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Devenir joueur esport professionnel : l’ascension de Brosak et Dizdemon

Par Lenaic Leroy
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C’est le quotidien de milliers de joueurs esport professionnels. Chaque jour, allumer sa tour, démarrer le launcher, entrer dans une file d’attente pour se surpasser le temps de quelques parties. Dans ces milliers de joueurs, un plus petit nombre décide un jour ou l’autre, avec des amis ou en solitaire, d’allumer cette même tour, mais de devenir le meilleur coûte que coûte. En quittant sa chambre ou son bureau pour rejoindre la LAN la plus proche, chacun découvre avec émotion ses premiers frissons face aux autres compétiteurs. Cette première idylle, ponctuée par les problèmes de connexions et les nuits courtes sur le sol de la LAN, est vite rattrapée par les résultats. Le couperet tombe, nombreux sont les inscrits, mais une seule équipe remporte la victoire. D’événement en événement, les joueurs continuent ainsi leur épopée.

Un petit groupe parvient cependant à se démarquer, les professionnels. Ils sont reconnus, admirés et payés pour leur capacité à être plus que la moyenne. Pourtant ils ont tous été un jour ou l’autre, ce joueur qui vient pour la première fois, tenter sa chance dans une compétition. Le chemin est long et sinueux pour arriver au sommet et pourtant, ces élus ne le font pas par hasard. C’est par un savant mélange de maîtrise, d’entraînement, mais aussi d’échanges, qu’ils sont parvenus à devenir ce que tous tendent à acquérir.

Les équipes professionnelles ne sont pas très nombreuses et possèdent un circuit spécifique. Du côté des amateurs, il y a de très nombreuses propositions, mais à la tête du classement, on retrouve très souvent les mêmes joueurs qui parviennent à sortir du lot. Pourtant, ils ne parviennent pas à s’échapper de la masse de joueurs, ils restent encore et toujours amateurs, malgré les titres qu’ils acquièrent au fil des événements. Comment s’échapper, se démarquer pour que ces efforts ne soient pas vains ? L’esport ne cesse de croître et pourtant, les opportunités sont toujours aussi difficiles à saisir. Il ne s’agit pas que d’une question de performance, mais la maîtrise des conditions permettant au joueur d’acquérir une pratique professionnelle.

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Vous l’avez déjà vu…

Pas de tips ou de tuto pour devenir pro. L’ascension jusqu’au sommet ne se fait qu’à la sueur de votre front et elle ne dépend que d’une seule personne: vous-même. Pourtant il ne manque pas de joueurs très motivés qui jouent 2, 5, 10 heures par jour pour devenir les meilleurs sans parvenir à quitter son elohell. À côté, sur Instagram ou Twitter, votre joueur esport professionnel favori envoie pour la 5ème fois cette semaine des photos de lui à la plage, les orteils en éventail loin de son pc et de l’entraînement intensif du quotidien.

Il n’y a pourtant pas de secret pour devenir un joueur esport professionnel il faut s’entraîner. Il ne s’agit pas d’une question de quantité, mais bien de rigueur. De la discipline dans l’entraînement, de la rétrospective et beaucoup de remise en question sont nécessaires pour réussir à se démarquer de peloton du tête. On entend le terme semi-professionnel dans certaines bouches mais que cache-t-il si ce n’est une précarité désastreuse pour la scène et pour les joueurs qui ont l’ambition de vivre du jeu au quotidien?

Deux portraits vont nous permettre de mieux saisir cette problématique. Le premier est celui d’un joueur devenu emblématique de l’équipe Gentside League of Legends. Arthur « Brosak » Lesueur, Top Laner de la formation Gentside est un baroudeur de la Faille de l’invocateur et pourtant, il n’est parvenu à ses fins qu’en 2017, atteignant de nouveaux sommets lors de l’Open Tour France 2018.

La seconde figure de ce portrait croisé, Loic « Dizdemon » Poulain, joueur émérite de Hearthstone, jusqu’à récemment membre de l’écurie Millenium, est aujourd’hui un des joueurs les plus réguliers de la scène française du jeu de cartes de Blizzard. Ces deux joueurs ont atteint la reconnaissance de leurs pairs, des organisateurs et du public. Pourtant ils n’ont pas eu besoin d’un coup de baguette magique pour se faire remarquer. Leur parcours exceptionnel nous permet néanmoins de mieux comprendre comment ces amateurs mordus d’esport sont devenus les pros que l’on connaît aujourd’hui.

