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Franchise LCS EU – Comprendre l’émergence d’un nouveau modèle compétitif

Par Tony Rubio
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L’annonce de l’instauration du système de franchises aux LCS EU a largué une petite bombe dans le monde de League of Legends. Après la LPL et les LCS NA en 2018, c’est à notre tour, européens, d’épouser un système qui a autant d’admirateurs que de détracteurs. Néanmoins, des questions subsistent. D’où est venue cette décision de passer au système de franchise ? Qu’est-ce que cela va changer pour l’écosystème de League of Legends ? Est-ce qu’une baisse de performance des équipes est vraiment à redouter ? Nous avons fait le point avec Chips, caster O’Gaming, sur le changement de modèle économique de Riot Games. Il est revenu sur de nombreuses problématiques de manière tout à fait éclairante.

Pour bien comprendre l’avènement des franchises sur la scène de League of Legends, il est nécessaire de répondre à la question suivante : qu’est-ce qui a engendré le passage du système de promotion/relégation au système de franchise ?

Revenons 6 ans en arrière. Fin 2012, Riot Games pose les bases de son système compétitif international en créant les LCS (Europe et Amérique du Nord). L’éditeur s’impose ainsi comme le principal instigateur de sa scène internationale. Avant cela, ce sont les compétitions National ESL Premier League et les Intel Extrem Masters (IEM) qui permettaient de départager les équipes du monde entier pour le championnat du monde de League of Legends.

En 2012, Riot reprend ainsi la mainmise sur son système compétitif. LCS EU et LCS NA regroupent alors chacune 8 équipes (10 depuis 2014-2015) et épousent le système de promotion/relégation.

Le fonctionnement du système de Promotion/Relégation

Pour les amateurs de sports en tous genres, le système n’est pas nouveau. Depuis longtemps, le football, sport phare en Europe, a adopté le système de promotion/relégation dans ses compétitions.

L’équation est simple : établir un système permettant aux équipes les plus performantes de monter dans la division supérieure et aux équipes les moins performantes à redescendre aux étages inférieurs (ou en tout cas à se battre pour le maintien de leur place).

Sur League of Legends, pas de division 1 ou 2, mais un système de vases communicants entre les League Championship Series (LCS) et les Challenger Series (CS).

Les deux équipes ayant le moins performé en LCS et les deux équipes ayant passé les Challenger Series se rencontrent pour déterminer qui sont les plus aptes à (re)passer dans la cour des grands.

Les équipes se rencontrent ainsi lors du Promotion Tournament qui décidera une bonne fois pour toute, qui aura sa place aux LCS EU : les habitués déchus ou les rookies. L’exemple parfait cette année nous provient de la LCK. Les 2 équipes les moins performantes du Spring Split 2018, MVP et Kongdoo Monster, ont dû affronter les meilleurs Challenger Coréens. Face à eux, Griffin et Ever8 Winners, les 2 équipes ayant réussi à s’insinuer dans le Promotion Tournament. Au final, MVP a récupéré sa place en LCK, mais Kongdoo l’a perdu au profit des Griffin. Ces derniers sont d’ailleurs en train de littéralement ROULER sur la LCK, comme quoi la promotion a du bon !

Auparavant, c’était donc les performances de chaque équipe qui faisaient office de baromètre. Soyez performantes et vous irez en LCS. Enchaînez les défaites, et vous retournerez dans l’anonymat le plus total.

Tel était ainsi défini le système compétitif de League of Legends. Mais ça, c’était avant le coup de gueule du directeur général de TSM, Andy « Reginald » Dinh.

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Reginald ne prend pas de pincettes pour vous faire comprendre quelque chose (Crédit : Twitter)

Affaire Reginald/Marc Merrill, premiers échanges tendus sur les difficultés inhérentes aux LCS

La fin d’année 2016 signe un grand tournant dans l’esport de League of Legends.

En août de la même année, Scarra interroge Reginald, le fondateur de Team SoloMid, sur les problématiques qu’engendrent les patchs de dernière minute pour la scène compétitive.

Reginald explique que les patchs lourds, impactant la meta, bien qu’ils peuvent plaire aux spectateurs, sont décourageants pour les joueurs. Les mois de travail passés à comprendre et performer au plus haut niveau s’évaporent à cause d’un patch imposé par Riot Games.

