission n’est sacrifiée pour la quantité.
Absolument jamais. D’ailleurs, si je reviens en arrière en janvier 2021, lors des premières réunions avec Anaïs la directrice de production, la méthode de travail était sur une base en carte blanche. Un tableau blanc et un crayon : « Jean décris-nous ton émission idéale. ».
Il n’y a pas deux émissions comme Backseat.
J’ai dessiné mon émission idéale, Anaïs a réuni tous les éléments, fait un poste de dépense ainsi qu’un chiffrage. Pour la première fois, on avait de la matière, un premier repère. Ça coûtait vachement cher, mais en regardant le tableur, on voyait que certains éléments n’étaient pas nécessaires ou n’impactaient pas la qualité de l’émission. En faisant sauter quelques éléments onéreux, on s’est rendu compte que l’on pouvait devenir réalistes sur le budget en restant proche du fantasme.
L’émission Backseat telle qu’elle a été diffusée n’est pas très loin de mon fantasme original.
Qu’est-ce qui a évolué durant la création ?
Je pense au nombre de caméras, la taille du plateau, le nombre de personnes dans le public, la quantité de production diffusable, des séquences qui peuvent être coûteuses. Après il y a des éléments esthétiques pour le plateau comme un bureau sur mesure. En réalité, le cœur de l’émission est maintenu : trois chroniqueurs, deux invités qui se succèdent pendant deux heures et demi, des sujets d’actualité, le rythme, l’humour, le décor. C’est très proche de mon émission idéale.
Il faut mobiliser combien de personnes pour réaliser une émission de Backseat ?
Il y a une quinzaine de personnes qui travaillent, du technicien à la production en passant par l’édito : les éditeurs, chroniqueurs ou journalistes. S’ajoutent à cela des bénévoles, une dizaine ou une quinzaine de personnes qui s’occupent en partie du Quizz à la con, mais aussi de la modération du chat pendant l’émission.
Il y a une quinzaine de personnes qui interviennent, mais cela ne veut pas dire qu’elles sont à plein temps. Il faut compter le développeur, le commercial, le graphiste qui ne sont pas mobilisés tous les jeudis.
À l’issue de la saison 0, comment est-ce que tu envisageais l’émission ?
J’avais envie de changer certains éléments ; j’étais déjà satisfait des retours du public, de l’ambiance qui s’installe autour du plateau. J’avais envie de passer à trois chroniqueurs, je trouvais qu’avec Usul, Léa et moi, c’était encore insuffisant. C’était une envie avant la pré-saison, mais il avait été nécessaire de limiter le nombre de caméras pour des questions de budget. La pré-saison a permis de confirmer mon envie d’avoir un troisième chroniqueur en plateau.
Concernant l’arrivée du public en plateau, j’ai complètement changé d’avis sur la question. Pendant longtemps, j’étais contre le public en plateau, je trouvais ça nul, très télévision dans le sens le plus péjoratif que cela sous-entend. Forcer les applaudissements, avoir des chauffeurs de salle, mettre des filles mignonnes au premier rang, c’est tout ce que je déteste dans le rôle laissé au public.
C’est Alt Tab Production qui m’a convaincu. Ils m’ont persuadé que le public serait au rendez-vous, si c’était des personnes impliquées de la communauté, ce serait sincère et bonne ambiance. Je me suis laissé séduire dès la première émission avec du public, j’ai été complètement séduit.
Je suis assez surpris, depuis le temps que tu connais Alt Tab Production, tu devais savoir que le public esport et plus globalement sur Twitch apportait ce genre d’ambiance.
C’est esport. À l’époque, je voyais le public en plateau pour une émission de politique comme quelque chose de vraiment lourd. En réalité, tu as raison, j’ai compris en ayant du public sur mon plateau que c’était extraordinaire. Avoir le public face à soi, avec le sourire, les yeux qui pétillent, interagissant avec l’émission, qui applaudit pendant les blancs, ça change tout. Lorsqu’une blague marche et fait marrer 10 personnes, ça donne une énergie, une chaleur.
Je veux parler à ceux qui n’en ont rien à faire de la politique. Les autres ont d’autres médias qui s’adressent déjà à eux sur internet.
C’est super enivrant, et même pour ceux qui regardent le stream, cela change tout d’entendre les rires et les applaudissements de la foule. Dès le premier épisode, j’ai compris que je voulais avoir Backseat en public pour l’ensemble des émissions.
Quel serait ton bilan pour cette saison 1 de Backseat ?
