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Mar1on: « Les LAN nous donnent une atmosphère de travail avant et pendant, c’est pour ça qu’on progresse. »

Par Lenaic Leroy
LAN Françaises Joueur.euses

Si l’envie me prenait, ce sujet pourrait continuer aussi longtemps que les acteurs répondraient présents à l’appel. Il est temps de clôturer aujourd’hui cet état des lieux des LAN françaises en prenant l’avis de ces principaux acteurs : les joueurs·euses. Pour m’assurer du bien-fondé de cet exercice, il a été nécessaire de prospecter toute la scène française. Depuis le mois de septembre, j’ai approché toutes les scènes actives, les joueurs ainsi que les joueuses, en retenant trois points de vue uniques.

Mar1on, capitaine des eParadise Angels équipe internationale de Counter-Strike : Global Offensive, Shemek, membre de l’équipe Vitality Academy, ainsi que NSTY, joueuse de Counter-Strike, aussi présente depuis plusieurs mois sur la scène Fortnite française. Tous possèdent un profil très différent et une appréhension du phénomène qui leur est propre. Leur expérience de la scène peut être récente ou plus ancienne, mais chacun et chacune apporte avec son approche, une lecture différente des enjeux qui pèsent aujourd’hui sur l’environnement des LAN françaises.

Cet article est l’aboutissement d’un projet en quatre parties, la première était consacrée au point de vue des organisateurs avec Hugo Poiblanc. La deuxième s’intéressait à l’association France Esports avec la participation de son président Stephan Euthine. La troisième plus atypique donnait la parole à Mamytwink afin de comprendre le point de vue des influenceurs, leur implication dans les transformations des LAN. Aujourd’hui, place aux joueurs et joueuses, à celles et ceux qui sont indispensables à la réussite de l’événement, celles et ceux qui vibrent depuis plus de vingt ans d’une même passion pour le jeu vidéo compétitif, qu’ils.elles soient populaires, champions·nes de leur catégorie, en fin de carrière, amateurs·trices récemment professionnalisés ou en reconversion sur un nouveau titre.

En m’appuyant sur leur perception des changements, je veux aujourd’hui mettre en lumière une dernière fois l’évolution des LAN françaises. Il s’agit de voir où se situent les ruptures d’opinions avec les organisateurs et les instances fédératrices comme France Esports, mais aussi de voir ou est-ce que ces acteurs se rejoignent pour synthétiser la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

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Au commencement…

Il y a un début à tout. La première LAN est à l’origine du mythe qui entoure chaque légende. Hormis de rares cas de joueurs·euses ayant remporté leur toute première LAN, la plupart ont vécu cet instant en savourant une défaite qui n’avait rien d’amère. La première expérience, c’est celle de la découverte, une sensation qui est souvent empreinte de nostalgie pour ceux qui regardent derrière eux.

Ma première expérience de joueuse, c’était à Talence vers Bordeaux, à l’époque je devais avoir un peu plus d’un an d’expérience sur le jeu et j’avais 17-18 ans. C’était une LAN comme beaucoup d’autres à l’époque, en BYOC.  Je me rappelle m’être balancée une HE à la figure durant un match c’était vraiment pas glorieux. On avait fait un mauvais résultat, mais on s’était vraiment bien amusé malgré tout. Mar1on

Marion Mar1on Lopez

Durant les WESG, Mar1on capitaine des LEGO avait réussi avec son équipe à prendre la troisième place du podium féminin. Crédit : WESG

L’appétence pour la compétition est souvent issue d’une pratique qui remonte jusqu’à l’enfance. C’est le cas de Shemek qui avant de s’intéresser à l’esport pratiquait déjà des sports compétitifs. Ce n’est pas pour autant que la pratique compétitive est le premier aspect recherché, dans son cas c’est avant tout le plaisir de jouer qui a tracé sa route.