Tout vient à point à qui sait attendre…

Pour ma part, Brosak est une connaissance d’assez longue date et j’ai toujours suivi avec attention son parcours compétitif. Cependant, je ne me rendais pas compte que son passage au statut de professionnel a été beaucoup plus riche que ne le laisse transparaître sa seule performance. On retrouve dans son histoire assez d’éléments pour comprendre qu’être un joueur vivant de sa profession, c’est avant tout s’intéresser à celle-ci, s’investir dedans à travers et en dehors du jeu.

Pour en venir à moi, j’ai découvert Lol à ses débuts, c’était la bêta et je venais de Wow. J’ai pas du tout aimé au début, je jouais de temps à autre avec des amis à moi du collège pour la saison 1 et 2 et lors de la saison 3 avec les mondiaux, la hype autour de SKT, la découverte de l’esport j’ai repris plaisir à jouer au jeu. J’ai toujours été compétitif dans le sport, le basket ou le tennis. Lol c’était devenu mon jeu principal et de plus en plus, j’ai voulu tryhard alors que je faisais beaucoup de normal game avec des amis.

Très rapidement je suis monté diamant 1, il n’y avait pas de master et le challenger était difficile à atteindre. J’étais dans les 200 à 500 meilleurs joueurs européens et je cherchais une équipe pour voir si le jeu compétitif pouvait me plaire. Ma toute première expérience de team a été avec Pyri, joueur de Sypher durant la saison 1. C’était une Lyon esport la 4e ou 5e, et c’était une très bonne expérience, l’ambiance, la LAN, le tryhard. J’étais avec des gens très expérimentés qui m’ont aidé, qui organisent encore aujourd’hui la Lyon esport comme Velahan chez ZQSD. Ils étaient passionnés et avaient vocation à vivre de l’esport et j’ai vraiment voulu vivre aussi de ça.

J’ai un peu continué ma route tout seul, la première vraie team qui a durée c’était avec Lol FR, il cherchait un Top Laner avec Hans Sama, Broua, The Sage… Ce groupe Facebook m’a permis de faire mes premières games en team, beaucoup de ranked sur le ladder 5v5 de l’époque. On a énormément joué sur ce mode, quelques team challenger, on participait à tous les tournois qu’on trouvait, les ESL le lundi, les petites lans locales… On était limité parce qu’on était qu’une page Facebook sans moyen, on se déplaçait à nos frais, mais on voyait qu’on avait un bon niveau. Hans Sama avait déjà un potentiel de ouf et nous tirais vers l’avant, on cherchait un moyen de se développer dans une vraie structure même si les grosses équipes comme Millenium nous battaient à plates coutures. On résistait quand même derrière les trois, quatres meilleures équipes françaises et finalement on a rejoint notre première structure E-corp début 2014 environ.

C’était notre première tournée des LAN, la Lyon eSport, la Gamer Assembly, il n’y avait pas encore la Dreamhack à ce moment là. On n’a pas fait des résultats incroyables, c’était plus ou moins du top 8, top 6, on n’était pas satisfait parce qu’on cherchait le podium, la victoire, mais on faisait nos premières armes. Les joueurs en face de nous étaient déjà en Gaming House, étaient payés, nous on faisait nos études à côté, on était cette team d’underdogs outsiders. Après 1 an, Hans est parti chez Millenium, il était clairement au-dessus de nous, il y a aucun doute là dessus et quand on voit ses résultats aujourd’hui c’est le meilleur choix possible. Avec son départ, l’équipe s’est cassé la gueule, la remise en question, pas de réponses, la motivation après son départ est un peu partie.

