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Fortnite : La révolution qui rompt avec l’esport

Par Lenaic Leroy
Vignette Fortnite révolution esport

Vous ne cessez d’en entendre parler, que vous le vouliez ou non, Fortnite, le Battle Royale d’Epic Games est aujourd’hui un titre majeur, ancré dans la culture du gaming et de l’esport.

Le jeu, par son allure cartoonesque a réussi à séduire les plus jeunes, lancer des carrières de grands influenceurs, de joueurs, tout en réussissant ce qu’aucun n’avait eu la possibilité de faire.

Le succès de Fortnite est incontestable, pour preuve, la vague de rejet que connaît le jeu auprès d’une génération de joueurs compétitifs plus chevronnés.

Nous avons connu quelque chose de similaire par le passé. Remontons au début des années 2000, un temps où les tops 1 étaient réservés au film de Kinji Fukasaku.

À l’époque, Starcraft fait le buzz dans le monde entier, l’esport explose en Corée et Bertrand Amar est déjà à la télévision pour parler jeu vidéo.

S’ajoute à cette genèse, un nouveau titre : Counter-Strike.

À sa sortie, le jeu n’avait pas la notoriété qu’il a connue par la suite. Les joueurs qui participaient déjà à des compétitions regardaient d’un œil réprobateur ce jeu qui ne trouvait pas son public chez les pros.

Ce sont les plus jeunes joueurs, les moins expérimentés, qui sont parvenus à se faire une place sur la scène compétitive, en grandissant avec Counter-Strike.

Les années ont passés et Counter-Strike est même devenu un jeu un peu vieillissant. Dernièrement, nous avons eu une belle représentation de la place du jeu dans l’écosystème français avec la sélection de la DreamHack Tours, opposant le dinosaure de Valve au jeu de Psyonix : Rocket League.

Malgré le soulèvement de la communauté, Rocket League a été préféré par l’organisation, laissant Counter-Strike dans les limbes du passé.

Fortnite semble suivre la même trajectoire que Counter-Strike à ses débuts.

Le jeu est apparu, telle une explosion au cœur de l’environnement compétitif. Le Battle Royale était déjà au centre de notre attention, Fortnite n’a fait que bousculer ce que nous imaginions comme avenir pour ce nouveau genre.

Je vous avais déjà parlé de la naissance et de l’évolution du Battle Royale, la place que celui-ci avait réussi à se faire depuis sa conception sur DayZ.

Déjà à l’époque, Fortnite s’imposait comme un standard du genre, mais il n’était pas pour moi à l’origine d’une révolution pour le Battle Royale.

La force de Fortnite, n’est pas dans le jeu en lui-même, mais dans la dynamique de développement impulsée par le studio.

Des patchs qui s’enchaînent, du contenu toujours inattendu, des tentatives parfois ratées, Fortnite est un immense fourre-tout qui marche.

Ce succès a un prix, celui que l’on donne aux joueurs, mais aussi celui que payent les développeurs qui subissent une politique de crunch intensive.

Explorons ensemble tout ce que Fortnite a mis en avant et quelles sont les différences de rythmes créées par Epic Games pour mieux saisir la direction proposée par l’esport sur Fortnite.

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Brève histoire des débuts de Fortnite

Fortnite à redistribué les cartes depuis son arrivée en 2017. Pour cette raison, il est intéressant de s’arrêter sur le parcours du jeu et sa réception auprès des joueurs et des acteurs.

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Pour rappel, Fortnite est un jeu développé par Epic Games, publié en juillet 2017. Durant cette année, le Battle Royale fait déjà son entrée triomphale, d’abord sur H1Z1 puis sur PlayerUnknown’s Battleground.

Toute la sphère gaming joue à PUBG durant les longues et chaudes nuits d’été alors que Fortnite perce timidement.

Le jeu n’a rien d’un battle royale, il s’agit même d’une proposition coopérative invitant les joueurs à survivre à la fin du monde. L’origine du survival est déjà implantée dans l’ADN de Fortnite, mais la notion de top 1 est encore loin de tous.

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Fortnite a une place dans chaque LAN française multigaming. Elle est non négligeable puisqu’elle représente souvent la plus grande partie de l’espace joueur.