Reginald en profite pour faire le lien avec les problèmes des relégations et de ce qu’elles impliquent pour les joueurs, le coaching staff et les investisseurs. Si certains patchs peuvent mettre en péril le niveau général d’une team, celle-ci a plus de probabilités d’échouer et d’être reléguée. Ce qui implique une perte de visibilité et de ressources conséquentes, le tout allié à la fin prématurée des contrats avec les investisseurs.

Selon lui, cela ne rassure pas les investisseurs, qui font un véritable pari en injectant de l’argent dans des structures et dans un écosystème qu’ils ne comprennent pas et qui est très volatile. On peut faire une analogie avec ce qui se passe à l’heure actuelle avec la meta. Des joueurs s’étant entraîné toute leur carrière à jouer un rôle spécifique (ADC en l’occurrence), se retrouvent obligés de jouer des rôles ou des champions différents, voire même de ne pas jouer du tout (cf Rekkles remplacé par Bwipo au Summer Split 2018).

La question des franchises est alors posée. Bien que Reginald ne soit pas persuadé que la franchise soit la solution de tous les problèmes, il insiste sur la nécessité d’apporter des changements cohérents à la scène. Une scène LCS beaucoup plus stable, une ligue Challenger bien plus relevée et de meilleures ressources économiques pour les équipes évoluant en LCS.

Marc Merrill, le co-fondateur de Riot Games, est revenu sur cette interview dans un post reddit qui a enflammé la toile, critiquant  les investissements hors League of Legends de Reginal, qui permettent selon lui d’expliquer ses pertes d’argent. Reginald y répondra longuement dans un Twitlonger.

TheScore esports a d’ailleurs produit une vidéo récapitulative tout à fait passionnante sur la question (en anglais).

The Teams, première coalition critique des joueurs vis-à-vis du système compétitif de Riot

Un mois plus tard, les équipes européennes et américaines, regroupées sous le nom “The Teams”, écrivent une lettre à l’attention de Riot Games.

Dans celle-ci, elles font étalage des différentes problématiques auxquelles elles sont confrontées et de l’avancement de ces discussions avec Riot Games.

Deux éléments sont notamment pointés du doigt : le manque de compensations financières et le problème du système de relégation, les deux étant fondamentalement liés.

Les éléments mis en lumière font écho au discours de Reginald dans l’interview qu’il a donné à TheScore esports. Six problèmes sont mis en avant par les propriétaires de structures.

  1. Le manque de sécurité de l’emploi des joueurs et des problèmes concernant les longues carrières, causés par des compensations financières trop faibles et par le système de relégation
  2. Les problèmes concernant les investissements dans les joueurs LCS, du fait des maigres compensations et du système de relégation
  3. Faiblesse des relations entre les fans et les structures du fait de la relégation
  4. Difficulté à trouver et garder des sponsors à cause des restrictions des LCS et du système de relégation
  5. Nécessité de transvaser les ressources des LCS en Challenger à cause des relégations
  6. Difficultés financières liées aux compensations insuffisantes allouées aux teams

Vous aurez compris qu’il y a un consensus sur les relégations. Les réponses de Riot Games à l’époque étaient claires : pas de suppression du système de relégation et des efforts concédés concernant les compensations financières.

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L’éditeur consent ainsi à répartir une partie des revenus des ventes d’items numériques (icônes d’invocateurs et skins) aux structures.

  • Pour la saison 2017, l’éditeur garantit ainsi un minimum de $100K/€100K par équipe, dont la moitié sera reversée aux joueurs. The Teams ont entendu la demande, mais au vu des maigres annonces de Riot Games demandent $700K/€700K, en assurant garantir 100K à leurs joueurs.
  • Sur la saison 2016/2017, 25% des revenus liés à la vente des skins Championship sera partagée entre tous les joueurs et équipes de la région.
  • Concernant la vente d’icônes d’invocateur pour 2017, les joueurs recevront 100% des recettes de 2016, plus 50 % ensuite.
  • Enfin, pour les icônes d’invocateur des Worlds, 10% des revenus totaux seront distribués de manière équitable entre toutes les teams participant aux Worlds.

