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Romain Ragusa : «l’esport a explosé par le haut, La Source le démocratise par le bas»

Par Lenaic Leroy
La Source

Nous sommes toujours plus nombreux à nous passionner d’esport !

Des petites LAN de garage jusqu’aux immenses stades, le profil des amateurs d’esport a énormément changé. Les tryharders de la première heure sont toujours présents, mais ne représentent plus la majorité de la communauté.

Progressivement, la source des fans d’esport a évolué avec les jeux. Le meilleur exemple en date, Fortnite, nous montre un nouveau visage de l’esport. Le passage du relais d’une génération à l’autre se fait avec le renouvellement des titres, le vieillissement des joueurs, les retraits des circuits compétitifs.

On parle d’une démocratisation de l’esport au grand public. Pour autant, l’esport est-il devenu plus accessible ou sommes nous seulement devenus plus sensibles à son attrait ?

Ce mot : démocratisation.

Il est dans beaucoup de bouches aujourd’hui et j’ai parfois du mal à accepter qu’il soit juste. L’esport est-il plus démocratique, chacun peut-il prétendre à faire de l’esport une forme de carrière sans avoir pour soi un bagage social minimum ?

Les écoles spécialisées dans l’esport nous montrent que de nombreuses capacités sont requises, en management, en communication ou en gestion. Ce ne sont pas des connaissances qui sont disponibles dans les parcours classiques du secondaire hors pour les quelques filières tertiaires existantes.

Les écoles sont aujourd’hui privées et l’accès aux études supérieures reste complexe pour une grande partie de la population.

L’esport a encore un très long chemin à parcourir pour que le terme soit adéquat. Les contraintes matérielles propres à l’esport sont importantes. L’acquisition d’un ordinateur ou d’une console est de plus en plus simple, les éditeurs font en sorte de rendre leur jeu peu gourmand.

L’apparition de l’esport sur mobile est un grand pas en avant vers le grand public. Le téléphone portable est sûrement l’outil le plus courant proposant une forme d’esport. Cependant, ce n’est pas un format très plébiscité par les amateurs et actuellement, il n’est pas aussi porteur que le jeu PC.

Les prémices de l’esport sont bien derrière nous. Dès aujourd’hui, le besoin d’encadrement des équipes est réel. Les coachs esport, coachs mentaux, managers esport, agents de joueurs et autres encadrants sont nombreux. Pourtant, la plupart des équipes sont éparpillées aux quatre coins de la France, se réunissant au quotidien sur Discord pour s’entraîner. Seuls les meilleurs, les professionnels profitent d’un espace dédié à la pratique de l’esport.

Aujourd’hui, l’esport est pratiqué par beaucoup comme le football peut l’être un soir, sur un terrain vague, entre amis en possession d’un ballon, histoire de faire quelques passes et improviser une cage de but entre deux arbres.

Même au plus petit échelon de jeu un terrain est mis en place par les clubs afin d’entraîner jusqu’au plus jeune dans des conditions de jeu réelles.

L’esport ne possède pas de structure établie comme le sport. Il n’est actuellement pas ou très rarement possible d’avoir un terrain d’entraînement commun à tous. Il existe un seul environnement qui réponde à ce cadre, c’est celui de la LAN.

Dans une LAN, qu’on soit pro ou pas, il s’agit du même espace. Néanmoins, certains se sont entraînés toute l’année dans des conditions optimales, la majorité ayant à sa disposition une construction de bouts de ficelles.

Les gaming houses sont encore inaccessibles au grand public et sont souvent privatisées. Cependant, de nouvelles initiatives émergent pour offrir à tous une chance un peu plus égale. C’est à Lyon qu’une première tentative d’un nouveau genre va voir le jour.

Vous avez probablement entendu parler de La Source. Cette entreprise, créée par Romain Ragusa a rencontré le succès en 2016 suite au concours Entrepreneur dans la Ville à Lyon. Pour vous donner une première idée, La Source est un bâtiment dédié au jeu vidéo et à l’esport.