Malgré tout, je voulais rester chez E-corp, à l’époque j’étais en DUT informatique je venais de finir mon Bac, je discutais avec la structure et on voulait faire grandir l’association. E-corp et passé en société, je suis devenu associé et une deuxième équipe Gentle a été montée. Je me rappelle même plus de l’équipe originelle, mais, je crois que c’était des joueurs comme Bloody, Terseras, Trayton… On a continué un an ou un peu plus, une bonne expérience avec des progrès, le premier challenge France est arrivé on était dans le top 6 parfois top 4 ou 3. On arrivait jamais à toucher la deuxième ou la première place, c’était plus compliqué pour nous. J’ai arrêté mon DUT informatique pour me consacrer totalement à l’équipe, c’était pas forcément payant puisque à la Lyon eSport 2017 on a disband.

Après j’ai connu une grosse période de floue, d’hésitation pour savoir si je voulais percer comme joueur esport professionnel. Durant tout ce temps j’étais entre le top 8 et 3 français sans jamais aller plus loin. J’ai joué la GA et la DH avec des amis pour le plaisir de la compétition, sans savoir ce que je voulais faire, mais j’essayais vraiment de montrer que j’étais présent et que je ne disparaissais pas. J’ai finalement eu la proposition de BTR, Katare partait chez Eclypsia et Fabien était curieux de savoir si j’étais intéressé. J’ai toujours eu besoin de croire en un projet, dans le staff. Avec BTR et Gentside, j’ai trouvé le lien que je pouvais avoir avec E-corp avant. La première LAN a été difficile, mais finalement on a reformé une équipe avec des joueurs européens. Depuis on a fait un bout de parcours comme deuxième équipe française de l’Open Tour pour le moment.

Il n’y a pas de hasard parmi les joueurs esport professionnels

Du côté de Dizdemon, l’évolution est très différente. Il a découvert le jeu en juin 2014 et dès juillet 2015, il se lance dans le grand bain lors de l’Asus Rog Summer, il s’est qualifié et participe au tournoi en Finlande. Hearthstone permet aux joueurs d’avoir une exposition sans précédent par un circuit ouvert qui permet à n’importe quel joueur se qualifiant d’accéder au niveau international.

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Cependant, on ne peut pas prétendre à un niveau professionnel sur le titre de Blizzard si l’on ne fait pas preuve de régularité dans ses performances. Sous les couleurs de BeGenius, Dizdemon a très largement réussi à se démarquer par sa stabilité et dès août 2016, il est qualifié dans le top 8 des playoffs européens à Los Angeles. On le retrouve en 2017 à la tête du bateau français,  c’est lui qui dirige l’équipe de France pour la première édition des HGG.

Dizdemon

Dizdemon durant l’Europe Summer Championship 2016 – Crédit : BeGenius

Recruté par Millenium le mois qui suit, Dizdemon a depuis connu une carrière plus limitée sur la scène internationale, mais en France, il reste l’un des joueurs avec les résultats les plus convaincants de l’hexagone. Cette année, nous l’avons retrouvé aux qualifications de la Copa America ainsi qu’aux HCT Germany, deux événements qui redonnent du vent à la carrière du joueur.

Parvenir à régulariser sa carrière sur le TCG de Blizzard relève presque de l’exploit. Quand bien même une structure sponsorise un joueur, il n’est pas certain que celui-ci puisse accéder à des compétitions majeures, contrairement à un MOBA qui assure généralement une saison de jeu complète. Pour Dizdemon, il n’y a pas de hic, s’il est aujourd’hui le joueur accompli que l’on voit sur la scène, c’est parce qu’il est parvenu à régulariser ses résultats aussi bien en tournoi que sur le ladder. Son expérience acquise sur différents TCG parle pour lui même.

Faire et grandir avec l’esport

Ce parcours de 6 ans a formé Brosak jusqu’au joueur accompli que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, on retrouve ici un cas classique de joueur qui fait ses armes à travers les LAN et qui progressivement, acquiert une notoriété dans le milieu par des performances répétées. Le changement de statut pour E-corp a été essentiel dans le parcours de Brosak, un tournant où il s’investit corps et âme dans son projet, mais qui n’apparaît pas aussi facilement au grand public.

C’est vrai que j’ai pas trop voulu communiquer sur cet aspect. Je ne voulais pas que les joueurs avec qui je jouais aient cette impression que je sois E-corp à 100 %. Il fallait qu’avec les joueurs on garde ce côté on est joueurs, que E-corp nous apporte le meilleur, mais sans pour autant être l’associé au sein de l’équipe.