De la saison 1 à la fin de la saison 2, j’ai toujours joué à League of Legends en solo/duo sans jamais essayer de faire du compétitif. J’ai découvert qu’on pouvait faire du compétitif durant une DreamHack en Suède je crois. C’est parce que j’ai découvert un stream de League of Legends que j’ai eu envie de faire du compétitif. Ma première LAN, c’était détente avec des potes et j’ai adoré. Je viens de Pau et c’était une petite LAN locale (Azerty Party). Il devait y avoir 20 équipes en compétition, c’était la première fois que je quittais ma chambre, mais aussi la première fois qu’on me reconnaissait pour mon niveau. Shemek

Ma première expérience LAN était en 2008 il y a maintenant 10 ans ! Une petite LAN régionale, la PxL sur cs 1.6. C’était en équipe avec d’autres joueuses, l’ambiance était très sympa, c’était une structuration assez modeste où les joueurs pouvaient dormir sur place sous leur table, mais l’organisation était déjà bien préparée concernant les tournois. Cela m’a servi de première expérience et permis de voir les sensations très exaltantes de ce genre de compétition. NSTY

Vivre la compétition au quotidien, mais aussi durant la LAN est essentiel. Il s’agit d’entrer en harmonie avec un cadre, un environnement et de se sentir le bienvenu. Ces petites LAN de provinces qui ont parfois disparu, ont participé à la construction de cet environnement. C’est dans ces espaces que les champions d’aujourd’hui sont nés, qu’ils ont évolué au fil des compétitions. Aujourd’hui cependant, nous observons un changement, la disparition des LAN locales au profit d’événement massif, des salons qui offrent une tout autre expérience.

Une LAN pour quoi faire ?

La question peut paraître parfaitement banale et pourtant, à l’heure où tout est possible sur internet, pourquoi est-il nécessaire de se réunir dans une LAN ? Il existe de nombreuses compétitions online, offrant des expériences tout aussi riches qu’une LAN. Récemment, les Skirmish de Fortnite ont démontré qu’une compétition de très grande envergure pouvait procéder à une grande partie de ses matchs en online, ne proposant aux compétiteurs que de rares rencontres physiques.

Si l’évolution de l’esport sur Fortnite vous intéresse, vous pouvez trouver de nombreuses informations à ce sujet dans notre dernier entretien avec Fabien Bacquet et The Vic.

En France, les LAN sont très nombreuses et tous les joueurs s’accordent pour démontrer l’importance de celles-ci dans leur approche de la compétition.

C’est nécessaire de participer aux LANs pour rester au top dans le sens où c’est l’endroit où les équipes vont donner le meilleur d’elles-même lors des affrontements. Les tournois internet sont parfois pris plus légèrement, des équipes s’en servent même d’entraînements au lieu de vraies compétitions.

Les différences aussi entre les deux types de tournois sont les sensations décuplées d’adrénaline, la pression ressentie à chaque fin de rounds, on ressent mieux « l’effort compétitif » et les résultats sont aussi plus respectés pour des palmarès en LAN que sur internet. Notamment, car tout le monde est à la même enseigne, il n’y a pas de suspicions de triche, de programmes divers et des admins sont présents pour surveiller. Cela demande aussi plus de mental en LAN que sur internet pour faire face à toutes ces facettes. Il ne faut pas plier sous la pression des situations difficiles dans le jeu mais aussi face aux regards du public sur soi. NSTY

Le rôle des LAN est d’autant plus important pour la scène féminine. Aujourd’hui, être joueuse compétitive, c’est avoir accès à moins de compétitions que les hommes bien que celles-ci soient mixtes. Il s’agit d’un très long travail d’ouverture qui a commencé il y a plusieurs années et qui fait encore aujourd’hui son chemin. Je ne saurais que trop vous recommandez pour vous initier à la question le visionnage de la conférence « Esport et mixité » présentée en juillet 2018 par France Esports, Women In Games et Paris&Co.

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Mar1on et NSTY étaient présentes pour parler de leur expérience de joueuse. Parler des LAN suppose de parler de ce que l’on perçoit et dans l’échange avec Mar1on, un problème très clair a émergé : l’accès à la compétition pour les femmes.

