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Alexi Krochmaluk : « Chaque LAN fait de toi un meilleur admin »

Par Lenaic Leroy
Admin LAN Alexi Krochmaluk

Depuis le début d’Esport Insights, nous avons beaucoup échangé sur les LAN. De l’état des lieux des LAN françaises jusqu’à l’expérience de la LAN, de nombreux sujets ont été abordés pour vous apporter la vision la plus claire de l’environnement français.

Pourtant, certains ont été laissés pour compte dans cette histoire, alors que leur travail est au cœur de la réussite d’un événement. Je parle ici du travail d’admin de tournoi.

En tant que joueurs, vous connaissez sans aucun doute le rôle des admins, vous êtes les premiers à être au contact de leur travail. Cependant, si vous n’avez jamais eu l’occasion de dépasser les barrières d’entrées de la zone joueurs, vous ne connaissez sûrement que peu le rôle que jouent ces acteurs de l’ombre.

Les admins de tournoi sont comme beaucoup d’autres membres des LAN, des bénévoles d’associations, spécialisés dans l’organisation et la bonne tenue des tournois d’une LAN. Chaque jeu a sa propre compétition et pour assurer son fonctionnement, une équipe d’admins couvre l’intégralité de l’événement, travaille à la réussite de chaque rencontre et répond aux besoins des joueurs.

Moulu dans la masse de l’organisation, les admins sont invisibilisés aux yeux du grand public. Pourtant, lorsqu’un problème de connexion ou d’organisation vient perturber le cours d’une LAN, c’est à eux que revient la charge d’encadrer les joueurs, répondre à leurs attentes et tempérer les situations de crises.

Le rôle d’admin comprend de nombreuses aspérités et je suis sûr que nous pouvons apprendre beaucoup sur le fonctionnement des LAN en essayant de mieux comprendre ce qu’un admin fait pour sa réussite.

Durant la Gamers Assembly 2019, j’ai eu la chance d’être accueilli par l’équipe d’organisation. Celle-ci a répondu positivement à mon idée d’article, amenant à ma rencontre avec Alexi Krochmaluk, admin responsable du tournoi Hearthstone de la Gamers Assembly.

Ensemble, nous avons exploré tout ce qu’un admin pouvait avoir comme responsabilité, le fonctionnement de leur organisation ou encore la relation qu’ils entretiennent avec les joueurs.

De nombreux autres sujets sont évoqués dans cette interview, j’espère d’avance qu’elle vous plaira autant qu’à moi lors de sa réalisation.

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Salut Alexi, pour commencer, j’aimerais apprendre à mieux te connaître pour bien comprendre ton parcours jusqu’à ton rôle cette année de responsable admin de la Gamers Assembly.

Je m’appelle Alexi Krochmaluk, connu aussi sous le pseudo Wraththekid, actuellement en alternance dans une école d’ingénieur à Lyon. Je travaille dans l’informatique et mon lien avec l’esport s’est fait grâce à mes connexions avec l’Arcaneum, bar situé à Villeurbanne.

L’Arcaneum avait organisé une LAN sur Hearthstone, l’ARACALAN #1, comprenant 96 participants. Ils m’avaient proposé d’être administrateur, chose que j’ai acceptée, tout s’est très bien passé pour cette première.

À l’époque, le responsable admin de la Gamers Assembly, Burbz, avait remarqué mon bon travail et m’avait proposé de faire partie de l’équipe admin de la Gamers Assembly en 2017.

J’avais beaucoup aimé l’expérience avec l’ARCALAN et j’ai donc accepté sa proposition. Je me suis retrouvé administrateur au sein du staff. L’année dernière, je suis devenu admin en formation et, cette année, j’étais responsable admin en poste sur le tournoi Hearthstone.

Avant d’être en contact avec l’Arcaneum, tu avais des liens avec les LAN ou l’esport en général ?

Pas vraiment. J’ai surtout été visiteur, lors de conventions ou de LAN. Je viens de Montpellier et j’avais jeté un œil lors du Montpellier In Game. J’avais vu les LAN de League of Legends ou de Warcraft, mais sans jamais dépasser l’approche extérieure. J’ai toujours été un joueur casual et je n’étais pas spécialement un connaisseur du milieu.