Bâtiment la Source

Le bâtiment de La Source sur cinq étage propose un espace commun, un étage audiovisuel, deux étages de jeu et une gaming house ! Crédit: La Source

L’immeuble de cinq étages propose un espace public, un premier étage pour la création vidéo et le streaming, un deuxième et troisième étage consacré à l’espace de jeu ainsi qu’un quatrième étage pour la gaming house. Ce centre de vie pour l’esport et le jeu vidéo est voulu polyvalent et complet pour tous les acteurs de l’écosystème.

Qu’on soit professionnel ou amateur, l’accès à La source est le même. Pour s’entraîner, échanger ou streamer, des budgets sont définis afin de louer les équipements de la structure.

Ce projet ambitieux peut paraître irréel. Romain Ragusa et son associée, Lina Pich ont réussi à convaincre les acteurs de l’esport, les politiques locales de Lyon comme de la région Auvergne-Rhônes-Alpes. Leur public dépasse la communauté pour toucher n’importe quel individu assez curieux pour passer la porte.

La Source peut être une solution pour donner à un très grand nombre un accès à l’esport. Le projet garde à l’esprit les moyens de la plupart des amateurs. C’est un pas de géant pour le plus grand nombre, mais aussi la création d’un outil supplémentaire pour les professionnels.

Le projet est plein de promesses et répond à de nombreuses problématiques. Cette interview couvre de nombreux aspects sur la future Source et ses bienfaits. Je suis déjà convaincu par l’avenir radieux qui se profile avec La Source, à vous de découvrir durant cet échange tout ce qui nous attend à l’avenir. 

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Je connais un peu l’idée du projet La Source, mais je suis curieux de découvrir la ou les personnes qui se cachent derrière.

Mon histoire est très simple, j’ai un parcours scolaire qui se limite au minimum, je n’ai jamais été l’élève studieux de la classe. J’ai eu un bac professionnel en électronique. J’ai plus ou moins été mis à cette place parce que j’aimais les jeux vidéo, j’allais forcément me plaire en électronique. La seule chose que j’ai toujours gardée dans les mains c’était une manette. On a eu une console et des ordinateurs très tôt dans le foyer et j’ai grandi avec cette technologie.

Les jeux vidéo, je les ai vu grandir avec moi. J’ai suivi ArmaTeam à l’époque des prémices de l’esport. Durant cette période, j’étais actif en LAN, différents rendez-vous dans les garages et chez les parents, mais aussi dans les cybercafés. J’ai aussi beaucoup participé aux nights sur World of Warcraft, le jeu qui m’a maintenu dans l’univers Online et qui je pense m’a permis de m’immerger dans l’univers du jeu vidéo.

J’ai toujours pensé qu’il y allait y avoir un grand changement dans le jeu vidéo, je ne savais pas lequel, mais j’en étais persuadé.

Je me suis beaucoup déplacé en France pour atterrir à Lyon en 2015. J’ai rencontré l’écosystème du jeu vidéo lyonnais, ces acteurs qui étaient présents, mais qui n’avaient rien. Les organisateurs d’événements, les associations et les communautés de joueurs étaient actifs dans leur domaine respectif sans avoir de moyen pour se rencontrer.

Je me suis rendu compte que depuis l’époque de World of Warcraft, il n’y avait presque pas eu d’évolutions en dehors du online pour améliorer la communication entre les joueurs. Nous avons discuté ensemble et j’ai décidé que je serais celui qui prendrait les rênes.

J’ai voulu faire une salle pour permettre de démocratiser l’esport par le bas. C’était assez évident qu’avec l’explosion de l’esport, c’est d’abord ceux qui seraient en haut qui seraient les plus visibles. La question, c’est de savoir comment y accéder.

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De ce constat, tu as donc lancé le projet La Source. Il y a eu du chemin entre le premier bourgeon et l’idée finale qui a été dévoilée depuis. Comment est-ce que vous en êtes arrivés à vouloir créer un complexe entier pour le jeu vidéo et l’esport ?