J’étais en DUT Informatique à l’époque et je devais vraiment convaincre mes parents que je faisais le bon choix, que c’était sérieux et que j’allais monter une société, un projet complet. Ils ont accepté pour une année histoire de voir ce que le projet donne. Mon investissement en dehors du rôle de joueur c’est dans mon caractère quand on me connaît un peu. J’ai tendance à toujours me donner, je pense que c’est quelque chose qui a beaucoup joué pour faire de moi un professionnel, c’était pas juste un jeu il fallait que je me donne à 100 % si je voulais atteindre mes ambitions. J’espère que c’est toujours le cas et que Fabien pourra confirmer tout ça.

Avant même d’être devenu pro, il fallait réussir à tirer le meilleur tout en restant concentré sur le Bac puis un DUT. Durant les études, la pression sur les examens est forte et il est difficile d’arranger le temps de travail, le temps d’entraînement et le temps de loisir afin de relâcher toute cette pression. Pourtant, s’il est question de projet professionnel, il faut parvenir à se donner à fond face à des compétiteurs qui pratiquent à plein temps.

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Brosak

J’étais en première quand on a commencé à faire pas mal de compétition. On en faisait environ tous les mois et c’était assez difficile parce que j’étais déjà pas très motivé par le lycée, j’étais vraiment motivé par la compétition. J’étais pas un bon exemple et c’était difficile pour mes professeurs, mes parents, une période un peu sombre que j’ai passée, je me suis remotivé pour le BAC et assuré le diplôme en faisant souvent le strict minimum. J’ai voulu faire mon DUT par envie avant tout et j’ai refusé la Fac parce que je savais que c’était la plus grosse erreur que je pouvais faire, je me serais totalement laissé couler sans jamais aller en cours. J’ai fait mon DUT en étant studieux, alternant entre les cours et la compétition. Progressivement en termes de temps, le DUT prenait plus de temps entre les cours, les révisions, les projets, quelque chose comme 45h par semaine. À côté je sortais, la vie étudiante, c’était dur de trouver du temps avec les scrims le soir, souvent de 20h à 23h, suivi de quelques solo queue, je me couchais à 1h et je me levais à 7h. Ce rythme je l’ai tenu pendant 6 mois, mais lorsque j’ai décidé de me lancer avec E-corp, j’ai progressivement mis de côté le DUT pour favoriser le compétitif.

Dizdemon est encore aujourd’hui étudiant et partage son temps entre l’entraînement et les études. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui est possible grâce au format qu’offre Hearthstone. Contrairement à League of Legends, le ladder est un véritablement terrain d’entraînement où peuvent se retrouver les joueurs professionnels. Certains entraînements peuvent être programmés sur des horaires particuliers, mais le planning n’est pas aussi restrictif que celui des scrims.

Les performances du matchmaking de Blizzard sont essentielles pour que l’entraînement soit régulier et toujours adapté au niveau des joueurs. Cependant, les études sont toujours plus importantes que le jeu et lorsqu’il s’agit des partiels, il n’ y a pas d’hésitation. Certaines compétitions ont dû se passer du joueur pour qu’il puisse s’occuper de ses examens mais ces inconvénients de calendrier sont minimes sur la carrière de Dizdemon.

Le jour où tout change – être un joueur esport professionnel dans une structure

Derrière ce parcours du combattant, il y a une véritable volonté de passer le cap et de devenir un joueur compétitif. Pour Brosak, ce passage a été concrétisé en 2017 par l’offre de Fabien Bacquet pour BTR, actuel manager de Gentside. C’est un changement de taille, un premier contrat comme joueur, mais aussi une perspective nouvelle après une période difficile. Ce n’est pas par hasard si ce changement à eu lieu, mais avant tout parce que les autres membres de la scène, tout particulièrement Katare, ont cru en Brosak pour permettre à l’équipe d’évoluer.