Le partage des revenus liés aux sponsors des ligues et aux médias a été rejeté d’un revers de main jusqu’en 2018. Pour The Teams, le pas en avant de Riot Games n’est pas suffisant et les négociations suivantes entre les deux parties ne seront plus autant mis en lumière.

2017 – Année des franchises et des European Masters

C’est en 2017, un peu plus de 6 mois après la lettre The Teams, que la LPL (ligue chinoise) devient la première ligue à passer au système de franchise. Fin du système de Promotion/Relégation, passage de 12 à 14 équipes, fusion de la LSPL (Lol Secondary Pro League) et la TCA (Tencent Game Arena), et liaison entre les équipes et les villes, de sorte à créer une véritable émulsion entre ces dernières et la population.

La nouvelle ne fait pas le bruit attendu. Ce sont les LCS NA qui s’occuperont de porter l’étendard en termes de communication. La révélation fera grand bruit dans le monde de l’esport de League of Legends. Le terme de franchise n’est d’ailleurs pas réellement mis en avant. Riot Games lui préfèrera celui de “Permanent Partnership”, ou partenariat à long terme en français.

Terminé le système de promotion/relégation. Les Challenger Series n’ont alors plus lieu d’être. Ils seront remplacés par les Ligues Académiques, qui auront pour but de maintenir le rôle de révélateur de talents. Chaque team LCS aura sa propre team Academy dont les joueurs pourront évoluer, ou non, en LCS. Cloud9 en est aujourd’hui l’exemple le plus marquant. Keith, Zeizal et GoldenGlue, les 3 joueurs CLoud9 de la team Academy ont rejoint le roster LCS en début de Summer Split 2018. Nouvelle qui ne s’est pas faite sans bruit cela dit…

Pour contrer les potentiels risques de non-performance (pointés du doigt par la communauté lors de l’annonce du passage aux franchises), Riot Games a mis en place des avantages et inconvénients financiers. Un pour chaque place du split. De plus, l’éditeur intègre une politique dans laquelle toute team finissant minimum 5 fois à la 9e ou 10e place en 8 splits, pourra perdre ses droits de compétition en LCS.

Riot Games a fait connaître ses envies d’une compétition par nations en Europe. Pourtant, ils se sont dirigés vers le système de franchise. Celui-ci ne serait-il donc pas qu’une passerelle obligée entre système de relégation et compétition par nations ? C’est la question que nous avons posée à Chips.

Ca peut être une vraie question ! Le fait est qu’actuellement Riot, en Europe, n’ont pas voulu tuer l’écosystème LCS, qui a fait la gloire du jeu dans l’esport. Mais encore une fois, ils n’ont pas non plus envie de laisser totalement de côté l’écosystème local. Je pense qu’ils testent plein de trucs en Europe. La philosophie de Riot Games, c’est d’adapter le système à la région. C’est vraiment ce qu’ils essaient de faire en Europe – Chips

Chips s’est penché sur le système de franchise dans une autre de nos interviews ici !

European Masters, maigre consolation pour les joueurs européens

En 2017, Riot Games annonce également la fin du Promotion Tournament entre le Spring et le Summer Splits pour les LCS EU 2018. Les seules chances d’accéder aux LCS se feront donc via le Promotion Spring, dont sont ressortis Schalke 04 et Giants Gaming. Cette annonce signe donc la fin des Challenger Series (CS) en Europe. L’ombre de la franchise plane alors au-dessus de l’Europe. Coup dur pour les équipes sub-top européennes qui n’auront plus d’opportunités de rejoindre les “grands” cette année… et l’année d’après, car Riot Games annonce une nouvelle compétition : les European Masters.

Deux compétitions distinctes, l’une pour les meilleurs des meilleurs, et l’autre… pour le reste. Les European Masters feront donc office de compétition annexe aux LCS et se dérouleront deux fois par an. Les meilleures équipes européennes (hors LCS) pourront ainsi participer à une compétition de renom et être projetés, pour une fois, sur les feux de la rampe européenne.

Chips a longuement développé sa vision des European Masters et de l’écosystème local de League of Legends, tranchant ainsi avec certains discours pessimistes.