L’objectif est de rendre accessible un lieu entièrement équipé pour différentes pratiques du jeu vidéo. On pense aux joueurs, mais également aux commentateurs, streamers et autres qui peuvent avoir besoin de studio d’enregistrement. Aujourd’hui, il y a une pratique qui s’officialise en France.

Comme dans le sport traditionnel, il est possible d’acheter de l’équipement. Si on prend ses protèges tibias et ses crampons pour jouer dans le jardin, est-ce que c’est suffisant pour faire du foot ? Nous sommes convaincus que dans l’esport aussi il y a besoin de plus pour être joueur.

Avant même de vouloir atteindre les joueurs et les enfants, notre salle va permettre d’ouvrir le dialogue avec les parents. Un jeune qui veut devenir joueur professionnel va être confronté aujourd’hui à différents clichés sur le jeu en comparaison avec le sport.

Mon idée première était simplement de créer une petite salle sur les licences Blizzard. La société a une tendance esport et assez casual qui nous plaisait. La salle permettait d’avoir un espace de jeu et de goodies pour inviter les gens à venir découvrir le jeu.

On avait pensé appeler la salle le Blizzstore sans avoir contacté Blizzard pour avoir les droits. L’esport n’était pas forcément accessible et à l’époque il n’y avait pas d’accès aux goodies Blizzard en Europe. Notre boutique éphémère pouvait être un moyen de compenser ses deux manques.

Il n’a pas fallu longtemps pour que l’on reçoive une lettre de l’avocat de Blizzard nous interdisant l’activité. Nous avons constitué un dossier auprès de la société sans succès. Même si Blizzard ne voulait pas nous soutenir, notre projet allait aboutir avec une portée plus générale.

Par la suite, différents Barcraft sont apparus, mais aussi les HUB, des cyber-cafés comme le hub esport de Valence. Nous ne voulions pas forcément être associés à cette image. Les bars sont festifs, la présence d’alcool joue un rôle dans l’approche du lieu. Nous voulions créer un cadre sportif et plus sérieux que proposent les clubs.

Équipe La Source

L’équipe initiatrice du projet La Source au complet. Crédit : La Source

À Lyon, un concours a été lancé en 2016 : Entrepreneur dans la Ville. Il s’agissait d’un appel pour des entrepreneurs ayant des idées d’entreprises. Sur 200 candidatures acceptées, 20 d’entre elles seraient retenues par le concours. Nous avons tenté notre chance, c’était très nouveau, car il s’agissait de monter une entreprise, trouver des fonds, des choses que je ne savais absolument pas faire.

Mon associée sortait d’une école de commerce et ses connaissances nous ont bien aidés. Nous avons réussi à remporter le 1er prix du concours. Cette première victoire a été décisive pour la suite des événements.

Nous avons remporté différents concours et nous avons été accompagnés. J’ai reçu une formation rapide par l’EMLyon, grande école de commerce au niveau européen.

Nous avons réfléchi à ce qu’on voulait véritablement faire de cette salle. Il semblait évident qu’elle devait appartenir à la communauté et répondre à ses attentes. Nous avons beaucoup travaillé avec la communauté pour recenser tous les besoins possibles.

Une fois la liste établie, on a essayé au maximum de remplir la salle de tous les éléments récurrents qui étaient présentés. On a rapidement vu venir le problème de la place. Pour faire tenir toutes les demandes, il nous fallait quelque chose de gigantesque. Nous avons trouvé au cœur de Lyon un bâtiment sur 5 étages, sur 700m² pour pouvoir créer, le lieu de l’esport amateur, comme professionnel.

Nous voulons beaucoup travailler sur la participation des amateurs dans ce projet pour qu’ils accèdent à l’équipement nécessaire. Pour autant, nous avons prévu un équipement complet pour permettre aux professionnels l’entraînement, mais aussi la vie en gaming house.

