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État des lieux des LAN françaises – La place des influenceurs parmi les joueurs pour Mamytwink

Par Lenaic Leroy
LAN Mamytwink

Le sujet est beaucoup revenu dans nos deux premières interviews. Il est désormais temps pour moi de vous parler des influenceurs et de la place que ceux-ci ont obtenue ces dernières années dans les LAN françaises. Aujourd’hui, l’invité de notre suite d’article n’est autre qu’un des vidéastes français les plus prolifiques : Mamytwink.

Nous avons appris à connaître ce jeune messin au travers de vidéo gaming en particulier sur Hearthstone, le TCG de Blizzard. Depuis maintenant deux ans, ce sont les vidéos d’explorations, de mises en situation historiques qui dominent. Pourtant, j’ai rencontré Mamytwink lors de l’ESWC Metz, événement durant lequel il a été invité pour participer au Samsung Fortnite Battle. Ce Show Match réunissait de nombreux influenceurs, souvent joueurs, mais dans le groupe, Mamytwink était le seul à ne pas être un joueur compétitif ou amateur de Fortnite.

Que ce soit lors de l’interview de Hugo Poiblanc sur le rôle des organisateurs ou celle de Stéphan Euthine pour France Esports, l’avis sur l’évolution des LAN françaises était assez univoque. La démocratisation de l’esport à un plus grand public a entraîné la mise en scène de joueurs au-delà du modèle compétitif. L’apparition des influenceurs au sein de l’événement a remodelé l’espace alloué pour permettre à un salon de se développer en aparté de la compétition. Cette évolution a eu un effet majeur sur la croissance des LAN, le nombre de visiteurs étant multiplié par la diversité du contenu proposé. La seconde conséquence, c’est le recul vis-à-vis d’un modèle de LAN où le joueur compétitif était au cœur de l’expérience, aujourd’hui mis parfois au même plan que le spectacle.

Pour bien saisir l’importance de ce phénomène, j’ai pensé essentiel d’avoir la parole d’une personne qui soit directement concernée par la question. Mamytwink était pour moi un très bon choix de par son expérience et sa connaissance du milieu. De plus, l’arrêt de la production de son contenu gaming est un autre point qui rend son interview unique. Malgré son retrait, il est encore aujourd’hui un invité de choix pour servir d’ambassadeur auprès d’un public néophyte. Aussi contradictoire que puissent sembler certains choix des organisateurs, une figure aussi populaire que Mamytwink, au sein de sa ville natale, est un atout pour assurer le succès médiatique de l’événement.

Stéphan Euthine nous faisait part de son inquiétude concernant ce modèle peut-être trop spectaculaire de l’esport, Mamytwink nous interpelle sur l’importance d’apporter l’esport au plus grand nombre, quand bien même le phénomène supplante au compétitif. Il ne saurait y avoir de grand événement sans public, aujourd’hui c’est la mission des influenceurs d’assurer la venue de leur communauté quand bien même ils ne sont pas en lien avec l’esport.

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Pour commencer, j’aimerais en savoir un peu plus sur ton rapport avec le milieu compétitif. Est-ce que tu as déjà participé à une LAN par le passé ?

Je n’ai jamais fait de compétitif. J’ai participé majoritairement depuis les 10 dernières années à des conventions, surtout lorsque je proposais des vidéos gaming sur Youtube. C’était plutôt pour le fun, lors de petit show match avant d’être compétitif. C’est dans ce cadre là que j’ai découvert les événements gaming et les LAN. J’ai bien fait des LAN entre potes à la maison, mais jamais dans un aspect purement compétitif.

Pour le cas de l’ESWC Metz, c’est avant tout du fait que je suis messin. J’ai développé mes sites et ma chaîne Youtube ici à Metz, la ville faisant énormément pour le développement du numérique et du jeu vidéo, je voulais participer pour montrer mon soutien et ma fierté plus que pour mes grandes capacités de gamer.

De qui est venue l’initiative ? Les organisateurs sont venus à ta rencontre pour te proposer la prestation ?

Il faut savoir que j’ai été au courant dès le début du projet de l’ESWC Metz. J’ai installé ma société dans une pépinière d’entreprise spécialisée, Blida. J’y suis depuis août 2014 et ce tiers lieu de création réuni à la fois des entreprises et des artistes. Il a fait énormément pour encourager le secteur du numérique et du jeu vidéo. Lorsque je suis arrivé en 2014 mes sites webs et ma chaîne Youtube étaient dédiés au gaming. Tu peux imaginer qu’à l’époque, c’était pas grand-chose et pour les pouvoirs publics, c’était difficile de comprendre qu’il pouvait y avoir tout un modèle économique qui permettait d’en vivre.