Il y a peu d’écosystème local sur League of Legends et peu d’équipes ancrées localement. Je pense que Riot a compris une chose : essayer de forcer tout l’écosystème à pencher vers ce système, ce n’était pas optimal parce que les grosses équipes elles ont de gros salaires à payer, de grosses charges, de grosses obligations. C’est difficile de leur faire subir ce système directement.

Maintenant, ce que j’aime bien, c’est que Riot n’abandonne pas cette idée, notamment pour l’Europe, qui est hyper imprégnée de l’écosystème footballistique en général.

Je pense que c’est leur tentative de développer un écosystème d’équipes avec un gros ancrage local, grâce à ces European Masters. Honnêtement, je pense que le système compétitif de LoL n’est pas figé. Ce qu’ils tentent de faire avec les European Masters, c’est pas mal, c’est beaucoup plus proche de l’écosystème en Europe.

C’est sûr, les équipes n’auront pas accès aux LCS, mais si ca se trouve, si l’écosystème local se développe énormément autour de ces équipes, elles auront un gros intérêt à développer leurs marques de cette façon. Il y aura quelque chose d’un peu nouveau qui se créera, et peut-être qu’après tout le monde aura envie d’en profiter et de pencher vers ce système.

Je suis curieux, je sais que ça fait un peu lot de consolation mais en même temps, Riot a vraiment envie de développer ces scènes locales. Ils ont développé un tournoi qui donne la possibilité aux meilleurs équipes locales de se retrouver et s’affronter.

Le tournoi avait une identité propre, je trouve qu’ils font pas mal d’efforts, et s’ils continuent, des équipes auront vraiment intérêt à se développer localement.

Si tu prends GamersOrigin par exemple, je connais le directeur esport de l’équipe, il était un peu déprimé par moments quand il savait que ce serait difficile, voire interdit d’aller en LCS. Mais ils ont quand même de très bons résultats localement. GO viennent de signer un gros sponsor avec la société générale. Quand tu arrives à faire ce genre de choses, que t’as un écosystème local soutenu, qui semble pouvoir se développer dans les futures années, je me dis qu’en tant qu’équipe susceptible de jouer aux European Masters, tu peux trouver quelque chose pour te développer. Je pense qu’il y a des choses à faire, ça peut paraître un peu décourageant de prime abord, mais il y a de plus en plus d’exemples qui montrent qu’il y a des possibilités d’action. Moi j’ai envie de voir cet écosystème parallèle aux LCS se développer en Europe, il ne faut pas partir du principe que c’est mort d’entrée de jeu et que ça ne vaut pas le coup.

S’il y a un écosystème local avec des compétitions qui fonctionnent bien, avec du monde qui commence à rejoindre, des show sympas, peut-être que beaucoup de français vont s’accrocher aux équipes françaises. En fait, le modèle d’équipe devient viable dans ce cas : si t’as un gros ancrage local, que les gens te suivent sur ta scène nationale, que tu les représentent 2 fois par an dans une compétition paneuropéenne. Honnêtement, je vois un monde où un modèle d’équipe comme celui-ci peut bien fonctionner – Chips

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Origen, composée de 5 grands noms de la scène LoL, ressortira victorieuse des European Masters… et clouera le bec aux critiques (Crédit : Riftherald)

L’Europe sur les pas de l’Amérique du Nord avec la franchise

En Europe, les équipes ont également fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis de la situation. L’annonce du système de franchise en Amérique du Nord a ouvert une brèche pour certaines des grandes structures européennes. Ainsi, en 2017, Fnatic, Splyce, Misfits et G2 Esports candidatent pour évoluer en LCS NA. Selon les sources d’ESPN, ces décisions sont les conséquences d’un manque de communication de la part de Riot Games sur l’évolution des LCS EU. L’herbe serait bien plus verte en NA. Ces applications, bien qu’aucune d’entre elles n’aient abouties, ont fait planer une ombre sans précédent sur la scène esportive européenne.

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La même année, d’autres communications font état des mêmes difficultés qu’avaient évoquées Reginald pour les NA. La structure H2K place ainsi Riot Games devant ses responsabilités. Même son de cloche que nos confrères américains : la perte d’argent ne peut plus durer. Susan Tully, le CEO d’H2K, ne fait pas dans la dentelle. Riot se fait de l’argent, les équipes sont asphyxiées par les coûts et seront, si rien n’est fait, obligées de se retirer des LCS EU. Et sans équipe, pas de League of Legends professionnels pour les fans, donc une perte d’argent pour Riot Games. La fin de la lettre est très explicite :

Accordingly, H2K ownership has made the decision that we will no longer financially subsidize RIOT and will not continue in the EU LCS beyond the 2017 season UNLESS RIOT creates a new financial and operating structure.