De ce que j’ai vu, le bâtiment est conçu comme un forum, prêt à accueillir toute forme de population plus ou moins liée au jeu vidéo. Qu’on soit amateur ou professionnel, il y a de bonnes raisons de venir à La Source.

Nous avons déjà eu des demandes de professionnels qui sont intéressés par nos locaux plus que d’amateurs. Je pense à des Youtubeurs qui cherchent des studios. Pour eux c’est un moyen d’avoir du matériel, de quoi prendre de l’avance sur leurs productions. Ils nous demandent des devis pour une location d’un mois, car ils cherchent des locaux de travail.

Pour eux c’est important d’avoir ce genre d’espace. Ils passent la majorité de leur temps à domicile. Qu’il soit en temps libre ou en tournage, c’est le même endroit. En conséquence, ils sont parfois isolés, déconnectés du reste du monde.

L’intérêt d’un espace comme le nôtre, c’est de créer une différence entre le travail et le privé. Ils sont prêts à payer pour cet espace de travail, qui permet à la fois de produire, mais aussi dans l’espace commun d’échanger, de rencontrer des membres de la communauté et d’autres créateurs.

C’est un phénomène que l’on ressent de plus en plus, ce besoin commun de se réunir. On le voit dans les LAN avec la croissance des visiteurs, le lien en Online est insuffisant au quotidien.

Ce n’est pas un hasard si les premiers lieux émergents liés à l’esport sont des bars. Ils permettent de partager un moment de détente en commun. La Source peut être une réponse à ce besoin de la communauté d’être réunie pour d’autres choses que le simple loisir.

Notre rez-de-chaussée, le Launcher a été conçu dans ce but. C’est notre salle d’attente avant de monter dans les différents étages. C’est aussi des endroits semi-cloisonnés qui permettent d’être en public, mais d’avoir un espace à soi. Dans l’espace ouvert, une buvette sans alcool permet de discuter, se reposer, échanger ou se restaurer. Des écrans de diffusions sont disponibles pour suivre différents événements et se rassembler.

Cet espace répond à l’évolution croissante du nombre de personnes prêtes à se déplacer pour l’esport et le jeu vidéo en général. Des soirées et des événements sont mis en place pour permettre aux gens concernés de se retrouver pour la discussion.

Aujourd’hui pour les joueurs, c’est important de pouvoir se retrouver. Une équipe éparpillée dans la France n’aura pas les mêmes résultats qu’une équipe qui se retrouve au quotidien. Les joueurs créent des liens, une véritable cohésion d’équipe en partageant leur espace de jeu. Nous offrons une possibilité de créer cet environnement pour le plus grand nombre.

Pour les professionnels il y a encore le niveau au-dessus avec la gaming house. Elles sont assez peu nombreuses et coûteuses, mais à ce niveau, le besoin est évident.

C’était un très gros sujet pour nous. Aujourd’hui en regardant ce qui se fait en Europe on se rend compte qu’elles sont peu nombreuses et rapidement prises d’assaut. Même pour les professionnels, le choix d’une gaming house va se faire sur le prix correspondant au budget.

Certaines structures se sont adaptées au besoin des joueurs. En revanche, il semblerait que la plupart des tarifs sont démesurés et la plupart des équipes ne peuvent pas se permettre d’y accéder.

Gaming House LDLC

Comme beaucoup de structure, LDLC s’est rapidement équipé de sa propre gaming house pour encadrer ses différentes équipes. Crédit : Vakarm

On a vu beaucoup de structures comme Millenium se créer leur propre gaming house. Récemment, les écoles esports s’ouvrent en offrant la possibilité de louer des locaux. Dans tous les cas, le problème est réel en France en ce qui concerne les tarifs. On peut difficilement concurrencer l’Allemagne ou la Pologne avec Katowice. Une semaine dans la gaming house officielle revient environ à 1100€ la semaine, un prix presque imbattable.