En ce qui concerne l’esport, je connaissais un peu les événements internationaux, les LCS de League of Legends ou les championnats du monde sur Hearthstone. L’esport, c’était quelque chose de lointain qui me semblait complètement hors de portée.

C’est la proposition d’être dans le staff de la Gamers Assembly qui m’a permis d’intégrer l’environnement esportif.

Tu as eu une bonne première expérience avec l’Arcaneum. Même si le bar ne connaît pas d’extension en dehors de Lyon, sa réputation est faite dans toute la France. Régulièrement, j’entends parler des tournois qui sont organisés et qui réunissent des joueurs de toute la France.

L’Arcaneum s’investit beaucoup pour l’esport. Ils font beaucoup pour permettre à des scènes de s’améliorer. Ils sont présents sur Heroes of the Storm, Super Smash Bros Mêlée ou encore Hearthstone. Les événements peuvent être d’échelle nationale, c’est une grosse organisation qui a de bonnes retombées.

Tu me disais avoir commencé comme admin et, dès l’année dernière, avoir franchi l’étape pour devenir responsable admin, comment est-ce que tu as évolué vers ce statut ?

J’étais responsable admin en formation, c’est-à-dire que Burbz était le responsable officiel, mais il me donnait les clés pour prendre les bonnes décisions. Nous étions deux pour tenir le tournoi de la Gamers Assembly et il me laissait prendre un maximum de directives pour que je sois prêt cette année.

Je le remercie vraiment pour son aide. Nous étions prêts et, cette année, nous n’avons eu aucun problème durant toute la Gamers Assembly.

Ce qui mériterait bien une médaille vu la difficulté aujourd’hui d’assurer, de bout en bout, un tel événement. Il ne doit pas y avoir beaucoup d’admins qui peuvent se targuer, aujourd’hui, de ne pas subir les foudres du public.

[Rires] Il y a en effet pas mal de petits achievements personnels lorsque l’on est un responsable admin. Réussir à tenir son planning, avoir moins d’une heure de retard, ne pas avoir de problèmes réseau, des challenges que l’on connaît tous.

Pour bien comprendre ce que représente le travail des admins, je veux bien que tu m’expliques quelles sont les tâches qui vous sont assignées durant un événement, d’abord comme admin, mais aussi comme responsable.

Concrètement, on retrouve le même type de rapport entre les admins et les responsables que dans le monde du travail. Les admins vont surveiller les joueurs, passer dans les rangs, faire passer les communications aux responsables. Le responsable en chef va devoir s’assurer de la bonne communication au sein de l’équipe et de sa coordination.

Chacun doit avoir la bonne tâche dans les bons temps. Il s’agit d’un travail de manager alors que les admins sont vraiment là pour répondre aux besoins des joueurs.

Ils permettent principalement d’informer et d’aiguiller les joueurs, parfois dans des conditions de rushs sans bien comprendre pourquoi. Les admins sont beaucoup dans l’accompagnement et dans la réponse.

Ils règlent un maximum de problèmes en autonomie, au besoin en faisant appel au responsable.

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Les admins sont réunis dans un espace au sein de la zone joueur afin d’être à la disposition de ces derniers dès qu’ils sont dans le besoin.

Au sein des responsables, on doit s’assurer du bon fonctionnement de l’équipe d’administrateur, des pauses de chacun. Il faut assurer une certaine permanence et tous les admins ne peuvent pas s’arrêter en même temps.

Il faut aussi savoir mettre en avant les talents de chacun, ceux qui ont des affinités pour la communication vont être plus au contact des joueurs, ceux plus forts en bureautique vont assurer l’organisation et la préparation de fichiers.

Le responsable admin est un vrai manager, l’admin lui va répondre à des tâches avec efficacité en fonction de ses compétences.

Quelles sont les compétences qui sont mises en avant pour être un bon admin ?

