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État des lieux des LAN françaises – Hugo Poiblanc organisateur de la Lyon e-Sport

Par Lenaic Leroy
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L’article qui suit intègre un projet bien plus large, qui comprendra dans les semaines à venir une suite d’articles consacrés à la situation actuelle des LAN françaises. L’interview de Hugo Poiblanc, directeur de la communication de la Lyon e-Sport, est la première d’un édifice qui a déjà plusieurs mois de réflexion. C’est aujourd’hui avec l’aide de plusieurs acteurs que je peux prétendre à sa mise en œuvre, un état des lieux de nos LAN françaises après une année 2018 pleine de rebondissements.

Un état des lieux des LAN françaises, pourquoi ?

C’est un projet ambitieux qui a fait ses premiers pas au début de l’année 2018. J’étais à la Lyon e-Sport pour faire le suivi de l’événement lorsque des problèmes techniques sont survenus, mettant en danger les compétitions, l’équipe organisatrice et l’édition dans son intégrité. Face aux difficultés, des réactions très nombreuses que ce soit du côté du staff, des joueurs ou des visiteurs. Dans l’ensemble, un mécontentement sur des questions techniques, mais très peu de réponses permettant de savoir si oui ou non, la Lyon e-Sport se terminerait sous les meilleurs auspices.

Aujourd’hui nous connaissons le fin mot de l’histoire et depuis, l’eau a coulée sous les ponts. Pour moi, cette expérience a créé un besoin, principalement de savoir quels sont les enjeux qui pèsent aujourd’hui sur les LAN françaises. Le modèle des LAN a évolué avec la croissance du public, des scènes compétitives, des organisateurs, mais aussi des sponsors. L’argent est le nerf de la guerre et les événements devenus colossaux injectent des sommes toujours plus importantes pour satisfaire toutes les parties prenantes au projet.

Pour comprendre quelles évolutions éprouvent les LAN, il a été nécessaire de croiser de nombreux chemins pour arriver à des conclusions intelligibles. Je suis allé à la rencontre de différents partis, des visages bien connus du paysage français, afin de recueillir leur témoignage sur la situation actuelle des LAN françaises. Mon objectif est bien de faire le croquis d’une peinture pittoresque dont nous sommes les sujets. Visiteurs, joueurs, organisateurs et collaborateurs, tous viennent apporter la touche nécessaire pour compléter ce portrait alors que la saison 2018 touche bientôt à sa fin.

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Organiser une LAN comme la Lyon e-Sport, un challenge de chaque instant

Pour commencer mon périple, je me suis adressé à Hugo Poiblanc, directeur de la communication pour la Lyon e-Sport. Quoi de plus normal après tout, l’aventure ayant commencé pour moi durant la dernière édition de l’événement. Hugo Poiblanc a rejoint l’association Lyon e-Sport depuis 2014, d’abord comme bénévole dans le marketing. Depuis son parcours a été enrichi par l’expérience acquise et il est aujourd’hui un des responsables de l’association. En lien direct avec les partenaires de la Lyon e-Sport, il est au cœur de la réussite de l’événement.

Lyon e-Sport 2018

La Lyon e-Sport, date incontournable du paysage français est née en 2011 d’une petite association du même nom. Une LAN qui a acquis ses lettres de noblesse sur League of Legends, elle est aujourd’hui un pilier du LoL Open Tour. Malgré un succès irréfutable, la LAN cherche de nouveaux horizons. Elle s’est engagée récemment dans des formats qui demandent des investissements supplémentaires, un risque à prendre pour toucher un plus large public. Une décision mûrement réfléchie au sein de l’association qui accueille des milliers de visiteurs depuis déjà plusieurs années. Face à la demande du public, des moyens doivent être mis en place afin de rendre le spectacle à la hauteur des attentes.

Cependant, les LAN n’ont pas toujours été des espaces grand public, les visiteurs n’avaient auparavant pas une place aussi proéminente, de même que les sponsors ou encore les influenceurs. Ces changements, la Lyon e-Sport les a vu progressivement prendre une place conséquente dans l’organisation, menant le modèle à muter vers un nouveau format. Aujourd’hui, nous mêlons la performance au spectacle, un mélange coûteux qui ne permet pas aux LAN de percevoir l’exercice de la même manière qu’au début des années 2010.