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Pour nous aligner à ces prix, nous avons cherché des solutions convaincantes, car les professionnels n’hésitent pas à faire le voyage pour payer moins cher le séjour. Nous avons travaillé notre offre pour avoir un prix compétitif. Notre gaming house peut accueillir 8 personnes en étant à 100 € du prix de Katowice. Nos options sont plus nombreuses pour compenser la différence : confort de vie, cadre français, accès à une salle de musculation…

Nous ne pouvons pas avoir le même prix que la Pologne, mais on arrive à justifier la différence par une qualité de vie supérieure. D’autres options s’ajoutent en supplément comme la nutrition par un traiteur spécialisé. Nos partenaires et sponsors sont choisis pour mettre en avant ce qu’on pourrait appeler la French Quality.

L’offre de la gaming house concerne majoritairement les pros, mais est-ce qu’on peut imaginer une ouverture pour les équipes mineures voire amateures ?

On serait la première gaming house à accepter la possibilité de faire entrer de l’amateur. Aujourd’hui, une gaming house refuse toute demande qui ne provient pas d’une structure pour j’imagine des raisons de facturation.

Nous pensons pouvoir ouvrir la possibilité à une équipe de joueurs amateurs qui veut louer la gaming house sur un week-end pour s’entraîner comme les pros. Cela revient à une centaine d’euros pour chaque participant et ils accèdent à l’équipement et au cadre pendant deux jours.

Je me demandais justement quels étaient les calculs pour assurer la pérennité d’un bâtiment de cette envergure. Comment faire pour que l’amateur et le professionnel soient attirés par les prix proposés ?

Nous avons fait un calcul de revenu sur le centre dans sa globalité. On sait que l’amateur comme le semi-professionnel n’a pas de fonds. Il n’y a que les professionnels qui ont des budgets conséquents. Les projets mis en place ont déjà fonctionné durant nos tests. La principale entrée que l’on préconise déjà concerne l’approche de l’esport dans les grands groupes.

Aujourd’hui on travaille avec des grandes entreprises, intéressées par l’esport à titre publicitaire pour développer leur marque. L’intégration et leur accompagnement sont mis en place par des consultants partenaires. Ensemble, nous préparons des programmes pour ces entreprises. Une grosse partie va concerner les manifestations et événements de team building au travers du jeu vidéo. Des tests ont été effectués avec 50 personnes pour de grands groupes.

Il est désormais admis que le jeu vidéo fait travailler certaines compétences intellectuelles que l’on retrouve dans le monde de l’entreprise. Des programmes ont été mis en place sur des compétences comme la communication, la prise de décision ou le travail d’équipe avec le jeu vidéo comme support. Nous avons eu un franc succès sur nos différents tests, les groupes partenaires étaient très satisfaits de l’expérience.

Nous avons un très gros potentiel de marché dans ces échanges qui possèdent un potentiel beaucoup plus important que l’amateur qui vient louer une machine pendant une heure. Nous avons une mission à l’année au travers des groupes partenaires pour proposer des séminaires. Grâce à ces actions, nous pouvons rendre possible un accès à La Source pour l’amateur qui ne paye sa location que quelques euros pour son entraînement.

Nous voulons inviter les amateurs à venir pour échanger et faire du bâtiment un véritable lieu de vie. Ce n’est pas possible si à chaque visite, le joueur doit payer 30 € pour venir voir ses potes.

Avec un accès libre au Launcher, tout l’écosystème lyonnais peut désormais s’imaginer avoir un endroit de rencontre, que ce soit les médias, les joueurs ou les structures. C’est impressionnant de voir la capacité d’attraction d’un tel projet.

Nous avons réfléchi à cette disposition de la même manière qu’un club de sport. Il existe toujours un premier endroit dans lequel on peut venir, échanger sur la pratique sans être directement face au terrain. C’est important quand on entre dans un endroit comme La Source de ne pas directement voir les ordinateurs.