Il y a plusieurs profils de compétences qui existent. La première qui me vient à l’esprit c’est le relationnel. Il faut être capable, comme dans le marketing avec la relation clien,t de parler le même langage, de savoir les rassurer, trouver des solutions ou des terrains d’entente.

Il faut être un bon communicant et négociateur en particulier lorsque la situation est difficile.

De l’autre côté, on trouve des admins qui sont de bons exécutants, qui sont rapides et méthodiques dans l’organisation. Ils sont souvent capables de réunir les informations, créer des reportings complets répondant aux besoins des joueurs.

Le responsable doit savoir mettre en avant les atouts de son équipe pour assurer un travail fiable.

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En tant qu’admin, vous avez un rôle à jouer dans la conception du règlement d’une compétition ou la décision revient à l’organisateur de la LAN ?

Je vais parler pour le cas de la Gamers Assembly sur Hearthstone. Nous faisons notre propre règlement en effet.

Généralement, on nous fournit un planning, le tournoi doit tenir sur cette période définie. Toutes les contraintes sont données, mais aussi la politique du tournoi. Les joueurs payent un pass pour trois jours lors de la Gamers Assembly. La politique choisie est de les faire un maximum durant cette période.

La finale sur scène se faisait de midi à 14h. Je devais assurer un planning qui permettait à la compétition d’avancer sur deux jours pour que la finale soit jouée dans les temps.

Avec ces informations, mon but est de réussir à proposer quelque chose qui répond le plus aux attentes de l’organisation en assurant la meilleure expérience pour les joueurs.

Pour faire le meilleur travail, je m’entoure d’admins et d’un réseau de joueurs. On organise un tournoi pour les joueurs et c’est important de savoir prendre la température. En prenant en compte l’avis de chacun, on arrive à trouver la solution la plus viable.

Cette année, nous avons favorisé un système de ronde suisse pour la première journée et un bracket sur la seconde pour que les joueurs profitent au maximum de la LAN.

Il est aussi possible que les organisateurs de tournoi souhaitent un format qu’ils imposent aux admins. Notre rôle, c’est d’apporter un conseil et une expertise à l’organisation.

Il arrive que des formats soient imposés, cela répond à une politique spécifique et, dans ce genre de cas, nous n’avons pas notre mot à dire.

Les admins doivent avoir une situation un peu particulière au sein de l’organisation. Ils sont bénévoles, mais ils ont une marge de manœuvre assez importante et une expertise qui les démarquent du reste des bénévoles.

C’est comme pour tout événement, il y a différents grades de bénévoles. Il faut des responsables et des exécutants. De la même manière pour les admins, nous assurons le fonctionnement de la LAN en donnant des tâches et en les exécutants.

J’essaye en tant que responsable admin d’impliquer un maximum mon équipe. Je veux qu’ils sachent pourquoi nous prenons des décisions et cela leur permet d’être véritablement actif dans l’équipe.

Nous sommes responsables d’un pôle et nous avons une expertise différente d’un bénévole classique, mais il arrive qu’un admin ne soit présent que pour accomplir les tâches demandées par un responsable sans avoir de statut à part.

Je pense que l’investissement personnel dans l’événement joue un rôle plus important dans notre relation à la LAN plutôt que notre rôle d’admin ou de bénévole.

Tes admins doivent connaître le jeu pour bien encadrer le tournoi ou il arrive que certains ne connaissent pas particulièrement Hearthstone ?

Tous les admins ne sont pas forcément joueurs ou connaisseurs. C’est mieux d’avoir plusieurs membres qui connaissent pour prendre certaines décisions.

Pour cette Gamers Assembly, nous avons décidé de bannir l’Archiviste Elysiana. Ce genre de décision s’est faite en amont, la discussion n’aurait pas eu lieu sans des admins ayant des connaissances solides sur le jeu.

J’avais déjà mes idées sur la question, nous avons évoqué plusieurs hypothèses jusqu’à cette décision finale. Leur connaissance était essentielle pour prendre une telle décision, mais à l’inverse, j’avais dans l’équipe deux admin, arbitres sur Magic, qui ne jouent que peu à Hearthstone, qui nous ont apporté un regard différent sur la question.

