Le temps lointain des joueurs cheminant vers l’inconnu semble déjà révolu. L’ascension de l’amateur jusqu’au professionnel a déjà été maintes fois racontée et depuis le début de notre décennie, le schéma s’est souvent répété.
De plus en plus d’acteurs du secteur se sont emparés du modèle d’évolution des joueurs pour apporter le soutien nécessaire pour devenir un joueur professionnel. Aujourd’hui, une initiative supplémentaire voit le jour avec l’incubateur Women In Games.
Depuis plusieurs années, les écoles esports semblent fleurir aux quatre coins de la planète. Leur but, donner à des étudiants voulant s’investir dans l’esport des compétences clés afin d’intégrer l’écosystème.
Le pari sur la formation est ambitieux et de plus en plus peaufiné. Plusieurs drama ont éclaté suite à l’apparition d’écoles peu sérieuses, mais désormais, il semblerait que l’enseignement proposé soit de plus en plus soigné.
Néanmoins, une école nécessite des moyens ainsi qu’un engagement sur plusieurs années. Aujourd’hui, même pour les acteurs professionnels, il est impossible de savoir si les retombées de cet investissement sont réelles. Pour en avoir le cœur net, il suffit d’attendre. Dans quelques années, plusieurs talents issus de ces écoles émergeront et prouveront si le travail fourni par ces structures en vaut la chandelle.
En attendant, que peut-on faire ?
Tenter sa chance auprès d’une association locale afin d’obtenir un minimum d’aide, faire ses premiers essais dans plusieurs LAN et espérer réussir à sortir du lot. Quelques un parviendront à le faire. J’avais eu la chance de discuter de la transition d’amateur à joueur professionnel avec Brosak et Dizdemon, deux joueurs dont le nom est aujourd’hui bien connu de leur communauté respective.
Tout le monde ne peut cependant pas être un Brosak ou Dizdemon. Les places sont limitées et très chères à l’entrée.
C’est ici qu’intervient le modèle de l’incubateur. Il ne s’impose pas comme une évidence et sa portée peut être limitée, mais néanmoins, l’alternative vaut la peine d’être étudiée.
Un incubateur a pour objectif de permettre à un petit nombre de participants de profiter d’un encadrement similaire à celui des professionnels. Espace d’entraînement, coaching de jeu, de vie ou mental, mise à disposition d’une organisation complète afin de réaliser pleinement l’incubation.
On a retrouvé ce modèle pour les joueurs, mais aussi pour l’animation. Il y a quelques années, l’incubateur d’Eclypsia cherchait à faire éclore des talents d’animateurs/streamers grâce à ce modèle.
L’incubateur a pour particularité d’être limité dans le temps, de quelques semaines à quelques mois. Cet investissement moins prenant qu’une école ne cherche pas à promettre des compétences, mais de l’expérience.
En essayant de jouer dans un cadre professionnel, les joueurs peuvent découvrir ce que veut dire le terme esport sans être contraints par le statut d’amateur.
Au départ, le modèle m’intriguait, mais je ne voyais pas forcément tout l’intérêt que celui-ci pouvait avoir.
C’est grâce à l’apparition de l’incubateur Women In Games que j’ai été piqué à vif. La question des joueuses est souvent au cœur des débats.
On entend très souvent parler de la place des joueuses dans l’esport. Ligue féminine ou esport mixte ? Des questions amenant à débats qui encore aujourd’hui n’ont pas de réponses fixes.
Il s’agit avant tout d’un rapport politique à l’esport qui nécessite une certaine prise de position.
Ce qui rend l’incubateur Women In Games aussi intéressant, c’est qu’il met de côté ce débat pour proposer une alternative. Une offre alléchante qui permettra très prochainement à cinq joueuses de faire l’expérience de l’esport sans les freins de la scène française.
J’attire tout particulièrement votre attention sur cet aspect qui je pense est central. L’incubateur Women In Games répond à un besoin de la scène féminine d’obtenir des moyens supplémentaires, en réponse aux enjeux qui existent et qui ne concernent que les joueuses.