Nos chères licornes roses font elles aussi la critique du système en place. Dans un long poste, Jos Mallant, le CEO des Unicorns of Love fait l’état de la question des problèmes et du futur des LCS EU. La communication écrite sera suivie deux mois plus tard par une vidéo du manager de l’époque, Romain Bigeard. Celui-ci propose une vulgarisation du système économique en place en LCS EU et insiste bien sur la carte qu’a à jouer Riot Games dans cette équation s’ils veulent que leur scène compétitive soit/reste pérenne.

Un an plus tard, il semblerait que les structures européennes aient eu gain de cause : Riot Games annonce l’instauration du système de franchise pour l’Europe. Sans grandes surprises pour certains observateurs, qui avaient déjà statué dessus avec la fin des Challenger Series et leur remplacement par les championnats nationaux.

J’ai commencé à suivre la compétition en Europe avec le système de relégation, qui est un peu mon modèle idéal. J’étais assez hostile aux franchises en général, mais je suis un peu revenu dessus dernièrement sur pas mal de choses – Chips

Pour faire passer la pilule aux fans européens, culturellement habitués au système de promotion/relégation, Riot Games présente dans un long article le nouveau fonctionnement des LCS EU. La vidéo de Blitz Esport avec Quickshot en guest fera office de stratégie de communication audiovisuelle tout à fait éclairante pour les néophytes.

Quickshot a abordé l’intérêt du nouveau système compétitif pour les casters. Nous en avons profité pour recueillir l’avis de Chips sur cette question.

Je pense que c’est très subjectif. Je comprends ce que veut dire Quickshot, il a raison dans ce qu’il dit mais on peut dire aussi l’inverse, où est le renouveau, où est la surprise ? Regarde en LCK, les Griffin, s’il y avait eu les franchises, on aurait pas vu cette équipe. Après, des exemples comme Griffin, il y en a pas beaucoup.

Tout ce qui est développement de talents, ça peut fonctionner, mais tu n’auras plus l’équipe surprise qui débarque.

Ca dépend aussi de ce que tu préfères aussi en tant que commentateur. Depuis le début du système de LCS, tu as eu beaucoup de renouveau aussi. Imaginons qu’on ait eu le système de franchising au début. On aurait eu de très mauvais gestionnaires d’équipes, de très mauvaises équipes. Le système de relégation, ça permet aussi d’épurer un peu, de sortir les “brebis galeuses” – Chips

Comprendre les tenants et aboutissants de la franchise en LCS EU

Tout comme pour les NA, l’Europe met un terme à son histoire d’amour avec le système de relégations. Les objectifs sont de permettre des investissements sur le long-terme, sans risques pour les structures, sponsors et investisseurs de voir leurs rêves partir en fumée. Riot avance que cela devrait aussi fournir une meilleure expérience, qui devraient s’attacher à leurs idoles sans risques de les voir échouer au Promotion Tournament.

Chaque année, c’est donc 10 équipes permanentes qui se disputeront la 1ere place de la compétition.

Je pense quand même que le système de franchising est le plus apte à créer un écosystème sain en quelques annés. Là où un écosystème avec relégation met beaucoup plus de temps à se créer, à être sain – Chips

Partage des ressources et mise en valeur des joueurs

Les enseignements de Reginald ont porté leurs fruits. Alors que la lettre de 2016 était claire sur le partage de revenus, Riot a depuis effectué un grand retour en arrière.

Il instaureront ainsi une cagnotte globale de la Ligue (League Revenue Pool) auxquelles chaque partie contribue et bénéficie. La triptyque Joueurs/Team/Riot est ainsi créée. Ces 3 entités se partageront les ressources issues des revenus de Riot (Médias et Sponsors) et des teams (sponsors et ventes), de manière quasi égalitaire.