Je suis moi-même un joueur de Magic et je sais que les événements sont beaucoup plus carrés, l’organisation plus importante. Cette rigueur supplémentaire, c’était un véritable avantage pour trancher un cas aussi important.

D’un côté, il n’y a qu’un pas pour passer de Magic à d’autres TCG, pour autant je n’imaginais pas que l’on puisse venir admin une LAN sans être rattaché à l’esport et à un jeu en particulier.

Pour le coup, ils n’étaient pas totalement ignorants de la pratique de l’esport. Ils sont tous les deux en voie de devenir judge Magic et ce sont des amateurs d’esport. Ils suivent d’autres jeux et s’informent, les amener dans une ambiance de LAN, c’était assez naturel et cela permettait de changer de cadre.

Pour être admin, il suffit de comprendre le langage et les besoins des joueurs.

Ils n’ont pas besoin de connaître la méta ou d’autres particularités, du moment qu’ils comprennent le fonctionnement du jeu, ils ont tout ce qu’il leur faut pour admin un tournoi.

Hearthstone reste néanmoins le jeu où il faut avoir beaucoup de connaissances pour être admin. Il y a de nombreux aspects qu’il faut savoir gérer et parfois des décisions s’imposent.

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Durant la Gamers Assembly 2019, deux halls étaient alloués aux joueurs pour répartir les différents tournoi.

Le ban d’Elysiana était une chose, mais on a parfois des crashs de game, ce qui amène à pas mal de problématiques.

Sur Hearthstone, il y a une part d’aléatoire importante mêlée au skill des joueurs, ce qui impacte fortement la décision à prendre. Décider de rejouer une partie ou donner une victoire peut totalement changer la donne d’une compétition.

En revanche, sur League of Legends, relancer une partie aura moins d’impact, on peut rejouer la même composition, refaire une partie assez similaire, l’aléatoire aura moins de place.

On arrive à la question qui m’intrigue le plus. Ce type de décision importante, ce n’est pas nouveau dans l’esport. Dans les années 2000 en particulier, on voyait souvent des admins faire face à de nouveaux bugs découverts par les joueurs, parfois utilisés comme cheese en compétition.

Il est déjà arrivé qu’un admin, confronté à un problème de ce type, soit obligé de faire changer le règlement pour assurer la bonne continuité de la LAN. Cela pose un énorme problème en termes d’équité, mais en même temps, laisser un bug exploit en compétition peut anéantir tout l’intérêt compétitif.

On retrouve moins souvent ce type de problèmes aujourd’hui, mais le choix de bannir Elysiana, c’est une décision forte qui peut amener à débat. Comment as-tu envisagé cette décision et si tu devais changer un règlement en pleine LAN, comment est-ce que tu le ferais ?

C’est assez compliqué et le contexte est très important. Cela dépend vraiment de l’importance du bug et du risque que cela représente pour le tournoi. Si celui-ci déséquilibre complètement le jeu, il est nécessaire d’agir, mais dans le cas où il implique un léger avantage, je pense que le tournoi doit rester comme tel.

Dans l’histoire d’Hearthstone, des bugs ont été notables, je pense, entre autres, au cas de Nozdormu. La carte permet de réduire le temps de jeu à 15 secondes par tour, mais il était possible de faire en sorte que le tour de l’adversaire soit complètement annulé.

Malgré une mécanique totalement défavorable à la compétition, la carte n’a jamais été bannie. Pour cause, aucun joueur n’est jamais venu en compétition avec un deck ayant cet objectif.

Ce sont des cas par cas qui répondent aussi à des critères propres au jeu, au format du tournoi, beaucoup d’éléments qui rendent la décision très occasionnelle.

Pour ce qui concerne l’Archiviste Elysiana, il faut un peu de contexte. L’extension L’éveil des Ombres est sortie une dizaine de jours avant la Gamers Assembly. De plus, le nouveau format de compétition de Blizzard, le format spécialiste, a été récemment mis en place.