Dans l’échange qui suit, vous trouverez de nombreuses réponses sur le challenge que représente l’organisation d’une LAN comme la Lyon e-Sport. Vous trouverez aussi les réflexions personnelles d’Hugo sur l’évolution générale du statut des LAN. Son approche enrichit notre connaissance de l’environnement compétitif français, reste à croiser son regard avec celui des autres acteurs.

La Lyon e-Sport est une LAN majeure de France en particulier pour League of Legend. 2018 a été une année toute particulière avec l’arrivée de Fortnite, quels en sont les principaux retours ?

La Lyon e-Sport a toujours été une LAN League of Legends. L’association est née en 2011 soit en même temps que la scène compétitive. Il y avait un nombre grandissant de joueurs qui nous a poussés vers League of Legends, mais ce qui nous fait plaisir c’est de faire des LAN. Plus il y a de joueurs réunis dans une salle et plus on aime sa. On a déjà fait une compétition avec plusieurs jeux durant la Lyon e-Sport 7. On avait un partenariat avec l’Armée de Terre à Lyon, l’événement a eu lieu dans leurs locaux avec la présence de Counter-Strike: Global Offensive, un ajout qui se prêtait bien au contexte. C’est la seule édition jusqu’à la onzième qui a accueilli Fortnite.

On a voulu proposer un deuxième jeu, une envie qui venait de tous les membres de l’association. L’événement a réussi à obtenir une certaine reconnaissance sur League of Legends en devenant la LAN la plus attendue. On a sondé plusieurs jeux, des éditeurs, en pesant le pour et le contre. Pour nous ça tombait bien parce qu’il y avait un tout nouveau jeu, Fortnite qui était encore nouveau et Epic Games voulait faire un premier test. On a tenté l’expérience avec eux, c’est un risque qui a été pris ensemble, une très bonne expérience qui venait d’une envie de l’équipe d’aborder un nouveau titre.

L’expérience de plusieurs compétitions est-elle pour vous à réitérer pour l’édition 2019 ou la Lyon e-Sport veut elle revenir à ses sources d’origines, celles qui ont fait sa force?

Ce qu’il faut bien comprendre de notre point de vue, c’est que la multiplication du nombre de jeux comme peut le proposer la Dreamhack ou d’autres événements internationaux, ce n’est pas ce qu’on recherche pour la Lyon e-Sport. Proposer deux jeux nous paraît le meilleur choix et cela peut être une base régulière. C’est pour nous un moyen de proposer plus de contenu, mais surtout de différencier ce que l’on fait. En étant dans l’associatif, dans le bénévolat, on fait ça par plaisir, les événements se ressemblent d’année en année, on a envie de tester de nouvelles choses. Il y a un moment où l’on ne peut pas juste ajouter des joueurs, on est déjà à 64 équipes pour League of Legends, ce serait compliqué pour passer à 128. On préfère ouvrir un nouveau jeu, pas forcément plus pour ne pas mélanger trop de communautés.

Lyon e-Sport - Espace joueurs

La Lyon e-Sport est la première LAN a accueillir le phénomène Fortnite dans un format compétitif. Crédit: Lyon e-Sport

C’est difficile d’avoir un programme sur scène qui soit attrayant pour l’ensemble des visiteurs. L’événement entier est pensé pour les visiteurs, les joueurs sont au cœur de l’organisation du tournoi, mais le visiteur doit pouvoir disposer d’un programme complet. Avoir une dizaine de jeux différents sur scène c’est parfois compliqué, c’est un modèle qui fonctionne pour de nombreux organisateurs, mais ce n’est pas celui que l’on veut développer. On apprécie l’idée de proposer deux jeux et c’est le format qui aujourd’hui dans nos discussions en interne.

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Le taux d’affluence des visiteurs ne cesse d’augmenter, un chiffre en lien direct avec l’intérêt croissant de l’esport auprès des 12-25. Qu’est-ce qui peut être possible pour une structure comme la LES pour permettre l’encadrement de masse de population aussi importante?