Comme pour les LCS NA, Riot inclut les concepts d’avantages et de pénalités financières pour les équipes. L’objectif étant de limiter les possibles dérives d’équipes qui ne joueraient pas le jeu, et qui, pour reprendre les mots de Jarred Kenedy, co-Head of Esports chez Riot Games, se contenteraient de « collect the check ».

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La nouvelle distribution des parts post-franchise (Crédit : Lolesport)

Redonner du pouvoir aux joueurs via l’Association

Elément notable du système de franchise, la mise en place d’une plate-forme de développement pour les joueurs. L’objectif étant d’apporter du soutien aux aspirants professionnels. De l’autre côté, les pro ne sont pas en reste. Les ressources visant à les aider à gérer leurs finances, à développer leurs soins médicaux et à contribuer à leur développement personnel devraient être augmentée.

Cette décision est extrêmement engageante quand on connaît le rôle parfois maigre des joueurs. Leur donner plus de pouvoir et de voix pour qu’ils participent eux aussi au développement de la ligue est un très bonne nouvelle. La franchise aura eu pour bénéfice de rendre les joueurs acteurs de leur propre écosystème et le droit de se représenter eux-mêmes.

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Ainsi, comme pour les LCS NA, une élection de représentants des joueurs devrait être mise en place. Les joueurs auront alors un temps défini pour choisir leurs représentants, qui les assisteront dans toutes les difficultés qu’ils pourraient rencontrer et qui répondront à toutes leurs interrogations. De plus, de nombreux séminaires et conférences devraient être mis en place pour accompagner les joueurs et leur donner les armes et les outils pour évoluer de manière optimale. Hal Biagas, le Head of the Player Association en LCS NA, déclare ainsi que « des séminaires avaient été organisés pour apprendre à contrôler et réduire le stress » des joueurs et qu’il fera tout son possible pour aider les joueurs dans ce tout ce qui se rapporte au droit (apprendre à mieux comprendre son contrat de travail). Concernant les joueurs, c’est Darshan “Darshan” Upadhyaya qui a été élu président de l’association NA, tandis que Bjergsen, Mithy et Doublelift occuperont les postes de vice-présidents.

Chips semble satisfait de l’annonce de création d’une association, en mettant en garde toutefois sur certaines problématiques.

Les joueurs avant n’étaient pas très bien protégés et assez livrés à eux-même. L’association, ce que ça va changer, c’est toujours un peu difficile à prédire. Une association de base, ça sert à défendre ton corps de métiers, à essayer de développer une forme de déontologie et de protéger aussi.

Je pense que c’est bien le fait qu’il y ait des agents plus une association de joueurs, c’est un système qui, à terme, devrait sécuriser la situation de tous les joueurs. Moi je suis fan, mais ça dépend toujours de ce qui en est fait après, si c’est juste une entité créée où personne ne fait d’effort et que c’est vide… Les joueurs, ça reste des joueurs, il faut se rendre à l’évidence, ils sont jeunes, le seul truc auquel ils pensent, c’est jouer [rires]

C’est bien de créer une association, mais il faut aussi trouver la bonne façon pour que ça marche. Qu’il y ait des propositions, une émulation, que des choses soient faits, si tu laisses juste les joueurs, je suis prêt à parier beaucoup que rien ne se passera – Chips

L’instauration d’une association de joueurs résonne parfaitement avec l’échange Meteos/AnDA entre FlyQuest et 100 Thieves. Jacob Wolf, journaliste à ESPN, invite les joueurs à prendre leurs responsabilités et à s’appuyer sur leur association.

Processus d’application des équipes

Riot Games a prévu 3 phases dans son processus de recrutement des 10 structures des LCS EU.

Phase 1 – Jusqu’au 1er Juillet, tous les postulants intéressés pourront soumettre leurs propositions en soulignant leurs plans pour forger une équipe qui participera aux LCS. Les postulants devront mettre en avant leur stratégie marketing, leur business plan, et répondre aux questions de Riot afin qu’ils s’assurent qu’elles ont toutes les cartes en main pour établir une véritable connexion avec les joueurs et fans en Europe.

Phase 2 (Juillet – Septembre) – Durant la phase 2, Riot passera en revue toutes les demandes d’application réalisées jusqu’alors. Accompagnés par des experts, Riot s’assurera du bien-fondé des postulations, afin qu’elles soient en accord avec leur vision des LCS EU. Les structures passant cette preuve de vérification et d’analyse seront reçues pour présenter en personne tous leurs plans et stratégies. Parmi les équipes passant cette phase, 10 seulement seront choisies pour participer aux LCS EU 2019.