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Le fait d’avoir eu par le biais de la ville de Metz un espace où nous avons pu faire des enregistrements vidéo, des bureaux pour le site web, c’était un grand pas dans la structuration de la société. On retrouve désormais le gaming seulement sur nos sites web. Je pense que j’ai été présent à un tournant, lorsque la ville de Metz a porté attention au secteur. En plus de moi, il y a d’autres entrepreneurs, des créateurs du gaming qui se sont installés, des entreprises de l’événementiel et des développeurs. Quand la question a été posée d’accueillir l’ESWC à Metz, on en a parlé rapidement parmi nous.

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Installé en 2015 dans les locaux de Blida, la société Mamytwink a développé son activité dans la localité de Metz. Crédit : Mamytwink

C’était assez évident pour moi de vouloir participer au projet et de représenter un peu la ville de Metz. Je ne suis pas un joueur de Fortnite et encore moins connu pour ça. La plupart des gens étaient stupéfaits de me voir participer, mais je tenais vraiment à représenter la ville, à montrer mon soutien à ceux qui se sont bougés pour le rendre possible, faire venir autant de passionnés dans notre ville.

C’est marrant de voir émerger ce besoin de représenter sa localité alors que jusqu’ici, cette dimension était négligée. Ta démarche est vraiment importante et permet de mettre en évidence le besoin d’accéder à des événements de proximité.

En effet, mon but avant tout c’était d’être présent d’une façon ou d’une autre. Il y a énormément d’abonnés de ma chaîne qui savent que je vis à Metz. J’aurais trouvé bizarre d’avoir un événement dans ma ville sans que j’y sois. Même si le gaming n’est plus aussi présent en particulier sur Youtube, cela fait quand même partie de mon historique et de ce qui m’a permis d’en arriver là. De plus, c’était un show match sur Fortnite et sur mobile, ce n’est pas comme sur PC ou je n’aurais eu aucune chance contre les autres joueurs compétitifs. Les niveaux étaient plus équilibrés et cela m’a tout de suite branché.

Comment expliquer qu’un non-esportif puisse être un des personnages principaux d’une LAN parfois aux dépens des compétiteurs ?

Je pense que c’est une bonne chose et un bon moyen pour faire venir du monde, en particulier des jeunes. Il faut le voir comme une pause dans une journée dédiée à la compétition. Pour se détendre, mais aussi pour ceux qui ne connaissent pas trop Fortnite, c’est un moyen pour les accompagnateurs et les novices de découvrir. Pour les grands fans, c’est une occasion de voir leur idole, souvent suivie en stream, mais cette fois face à eux. C’est indispensable qu’il existe ce genre de petit événement dans l’événement, c’est une touche supplémentaire qui offre un autre angle de vue sur le gaming. Le compétitif c’est une branche du jeu vidéo, il y a tout un aspect détente lorsque l’on joue au jeu vidéo et il ne faut pas totalement le perdre de vue.

Tu me rappelles la discussion que j’avais avec Stéphan Euthine pour France Esports. Il évoquait la perte de proximité, la chaleur qui existait entre les participants suite à l’instauration d’une pratique professionnelle. Est-ce qu’il est possible d’envisager dans cette scène moins compétitive la reprise d’une pratique plus humaine qui met en avant l’individu avant de valoriser la performance ?

Je pense que les visiteurs viennent selon les affinités de chacun. Il y a forcément une portion qui vient uniquement pour la compétition, voir des joueurs s’affronter. D’autres viennent simplement pour se rencontrer, pour partager leur passion, mais aussi pour retrouver les streamers qu’ils voient au quotidien dans leurs écrans. La proposition du show match, avoir la possibilité de voir le joueur sur scène, c’est une expérience où il y a un partage d’émotion, le simple fait de crier, être heureux c’est important. Des joueurs comme ceux qui font les show match, c’est simplement des personnes qui ont décidé de diffuser leur partie et qui ont rencontré le succès. Dans ce moment-là, ce sont des joueurs qui rencontrent d’autres joueurs et qui partagent leur passion.