L’espace disponible pour le public c’est le nerf de la guerre. À partir du moment où l’on est sur un événement d’envergure, il faut avoir un espace pour tout le public attendu. Dans un premier temps on se concentre sur le cœur de cible esport, les joueurs d’un côté, c’est le premier focus qui a fait de la Lyon e-Sport une LAN de référence. L’expérience joueur était centrale dans la stratégie de l’association. Une fois que l’on a maîtrisé cette partie, on a travaillé l’expérience visiteur.

Au départ on a permis de voir les joueurs, mais on voulait faire mieux que simplement donner la possibilité de rester debout derrière une barrière. On a créé un espace scène qui a progressivement grandi d’année en année. Il y a eu un tournant durant la Lyon e-Sport 10 en 2017 au Palais des Sports, en atteignant notre capacité maximum pour l’espace joueur et visiteur. On a alors proposé une zone de salon pour que les marques viennent exposer dans le salon. La Lyon e-Sport a vraiment pris un tournant en passant de LAN à un Salon.

C’est frustrant pour un visiteur de voir toute la journée des gens jouer sans pouvoir soit même le faire. Dès lors, le salon permettait aux visiteurs de profiter sur les stands de l’expérience de jeu. L’année dernière, les stands proposaient du Counter:Strike, Beyond the Void, Injustice 2. L’idée c’était de faire découvrir au spectateur l’esport sur la scène, mais aussi de pouvoir tester les derniers titres. C’est un moyen d’élargir notre audience puisque nous sommes passés de 10 000 visiteurs en 2017 à 16 000 en 2018, un très très gros bond sans précédent durant les éditions passées. On garde cette optique pour l’édition 2019 en cherchant toujours à améliorer le confort pour les joueurs, un modèle qu’on a réussi à éprouver et que l’on va perfectionner.

Les influenceurs sont des joueurs avec un rôle particulier, important pour le rayonnement de l’événement. Comment encadrez-vous ces personnes et qu’elles difficultés cela peut créer ?

Pour nous les influenceurs sont des joueurs comme les autres, ils payent leur place pour la compétition. Ces personnes sont là pour la compétition, mais ont déjà perçu durant les éditions précédentes que certains visiteurs venaient spécialement pour eux et se plaçaient derrière les barrières des équipes. On a testé durant la Lyon e-Sport 9 un modèle avec une tribune spéciale pour Zerator. La réussite du modèle nous a permis par la suite de proposer aux principales équipes de streamer un espace leur permettant d’animer. C’est un ajout pour la zone d’exposition, un nouveau type de contenu pour le visiteur dans lequel nous sommes heureux d’investir.

En revanche, ce sont des personnes qui malgré leur statut sont soumises aux mêmes règles, elles ont les mêmes pénalités en cas de retard ou d’absence. C’est parfois plus difficile de les encadrer parce qu’ils possèdent une communauté importante, cependant ce n’est pas une raison pour un traitement de faveur. On voit vraiment cette installation comme un investissement de plus pour offrir des espaces plus confortables qui profitent à tous.

Lyon e-Sport scène influenceurs

En plus de son salon regroupant des exposants, la Lyon e-Sport c’est munie de scènes pour les influenceurs qui offrent aux visiteurs un spectacle unique. Crédit : Lyon e-Sport

Vous avez été victime de problèmes techniques durant l’édition 2018 de la Lyon e-Sport, un problème qui provient de l’installation promise par le palais des congrès de Lyon. Existe-t-il aujourd’hui des solutions en France en termes d’équipement pour proposer des compétitions d’envergure ? Arrivons-nous aujourd’hui aux limites de ce que les LAN françaises sont capables de proposer à cause des installations présentes en France?

Les infrastructures sont là et elles existent. On pourrait déjà faire des événements de très grandes envergures sans problèmes. Les salles qui nous accueillent ont des équipements qui sont vraiment énormes. Le problème, c’est qu’elles ne comprennent pas ce que l’on fait comme activité. À chaque changement de salle pour la Lyon e-Sport, on a évalué de très nombreux risques techniques. Lorsque l’on explique la situation aux salles, ils font vite le raccourci : vous allez juste connecter quelques ordinateurs à internet. Si c’était si simple, on n’insisterait pas, mais très régulièrement, on sous-estime nos besoins et l’équipement nécessaire. La conséquence est directe pour nous et aujourd’hui il faut que les salles se réveillent sur le sujet. Il faut qu’il y ait une confiance plus importante dans les organisateurs.