On n’a pas comme les hommes de gros tournois online. Les LAN c’est notre seule possibilité de faire des performances face à d’autres équipes féminines. Les LAN nous donnent une atmosphère de travail avant et pendant, c’est ça qui fait qu’on progresse. C’est un problème parce qu’on n’en a pas assez. On a trop de période de vide et on ne s’entraîne pas pareil en ayant 5 mois avant la LAN ou un seul. Durant les périodes de vide, la progression est différente. Avoir des LAN plus régulières c’est important pour tirer le niveau vers le haut. Mar1on

Aujourd’hui, bien que la plupart de nos compétitions soient mixtes, on ne peut pas prétendre à une égalité. De même, lorsqu’il y a une possibilité de mettre en avant les femmes sur une scène intégralement féminine, les rouages principaux nécessaires au bon fonctionnement de la mécanique ne sont pas présents. Pour rendre la scène féminine plus attractive, il faut plus d’attention, plus de performance et pour cela plus d’argent, une ressource rare s’il n’y a pas de preuve d’attractivité. Vous l’aurez compris, c’est le serpent qui se mord la queue et aujourd’hui, les joueuses arrivent à des limites si elles ne possèdent pas un soutien plus marqué.

Au cœur du problème, la question de la visibilité et de l’influence

Que l’on parle d’un homme ou d’une femme, l’enjeu de la visibilité et de l’influence est réel. Aujourd’hui, être un.e joueur·euse professionnel.le indique qu’il faut être performant.e, visible et surtout populaire. La notion de communauté entre rapidement en compte dès qu’il faut parler d’investissement. Pour obtenir une structure, un sponsor, c’est très rapidement le compte twitter qui devient le principal argument de vente.

Petit à petit, des joueurs·euses de renom ont établi un lien avec des fans, construisant une identité autour de leur personnage. En devenant des influenceurs à leur échelle, ils ont acquis une certaine autorité dans leur sphère respective. Aujourd’hui, la croissance de la notoriété des compétiteurs.trices est insuffisante pour permettre à l’esport de subsister comme un ensemble indépendant. Il y a un véritable besoin de la part des organisateurs d’avoir à leur côté des sponsors et des influenceurs ayant des communautés beaucoup plus large pour rentrer dans les frais et permettre aux compétitions d’accueillir un nombre toujours plus grand de participants·tes.

La présence d’influenceurs au sein de compétitions n’est pas un frein, au contraire cela attire le public et ils ont le droit de participer comme n’importe quels autres joueurs. Qu’il y ait des showmatchs de temps en temps je trouve aussi cela intéressant pour le public mais pour moi cela ne devrait pas être en même temps que des phases compétitives. Soit dans des temps morts pour combler, soit en ouverture / fermeture de LANs. Faire des streams d’influenceurs en parallèle nuit à la visibilité sur le vrai côté compétitif des tournois. Pour ma part, je n’ai jamais eu à devoir favoriser l’image au côté compétitif, mais si j’avais eu le choix j’aurais forcément mis en priorité la compétition, car je ne suis pas influenceuse de base. NSTY

Le principal problème c’est que sans les influenceurs, c’est pas possible pour les organisateurs. Eux ils amènent leur fan base et certains d’entre eux regardent aussi la compétition. Après, la plupart d’entre eux, lorsqu’il faut choisir, viennent pour voir leur influenceur favori. Finalement, ils prennent le bon et apportent du bon. Leur présence permet de booster les audiences sur les streams et c’est une bonne chose. Du côté des organisateurs, il y a forcément un besoin de faire grossir le nombre de visiteurs pour l’événement. Au final, c’est toujours compliqué de faire en sorte que les deux groupes se retrouvent pour la compétition. Shemek

C’est sûrement à ce sujet que la plupart des difficultés se posent. D’un côté, les influenceurs sont une des ressources essentielles pour rendre un événement possible. De l’autre, ils sont aussi des raisons pour laquelle la scène esport française ne parvient pas à être totalement autonome. Quand bien même des joueurs créent des communautés, développent leur jeu et grimpent les échelons, ils possèdent toujours moins de légitimité que les influenceurs qui n’ont qu’un seul objectif : le divertissement.