Phase 3 (Novembre) – La phase tant attendue par les acteurs du milieu : l’annonce des 10 équipes par Riot. Les teams LCS n’ayant pas été retenues auront une période durant laquelle ils pourront négocier et vendre les contrats de leurs joueurs aux structures ayant été choisies. Ils hériteront, comme ce fut le cas en LCS NA, d’une compensation financière pour leurs investissements passés en LCS.

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Romain Bigeard a grandement participé à la hype et la communication autour d’Unicorns of Love (Crédit : Lolesport)

Avec la franchise, l’ère imposée du renouveau

A l’heure actuelle, après moins d’un an d’expérience en LPL et NA, il reste très complexe de dire si oui ou non le passage au système de franchise est une réussite. Ni de l’envisager pour l’Europe. Pour autant, il semble que sur le papier, tout le monde soit gagnant. Tous ? Non évidemment, Immortals, Team Dignitas, Team EnVyUs et Phoenix reposent sur l’autel des sacrifiés. Très étonnant pour Immortals qui était bien pressentie pour passer la douloureuse épreuve des applications nord-américaines.

Noah Winston, le CEO d’Immortals, était néanmoins lucide lors de la table ronde avec Riot Games.

There’s risks inherent to any investment, maybe we don’t get in and we’re shut out of LCS, but if that’s the case, we clearly haven’t done enough to provide value for fans or for players or the ecosystem […] that’s not bad luck, that’s on you.

L’instauration des franchises, qui finira probablement par s’imposer dans toutes les ligues, devrait mettre un terme aux mercato « regrettables » entre EU et NA (Zven et Mithy qui ont pu profiter de la hausse des salaires due à l’établissement des franchises en LCS NA) ou entre la LCK et la LPL (la ligue chinoise étant connue pour mieux payer ses joueurs, RIP MaRin).

Néanmoins, cela pose la question de l’impact des sponsors et du type de business qui en sera fait. Du fait du fort investissement réalisé – entre 8 et 10.5 millions d’euros – et bien que le gage de retours soit élevé, des dérives ne sont-elles pas à craindre ? Les pressions exercées sur les joueurs ou le coaching staff ne risquent pas d’être plus fréquentes et/ou plus vives ? Chips émet un avis plutôt optimiste.

Je ne pense pas, parce qu’un écosystème de franchise, où tu n’as pas la menace immédiate de la relégation deux fois par an, te permet de faire des paris. Tiens ce joueur, j’ai envie d’investir dedans, je pense qu’il peut être hyper prometteur, et qu’il peut exploser d’ici six mois ou un an.

L’avantage du système de franchise, c’est qu’il permet de développer ça. Le système de relégation te pousse à être très performant très vite, et tu fais des choix court termistes qui te permettent d’avoir des résultats rapides. Alors que le système de franchise te permet d’investir dans le long terme – Chips

Cela reste donc un pari, bien que certains, comme Ocelot, le CEO de G2 Esports, aient confiance dans le projet. Chips semble être du même avis, malgré quelques appréhensions.

Dans l’idée, je pense que c’est une bonne chose le système de franchise. A condition que les dossiers retenus soient les bons, que les équipes fassent tous les efforts nécessaires pour développer une marque et une fan base. Et si possible essayer d’avoir un petit ancrage local, dans une ville peut-être ! C’est plus optimal et moins risqué, mais je serais toujours pour un système de relégation. J’espère juste que je ne serais pas déçu par l’ensemble et que ce sera positif pour l’écosystème. Si on pousse ensemble, je pense que ça peut être positif. J’espère que tous les acteurs feront l’effort – Chips

Il faudra attendre quelques mois après la mise en place des franchises avant de trancher sur leurs avantages et inconvénients réels. Les prévisions annoncées par Riot Games concernant l’atteinte d’un écosystème stable, sain et l’émergence des identités locales en Europe, permettent en tout cas de présager un bel avenir pour les LCS EU.

Nous remercions chaleureusement Chips d’avoir accepté de répondre à nos questions.

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