De mon côté je suis très satisfait, l’objectif n’étant pas de se jeter des fleurs. Je suis très heureux de notre résultat dans des conditions parfois difficiles. C’était une première et malgré le besoin d’essuyer les plâtres, ça c’est fait en très bonne intelligence avec tout le monde. Je suis satisfait des équipes, du travail qu’elles ont fourni, des chroniqueurs qui n’ont pas eu un travail facile non plus.
Les retours du public sont bons. C’était une rencontre avec eux et il y a clairement deux publics qui ont suivi Backseat : les militants et passionnés de politique, mais aussi le public que je vise, des jeunes lambda, souvent abstentionniste qui n’aiment pas la politique. Ça a toujours été ma ligne éditoriale, je veux parler à ceux qui n’en ont rien à faire de la politique. Les autres ont d’autres médias qui s’adressent déjà à eux sur internet.
Backseat, ce n’est pas juste un Talk Show. Backseat est un grand Talk Show.
Les militants n’ont pas arrêté de m’emmerder parce que Backseat ne leur convenait pas. Les jeunes en revanche, ils n’ont pas arrêté de souligner combien c’était l’émission dont ils avaient besoin. Je suis très content de ces retours positifs comme négatifs de ces deux catégories de personnes. Cela montre que j’ai réussi à m’adresser au bon public et à lui apporter ce dont il avait envie.
Concernant l’émission, mon ressenti est fluctuant selon les éditions. Je pense que sur certaines, les chroniqueurs et moi-même on a été paresseux et ça se voyait. Dans d’autres émissions, on a été franchement honnête dans l’énergie et dans l’intelligence investie, rendant service aux gens avec du contenu de haute qualité.
Je suis satisfait de voir que Backseat a réussi à implanter sa marque, ce n’est pas une imitation de Popcorn. Backseat n’est pas une imitation de je ne sais quelle émission de radio ou de télévision, elle a sa propre identité éditoriale et c’était le but. Il n’y a pas deux émissions comme Backseat.
Pour une première saison, c’est extraordinaire de voir ce qui a été rendu possible en seulement un an. Ce que je vois aussi, c’est le potentiel immense qui est devant nous et qui ne demande qu’à être exploité. C’est une partie de l’avenir et du futur, je me dis que ce qu’on a fait durant cette saison, c’est le niveau zéro de ce qu’on est capable de produire, on ne peut qu’aller de l’avant.
Je me permets de revenir sur les critiques que tu abordes concernant ton travail et celui des chroniqueurs. Je trouve que tu minimises beaucoup le poids que représente une émission hebdomadaire. Cela demande un investissement très important et vous n’êtes pas que sur Backseat, vous aviez tous vos propres responsabilités.
Je nous jette la pierre par exigence. À la fin de chaque édition, j’ai ce sentiment d’avoir raté l’émission. J’ai toujours été comme ça et j’ai besoin de revoir l’émission pour comprendre quelle était très bien. Je parle de fainéantise dans certains cas où nous n’avons pas assez préparé l’émission. On n’a pas toujours été au niveau et d’une émission à une autre, c’était flagrant.
Je suis d’accord avec toi, il ne faut pas se jeter la pierre en permanence, j’en ai vu d’autres ne pas préparer une émission. Il ne faut pas être trop exigeant et j’ai tendance à oublier l’aspect marathonien de Backseat. C’est une émission qui a lieu tous les jeudis en plus du streaming quotidien. Je suis peut-être trop sévère, mais c’est aussi le fruit de cette rigueur et de cette exigence.
Backseat est avant tout le fruit d’une ambition, ce n’est pas juste un Talk Show. Backseat est un grand Talk Show. Le mot grand est important. Il désigne la taille du plateau, la taille du melon, la taille du public visé. C’est une émission qui à vocation à tutoyer les plus grandes émissions de la télévision ou de la radio avec un public aussi nombreux.
Tu trouves que l’intégration du public, du chat était réussie ?
C’est une difficulté que j’ai toujours eue, que tous les streamers connaissent, c’est difficile d’interagir avec le chat lorsqu’il y a plus de deux personnes autour d’un plateau. Je pense que l’interaction avec le chat n’était pas assez intense, malgré la difficulté de l’exercice. Le Quizz à la con reste un moment de partage avec la communauté.
La présence du chat sur les écrans derrière moi rappelle à tous qu’ils font partie de l’émission, mais ce qui n’est pas visible, c’est sa présence sur le plateau. Des écrans géants font défiler le chat de notre côté et je n’arrête pas de le lire pendant toute l’émission. Je n’interagis pas directement, mais ils me nourrissent en permanence de leurs réflexions.