Se pose rapidement un problème aujourd’hui sans réponse. Comment donner à la scène compétitive française les outils lui permettant de s’émanciper de ce système ? Les joueurs ont essayé d’être plus populaires, des élèves modèles sur les réseaux sociaux, mais le résultat reste très mitigé.

Actuellement, si on fait un stream sans influenceurs en France, on touche 2 000 viewers, en incluant des streamers, ont atteint rapidement 10 000 voir 20 000 viewers. C’est un problème cette différence de public. Lorsque je vois des tweets où les reproches concernent l’exposition des joueurs, on ne peut rien y faire. Si demain je fais une vidéo comme n’importe quel influenceur pour entretenir ma communauté, je vais juste être ridicule et cela ne changera rien pour personne. Pour raconter une histoire en LAN, il faut une organisation qui contrôle son évolution. Ce n’est pas vraiment au joueurs de créer cette histoire même si ils y participent. Une ligue pourrait nous aider à construire un projet nous offrant plus de visibilité comparé à ce que nous avons aujourd’hui. Shemek

Le point de vue de Shemek est interne au LoL Open Tour et son appel va directement en direction de Riot. La société possède les clés de la réussite pour le joueur et tant que rien ne sera fait pour dynamiser le lien entre les fans français et la ligue nationale, c’est une peine perdue de chercher à étendre l’influence de chacun à l’échelle individuelle.

Shemek LoL Open Tour

Shemek est le top laner de Vitality Academy et l’un des joueurs le plus en vue de la scène française. Crédit : Timo Verdeil

Le même type de raisonnement se retrouve à une échelle internationale pour Mar1on qui voit dans les périclitations de la scène féminine un manque d’investissement pour raconter l’histoire des joueuses, un vide qui doit être comblé par les structures en ayant les moyens.

J’aimerais vraiment être dans un univers offrant un brand content autour de l’équipe, d’avoir la possibilité de faire plus de compétitions mixte avec un coach, un entraînement suivi. Si on pouvait pouvoir se mesurer au subtop ce serait déjà un début pour l’équipe. Le jour ou une équipe féminine parviendra à sortir du lot en battant une équipe mixte significative, je pense qu’il y aura vraiment un changement. Pour combler l’écart de niveau il faut beaucoup de sérieux, de travail. Aujourd’hui peu d’équipes non rémunérées peuvent prétendre avoir le temps nécessaire à cela tout en ayant accès aux moyens techniques, aux bootcamps. Les équipes à pleins temps qui aujourd’hui en sont capables ne le font pas. Les joueuses qui ne sont pas rémunérées ont souvent des activités professionnelles à plein temps et doivent s’adapter avec pour progresser. Je ne pense que ce sont elles qui vont devoir prendre des congés pour un bootcamp pendant que d’autres sont payées pour le faire. Mar1on

La plupart des structures restent malgré tout frileuses à l’idée du risque. Il est donc du devoir des joueurs de continuer à évoluer, à prouver leur valeur coûte que coûte. C’est une bataille sur deux fronts qui aujourd’hui pèse sur la scène française, celle pour la performance d’un côté, de l’autre celle pour l’audience. Émerge de cette atmosphère des pratiques qui hier n’était pas acceptées ou qui n’étaient pas même envisagées. Le streaming des joueurs professionnels est devenu un b.a.-ba en dehors des compétitions. L’apparition de joueurs influenceurs dans les rencontres a amener à revoir cette pratique et à l’intégrer dans le temps même de la compétition . C’est le cas de Solary qui est une équipe de streamers avant d’être une équipe de compétiteurs. Leur pratique vise avant tout à plaire à un public précis et la performance est une modalité pour motiver ce public, elle n’est plus la seule visée des joueurs.