Pour assurer ses arrières, Epic Games propose de nombreuses opérations marketing chez les différents vidéastes et streameurs d’occident, avec un résultat mitigé. Quelques jours suffisent à faire oublier le jeu, du moins jusqu’à l’arrivée du mode battle royale.

En septembre 2017, le format battle royale est une réponse directe à l’engouement déjà bien amorcé du genre. Dans un premier temps, les joueurs sont timides, même si jour après jour, le nombre d’actifs ne cesse de croître.

L’explosion commence véritablement entre novembre et décembre, suivi en France de l’annonce de la Lyon e-Sport de faire la première LAN Fortnite au monde.

Il n’en faut pas moins pour que les premiers aficionados se lancent à la conquête de ce qui deviendra jusqu’à aujourd’hui la référence en matière de Battle Royale.

Suite à la Lyon e-Sport, d’autres compétitions, en France, mais aussi dans le reste du monde, créent le premier écosystème esportif du jeu. En mai 2018, l’onde de choc la plus marquante reste l’annonce d’un cashprize de 100 000 000 de dollars.

Depuis, beaucoup de chemin a été parcouru et la scène compétitive du jeu reste très difficilement malléable.

En effet, la notion d’esport sur Fortnite est encore trouble pour beaucoup d’acteurs puisqu’ils ne reconnaissent pas dans ce modèle l’esport qu’ils connaissent et pratiquent.

Fortnite, une Blietzkrieg dans le jeu vidéo

On peut comprendre le succès de Fortnite de bien des manières. Que ce soit une communication invasive ou un marketing à outrance, Epic Games n’a jamais oublié de mettre le joueur au cœur de sa démarche.

L’idée n’est pas de donner à la communauté ce qu’elle veut, mais de faire de la communauté un aspect intrinsèque du jeu. Pour preuve, le prodige de Fortnite, Ninja, jusqu’alors inconnu. En quelques mois, le jeune américain devenu l’égérie des jeunes avait sur ses épaules le lourd fardeau de devenir un exemple pour tous.

Je ne viens pas plaindre sa situation, mais il est important de reconnaître dans sa figure, un succès de la part d’Epic Games qui a réussi en quelque mois à faire émerger l’archétype du joueur type de Fortnite. Cette situation a été beaucoup plus longue à émerger pour League of Legends avec Faker en 2013.

Pour autant, ce qui importe le plus dans la façon de faire d’Epic Games, c’est la constante prise sur son spectateur. J’appuie tout particulièrement ce choix du terme spectateur, car il ne s’agit pas uniquement des joueurs, mais bien de l’ensemble des acteurs qui gravitent autour de Fortnite.

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Toutes les semaines, Fortnite offre une multitude de contenus, de nouvelles armes, des objets, des véhicules, de nouveaux défis, un événement actif, une transformation de carte et j’en passe.

Le raz-de-marée d’informations autour de Fortnite a fait sourire jaune toutes les rédactions qui ne pouvaient pas passer à côté du potentiel sans précédent du jeu bien qu’elles en aient la sainte horreur.

Fortnite, c’est une guerre du contenu, menée à bout de bras par des développeurs capables de produire le nouveau skin marquant avant même d’avoir vendu le dernier en date.

Le rythme est effréné et amène à la réflexion sur le modèle des jeux compétitifs. Jusqu’ici, la référence League of Legends donnait le ton. Un patch mensuel, quelque correctifs et un nouveau champion pour pimenter le tout.

Avec Fortnite, on oublie les vieilles idoles et on fait table rase de ce format. En introduisant le patch hebdomadaire, on passe à la vitesse supérieure et on ne lésine pas, il ne faudrait surtout pas que la machine s’arrête.

On peut difficilement oublier la frayeur du début d’année, alors que Respawn Studio semblait prêt à détrôner Fortnite avec son nouveau Batte Royale : Apex Legends.

Le jeu était léché, apprécié de tous et détenteur d’un lancement record ! Pourtant, après le premier mois, la désillusion était bien réelle, Apex ne viendrait pas à bout de Fortnite. Pire encore, il s’agissait d’un échec auprès des joueurs qui après avoir déserté les serveurs, en faisaient la mauvaise pub.

En cause, un rythme de production beaucoup trop faible. Deux semaines après le lancement, toujours aucun patch de correction, aucune nouvelle du passe de combat, sans parler d’une future légende.