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C’est dur d’entendre de la part des influenceurs ou des visiteurs, sur les réseaux sociaux, des insultes envers les organisateurs, nous reprochant de ne pas avoir pensé que pour faire une LAN, il faut avoir un accès à internet. Bien sûr qu’on pense à ce problème et on fait tout pour que l’installation soit optimale, mais on a vu à nouveau le problème avec la Dreamhack en mai. Les très gros problèmes de connexion qu’ils ont eus, ce n’est pas du fait des organisateurs qui ont décidé de ne pas s’y intéresser, c’est suite à un changement de salle, une nouvelle infrastructure et des nouveaux standards.

Il faut bien voir que c’est difficile de faire des tests grandeur nature. On prépare un plan d’implantation, d’électricité, le routeur avec une diffusion sur tout le salon, sur la théorie c’est bien. Le seul vrai test, c’est lorsque les 500 joueurs lancent leur partie en même temps et malheureusement, c’est possible que le samedi matin à 9h au lancement de la compétition. Il existe des tests de puissance que l’on peut faire en amont, mais c’est difficile de faire comprendre à des salles pourquoi on a besoin de faire des tests aussi puissants.

C’est clairement le genre de problématique que l’on a connu durant la Lyon e-Sport 2018 avec en bonus une mésentente sur la connexion qui nous avait été proposée. Typiquement si on avait été mis au courant de la connexion qui allait nous être fournie, soit deux fois moins que celle annoncée, on aurait mis en place les équipements supplémentaires nécessaires au bon déroulement de la LAN. C’est d’ailleurs ce qu’on a fait pour maintenir la compétition le dimanche, mais normalement on le voit en amont. C’est vraiment difficile de le voir avec la salle avant et lorsqu’on commence, on croise les doigts en espérant que ça passe. On a le matériel et les moyens, il faut juste que tout le monde comprenne bien les enjeux et fasse en sorte que l’ensemble fonctionne. Néanmoins, les équipes de la salle ont réagi pour permettre à l’événement d’avoir lieu, principalement en donnant à nos bénévoles de l’équipe technique l’aide nécessaire à la résolution du problème.

Est-ce que vous possédez des moyens pour interagir avec les salles ? Existe-t-il des intermédiaires qui peuvent informer les salles et éviter des situations d’incompréhension ?

C’est difficile de faire passer des messages et c’est souvent pendant l’événement qu’ils prennent conscience. D’expérience chez Lyon e-Sport, nous avons toujours eu des petits soucis à chaque changement de salle, parfois discrets, mais qui se sont améliorés avec les années. Les techniciens de la salle ont compris ce qu’on faisait, les infrastructures misent en place, des améliorations qui ont beaucoup facilité notre expérience. Je pense qu’à terme, il y aura une démocratisation de la demande et une meilleure compréhension. On est pas les seuls à demander des infrastructures importantes, des salons demandent parfois beaucoup qu’une LAN et sont bien gérés. Il faut laisser le temps aux salles surtout que notre domaine reste particulier, mais la relation ne peut aller que dans le bon sens.

Lyon e-Sport grande scène

Pour son édition 2018, la Lyon e-Sport a déménagé au palais des Congrès de Lyon afin d’accéder à un espace suffisant pour recevoir tous ses visiteurs. Crédit : Lyon e-Sport

Peut-on imaginer que les LAN viennent à sélectionner des compétitions sur un seul titre dans le seul but de parvenir à porter le support nécessaire aux dépens de la diversité ?

C’est principalement une question de stratégie. On voit des petites associations qui se lancent avec des gros événements, trois jeux et 50 000€ de cashprize lors de la première édition. On l’a appris depuis c’est pas la bonne stratégie. Avant d’arriver à la Lyon e-Sport 2018, il y a eu 10 éditions et les premières étaient dans une salle de classe avec 32 équipes. On était entièrement focalisé sur les joueurs, nos arbres de tournoi étaient sur des tableaux blancs Veleda.