La compétition mixte est aujourd’hui en pleine ouverture au phénomène du jeu féminin, mais nous sommes encore très loin d’une égalité des chances qui soit aussi équitable. Trop souvent, les joueuses sont mises de côté ou parfois utilisées à des fins de communication.
On le voit à tout niveau, les femmes sont peu représentées, pourtant elles sont de plus en plus présentes.
Je n’entre pas plus dans le détail, cette interview vient répondre à la plupart des pistes que je viens d’ouvrir.
Pour avoir un aperçu le plus complet, j’ai eu la chance d’échanger avec Floriane Zini, cheffe de projet de l’incubateur Women In Games et Nathalie Beauguerlange, development manager chez Riot Games et membre de l’association.
En recueillant leur parole, il m’a été permis d’en apprendre plus sur la vision de Women In Games et de Riot Games concernant les possibilités du projet. Les joueuses participantes n’étaient pas encore dévoilées lors de l’entretien, mais leurs attentes sont visibles grâce aux échanges entre l’association et les candidates.
Je vous laisse désormais découvrir plus en détails de quoi l’incubateur Women In Games est fait. N’hésitez pas à échanger avec nous dans les commentaires, le sujet reste encore vaste et cet article n’est qu’une ouverture sur de nombreuses problématiques propres aux joueuses.
Pour commencer, j’aimerais connaître votre avis en ce qui concerne le modèle de promotion des joueurs. Le parcours classique permet aux joueurs.euses d’évoluer d’une compétition à une autre en remportant les différents challenges. Qu’est-ce que vous pensez de ce format ?
Nathalie : « Je peux me permettre de parler pour la scène League of Legends. Le modèle décrit est toujours viable aujourd’hui et permet aux joueurs de se développer à partir d’une passion. Il reste limité à partir d’un certain niveau. À partir du pro, il est impossible de voir des joueurs se développer chez eux sans assistance.
Dès que l’on commence à parler d’un amateur et semi-pro, il est nécessaire de parler de la présence en LAN. Pour ce qui va encore plus loin, cela passe forcément par des contrats avec des équipes et la vie en gaming house. Les coachs sportif, de vie ou de jeu sont indispensables à l’évolution des joueurs pour l’aspect gaming et pour leur hygiène de vie. »
Floriane : « Je pense que l’on peut profiter du parallèle avec le sport. Les joueurs s’entraînent pour devenir meilleurs et être remarqués, mais il est indispensable de passer par les compétitions pour prouver de quoi ils sont capables. Je pense que le système est bon, mais assez limité. Je pense particulièrement pour les femmes qui malgré l’entraînement et la présence en LAN ne parviennent pas à atteindre un niveau plus élevé. »
Nous allons beaucoup comparer les situations des hommes et des femmes pour comprendre tout l’intérêt de l’incubateur WIG. Je pense à un autre modèle d’évolution, les grandes écoles.
Elles proposent des compétences dans plusieurs domaines pour compenser le manque d’expérience des joueurs dans le circuit classique. Pour les femmes, ce n’est pas vraiment un manque de compétence qui joue en leur défaveur, mais plutôt une scène assez peu développée pour leur permettre d’aller plus loin. Est-ce qu’il existe des possibilités du côté des écoles pour offrir une vraie solution au besoin des joueuses ?
Nathalie : « À ma connaissance il ne me semble pas, du moins de manière officielle. Plusieurs écoles qui veulent former au métier de l’esport sont encore récentes. Il est difficile de prendre du recul pour juger de la qualité et la pertinence de l’enseignement qui est proposé. On ne peut pas encore dire si oui ou non, les propositions de ces écoles sont en réelles adéquations avec la réalité sur le terrain de l’esport.
Que ce soit du côté des éditeurs ou des autres structures qui s’investissent dans l’esport, il devrait y avoir plus d’attention sur les possibilités présentées. Les écoles devraient aussi venir chercher le dialogue avec les acteurs existants pour créer un vrai partenariat.