Au moment où BTR cherchait un Top Laner après l’annonce de Katare de rejoindre le projet Eclypsia, j’étais Challenger, dans le top 150-200, mon classement individuel parlait pour lui même et j’étais un des seuls top laner français à ce niveau sans équipe. C’est pas spécialement Fabien ou Trayton qui sont venus me chercher, mais Katare par message sur Twitter qui m’a mis au parfum, il voulait pas laisser l’équipe à l’abandon alors qu’ils avaient une lan deux semaines après. Il m’a demandé de rejoindre l’équipe, le feeling est très bien passé avec Fabien et les tests étaient concluants. Je pense que Trayton ne m’a pas appelé parce qu’après E-corp, on ne s’était pas quitté en de mauvais termes, mais le disband de la Gentle avait été suite à une grosse contre-performance. Durant le Challenge France suite à un problème de client sur mon PC, on a eu une game de forfait. Au final on n’a pas atteint les playoffs pour cette erreur toute l’équipe et moi-même m’en sommes voulu. On en a discuté avec Fabien et il m’a donné ma chance pour prouver ce que je valais vraiment.

Il en va de même pour Dizdemon, en 2017 après les HGG, le joueur est recruté chez Millenium. La structure qu’on ne présente plus veut former une équipe aux ambitions européennes. On retrouve des joueurs comme Ekop, Fenomeno, Felkeine ou Syntolol aux côtés de Dizdemon. Cette équipe connaîtra un certain succès et pour Dizdemon, c’est la signature d’un premier véritable contrat comme joueur esport professionnel. Ce pas en avant est important et ce même si ses études ne sont pas terminées.

Dizdemon GO Championship

Dizdemon remporte la Gamers Origin Championship Series III – Crédit : Gamers Origin

Hearthstone peut très rapidement amener les joueurs à se déplacer à l’autre bout du globe et sans structure, il faut réussir à trouver les finances ! Dizdemon est toujours parvenu à se déplacer en France mais à l’international, il a déjà été plus difficile de faire le voyage. L’intégration de Millenium a résolu ce genre de problématique en donnant un véritable soutien logisitique à l’équipe.

Depuis l’entrée de Gentside à l’Open Tour France, les perspectives ont changé et l’équipe est désormais sur le devant de la scène. En moins d’un an, le statut de professionnel a été confirmé par des compétitions de haut niveau sans que Brosak ne démérite. Dans le quotidien, les changements sont sensibles, le rapport à la compétition est différent et on observe très rapidement que l’on est loin de l’amateur même lorsqu’il est au pied du podium.

La grosse différence entre professionnel et amateur, tu te poses des vrais objectifs comme équipe, comme joueur, ils sont très précis et on doit les respecter pour nos employeurs. On a pas non plus une pression, mais on ne fait pas de contre-performance jusqu’ici, il faut pourtant qu’on donne le meilleur de nous même, pour que Gentside continue de nous faire confiance. Pour qu’ils continuent de nous envoyer dans toutes les LAN, on a des plannings à respecter, des horaires d’entraînement, un nombre de parties au quotidien, des aspects qui sont souvent sous-entendus en amateur, mais qui deviennent essentiels une fois pro.

Gentside a passé un contrat avec ses joueurs et comme toute pratique professionnelle, elle doit permettre au prestataire de vivre de son activité. Aujourd’hui le statut de joueur est en débat et le revenu minimum est un élément clé pour parler de professionnalisation de l’esport sur le long terme. Les joueurs sont majoritairement jeunes et possèdent souvent peu d’expériences en dehors des compétitions, la sécurité derrière le titre de joueur est encore faible et il est important qu’aujourd’hui, ceux qui vivent à 100 % sur la scène compétitive puissent subvenir à leurs besoins de demain.

Pour le moment ça me suffit après je ne peux pas me prendre un appartement sur Paris pour le moment. Je suis chez mes parents actuellement et j’en suis très content. Durant mes études j’avais vécu un peu dans une collocation et j’ai goûté à cette vie loin de la maison. Maintenant que je m’installe que le projet se concrétise, j’aimerai bien retrouver ce côté un peu indépendant, mon appart, mon chez-moi notamment sur Paris parce que j’aime bien la vie en ville. C’est compliqué aujourd’hui de voir ce genre de possibilité se concrétiser.