Il faut savoir rester à la hauteur de ses moyens et ne pas proposer tout de suite un énorme événement qui demande de la stabilité. La Lyon e-Sport est 100 % autofinancée, on sponsorise l’événement à travers la billetterie et nos sponsors. On commence à avoir quelques subventions publiques bien qu’on ne soit pas à la hauteur d’autres événements. En revanche, on n’a pas commencé par louer le palais des congrès de Lyon en voulant faire de l’esport, c’est impossible. Il y a un historique derrière qui joue beaucoup.

Pour le choix du jeu, il y a un danger en se dispersant, c’est difficile de toucher les fans d’Heroes of the Storm, d’Overwatch, de Counter:Strike et de Trackmania en même temps. Si les équipes sont capables de toucher tout le monde, tant mieux, mais dans l’association, on se focalise sur un ou deux jeux en misant sur l’expérience. Il faut s’adapter à ses ambitions et selon l’historique voir pour grandir ou stagner, augmenter ses budgets ou les conserver, sans vouloir être trop gourmand dès le départ, cela ne marche jamais.

Reste-t-il une place pour la constitution de LAN communautaire alors que la demande requiert des budgets devenus pharaoniques?

Encore une fois on a des problématiques de budget. Organiser une LAN pure pour des joueurs seuls c’est possible et cela peut s’autofinancer. Cependant il ne faut pas s’attendre à voir l’événement grandir. Aujourd’hui une LAN ne peut pas se passer sans la médiatisation ne serait ce que des finales. Maintenant on est dans une ère de médiatisation des tournois, comprenant des influenceurs, des commentateurs, qui attirent les sponsors puis les visiteurs, l’argent et la croissance. Dans ce format, une LAN ne peut plus s’en passer, mais en revanche, certaines communautés ne veulent pas de l’artifice médiatique. Cela permet de faire des événements qui sont 100 % focalisé sur les joueurs avec une organisation sympa. Le prix seul de l’entrée compense les besoins, mais on ne trouve pas de grande scène, d’animations. C’est encore possible, mais cela ne sera jamais des références ou des salons qui sont obligatoirement médiatisés.

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La demande évolue en particulier vers des formats locaux comme le LoL Open Tour. Peut-on voir une marche arrière dans le rapport au compétitif après une période d’internationalisation ? S’agit-il d’une remise en cause du modèle titanesque issu des organisateurs internationaux ? Un besoin de revenir à une échelle plus humaine ?

Honnêtement et d’expérience après tous les événements que nous avons organisés, on peut affirmer que les gens sont prêts à se déplacer dans toute la France pour une LAN. À partir du moment où celui-ci est attrayant, il y a déplacement. C’est plutôt une logique inverse qui se produit. L’audience esport grandit et il est possible de s’installer dans de plus petites villes comme à Metz, Strasbourg, le sud-ouest… Avant, on ne pouvait compter que sur Paris, Lyon, Tours et Poitiers. Maintenant on voit fleurir de nouveaux événements, mais ce n’est pas une demande des visiteurs. Les entreprises et organisateurs sont prêts à faire un événement dans leur ville parce que l’audience existe et elle est prête à se déplacer.

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Riot Games permet avec le Lol Open Tour de dynamiser l’engouement de la scène française pour League of Legends à travers une scène locale. Crédit : Lyon e-Sport

Pour les plus gros événements comme la Lyon e-Sport, on est généralement sur 55 % de visiteurs de la région Rhône Alpes, le reste vient de toute la France. C’est le cas aussi pour les autres gros événements, les plus petits font des tentatives et c’est la principale raison de ses scènes locales à Lille ou Montpellier. Il y a des organisateurs partout et ils prennent moins de risques à s’établir qu’auparavant.

Est-ce que les éditeurs jouent un rôle conséquent dans le développement des LAN à travers des compétitions comme le LOL Open Tour ?