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La Blizzcon a été la première vidéo de Mamytwink offrant à la fois un contenu d’exploration et de gaming. Crédit : Mamytwink

Pour cette série d’articles, j’ai rencontré Hugo Poiblanc de la Lyon e-Sport puis Stéphan Euthine, président de France Esports. Pour eux, la place des influenceurs à très fortement transformé le rapport à la LAN, pour Stéphan il va même jusqu’à parler d’un modèle qui je cite : « dénigres complètement les esportifs par rapport à leurs résultats, désormais on ne les suit plus au profit des influenceurs qui proposent un show. » Comment est-ce que tu perçois le phénomène ?

Je pense que c’est une bonne chose le show match avec les têtes d’affiche. C’est vraiment un moyen de drainer du monde. Je parle en particulier de Gotaga et de son équipe qui font venir beaucoup de visiteurs. L’événement n’atteindrait jamais cette population sans sa présence. Parmi tous ceux qui vont venir le voir, il y a une partie d’entre eux qui découvrira les tournois et qui rejoindra le public. Je ne pense pas qu’il faille opposer ces deux formats, je ne suis pas spécialiste, mais les tournois qui étaient présents à l’ESWC Metz n’étaient pas de très gros tournois. Il y a récemment eu la coupe du monde d’Overwatch, bien évidemment qu’en allant à ce type d’événement, tu ne viens que pour voir la compétition. L’ESWC Metz, c’est un événement esportif mais c’est avant toute chose un événement de gaming pour des passionnés. Il ne faut pas le renfermer au compétitif et éliminer tout ce qui n’en fait pas partie. C’est important d’avoir une ouverture avec les shows matchs pour permettre à tout le monde de trouver son compte.

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Durant un événement comme l’ESWC, tu possèdes évidemment un planning chargé entre les temps de jeu et de rencontre avec les fans. Comment est-ce que tu perçois cette organisation ?

Je n’ai pas vraiment de problème à ce sujet. J’ai toujours réussi à avoir du recul par rapport à ma situation et je pense être le même que j’étais en commençant il y a 8 ans. Je suis toujours très content d’avoir la possibilité de rencontrer mes fans et je les considère comme n’importe quelle personne durant les événements. Je sais que certains viennent uniquement à l’événement pour me voir, prendre une photo. Il n’existe pas de barrière avec les gens durant l’événement et si l’organisateur va reprendre ma photo pour communiquer l’événement, je comprends c’est le jeu. Je participe énormément aux événements et conventions, j’étais très content de le voir à Metz et si mon image à la capacité de faire venir plus de monde, j’en suis très heureux.

Tu proposais du contenu gaming dans tes vidéos, aujourd’hui cet aspect a quasiment disparu des vidéos que tu produis. Tu étais présent au Games Tours Festival 2017 pour cast la finale, tu referais l’expérience dans une autre ville que Metz ?

Si il y avait un événement de ce type à Paris, je ne pense pas que je le ferais, il s’agit vraiment pour moi d’agir en tant qu’acteur local. À Tours, il avait été convenu des mois à l’avance que l’on serait présent et entre le moment des discussions et la date clé, notre investissement dans le gaming avait déjà changé. On avait prévu plusieurs séances de dédicace, des rencontres et déjà à l’époque on a ressenti qu’on était en pleine phase de transition.

Tu proposes assez régulièrement des performances devant un public plus proche de ce que tu produis au quotidien, sur l’histoire entre autres, qu’elles différences sont notables d’un public à l’autre ?

C’est marrant parce que lorsque l’on rencontre nos abonnés, je ne perçois aucune différence. Il y a eu des changements certes lorsque l’on rencontre dans un restaurant un serveur de 50 ans qui est fans de notre chaîne, c’était vraiment rare lorsqu’il s’agissait de gaming. Il y a eu dans nos statistiques des changements, un vieillissement de notre communauté avec la transition vers les urbex et le contenu historique. La communauté a vieilli, mais dans les rencontres rien n’a changé. Il y a toujours des surprises et parfois certaines personnes dont on ne se serait pas douté nous suivent. Dans l’échange que l’on a avec nos abonnés, il n’y a rien de nouveau, mais on rencontre cependant beaucoup plus d’abonnés qu’à nos débuts.

Mamytwink exploration

Mamytwink propose depuis 2016 des explorations ou urbex avec une approche historique du contenu.

J’en ai fini avec mes questions, tu aurais quelque chose à ajouter, peut-être un dernier éclairage sur votre transition du gaming à vos projets actuels ?