RDC La Source

Le rez-de-chaussée de La Source, le Launcher permet à tout le monde de profiter d’un espace d’échange et de convivialité. Crédit : La Source

Imaginons un instant que l’on veuille inscrire son enfant dans un club de boxe. Je me rends sur place et je vois à travers la vitrine le ring. La première image que je vais avoir, c’est celle de deux mecs qui se massacrent jusqu’à finir en K.O. Je ne suis pas certain que l’image soit très vendeuse. Il y a toujours un sas dans lequel les gens sont accueillis avant d’être initiés à la pratique.

De la même manière, il ne faut pas directement mettre en contact les visiteurs et les joueurs en action. Pour le confort des joueurs, mais aussi pour celui des personnes qui découvrent, il faut aller progressivement.

Pour revenir sur les pratiques des joueurs, on voit de plus en plus d’équipes qui abandonnent le projet de gaming house sur le long terme. On voit souvent des espaces de travail pour l’équipe, mais chaque joueur a son logement pour le temps privé. Avec la mise à disposition de locaux comme La Source, vous avez presque anticipé l’évolution des mœurs chez les professionnels.

On le voit bien, les gaming house 24/24h et 7/7 ne fonctionnent qu’en Asie. En Europe, il y a eu de nombreux drama à cause de ce modèle. La comparaison peut être bête, mais le système des télé-réalités nous montre au quotidien l’effet de confinement. Passer quatre mois enfermés avec les mêmes personnes crée des tensions inévitables.

Il y a un besoin d’avoir une coupure dans la journée ou un week-end. Se reconnecter avec son entourage est important après une semaine d’entraînement intensif.

Certains groupes nous ont demandé s’il était possible de louer la gaming house pendant 3-4 mois de suite ou à l’année. Nous avons refusé les demandes et nous bloquons la location à un mois peut-être trois semaines au maximum. Nous ne voulons pas rentrer dans ce système de frustration de la gaming house pour les joueurs.

Nous envisageons les locations de trois semaines pour de très grosses équipes qui viennent de loin. On comprend le besoin pour une équipe asiatique qui vient faire un tournoi. Pour une équipe à l’échelle française, on voit mal le besoin plus de 15 jours.

J’imagine que les demandes sur une aussi longue durée viennent principalement d’équipes assez peu expérimentées sur la question.

Tout à fait oui et lorsque nous avons été en contact avec l’équipe Dignitas, ils ont directement demandé une semaine. Pour nous, le format d’une semaine est aussi le plus cohérent et s’il y a des exceptions, elles seront justifiées.

Pour nous, il y a une autre possibilité qui nous semble intéressante en ce qui concerne les tournois Online. Si nous parvenons à être affiliés à un tournoi en particulier, le jour de la compétition, les joueurs sont dans nos locaux pour jouer.

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Même si le Online comprend un certain nombre d’éléments comme le délai des serveurs, en réunissant les joueurs dans un même endroit on peut limiter la différence. De notre côté, on prépare un forfait spécifique pour la compétition et les joueurs profitent du même équipement, d’une connexion optimale même sur un tournoi en ligne.

Je ne me rendais pas compte de cette possibilité-là. Jusqu’ici, j’avais en tête les besoins matériels, de connexion pour être opérationnel. Pouvoir mettre tous les joueurs sur le même plan, c’est un moyen de rendre le Online beaucoup plus juste, une sorte de petite LAN.

C’est l’avantage de notre projet. Nous avons un bâtiment qui a été entièrement monté pour des besoins de ce type. Plusieurs LAN françaises ont subi des complications techniques à cause des infrastructures et certaines directions techniques. Au niveau de la connexion, ils n’ont pas toujours été entendus par les propriétaires qui n’ont pas fourni le matériel indiqué par les organisateurs.

Fortnite Winter Royale

Fortnite propose de nombreux événements en ligne permettant à tous d’entrer dans la compétition, une opportunité pour La Source de pouvoir réunir les participants en un seul lieu ! Crédit: Fortnite

Notre force, c’est de connaître le secteur et d’avoir l’équipement mis à disposition à l’année. On ne va pas imaginer faire tenir la Lyon e-Sport dans notre bâtiment, c’est impensable évidemment. En revanche, dans des rencontres plus petites, des qualifications peut-être, on peut apporter nos ressources pour rendre la rencontre optimale.