Le chat, c’est une communauté avec laquelle j’interagis tous les jours en stream. La veille de l’émission, je discute avec eux du programme et le lendemain, je réalise toujours un débrief de Backseat. Ça reste une piste d’amélioration pour moi, une meilleure intégration du chat, il va falloir trouver les voies et moyens pour le faire, mais il ne faut pas oublier que l’émission n’a pas été épargnée par le contexte d’élection présidentielle.
Dans ce contexte particulier, on a reçu beaucoup de personnes qui étaient à cran, des vagues de cyberharcèlement contre l’émission tôt dans l’année. C’est un peu la rançon du succès en attirant un public qui n’était pas celui de la chaîne Jean Massiet, qui ne connaissait pas les règles et quel type de proximité j’entretiens avec le public.
Backseat est une émission qui a vocation à s’adresser à des personnes en dehors de ma communauté, on ne va pas se plaindre de voir des gens extérieurs à la communauté venir sur l’émission. Il a fallu durcir les règles de modération et puis voilà.
Comment évolue l’ambiance côté production à l’approche de la fin de saison ?
200 000 € pour faire une émission hebdomadaire comme Backseat, c’était presque impossible. On a réussi à sortir l’émission avec une moitié en financement participatif, le reste en sponsor, mais le truc, c’est que c’est très difficile de sponsoriser une émission qui parle de politique.
Les marques et potentiels sponsors ne veulent pas être associés à du contenu qui parle de politique. C’est pas vendeur, on parle d’attentats, de crise écologique, d’inégalité, des choses pas marrantes et les marques veulent du positif, du lifestyle, du gaming, du sport, bref.
Je travaille activement pour rendre possible la réalisation d’une saison 2 de Backseat avec un autre coproducteur dans les mois qui viennent.
On a quand même réussi à vendre quelques Before, il ne faut pas qu’on se flagelle sur cet aspect. On a trouvé des partenaires associatifs, mais ce n’est pas un modèle économique viable et on ne va pas demander de l’argent aux associations tout le temps. C’était difficile de faire rentrer les carrés dans les ronds pour boucler le financement initial. On a lancé un financement participatif au long cours, car tout un nouveau public est arrivé à partir de septembre et souhaitait soutenir l’émission.
On n’a pas réussi à rentrer complètement dans nos frais et, en fin d’année mon coproducteur a rencontré des difficultés économiques inhérentes à notre secteur. On manquait d’argent au global dans le projet, même si on pouvait envisager de finir la saison 1 grâce au financement participatif d’une saison 2. Malheureusement c’était trop incertain et je ne veux pas prendre de risques avec l’argent de ma communauté.
Quand est-ce que la saison 1 de Backseat devait s’arrêter ?
Dans ma tête, on allait jusqu’au 14 juillet. On lançait un financement participatif durant les dernières émissions de l’année. De la même manière que l’on avait financé la pré-saison grâce au financement de la saison 1, on allait financer la fin de la première saison grâce à la deuxième.
On a arrêté ce projet de financement participatif à la dernière minute.
Quid de la saison 2 ?
J’annonce au début de l’été que je pars en vacances et que je prendrais une décision plus tard. J’avais besoin de bouger et mine de rien, j’ai quand même travaillé durant ce temps. J’ai discuté avec d’autres boîtes de production. Backseat a intéressé beaucoup de gens, elle a marqué la rétine de beaucoup de personnes dans le monde de la politique et des médias. Beaucoup de gens qui travaillent à France Télévision ou Radio France regardent Backseat.
Des producteurs de télévision s’intéressent à Backseat, et j’ai été contacté par des boîtes de productions et par plein de gens pour réfléchir à une saison 2. Je travaille activement pour rendre possible la réalisation d’une saison 2 de Backseat avec un autre coproducteur dans les mois qui viennent.
Twitch est une plateforme qui intéresse des boîtes de production plus traditionnelles parce que Backseat, parce que Popcorn, parce que ZeratoR. Cela intéresse des gens qui se disent qu’il s’agit de l’avenir de l’audiovisuel et qui sont prêts à s’investir dans Backseat.
J’ai confiance, le public a envie d’avoir une saison 2 et j’en ai aussi envie. À partir de là, si on n’y arrive pas, c’est qu’il y a un problème.
Tu envisages déjà des nouveautés de contenu pour la saison 2 ?
J’ai envie que Backseat continue d’aller de l’avant, de grossir en moyen, en plateau. Tout ça fait partie de mon travail actuel. On a réussi à imprimer la marque Backseat dans le paysage de Twitch. On a une base qui nous permet de faire des choses merveilleuses donc je fais mon maximum pour qu’on y arrive.