J’ai l’impression pour les femmes que c’est les mêmes problématiques que l’on retrouve dans les écoles d’ingénieurs, les facultés des sciences de l’informatique. En général, les femmes représentent entre 5 et 10 % des étudiants. L’esport et le jeu vidéo souffrent des mêmes enjeux. Les filles puis les femmes ne sont pas poussées vers ces filières alors que les hommes le sont.
Il s’agit de quelque chose de plus profond, dès le plus bas âge, les garçons sont poussés vers la compétition, les filles vers la coopération. La tendance vient à changer, mais le changement est excessivement long. Il va falloir attendre plusieurs générations pour prétendre à une forme d’égalité.
Womens In Games s’inscrit dans le mouvement à travers des interventions auprès des publics jeunes, dans les écoles, démarcher les différents acteurs de l’enseignement universitaire, les collèges ou les lycées. L’association montre que les femmes existent dans ces lieux. Elles possèdent des postes équivalents à ceux tenus par les hommes comme développeuse, productrice, chef de projet.
Nous sommes moins visibles et moins nombreuses, mais l’association permet de mettre ces femmes en lumière. Il faut montrer aux plus jeunes qu’être une femme, ce n’est pas un problème, au contraire, la mixité est une force créatrice qui est importante pour la richesse d’une activité. »
Floriane : « La diversité au sein d’une équipe est ce qui est le plus enrichissant, que l’on parle de développement ou de compétition. Nous avons une liste d’intervenante qui existe pour tous les pôles mis en avant par WIG. Nous avons peu de femmes intervenantes dans l’esport qui sont disponibles aujourd’hui. C’est dommage, car nous avons besoin d’elles et on a conscience qu’elles sont présentes.
Leur présence dans les écoles esport est essentielle et nous voulons développer le lien entretenu avec ces écoles. Dans de lointaines saisons de l’incubateur, c’est quelque chose que l’on aimerait voir apparaître pour créer quelque chose avec eux. »
En ce qui concerne le modèle d’incubateur, quelle est votre impression vis-à-vis du format en lui même ?
Nathalie : « Du point de vue de Riot Games, l’incubateur est une superbe opportunité. La question de la mixité est une problématique qui nous pèse. Son absence dans nos compétitions de haut niveau est un problème.
Le modèle de l’incubateur est un moyen de voir apparaître une population, ici des femmes, à haut niveau en évoluant avec un encadrement et un coaching dédié. C’est aussi un cadre protecteur qui est offert aux participants et cette notion est importante.
Nous avons conscience que les joueuses qui se lancent prennent de plein fouet les critiques de la communauté. Dans le niveau de jeu compétitif et même avant, on voit des joueuses qui encaissent les attaques.
On espère pouvoir cadrer ce problème avec l’incubateur avec comme but ultime, la possibilité pour les joueuses de se perfectionner et de rejoindre des équipes mixtes à la fin de la saison. Nous voulons voir apparaître plus de mixité dans la scène compétitive de League of Legends et mettre ainsi la première pierre au mouvement.
Je ne pense pas que nous pouvons faire de ce modèle la seule ligne directrice. Répéter 25 fois l’incubateur en même temps pour soutenir plus de personnes n’aurait pas de sens. La force de cette première édition réside dans le message qu’elle est capable de porter au plus grand nombre. »
Floriane : « Il est d’ailleurs assez réconfortant de voir le nombre de candidatures que nous avons reçu pour la première édition qui est uniquement sur League of Legends. Il y a besoin d’aide pour les filles qui veulent intégrer une scène compétitive. Elles sont toutes motivées et elles ont toutes besoin du petit coup de pouce que peut apporter l’incubateur.
C’est la contribution de Women In Games et Riot Games d’avoir créer cet incubateur pour permettre à des femmes d’avoir le déclic afin d’atteindre la scène compétitive. Elles rencontrent beaucoup de freins et de complications, il est normal qu’elles possèdent des moyens pour être au même niveau que les hommes. »
Ce besoin d’être mieux équipé face aux multiples dangers, on le ressent dans différentes initiatives. Je pense entre autres à la Ligue Féminine qui permet d’expérimenter la compétition sans les freins et autres complications que l’on mentionnait.