Si nous avions des influenceurs prêt à host la compétition sur leur stream, bien sûr que le nombre de viewers viendrait à exploser. Aujourd’hui les influenceurs sont plus proches du divertissement que de la compétition et ils préfèrent stream pour eux avant tout ce qui est compréhensible. Demain si les influenceurs et les organisateurs arrivent à un compromis, on devrait pouvoir amélioré les questions de visibilité. Shemek

Stéphan Euthine en faisait un argument, les joueurs aussi. Est-ce que les streams durant la compétition sont ils véritablement bénéfiques ? La plupart du temps non puisque ces streams ne viennent pas alimenter le flux de la compétition, ils sont généralement issus d’une personne pour sa seule communauté. Dès lors, quelles sont les possibilités ? Les joueurs en appellent aux organisateurs pour agir, pour encadrer ces pratiques et inviter les influenceurs à porter la compétition avant de porter leur propre expérience. En d’autres termes, les LAN de demain vont devoir définir l’encadrement des influenceurs avec plus d’attention si elles veulent faire de leur événement une référence de la compétition ou un salon gaming.

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Un format 100 % esport ?

La question d’un nouveau format se pose. Les LAN d’hier étaient entièrement dédiées à la compétition. Aujourd’hui, nous avons mis beaucoup d’eau dans notre vin. Le changement connaît un accueil très mitigé et nous voyons déjà les retours suite à ces transformations. Peut-on imaginer des compétitions 100 % tournées vers l’esport dans le futur ? C’est ce que l’on retrouve déjà dans les ligues organisées par les éditeurs comme Blizzard ou Riot. Les LCS ou l’Overwatch League permettent à des équipes d’émerger dans un environnement dédié à la compétition. Quel avantage à ce système ? Presque tout hormis le coup et le risque important de ne pas parvenir à faire venir les fans jusqu’aux joueurs.

Ce serait vraiment super comme idée. Le problème après c’est de savoir si les gens seront au rendez-vous. En tant que joueur pro, je me doute que des gens me suivent, mais lorsque je vois les gens en LAN derrière les barrières, j’ai des doutes sur le fait qu’ils soient là pour moi. Je ne pense pas être assez connu pour que des gens viennent s’intéresser à moi en particulier. Des gens comme Domingo, on se doute que si des gens le regardent c’est parce qu’ils veulent le voir. Moi à la limite, parce que j’ai le logo Vitality je me retrouve avec les fans de Gotaga à devoir expliquer qu’il n’est pas avec nous. Parfois on entend dire que nous ne sommes pas vraiment accessibles. Riot essaye de nous mettre en avant, mais il est trop tard je pense. Shemek

Fondamentalement je suis d’accord. La plupart de ces organisations sont cependant ici d’entité avec de gros moyens. Je ne pense pas qu’en France aujourd’hui on a la possibilité de créer des événements de ce type. Même la DH Tours c’est un petit tournoi entre français, c’est une ambiance détendue et très peu compétitive. Je pense vraiment que le compétitif ne doit pas avoir de stream comme on voit actuellement ou de salons trop envahissants. Après je comprend que pour les organisateurs, c’est obligatoire pour permettre de faire venir du monde et boucler le budget. Mar1on

Dans une logique de professionnalisation du circuit français, ce modèle peut être une solution aux différents problèmes évoqués précédemment. En revanche, pour ce qui touche au circuit purement amateur, c’est probablement plus difficile de se séparer des LAN. Par leur grande accessibilité, les LAN sont des espaces de premier choix pour découvrir la compétition. Les enjeux restent faibles, les compétiteurs accessibles et l’ambiance détendue avec l’apparition des salons et des espaces découvertes.

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L’équipe 3DMAX dont faisait partie NSTY a remporté le tournoi féminin de l’ESWC tenu au plus grand salon du jeu vidéo, la Paris Games Week. Crédit : ESWC

Cette question est délicate, je pense que si l’on restreint à un lieu unique il y aura forcément moins de places, donc plus de sélections et moins de tournois à l’année potentiellement. Les LAN doivent permettre à des équipes de tous niveaux de se perfectionner et d’avoir cette chance de monter sur le podium. En France, selon les tournois, cela se fait par qualifications ou inscriptions et je trouve ça intéressant de continuer sur ce système. Nous sommes un des pays qui proposent le plus de ce type d’évènements comparé à l’Europe ou même les Etats-Unis et je trouve que c’est une chance inouïe. Du coup oui en proposant des LAN toutes formatées sur un même lieu, système, organisation cela serait plus pratique, mais je ne trouve pas cela plus compétitif que ce qui est mis en place actuellement. NSTY