Habituellement, les joueurs venaient en compétition avec quatre decks différents, un des quatre était banni, ce qui limitait le jeu sur un même deck à 1, 2 ou 3 parties. Une fois le deck validé, celui-ci n’était plus jouable.

Par conséquent, chaque classe était jouée autant de fois que nécessaire pour valider le deck. Généralement, les joueurs ramenaient un seul deck contrôle, ceux-ci se caractérisant par un jeu plus lent, mais qui permet de tenir l’adversaire en haleine.

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Dans le cas où les deux joueurs jouaient contrôle, le match miroir ne se faisait qu’une seule fois puisque le vainqueur allait valider son deck. Le jeu des decks contrôle étant assez lent, il n’y avait qu’une seule rencontre qui durait un peu plus longtemps dans un BO.

L’arrivée du format spécialiste a changé la donne. Pour ressembler à d’autres jeux de cartes, Blizzard a permis de ne prendre qu’un seul deck, avec en complément des sides decks, ayant jusqu’à cinq cartes de différences avec l’original.

Les joueurs qui sont venus avec un deck contrôle avaient donc leur deck de base et un side deck avec des atouts pour vaincre les miroirs de contrôle incluant l’archiviste Elysiana.

La carte permet, lorsqu’elle est jouée, de remplacer les cartes du deck par de nouvelles cartes. L’idée, c’est de jouer la carte une fois arrivé à la fatigue, c’est-à-dire que son deck est vide.

En temps normal, le joueur perd des points de vies de plus en plus importants à chaque tour jusqu’à sa mort. Avec Elysiana, 10 cartes sont ajoutées au deck afin de prolonger le match. En utilisant d’autres cartes pour remonter dans sa main puis rejouer Elysiana, les joueurs avaient la possibilité de rajouter jusqu’à 42 cartes supplémentaires dans leur jeu.

Le problème était réel, car dans un miroir de contrôle, la première partie sans Elysiana pouvait durer facilement une demi-heure, là où les deux suivantes pouvaient prendre jusqu’au double du temps à cause de cette seule carte.

En tant qu’administrateur, pour faire tenir la compétition sur trois jours, il fallait estimer qu’une ronde dure entre 1h à 1h15 pour les matchs les plus longs. Avec Elysiana, chaque ronde devait durer de 2h à 2h30. [Rires]

Quand on veut mettre huit rondes suisses sur le premier jour, on se rend bien compte du problème de chaque ronde en 2h30.

En effet tu fais de sacrées journées avec un programme pareil. [rires]

On avait plusieurs solutions. D’abord, un système de timer comme pour Magic. Il y avait cependant un problème, car le premier à remporter une partie avait la possibilité de jouer la montre, ce qui lui assurait une victoire par défaut.

La seconde qui nous est venue à l’esprit, c’était un système d’horloge comme aux échecs. Chaque joueur a un temps de jeu défini et le premier qui viendrait à arriver à terme perd la rencontre. Pour mettre en place un tel dispositif, il nous fallait beaucoup plus de moyens que nous n’avions pas à disposition.

L’idée n’allait pas dans l’esprit d’Hearthstone et la seule solution qui s’imposait à nous restait le ban de l’Archimage Elysiana. En faisant ce choix, on assurait des rondes en 1h30 et, pour le bien de la LAN, le choix était nécessaire.

Nous avons fait les pour et les contre à cette décision. Le plus gros problème concernait l’archétype du guerrier bombe. La carte est un contre naturel et l’enlever donnait un avantage supplémentaire à cet archétype.

L’impact restait assez léger et il valait mieux un tournoi avec ce léger avantage plutôt que de ne pas pouvoir faire de tournoi dans de bonnes conditions. Malgré toutes nos idées de timer, aucune ne nous convenait et la contrainte logistique était beaucoup trop importante pour assurer un événement comme la Gamers Assembly qui accueillait 230 joueurs sur Hearthstone.

On mentionne les besoins logistiques pour couvrir un événement comme la Gamers Assembly, il faut combien d’admin pour qu’un tournoi soit géré de bout en bout ?