Je pense qu’on va finir par y arriver, cela demande beaucoup de travail et j’y crois. En termes d’améliorations, je veux garder l’identité de Backseat. Cette ambiance, ce ton, cet humour, ce sérieux restent et c’est la base minimale. Tout ce qu’on va rajouter, c’est du bonus.
Il y a un truc qu’il faut bien comprendre, en terme éditorial, la saison 1 était celle de l’élection présidentielle. On rentre dans le quinquennat, dans un mode de fonctionnement classique avec l’actualité classique. Ça sous-entend de changer un peu Backseat éditorialement pour correspondre à l’actualité.
L’occasion de s’attarder sur des éléments moins homériques que ceux présentés lors de la présidentielle aussi.
Oui, mais j’ai envie qu’on fasse toujours du homérique. La présidentielle est un événement qui justifie d’inviter n’importe quel politique à n’importe quel moment. Le sujet, c’est la présidentielle, on peut en parler avec n’importe qui. À partir du moment où il n’y a plus ce cadre, j’aimerais qu’on reçoive des invités en collant mieux à l’actualité. Si je formule un espoir pour la saison 2, c’est d’avoir une émission plus réactive et souple en fonction de l’actualité de la semaine. Backseat devient le rendez-vous du suivi de l’actualité politique régulière, donc on reçoit des invités en relation avec cette actualité.
Un moyen d’avoir d’autres acteurs en plateau comme ceux issus des corps intermédiaires.
Tout à fait. Sur la saison 1, j’ai imposé un carcan, je voulais toujours les mêmes chroniqueurs pour que Backseat se ressemble d’une émission à une autre. Je voulais toujours un invité de première partie issu du web, un second politique. Pour la saison 2, j’aimerais qu’on soit plus malin, qu’on s’ouvre à d’autres types de personnalité : des responsables associatifs, syndicaux, des gens qui font l’actualité politique, n’importe qui comme des acteurs ou des artistes qui signent une tribune.
Je voudrais qu’on se donne la souplesse parfois de ne pas inviter de politique en plateau, mais des experts, ne pas avoir des influenceurs, mais deux politiques. Plus de souplesse pour une meilleure réactivité sur l’actualité.
L’invité de la semaine, c’est un format qui a vocation à exister dans la saison 2 ? Il reste encore des choses à explorer concernant le rapport des influenceurs à la politique ?
Pas forcément. Ça avait du sens avec la présidentielle. C’est un moment où les gens sont amenés à voter, donc ça a du sens d’avoir des influenceurs qui ne s’intéressent pas à la politique. À partir du moment où il n’y a plus ce contexte, j’aimerais que l’on invite les influenceurs parce qu’ils ont une actualité qui justifie cette invitation. Donc un ZeratoR pour le Zevent, Billy lorsqu’il fait un tweet politique. j’aimerais qu’on soit plus intelligent dans notre gestion des invitations avec une justification personnelle.
Backseat arrive à un moment important de la vie politique et médiatique
J’assumais d’inviter des influenceurs parce qu’ils n’avaient rien à dire sur la politique, maintenant, je vais les inviter parce qu’ils ont une actualité intéressante qui fait le lien avec le débat public. Ça va être ça le principal changement éditorial de la saison 2.
Tu envisages toujours un financement participatif pour cette saison 2 ?
Oui, je pense qu’il y aura un financement participatif, car peu importe l’équilibre économique qui sera celui de l’émission, Backseat sera plus forte en réussissant à lever des fonds indépendamment. Si Backseat dépend d’argent de partenaires, je n’ai pas la même force de négociation avec les invités. C’est une force de Backseat d’être en partie financée par sa communauté. C’est quelque chose que je ne veux pas lâcher pour le bien de l’émission, sa tranquillité d’esprit et son poids médiatique. Elle a un certain poids par son audience, mais sur internet, on a aussi du poids par l’argent qu’on parvient à lever.
Voir les gens donner de l’argent à Backseat est d’autant plus fort dans une négociation et dans le poids de l’émission pour avoir des invités, des partenaires et des moyens complémentaires.
C’est imaginable Backseat sans Jean Massiet ?
Non, non non. Backseat, c’est l’émission de Jean Massiet. Il n’y a pas un monde dans lequel l’émission devient une marque autonome sur une autre chaîne que la mienne. C’est une émission qui peut être codiffusée sur des médias, qui pourrait atterrir à la télévision ou à la radio, je ne le souhaite pas, mais ça restera le talk show de Jean Massiet, ça, c’est sûr.
Tu penses développer de nouveaux projets en plus de Backseat ?