Petit à petit je me rends compte que les LAN atteignent peut-être leur limite pour encadrer des compétitions de plus en plus professionnelles. En revanche, elles restent sûrement essentielles dans notre environnement pour accueillir de nouveaux talents et les aider à évoluer vers un statut professionnel, ou simplement leur permettre de vivre leur passion de compétiteurs. L’ouverture des LAN au plus grand nombre reste un phénomène pour moi logique, après une longue période ou l’intégration n’était pas le fort de l’esport. Pour être admis parmi les élus, il fallait prouver sa valeur et on retrouve cette idée-là au sein des équipes les plus compétitives. En revanche, l’esport est beaucoup plus accessible qu’auparavant. Au cœur de cette dynamique d’ouverture, des jeux entièrement consacrés à la pratique comme League of Legends, alors que Dota n’était qu’un mode de Warcraft III.

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Les ligues c’est bien, avec le maillot c’est mieux.

Persiste encore la question de la visibilité même si aujourd’hui, l’idée de ligue est totalement hypothétique. Le cas le plus proche de l’idée de ligue reste le LoL Open Tour. Dans le cas hypothétique où l’édition 2019 est similaire aux LCS avec un espace dédié à la compétition, comment rendre l’événement assez attractif pour faire venir les fans des quatre coins de la France ? Une idée est assez régulièrement revenue à mes oreilles ces derniers temps, en particulier suite aux différents débats sur l’entrée de l’esport aux Jeux Olympiques. La question d’une ligue nationale et pourquoi pas d’une équipe sacrée championne de France pourrait en effet être une solution viable.

C’est un peu ce qu’on avait en LAN françaises pour Counter-Strike 1.6. On obtenait des points pour grimper jusqu’à la coupe de France qui menait à la coupe du monde. Ce n’est plus possible aujourd’hui en France on n’a plus assez de joueuses. On avait 8 ou 10 équipes françaises féminines. On avait je pense 6 LAN suivies de master ou coupe de France. En revanche pour les hommes je ne vois pas pourquoi ce n’est pas en place, ils sont assez nombreux et le système peut fonctionner. L’année dernière, il avait été question d’une compétition féminine sur 4 LAN avec 16 équipes. Le système de point permettait aux 8 premières d’aller à un événement majeur pour définir la championne. Le projet a été avorté je pense que l’organisation n’avait aucune idée du coût. Chez les femmes, on a toujours maximum 8 équipes, chez les hommes on atteint facilement 16. Un événement de ce type, cela aurait été une occasion de voir de nouvelles équipes qui ne passent habituellement pas les qualifs, de gagner en expérience dans un gros événement. 

Fondamentalement que ce soit en France ou ailleurs je m’en fiche, je veux juste que l’on nous propose plus de tournois. Mar1on

Des ligues permettant à une équipe de ressortir avec la gloire d’être championne. C’était l’idée qui clôturait l’interview de Stéphan Euthine. La notion de cashprize et les enjeux qui sont autour pourraient aussi être en cause. Peut-on s’attendre à voir des équipes se professionnaliser, porter un maillot d’équipe de France et évoluer vers une autre façon d’aborder l’esport sous un prisme purement sportif ? Je m’égare ici du sujet principal, mais il sera bon à l’avenir de méditer sur ces questions.

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Durant la phase qualificative de l’Overwatch World Cup, les joueurs de l’équipe de France on fait vibré plus que les seuls fan d’Overwatch en se qualifiant au huitième de finale. Crédit: Timo Verdeil

La possibilité d’une ligue nationale reste néanmoins un sujet qui traverse les esprits. Vu par le passé, repris aujourd’hui par Riot pour le LoL Open Tour, il ne faut presque rien pour que l’on en parle sérieusement.