Cela dépend des jeux bien évidemment. Hearthstone demande beaucoup d’admin car il faut beaucoup passer dans les rangs, s’assurer qu’ils ne trichent pas et que tout fonctionne bien.

Je ne peux pas trop me prononcer, car je n’ai jamais été admin pour d’autres jeux, mais j’ai vu mes collègues sur Starcraft II par exemple. L’événement comptait 64 joueurs et ils étaient deux administrateurs, pour Heroes of the Storm ils étaient 3.

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Les admins doivent tenir leur programme pour que toutes les compétitions soient terminées à l’heure de la finale sur la grande scène.

À la réunion des admins, le plus gros groupe d’admin était sur Fortnite, sans surprise. Ils étaient divisés entre le tournoi squad et duo, mais cela faisait beaucoup de monde. L’équipe sur Hearthstone est la plus nombreuse avec 6 personnes en me comptant dedans.

Nous n’étions pas forcément une équipe nombreuse au vu des besoins d’un tel tournoi, mais j’ai fait le choix d’avoir une équipe expérimentée plutôt qu’une grande équipe.

Nous avons fait l’expérience d’équipes moins habituées, mais plus nombreuses et le jeu n’en vaut pas la chandelle. Des membres rigoureux, organisés et réactifs valent mieux qu’une armée d’admins qui ne savent pas ce qu’ils doivent faire.

Prendre des initiatives, c’est essentiel pour réussir à tenir sa LAN. Un responsable qui doit indiquer chaque mission à chaque admin, il va perdre plus de temps qu’autre chose et l’équipe devient contre-productive.

Il doit, en effet, falloir une bonne autonomie vu le nombre de personnes à charge pour chaque admin. On ne peut pas imaginer que pour chaque problème ou question, le responsable soit obligé de venir et donner les clés à son équipe.

Malheureusement, il arrive que dans des cas trop compliqués, il faille faire appel à son responsable. Je suis toujours disponible pour mon équipe et je pense en savoir assez sur le travail d’admin pour gérer la plupart des situations.

Je ne les connais pas toutes, mais j’en ai vécues beaucoup. Mes admins prennent la main et n’hésitent pas à venir me chercher, même s’ils sont très autonomes. On apprend vraiment sur le tas en tant qu’admin et c’est important de forger sa propre expérience. Il y a beaucoup de débrouille et de mimétisme dans le job.

J’imagine que beaucoup d’admin font leurs expériences et reviennent à nouveau pour occuper le poste. Avec le temps, est-ce qu’un réseau d’admin s’est développé au sein de l’association Futurolan ou même à l’échelle nationale pour échanger, trouver des personnes pour couvrir un événement, un peu à la manière d’une fédération d’arbitres comme dans le sport ou les judges de Magic ?

Je commence à avoir mon propre réseau et mes connaissances. Je n’intègre plus vraiment de personnes extérieures à mes équipes. Généralement, il s’agit de gens expérimentés, qui sont judge Magic, car ils connaissent le travail qu’il faut faire.

Auparavant, je prenais des gens que je ne connaissais pas, mais c’était généralement contre-productif.

Pour des événements comme la Gamers Assembly, on a accès à un discord pour les admins qui nous permet d’organiser et faire des demandes aux organisateurs s’il nous faut plus de monde dans une équipe.

La connaissance des admins d’une autre LAN dépendent encore totalement de son réseau personnel. Je ne suis pas trop dedans et je connais seulement quelques personnes, la plupart des échanges se font encore via Twitter.

Avec le temps, un réseau d’admin va devoir apparaître, en particulier pour les LAN qui ont vocation à devenir des acteurs endémiques du secteur. Le travail d’admin, comme toutes les professions de l’esport, se développe et se professionnalise.

L’expérience prend de la valeur et ce que tu as dû vivre pour le cas de la Gamers Assembly peut être une ressource de valeur pour tous les autres admins qui vont être confrontés à l’Archimage Elysiana dans les mois à venir.