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Le passe de combat accompagné d’une nouvelle légende, Octane est arrivé le 19 mars 2019, soit 43 jours après le lancement du jeu. Cette attente aura été fatale au titre de Respawn Studio. Crédit : Apex Legends

Respawn Studio a tout fait pour tempérer la situation, promettant peut-être un peu trop pour ce qu’il y avait réellement sur la table.

Le résultat, je vous l’évoquais un peu plus haut et nous en connaissons encore aujourd’hui les conséquences.

Le plus grand haut fait d’Apex aura été de faire trembler Goliath, mais le jeu n’était pas destiné à le faire chuter.

Une chose est sûre, en matière de timing, Fortnite a réussi à imposer sa patte et désormais, plus aucun Battle Royale n’aura l’audace de faire marche arrière.

Le prix de l’audace

Il ne faut pas se leurrer, la tentative très audacieuse d’Epic Games a un prix. On ne le sait que trop bien, en 2018 le jeu a représenté à lui seul un profit supérieur à 3 milliards de dollars. Une somme qui fait rêver et qui alimente cette illusion d’explosion du secteur.

Pour atteindre ses objectifs, Epic Games a donc mis la tête dans l’eau à ses employés pour produire toujours plus de contenu. Nous évoquions encore récemment avec vous ces situations de crunch, forçant les développeurs à travailler en continu, sans bénéficier de pause ou d’horaires de travail légitimes.

D’un autre côté, l’organisation d’événement compétitif est très souvent mise à mal à cause de la pression permanente des patchs. Un patch qui est appliqué la veille ou le jour même d’une compétition majeure ne relève pas d’un choix malvenu de calendrier, mais d’une habitude prise par Epic Games.

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C’est à se demander si le studio ne cherche pas à déstabiliser les compétiteurs, créer la surprise et le spectacle dans le seul but d’attirer le curieux.

Parlons-en de ce spectacle. Il est très souvent critiqué par les experts qui veulent un esport rigoureux. Encore récemment, pas mal d’encre a coulé sur Twitter pour essayer de résoudre l’éternel débat, esport contre esportainment. Au-delà des partisans du terme et ces opposants, on avait entre les mains le cas de la ZLAN, organisée par ZeratoR avec de nombreux participants streamers.

Très souvent, Fortnite a été mis dans la case divertissement sans être reconnu pour sa possibilité compétitive, car le jeu par la modération menée par Epic Games n’atteint pas forcément son plein potentiel.

Pour autant, on ne peut que reconnaître que durant son temps de vie, les compétitions ont fleuri et de nombreux joueurs ont profité des différents circuits pour faire leur performance.

Récemment, Epic Games a intégré dans son équipe esport Nate Nanzer, jusqu’ici directeur exécutif de l’Overwatch League. Chargé du développement de l’esport sur Fortnite, son travail devrait faire passer la compétition au niveau supérieur.

C’est la première fois depuis le début de la compétition sur Fortnite qu’une figure va enfin prendre la charge d’organiser la compétition.

Malgré tous mes ressentiments pour l’Overwatch League, je ne peux passer à côté du fait qu’une figure dans cette organisation ne peut être que bénéfique ou du moins directrice dans la façon d’appréhender la compétition.

Sans vouloir donner de conseil à un studio comme Epic Games, instaurer un délai entre la publication de contenu et la mise à jour des serveurs compétitifs, cela n’a rien de sorcier.

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Aujourd’hui, le débat sur la légitimité de Fortnite comme titre esport a très largement été remporté par les supporters du jeu. Quoi de plus normal en période de qualification pour les championnats mondiaux.

Malgré tous les rebondissements que l’on a connu en presque deux années, on retrouve très souvent les mêmes figures en haut de l’affiche, ce qui permet d’aborder la pratique avec une certaine sérénité.

Pour autant, le chemin à faire est encore très long avant que l’esport sur Fortnite et de manière plus globale sur les Battle Royale soit au point. Epic Games n’est que le premier studio à tâtonner avec autant de hargne. Reste à intégrer une part d’éthique à cette démarche pour que Fortnite ne soit pas un jeu construit sur les inégalités et l’écrasement des développeurs.

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