Je ne vois pas trop comment faire à part un système de ligue, après tout c’est efficace en Espagne. Je trouve que le concept est bon et il avait été évoqué avant la création du LoL Open Tour. Je pense que l’on peut aller plus loin avec ce modèle. J’aurais aimer voir la finale des EU Master sur le stream Riot Games pour aider cette scène à avoir plus d’impact. Dans un événement uniquement dédié à la compétition on saurait que les gens viennent pour nous il y aurait pas de doute. Aujourd’hui il y a cette confusion et on ne peut pas vraiment faire grand-chose. C’est super perturbant d’être une sorte d’activité annexe à côté des influenceurs alors que les LAN sont dédiées à la compétition de base. Shemek

Pour permettre à cette possibilité de voir le jour, il sera important d’étudier plus attentivement les pratiques courantes dans le sport traditionnel. En permettant à des joueurs·euses de porter des valeurs différentes que l’argent, nous pourrions leur donner une visibilité beaucoup plus grande que celle d’un simple compte twitter. C’est à travers leurs performances que les joueurs·euses parviennent à exprimer leur passion, pas à travers un nombre de followers ou le total qui peut être amassé durant une compétition.

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Quel constat pour les LAN françaises ?

Il est difficile de donner un ensemble homogène de joueurs·euses et pourtant cet article a essayé d’être le plus large possible dans l’approche du phénomène. Évidemment beaucoup de questions sont soulevées et je ne suis malheureusement pas celui qui apportera toutes les réponses. Cependant, un regard plus averti vaudra toujours plus le jour ou ce débat sera au programme. D’ailleurs celui-ci est déjà en cours et il est important que nous en fassions partie. Nous ne pourrons pas prétendre avoir lutté pour nos ambitions d’aujourd’hui si nous agissons demain. L’esport évolue rapidement, mais pas assez pour changer du jour au lendemain. Les joueurs ont des attentes, des besoins et bien qu’ils se donnent à leur maximum, ils ont besoin de plus pour atteindre leurs ambitions.

Hommes ou femmes, sur League of Legends, Counter-Strike, Fortnite, Starcraft ou Street Fighter, tous ont atteint l’impossible en devenant professionnels·elles. Ils sont devenus le rêve d’enfant dans un monde bien réel et chaque jour, c’est un combat intense pour continuer à réaliser cet impossible. Il ne faut pas se méprendre, il y a de très nombreux challenges sur la route et ils ne sont pas destinés à une seule personne. Il s’agit d’un travail d’équipe, nous connaissons bien cette idée, nous la fréquentons même tous les jours, pourtant nous avons toujours du mal à la mettre en place. Les organisateurs, les instances, les joueurs.euses et influenceurs.euses, tous participent à leur manière à l’évolution de l’esport et apportent leur pierre à l’édifice.

La communauté de passionnés ne cesse de croître, formant une agrégation de demandes, d’ambitions que nous n’aurions jamais imaginé par le passé. Nous voulons répondre à tous, nous ne voulons rejeter personne et nous voulons par-dessus tout voir la réussite de cet édifice encore si fragile. Les LAN françaises ont déjà fait le plus dur. Nous pouvons encore faire du chemin ensemble et c’est de notre devoir de le faire en ouvrant toujours de nouvelles possibilités aux horizons. Les LAN françaises sont un modèle unique, actuellement porteuses de talents à l’internationale, elles le seront probablement encore à l’avenir. Aujourd’hui, ces mêmes LAN peuvent être au cœur de la réussite en matière de mixité, d’égalité, d’intégration, d’accompagnement, d’ouverture à l’autre. Je place énormément d’attentes sur l’environnement français et j’espère ne pas être trop irréaliste. Cependant, il me semble essentiel que nos LAN parviennent à relever ce défi pour rester un lieu d’échange et d’unité pour une communauté qui cherche encore ses racines.

Je remercie tout particulièrement Mar1on, Shemek et NSTY pour leur participation et leurs témoignages précieux, sans lesquels je n’aurais jamais réussi à terminer cette série d’articles. J’en profite également pour remercier une nouvelle fois Hugo Poiblanc,Stéphan Euthine et Mamytwink, tous ayant participé à la réalisation de l’état des lieux des LAN françaises, je leur en serais toujours redevable. Je vous invite à suivre toutes ces personnes passionnantes sur leurs réseaux sociaux respectifs pour en apprendre davantage sur leurs activités futures.

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