J’ai fait quelques communications pour expliquer le ban de la carte, mais cela reste assez simple. Pour Hearthstone, la plupart des structures qui font des tournois sont aussi en charge d’une équipe compétitive.

Sans faire de grandes communications, la plupart des participants avaient l’information du ban d’Elysiana. Depuis la Gamers Assembly, il y a des compétitions aux Meltdown, la Konix CUP qui ont tous eu recours au ban d’Elysiana.

Il semble que notre décision soit devenue la norme. Heureusement, elle a été soutenue par la Gamers Assembly qui, par sa notoriété, a permis ce choix. Le respect de l’événement a rendu possible le choix d’un format et d’un choix qui peut être débattu.

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Un petit tournoi qui se lance dans un format de tournoi atypique n’aura peut-être pas cette chance et devra se plier à la norme.

J’ai eu le soutien de la communauté, car depuis quelque mois, les Opens Cups sont passés d’une durée moyenne de 11h à 16h. Forcément, tous ceux qui ont fait des Opens Cups ont compris le problème de la carte et ont déjà vécu tous les problèmes que cela engendre.

Pour permettre une bonne expérience joueur, tous ont approuvé la décision et heureusement, car j’appréhendais un peu les retours de la communauté.

Est-ce que tu vois dans un avenir proche ou lointain une professionnalisation du rôle d’admin ?

Je l’espère bien évidemment, ce serait un beau métier. Réussir à vendre une expertise d’admin serait très bénéfique. On gagne de l’expérience dans l’organisation d’événements, que ce soit dans l’administration de tournoi ou dans l’organisation en général et c’est, aujourd’hui, indispensable en LAN.

Un mauvais admin va automatiquement mettre en péril tout l’événement, pour les joueurs, l’ambiance et le bien-être de la compétition. J’espère voir une professionnalisation pour améliorer l’expérience de chacun.

Des admins professionnels c’est imaginable avec l’émergence de l’esport. Être un organisateur de tournoi, c’est quelque chose qui se fait déjà dans d’autres branches et avec des compétences très similaires.

L’esport reste néanmoins une pratique de niche créée par des bénévoles, des passionnés qui travaillent pour les joueurs. Cette tradition reste la plus grande part de l’activité en France, bien que ces bénévoles produisent un travail qui peut être totalement rémunéré pour les compétences et le temps que ça représente.

On fait des événements et on aime ça. Certains organisateurs en profite, en bien comme en mal, car les bénévoles permettent la création de tournois sans avoir des fonds colossaux.

Lorsque tout va bien, on ne vient pas vous jeter des fleurs, en revanche dès qu’il arrive quoi que ce soit, c’est sur vous que la charge retombe. Comment on gère des situations de crise lorsque l’on ne peut pas forcément répondre à toutes les questions des joueurs ?

Je dirais que c’est avant tout de la diplomatie. Il ne faut pas oublier que les joueurs payent leur entrée et que par conséquent, ils ont le droit de vouloir des réponses et des informations sur les difficultés que l’on rencontre.

Il faut que l’on soit le plus transparent possible que l’on fasse savoir si le problème est totalement indépendant de notre volonté.

Le plus important est de montrer les efforts que l’on peut faire. On essaye de faire remonter l’information, de contacter l’équipe réseau, faire savoir qu’on écoute le problème. Il faut que les joueurs comprennent que l’on fait notre maximum pour eux, même lorsque l’on échoue.

Tempérer le climat d’insatisfaction, ce n’est pas toujours possible, mais nous devons, en tant qu’admin, donner toutes les clés aux joueurs pour montrer que l’on cherche des réponses à leurs questions.

Dans des situations de tensions, on retrouve souvent les joueurs coincés à leur place, à attendre que la compétition reprenne d’une minute à l’autre. Cela doit être compliqué d’avoir 200 personnes en train de bouillir sur leur chaise pendant des heures et réussir à garder le contrôle sur la situation.

Il ne faut pas hésiter à faire de véritable pause lorsque l’on rencontre des problèmes. Il vaut mieux dire aux joueurs de prendre une pause et sortir, même sur une période plus longue que prévu. Le tournoi peut prendre du retard, la compétition peut être aménagée pour être sûr que les joueurs n’attendent pas pour rien.