Riot envisage de pouvoir plus encadrer le financement des joueurs, mais aujourd’hui nous sommes totalement dépendants des structures, certaines prennent une part du cashprize, chez Gentside les joueurs se partagent 100 % du revenu donc on a ce bonus, mais sur toute la scène on est pas forcément égaux de ce point de vue.

Dizdemon quitte à la fin du mois de juillet Millenium et recherche activement une nouvelle structure.  Bien qu’il perde pour un temps l’assistance de Millenium, la croissance de l’esport laisse présager de nouvelles opportunités prometteuses qui confortent le joueur dans sa carrière. Il n’y a pas de doute que le joueur retrouvera chaussure à son pied et il ne compte pas rester indépendant. Faire carrière seul sur le TCG de Blizzard est difficile, le revenu créé dépendant majoritairement du streaming. Le salaire avancé par Millenium suffisait pour que Dizdemon soit uniquement attentif à sa carrière professionnelle.

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Il ne faudra pas attendre le jeune prodige sur la plateforme Twitch mais bien lors des prochains rendez-vous majeurs de la scène. Pour lui, ce n’est pas une option de dériver vers le streaming pour subvenir à ses besoins financiers. Il reste avant tout un compétiteur et ses résultats devraient faire parler de lui au sein des organisations en quête de joueurs.

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Joueur esport professionnel – un statut, des opportunités

N’est pas professionnel qui le veut. On reconnaît dans chacun des joueurs populaire un véritable héros parce que celui-ci a surpassé le commun des mortels. Au sein des masses se cachent encore aujourd’hui les joueurs de demain mais il n’est pas encore l’heure pour eux.

Brosak et Dizdemon montrent des parcours totalement différents qui mènent à la réussite. Leur ambition les a portés jusqu’au sommet, bravant les difficultés sur la route. Il est sûr que le chemin jusqu’au statut de joueur esport professionnel est loin d’être le plus calme et le plus simple. Pourtant il n’y a pas qu’une seule façon d’y parvenir, il s’agit de trouver pour tout un chacun celui qui nous revient.

Gentside

Gentside remporte la Dreamhack Tours 2018 – Crédit : Millenium

Tous en revanche, impliquent une bonne dose d’assurance, d’attention, d’implication et surtout de pragmatisme. Être joueur esport professionnel est un métier, il demande beaucoup et ne rend pas forcément la monnaie de sa pièce. Cependant, l’expérience partagée par les joueurs, les émotions qui les parcourent sont uniques et valent la peine d’être vécues.

La mention de semi-professionnel a très largement été éradiquée de cet article. Celle-ci repose sur des attentes des joueurs et un manque de structuration de la scène. Ce genre de statut hybride semble être la meilleure ressource pour un joueur esport professionnel qui fait des performances, mais qui ne perce pas. En réalité, elle est sûrement sa principale bride contre son progrès. Il y a de très bons amateurs, de mauvais professionnels, mais chacun appartient à un groupe qui ne se mêle pas dans un entre-deux trouble. On le voit dans toutes compétitions permettant aux équipes de se jauger, rares sont les amateurs parvenant à renverser les pros.

Il est encore nécessaire aujourd’hui d’améliorer notre système éducatif. Il faut être plus sensible à l’esport afin de trouver des solutions concrètes à l’intégration des nouveaux joueurs dans le circuit compétitif. Ces questions sont au cœur de la réflexion en France et à l’international. L’ascension de Brosak a été très formatrice, mais lente. Il s’agit d’un temps précieux que tous ne peuvent pas avoir.

J’ai eu un parcours qui a duré en longueur, ça fait longtemps que je suis sur la scène française et j’ai commencé tout en bas, j’étais pas du tout un bon joueur. J’ai eu une progression lente, mais constante, m’améliorant de saison en saison et qui me permet aujourd’hui d’affronter les meilleurs joueurs d’Europe. 

Brosak et Dizdemon ont trouvé comment arriver à leurs fins, mais il s’agit aussi de ne pas perdre de vue les milliers de joueurs qui chutent, se mordent les doigts suite à l’abandon de leurs études et qui en voulant atteindre leurs ambitions, finissent par se brûler les ailes en s’approchant un peu trop du soleil.

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