C’est forcément plus complexe pour une LAN dans des lieux comme le Palais des Congrès de Lyon. Les propriétaires reçoivent des événements très différents avec du matériel qui change constamment. Il faut savoir s’adapter vite et sans vraiment connaître les particularités de chaque secteur.

En 2018, plusieurs salles ont été confrontées pour la première fois à des vrais événements d’envergure pour l’esport, ils n’étaient pas prêts à ce genre de demande.

Votre modèle ne permet pas forcément de faire venir tout le public d’une LAN, mais si le bâtiment vient à être copié dans différentes villes, chaque espace permet d’accueillir les joueurs et les visiteurs locaux.

Sur un modèle de compétition comme les qualifier, on peut avoir tout le rez-de-chaussée réservé à la rediffusion, mais aussi le premier étage. On peut faire plein de choses dans cet espace à commencer par le streaming. On possède 5 studios qui peuvent proposer cinq flux de diffusions différents.

Dans le même étage, une zone de 100m² permet de faire des conférences, mais aussi des espaces de rediffusion avec une scène. On peut facilement imaginer des commentateurs sur place, une sorte de carré d’or qui va être retransmis au rez-de-chaussée pour le reste du public.

Notre système d’étage permet vraiment de compartimenter les utilisations du bâtiment et de le rendre très polyvalent. Tous les étages étant très équipés, on peut en faire ce que l’on veut.

Le bâtiment paraît idéal pour tous les besoins que l’on peut imaginer aujourd’hui. C’est à croire que vous aviez vu l’avenir de l’esport avant tout le monde.

Hasard ou pas, je ne saurais le dire, mais il y a une chose assez marrante en ce qui concerne le bâtiment.

Le deuxième et troisième étage sont entièrement consacrés à l’espace joueur et nous pouvons dans chacun d’entre eux faire tenir 50 ordinateurs. Les Battle Royale n’étaient pas encore nés que nous avions déjà la possibilité de faire tenir 100 jours en simultanés pour faire une LAN que ce soit sur PUBG ou Fortnite.

La naissance de La Source à Lyon, ce n’est pas un hasard quand on connaît un peu la richesse de son environnement esport.

Nous avons déjà fait un très gros travail avec La Source, auprès des politiques et des différents acteurs. Dans l’esport, les acteurs étaient déjà présents et c’est en s’appuyant sur eux que nous avons réussi à convaincre les politiques. Nous étions l’intermédiaire et désormais, notre réseau est extrêmement complet.

Game Summit

Le Game Summit a réuni les acteurs locaux et nationaux de l’esport avec les politiques de Lyon et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, un coup de maître orchestré par ZQSD Production. Crédit : La Source

Cette année, un grand rassemblement des différents dirigeants régionaux de l’Auvergne-Rhône-Alpes a été mis en place et nous avons répondu présents en faisant appel à tous les acteurs disponibles, les organisateurs, les structures, mais aussi les écoles disponibles pour faire l’événement. Nous avons monté un show en invitant Solary pour l’animation qui a été un succès. Une deuxième édition doit être mise en place prochainement afin d’aller un peu plus loin.

Lyon est un centre important de l’esport, cela explique assez bien votre implantation, mais est-ce qu’on peut déjà imaginer d’autres bâtiments émerger dans différentes villes ?

Le plus dur est de trouver le besoin de la ville. On a beaucoup de demandes, mais dans la réalité c’est plus compliqué. Nous avons déjà fait plusieurs études et déjà notre parcours des villes commence à être tracé. Le besoin d’un bâtiment comme celui-ci est assez évident, mais dans certaines villes, on sait qu’un centre de taille similaire n’aurait pas d’intérêt. En réunissant toute la communauté d’une ville, on ne parviendrait pas à être rentable. On sait qu’il existe un besoin, mais il faut trouver un certain équilibre.