Il vaut mieux avoir de la marge et être sûr de soi plutôt que promettre une reprise dès que possible qui ne viendra jamais comme les joueurs le veulent. Dans tous les cas, il y a de l’attente et ce n’est pas en les laissant sur place que les matchs vont reprendre plus vite.

Il faut que la communication soit impeccable dans des situations de ce type. L’information doit être la plus transparente possible et c’est un des avantages que l’on a pour la Gamers Assembly.

Notre équipe réseau est dédiée à l’événement et nous sommes en contact direct avec eux. Il y a deux ans, un joueur avait branché un switch sur le secteur qui provoquait des problèmes réseau. En moins d’une heure, le problème avait été localisé et réglé. Ils sont réactifs et s’assurent que le réseau soit toujours 100 % opérationnel.

Nous arrivons au bout de cette interview, tu as peut-être un dernier mot à ajouter pour conclure ?

Je m’éclate beaucoup dans l’organisation de LAN et d’événements de manière générale.

On se rend compte, d’une LAN à l’autre, des besoins d’améliorations qui existent. On cherche toujours à progresser et je pense que chaque LAN fait de toi un meilleur admin.

En prenant bien conscience de nos points forts et de nos points faibles, on fait notre part pour que l’événement soit meilleur à la prochaine édition. N’importe qui de motivé et de sérieux, prêt à travailler, peut devenir un admin.

On s’amuse beaucoup lors des événements, il y a une bonne ambiance, parce qu’on est prêt à se donner et à rusher lorsque c’est nécessaire. Le début de la LAN est le moment le plus difficile. Il y a beaucoup à faire et cela demande un bon coup d’adrénaline.

Il faut installer les joueurs, régler les derniers problèmes et il reste toujours des joueurs qui ne sont pas prêts au lancement de la LAN, mais cette année nous avons réussi à démarrer presque à l’heure avec seulement 45 minutes de retard.

Ce serait beau de n’avoir que 45 minutes dans toutes les LAN ! [Rires]

Oui ! Heureusement je m’organise beaucoup en amont pour être sûr que l’événement soit dans les temps et je vois que mon expérience me permet de bien gérer ce moment difficile. C’est d’ailleurs révélateur de l’expérience d’admin, la gestion du début de tournoi. Réussir à commencer à l’heure, c’est une preuve que l’on a compris tous les besoins pour faire marcher la LAN.

Merci beaucoup pour cet entretien ! On croise les doigts pour que le tournoi se déroule aussi bien l’année prochaine.

separateur rose esport insights

Vous avez désormais une vision beaucoup plus complète du travail abattu par les admins au sein de chaque LAN.

L’évolution du rôle d’admin va être au cœur de l’organisation des LAN dans les années à venir. Plus que des responsables pour les joueurs, les admins deviennent de véritables acteurs de l’organisation d’événements, expérimentés et compétents.

La diversité des tâches qu’ils couvrent permet à chacun de trouver sa place dans une équipe, de dépasser ses propres limites en s’appuyant sur les ressources de son voisin.

L’augmentation du nombre de jeux dans toutes les LAN pousse les admins à être de plus en plus polyvalents. Des tournois comme ceux sur Fortnite ou Hearthstone demandent de nouveaux moyens dans l’organisation et la logistique qui n’étaient jusqu’alors pas envisagés.

L’évolution de l’esport va probablement mener les admins à étendre leurs champs des possibles, en particulier en matière d’organisation et de décisions.

Le cas évoqué par Alexi concernant l’Archimage Elysiana n’est pas une singularité si rare dans l’esport. Les règles doivent toujours être renouvelées pour répondre aux changements des besoins.

Le travail des admins ne peut que croître pour permettre une meilleure expérience pour les joueurs.

N’hésitez pas à partager cet article ainsi que votre expérience des LAN ! Votre avis compte et nous permet de mieux comprendre l’esport au quotidien.

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