Pour les événements déjà existants ayant déjà des tournois majeurs sur League of Legends, c’est une homologation de l’événement. C’est une très bonne chose, mais ce n’est pas nécessaire à l’évolution de la LAN. Pour les plus petites LAN c’est autre chose, mais est-ce que c’est vraiment important ? Il n’y a que League of Legends qui le fait et seulement depuis cette année. Je pense qu’il s’agit avant tout d’une demande. Du moment ou il y a de la demande, il y a de l’offre. Le but du LoL Open Tour n’était pas de faire émerger de nouvelles LAN en France, mais plutôt de mettre en lumière des étapes sur un circuit français. il s’agit plus d’un soutien souvent passif, Valve et Blizzard n’ont jamais fait le pas vers les LAN qui s’auto suffisent largement.

Je te propose de conclure cet échange par un mot à l’attention de nos lecteurs.

Il y a de la place à faire pour des nouvelles LAN en France. On a des communautés en attente comme Heroes of the Storm ou Trackmania. Elles ont permis de tracer la route et de construire l’esport que nous connaissons. Même si elles n’ont pas autant de rayonnement que League of Legends, elles méritent une place dans le paysage. Les petits LAN peuvent se permettre de tenter des jeux peu porteurs. À Lyon, une association est consacrée aux jeux de combat. L’association a grandi, elle propose des animations autour du versus fighting, des compétitions.

Il y a de la place et il ne faut pas vouloir atteindre un major au lancement. Un projet se crée progressivement et il ne faut pas se comparer. Une association sur Lyon qui voudrait se lancer sur League of Legends, ça serait compliqué en sachant que la Lyon e-Sport est déjà implantée. En revanche, il serait possible sur plein d’autres jeux de voir des nouvelles LAN émergé. Oui on peut faire avec patience, étape par étape. Pour faire progresser l’esport, il est à mon avis nécessaire de multiplier les événements offline, ces plus petits rendez-vous qui sont essentiels. Il faut avant tout que les joueurs puissent jouer, qu’ils ne s’entraînent pas pour 3 dates dans l’année, mais pour des rencontres régulières.

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Les organisateurs de LAN face au changement

Les événements qui ont perturbé la Lyon e-Sport ne sont pas des cas isolés. Nous avons pu constater durant cette saison 2018 de nombreux problèmes provenant de l’installation technique. Les organisateurs subissent des reproches durs de la part du public qui attend des résultats irréprochables, qu’ils soient visiteurs ou simples spectateurs sur la plateforme Twitch.

La France possède un circuit compétitif particulièrement riche et complet, qui connaît un développement nouveau. L’émergence de nouvelles LAN, l’appropriation de l’espace par le public et les sponsors, créer un nouveau standard ou les organisateurs ne sont plus les seuls maîtres de leur création. La transition des LAN en salon est au cœur des évolutions que nous connaissons aujourd’hui. L’espace joueur aussi important soit il ne joue plus le même rôle. Le spectacle est désormais assuré par les influenceurs qui sur les scènes, donnent aux spectateurs un avant-goût de la compétition.

Pourtant le modèle des LAN n’est pas voué à dépérir. C’est dans les LAN que les joueurs éprouvent l’expérience de jeu, qu’ils sont dans une situation de compétition. Bien que les dates se multiplient dans l’hexagone, pour de nombreux jeux les rencontres onlines restent la norme. Certains éditeurs proposent des rencontres offlines pour les compétitions internationales comme l’Overwatch League de Blizzard. L’encadrement des joueurs reste au cœur du dispositif et l’accueil des visiteurs reste simple. Pour la majeure partie du public, l’action se passe en ligne, sur les streams diffusant la compétition. Pour les plus petites LAN françaises, il est encore possible d’imaginer un encadrement de ce type, comprenant un budget rétréci et des joueurs au cœur du dispositif.

Il est clair aujourd’hui que LAN et salon ne partagent plus tout à fait la même ADN. Les nouvelles LAN ne doivent cependant pas regarder leurs aînés avec envie, mais percevoir la place qui leur est possible de prendre. Elles sont aujourd’hui au cœur de l’évolution de l’esport français. Sans elles, les talents de l’esport français sont en danger. Sans plateforme pour s’exprimer, pour expérimenter, restera-t-il encore assez de forces aux joueurs français pour s’imposer en dehors de nos frontières ? 

Je remercie Hugo Poiblanc pour son aide à la réalisation de cette interview. Son expérience et son regard sur la scène française sont de précieux atouts à la constitution d’un état des lieux des LAN françaises.

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