Nathalie : « Je ne connais pas les modalités exactes de la Ligue Féminine mais je ne sais pas s’il existe une vocation de voir les joueuses rejoindre une équipe mixte. C’est ce qui importe le plus pour l’incubateur WIG. Nous voulons voir les joueuses sélectionnées rejoindre différentes équipes et ne pas créer une équipe de femme.
La question de mixité est importante dans l’écosystème et pas seulement dans une équipe. Qu’elles rejoignent une équipe mixte, peut importe la composition, l’important est de voir des hommes et des femmes qui jouent dans les compétitions. »
Floriane : « La Ligue Féminine est un tournoi uniquement pour les femmes dont j’apprécie l’initiative. Nous ne sommes cependant pas partisans du jeu séparé entre les hommes et les femmes. Le but est d’obtenir une mixité permettant aux femmes d’intégrer le circuit compétitif. En les faisant intégrer, une équipe pro ou semi-pro, on parviendra à voir des femmes mettre un pied dans la compétition et briser l’omerta. »
Est-ce qu’il est encore possible d’assurer la pérennité d’une scène mixte sans arriver à une situation où les femmes sont mises au banc ?
Nathalie : « Je ne pense pas que l’on doit penser la question de la mixité sous l’angle de sa viabilité. Elle devrait aller de soi, ce n’est aujourd’hui pas le cas. Ce constat est valable sur plusieurs jeux esport et il y a une responsabilité des éditeurs.
Que ce soit n’importe quel éditeur ayant une scène esport qui se développe, il doit y avoir une considération pour la place des femmes. Du moment où l’on considère qu’il n’y a pas de raisons permettant de dire que les femmes ne sont pas capables de faire ce que les hommes font, il n’y a aucune raison de ne pas voir de scène mixte.
Les principales raisons aujourd’hui dépendent de freins sociologiques. Que ce soit les éditeurs, les équipes et les coachs, tous doivent prendre en compte l’implication des femmes et ils ont une responsabilité à ce sujet. Cette question est similaire en ce qui concerne les origines sociales, le handicap, la sexualité ou encore l’ethnie.
Il faut des responsables pour que l’on arrive à faire en sorte que la scène esport soit riche et diversifiée. Le modèle est viable et pour le rendre possible, il faut une action de notre part et des différents acteurs. »
Je pense à ce sujet, à l’article de Torréfacteur concernant l’impact des règles sur les performances des joueuses. Cette préoccupation est totalement absente du débat sauf dans l’argumentaire des détracteurs de l’esport féminin. Est-ce que dans le fonctionnement de l’incubateur vous avez mis en place des réponses à ce type de problématique ?
Nathalie : « Nous n’avons pas mis en place ce type d’éléments, car aujourd’hui, l’incubateur et tout ce qui concerne le coaching se fait à distance. En ne réunissant pas les joueuses dans une gaming house, on élimine les facteurs de stress, la présence sur scène ou dans des compétitions. Ce sont les joueuses qui mettent en place leur planning avec les coachs et nous sommes extérieurs à cette organisation.
Les arguments en défaveur des femmes pour des raisons physiologiques sont parfaitement délirants. Il faut vraiment réussir à mettre à terme à cette idée selon laquelle les femmes deviennent incapables à cause de leurs règles.
Il n’y a pas une réalité en ce qui concerne les règles et il existe des milliers de manières de vivre cette expérience au cours d’une vie de femme.
Le plus impressionnant, c’est de voir ce type d’arguments alors que le sport féminin compétitif existe depuis longtemps. Jamais on ne voit une joueuse annuler sa participation aux JO parce qu’elle a ses règles. Il y a un tabou qui existe sur le sujet, il n’est pas propre à l’esport, mais il est très présent.
Une femme qui a ses règles dans une gaming house, cela ne doit pas être un argument pour refuser la présence d’une femme. Le jour ou des joueuses vont apparaître au sein d’équipes professionnelles, il ne faut pas oublier que ces structures proposent les services de médecins et tout un staff médical qui prendrait en charge ces enjeux. »
Floriane : « Cette excuse est flagrante, car on ne peut pas donner de différence notable entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’esport. C’est autour des règles que le débat s’est fixé pour montrer qu’il existait une différence. C’est illusoire de penser dans le sport, l’esport ou dans la vie active qu’une femme viendrait à changer sa façon de travailler parce qu’elle a ses règles. »
Pour revenir au fonctionnement de l’incubateur, j’aimerais en savoir plus sur la sélection des participantes.