Je pense que pour nous, la boucle est bouclée. J’ai commencé la chaîne en 2010 en parlant de World of Warcraft, de Hearthstone. J’ai toujours voulu faire des vidéos pour partager ma passion et je ne voyais pas pourquoi ne pas en faire sur mes explorations. C’est venu assez naturellement alors que je faisais déjà plusieurs explorations avec des amis. Cette première exploration ne devait être qu’un hors-série. Elle nous a beaucoup plus, hormis la blague du faux cadavre que mon pote m’a fait. Face à l’engouement de la communauté pour le reportage, on a décidé de continuer pour pouvoir parler à notre façon de l’histoire. Progressivement on a continué à en faire, en axant de plus en plus notre contenu sur l’histoire. Les abonnés nous ont toujours suivis et petit à petit on a concentré notre travail sur ça. C’est une transition plus ou moins douce avec une première vidéo en début 2016 et un arrêt du gaming en début 2018. J’ai eu cette sensation d’accomplissement, car je n’ai plus le temps de jouer à des jeux vidéo. Je ne jouais que pour préparer les tournages et je ne voulais vraiment pas me forcer. C’est un peu comme ça que c’est terminé notre approche gaming sur Youtube et notre lien reste fort avec les sites webs. Beaucoup d’abonnés n’ont sûrement pas conscience que nous avons ce lien avec les sites. Je suis vraiment heureux d’avoir fait ces vidéos gaming pendant des années et je suis d’autant plus content d’en avoir fini et de pouvoir avec François et Julien pouvoir continuer à être aussi épanoui dans ce qu’on fait.

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Vous l’aurez compris, Mamytwink est un acteur passif de l’implantation de l’esport en France. Par la démocratisation des pratiques de jeu, il offre un accès privilégié aux joueurs qui découvrent des titres comme Hearthstone. C’est par la voie du ludisme que se retrouve le compétitif, entre autres lors de vidéo comme les Batailles de portails qui ont rendu si célèbre le duo Mamytwink et Zecharia.

Aussi anodine que puisse paraître cette pratique, elle est au centre de la démocratisation de notre pratique compétitive. Aujourd’hui, les événements ne savent plus se passer d’influenceurs comme Mamytwink pour assurer un show sur scène en complément de la LAN. Il s’agit d’encadrer une nouvelle masse de population, dans des âges plus divers que par le passé, qui n’est pas toujours spécialisée dans le jeu compétitif. Les amateurs d’esports connaissent le jeu vidéo, ils apprécient la compétition, mais ils ont besoin d’accéder à cet univers par un moyen ou un autre.

Stéphan Euthine le disait dans notre échange: « Il y avait auparavant une notion de réussite parfois élitiste, une fois entrée dans une communauté il y avait une satisfaction que l’on voulait partager. »

Aujourd’hui, le phénomène intrigue et invite de plus en plus de personnes à participer et l’élitisme des premières heures a été remplacé par l’ouverture au plus grand nombre. Jamais les acteurs n’auraient imaginé avoir des LAN ayant plus de 10 000 parfois 20 000 visiteurs dans des villes comme Metz, Lyon, Valencienne ou Tours. Pourtant, l’évolution de la demande a été très fortement influencée par le streaming. Les LAN ne sont plus un seul espace de jeu, c’est aussi un lieu de rencontre pour les visiteurs, les acteurs. Hier encore, les joueurs se retrouvaient entre eux, dans un cadre communautaire, aujourd’hui ce sont les communautés de spectateurs, d’amateurs qui parviennent à se réunir autour d’influenceurs lors des événements.

La présence des influenceurs au sein des LAN françaises est cruciale pour attirer le public le moins acquis à l’esport, mais ils sont aussi importants pour apporter une dimension sociale et humaine à l’événement. En permettant à chacun d’échanger et de partager sa passion pour l’esport, les influenceurs prennent le rôle de médiateurs dans un contexte de transition entre un milieu d’expert, et celui des curieux qui s’intéressent au phénomène sans pour autant s’imprégner de toute sa teneur.

Je tiens à remercier Mamytwink pour cet échange instructif. Son regard sur les LAN permet de prendre du recul sur notre environnement et sur les pratiques qui définissent notre vision de l’esport. Cette approche ne doit pas être négligée pour rester lucide sur les décisions qui bâtissent l’esport de demain.

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