J’ai Sénat Stream sur Public Sénat, un projet qui demande du temps et de l’investissement en tant que coproducteur et animateur. Il y a des discussion sur la reprise de cette émission. J’ai les Questions au Gouvernement le mardi, des invitations à gauche et à droite. D’autres projets se lancent, des partenariats ponctuels, mais Backseat est mon projet le plus ambitieux. Un peu comme Domingo sur Popcorn, je me fixe un peu sur Backseat.
Nous arrivons à la fin de l’interview, tu as un mot de la fin ?
En prenant un peu de distance, Backseat arrive à un moment important de la vie politique et médiatique. Tous les médias traditionnels ont fait leur rentrée, tout le monde présente sa grille et il faut bien se rendre compte du déclin éditorial et créatif de la télévision. Il n’y a plus grand-chose de novateur, dans les années 2020, la télévision patine et arrive au bout de son cycle.
En parallèle, sur le web émergent d’autres narratifs et grammaires éditoriales de l’image. Backseat et Twitch ont vocation non pas à remplacer la télévision, mais à montrer qu’un autre paysage audiovisuel est possible. Un paysage qui est au cœur d’une génération entière. Une génération qui n’a même plus les référentiels télé et qui doit inventer ses propres médias, sa grammaire.
Backseat fait partie de ce laboratoire. En résonance avec cette génération vis-à-vis d’inquiétude pour le climat, pour la démocratie, à la recherche d’une autre interaction entre le haut et le bas. Le système haut bas qui fonctionnait à la radio, c’était bien pour la démocratie à la papa. Aujourd’hui, il y a une aspiration à l’horizontalité, à la démocratie, un dialogue plus intense entre les citoyens. Backseat est, je pense, au diapason de cette époque, alors que la télévision matin, midi et soir, décroche de la politique.
Le mouvement des gilets jaunes n’est pas né à la télévision, mais sur les réseaux, tout comme les printemps arabes. Le mouvement écologiste s’organise autour de communautés en ligne, ça a du sens que des émissions comme Backseat soit au diapason de cette époque-là.
Cela va s’intensifier avec l’arrivée de streamer d’une génération qui a toujours connu Youtube, Twitch et plus globalement les réseaux sociaux. Dans ce contexte, la télévision est de moins en moins actrice, mais spectatrice du débat public.
Cela bouclera avec le début de l’interview. En grandissant, j’ai vu la télévision se faire. Aujourd’hui, elle n’est plus un standard. Nous avons connu le monde avant Internet, la télévision trônait en majesté dans le salon. Les émissions de télévision ne sont plus un standard et passer dans une émission peut devenir un handicap. Je fais halluciner les gens de la télévision en expliquant que je perdrais en crédibilité tellement la télévision est perçue comme déconnectée par mon public.
On a nos propres standards maintenant, quand je te dis que je me suis inspiré de Popcorn, je t’assure que je n’ai retenu aucune émission de télévision pour penser Backseat. Ça ne m’impressionne pas et je ne veux pas y ressembler.
Depuis sept ans, Jean Massiet est animé par la même force de volonté. Dans sa quête d’être un intermédiaire entre le monde vieillissant de la politique et une nouvelle génération, il a su naviguer et adapter son projet.
Sa dernière création en date, Backseat, est aussi le plus grand succès de Jean Massiet à ce jour. À commencer par le financement participatif de l’émission qui a dépassé toutes les attentes avec 115 412 € récoltés dès la pré-saison. L’émission comptabilise 6 épisodes pour sa pré-saison et 23 épisodes entre septembre 2021 et juin 2022. Une prouesse sur Twitch et une preuve de sa vitalité sur la toile. Chaque émission a connu un certain succès en termes d’audience, malgré une concurrence croissante.
Un dernier indicateur du succès de l’émission, c’est l’apparition progressive de plateaux similaires à celui de Backseat. De plus en plus, des personnalités du web, de la radio ou de la télévision investissent Twitch pour traiter l’actualité. Récemment, Samuel Étienne a réuni plusieurs personnalités dont Jean Massiet pour faire une revue hebdomadaire sur sa chaîne Twitch. Enfin, du côté de France Info, des formats se développent et Twitch devient de plus en plus un espace considéré dans la stratégie du média.
Ces transformations dépassent la seule influence de Jean Massiet, mais il est indiscutable qu’il a joué un rôle pionnier à ce sujet.
Les futures transformations de Backseat marqueront le paysage de Twitch, renforçant un peu plus la professionnalisation d’une génération de streamers qui redessinent les contours des pratiques de l’audiovisuel.