Floriane : « Nous sommes parties du principe que la scène semi-pro démarre à partir du Platine V en saison 8. Nous avons fait un appel à candidatures pour les joueuses ayant ce niveau minimum et étant majeures. Nous avons procédé par questionnaire en demandant aussi d’argumenter leur motivation ainsi qu’une preuve de leur niveau de jeu.
C’était une première étape durant laquelle nous avons reçu 51 candidatures. Nous avons retenu douze candidates qui ont été reçues pour un entretien vocal. C’était les filles qui étaient à notre sens les plus proches de l’incubateur en termes de motivation. Elles correspondaient à l’envie de monter sur la scène compétitive. À l’issue de cet échange, nous avons retenu les cinq participantes pour cette première édition de l’incubateur WIG. »
J’imagine qu’une organisation du niveau de l’incubateur WIG représente un coût financier qui doit être géré par l’association.
Nathalie : « En effet il existe différents coûts, principalement en ce qui concerne les coachs. Il existe différents frais sur le programme ainsi que sur la communication, mais cela reste minime. Les coachs qui sont intégrés au programme sont des professionnels payés par l’association. »
Floriane : « Il ne semble pas qu’ils soient membres de l’association, mais ils sont tous sympathisants de notre cause. Certains des coachs sont venus vers nous pour participer à l’incubateur sans avoir idée qu’ils seraient payés. Ils voulaient avant tout participer parce qu’ils adhèrent au projet, leur salaire n’a été qu’une agréable surprise en plus. »
Pour Riot Games, quelles sont les attentes en étant partenaire d’une initiative comme l’incubateur WIG ?
Nathalie : « C’est vraiment la question de mixité qui va être importante pour Riot Games. De manière beaucoup plus secondaire, nous sommes très fiers de soutenir un projet de ce type qui est le premier du genre. Nous sommes très fiers d’être actifs et de nous impliquer en faveur des joueuses.
Notre objectif est d’apporter notre soutien à des joueuses pour qu’elles rejoignent des équipes semi-pros ou professionnelles. On sait qu’il va y avoir de la toxicité en défaveur du projet, elle a déjà été visible suite à l’annonce.
On espère néanmoins que les joueuses vont réussir à évoluer au sein de l’incubateur. Qu’elles aient rejoint une équipe ou pas, si elles arrivent à améliorer leur niveau de leur entrée à la fin de l’incubateur, nous serons aussi satisfaits. On veut voir des discussions positives pour faire bouger la question des femmes dans l’esport. »
Vous allez probablement faire un suivi de l’incubateur durant la saison, cela sera au travers de stream, de tweet ou par le storytelling autour des participantes ?
Nathalie : « Nous n’avons pas encore donné les détails de notre communication, mais elle sera visible bien assez tôt. Les joueuses seront suivies et nous dévoilerons progressivement ce qui se passera à la fin du programme. Quel que soit le résultat final, il sera possible de suivre l’incubateur à travers notre communication. »
Floriane : « Grâce à la participation de Riot pour cette saison, nous sommes suivis et épaulés par l’éditeur. Ce soutien va sûrement faire la différence avec toutes les autres initiatives du genre. L’incubateur est novateur et avec leur aide il ne peut que fonctionner. »
Nathalie : « Sans oublier que pour la première saison, nous avons la chance d’avoir une marraine très investie : Laure Valée. Elle est aujourd’hui un des rôles modèles pour les femmes dans l’écosystème esportif. Elle va aider à la communication des idées, que ce soit sur Twitter ou par son travail. Son soutien est très important pour la réalisation de l’incubateur.