On travaille actuellement sur un modèle de mini Source qui permettrait une implantation de moindre envergure. Le bâtiment n’aurait pas de gaming house puisque les villes en questions sont assez peu actives, les professionnels n’auraient pas de raisons de s’y rendre. Les joueurs internationaux vont rapidement faire le choix d’une ville équipée d’un aéroport, soit Paris, Marseille et Lyon.

À partir de cette base, on parvient à avoir un modèle d’intégration non pas régional, mais départemental. Ce genre de salle permettrait de fédérer le département et les petites villes afin de rendre possible une rencontre des acteurs.

Aujourd’hui, nous avons 8 villes en tête qui serait prête à accueillir une Source. Nous avons été contactés par les politiques locales qui veulent voir venir notre projet chez eux. L’engouement autour du projet est un véritable moteur, nous n’avons pas fini le premier que nous sommes déjà sur le suivant. Des villes ont déjà préparé des projets immobiliers pour nous permettre d’être implantés.

Hâte de voir la première Source sortir de terre. Merci Romain !

separateur rose esport insights

La Source est une réponse intrigante face aux besoins de l’écosystème esportif français. Le besoin d’accès à des espaces physiques commun à la communauté est présent de plus en plus au quotidien. Le nombre de LAN explose aux quatre coins de la France. Cependant, peut-on créer notre tissu relationnel en ne s’appuyant que sur des dates clés ?

Il est aujourd’hui complexe de maintenir des contacts, faire des échanges avec les acteurs sans passer par le Online. De plus en plus, le lien physique est favorisé et les déplacements sont préférés aux appels. Il devient de plus en plus complexe de supporter cette distance qui était jusqu’ici une véritable force.

Ce qui fait les joueurs, c’est avant tout la participation à une LAN. Remporter une compétition en ligne n’aura pas le même crédit. C’est en remportant une LAN que l’on entre dans l’histoire.

La Source est pleine de promesses. Difficile de savoir si toutes peuvent être tenues, mais c’est sûrement ce qui rend le pari aussi excitant. Cette entreprise ne vient pas simplement répondre à une demande croissante, elle anticipe ce qui concerne la communauté en travaillant main dans la main avec elle.

Le chemin parcouru par La Source est déjà riche. D’une simple salle à l’image des univers Blizzard, le projet a muté en une gigantesque infrastructure prévoyant tout ce dont l’esport peut rêver.

Les portes ne sont pas encore ouvertes, mais il ne saurait tarder de voir annoncer l’inauguration de La Source lyonnaise.

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2 Commentaires

Pierre Bourillot 14 janvier 2019 - 13 h 40 min

C’est un beau projet et l’emplacement physique dans Lyon est idéal, j’espère vraiment que cela va avoir du succès !
Mais j’avoue que même après ce super article je n’ai pas vraiment compris ce que la source fait entre de l’amateur, du pro, du stream, des conférences, une buvette… je me demande comment est ce que la communication va se faire parce que j’ai du mal à savoir qu’est ce que la Source a de plus qu’un sorte de grand cyber café moderne,
Dans tout les cas GL à eux et merci pour l’article de qualité Lenaic 🙂

Reply
Lenaic Leroy 14 janvier 2019 - 16 h 28 min

Merci beaucoup pour ton commentaire !

La comparaison avec les cybercafés est très judicieuse en ce qui concerne La Source. Leur activité s’approche beaucoup de ce modèle et la différence se joue principalement sur la promotion de la pratique du jeu vidéo. Contrairement aux cybercafés qui ont pour principal intérêt l’accès informatique et à internet, La Source met en avant les métiers du jeu vidéo ainsi que la pratique de l’esport. En proposant des actions auprès du grand public, leur activité dépasse la seule location pour s’étendre à des conférences et ateliers pour les plus néophytes comme pour les spécialistes.

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