D’autant plus que son investissement est déjà visible. Elle était présente lors de la sélection des cinq participantes de l’incubateur. Elle veut et elle s’investit complètement dans le projet, car celui-ci lui tient à cœur. »
On connaît bien l’investissement de Laure, nous avons eu la chance d’échanger avec elle lors d’une interview. C’est très positif de voir qu’aujourd’hui, un modèle féminin arrive à se démarquer alors que jusqu’ici, la présence d’alliés masculins était indispensable à la majorité des causes en ce qui concerne la communication.
Floriane : « Nous serions d’autant plus ravis d’avoir le soutien des hommes sur notre initiative. Il ne faut pas oublier que l’incubateur veut promouvoir la mixité et elle concerne aussi les hommes. J’aurais été d’autant plus ravie de voir les acteurs masculins de l’esport français s’investir et mettre en avant le projet. »
Je vous remercie toutes les deux pour cet échange, bon courage pour le lancement de l’incubateur Women In Games !
Récemment, je faisais la lecture du livre In Esport We Trust de Arnaud Rogerie. Un chapitre est consacré à la question de l’esport féminin ainsi qu’un chapitre sur la professionnalisation du milieu et l’arrivée des écoles esport.
Dans son analyse critique du système des écoles, Arnaud montre toutes les limites de ce projet : le coût et l’investissement des participants, le manque de recul sur les enseignements et sur les personnes en capacité d’enseigner.
Je rejoins son avis sur de nombreux points et aujourd’hui, il est très difficile d’imaginer que ces écoles soient véritablement gratifiantes, n’étant déjà pas diplômantes.
C’est probablement ce constat d’échec sur le court terme des écoles qui me pousse à apprécier l’initiative de l’incubateur Women In Games. Arnaud tout comme Nathalie et Floriane ont beaucoup développé ce problème récurrent du statut inatteignable de joueuse professionnelle, car de nombreux freins vont en leur défaveur.
La réponse de l’association Women In Games est beaucoup plus parlante qu’une quelconque formation ou la création d’une équipe purement féminine, objet de plus en plus médiatique et à intérêt économique, plutôt qu’une réelle ambition de faire naître une forme de mixité dans la scène compétitive.
Depuis la réalisation de cette interview, les joueuses participantes ont été révélées par Women In Games. Leurs profils sont très variés, que ce soit leur profession, leur âge ou leur niveau de jeu. La diversité de cette composition est une autre forme de richesse qui va dans le sens de la mixité, confirmant les propos de Nathalie.
L’incubateur n’a pas pour objectif de former une équipe féminine qui restera soudée à la fin de l’expérience. Les joueuses ne sont pas choisies dans le but de créer une formation cohérente, compétitive et prête à entrer dans le circuit.
C’est la variété de profils qui va permettre à chacune des participantes d’étendre le champ des possibles en gardant un regard ouvert sur l’avenir suite à l’incubateur.
Je reste curieux de voir ce que l’incubateur Women In Games peut faire pour les joueuses. La plupart des éléments concernant le projet ne sont pas rendus publics et sans antécédents, il est difficile de construire un avis. Je vous invite à suivre avec attention cette première saison d’incubateur. La réussite comme l’échec peuvent être décisifs pour l’avenir de ce modèle qui reste souvent très à l’écart des standards de l’esport.
En s’adressant à un petit nombre de personnes, l’incubateur ne peut pas devenir un modèle universel. Ce n’est d’ailleurs pas une des prétentions d’un tel projet. Il s’agit d’une forme d’encadrement unique qui ne demande pas aux participants des sommes astronomiques ou un investissement au-delà des besoins.
Aujourd’hui, c’est une manière pour les structures esports locales et les associations de joueurs de promouvoir la pratique de l’esport en allant plus loin qu’un ticket restaurant lors d’une LAN. Je pense qu’il est assez lucide de penser qu’à l’avenir, la plupart des structures dispenseront les services de professionnels pour encadrer leurs joueurs. C’est déjà le cas de structure comme Oserv Esport qui profite du travail de The Coach en coaching mental pour leurs équipes.
L’esport se professionnalise et il ne s’agit plus uniquement des professionnels. À tout niveau, le besoin se fait sentir, l’incubateur Women In Games n’est qu’une réponse parmi d’autres aux enjeux de l’esport féminin.