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A l’Elysée, Emmanuel Macron courtise l’esport français et adoube France Esports

Par Tony Rubio
france esports et emmanuel macron invite esport à l'élysée

Ce vendredi 3 juin, la crème du secteur esportif français, triée sur le volet par France Esports et le cabinet d’Emmanuel Macron, avait été conviée à l’Elysée pour un moment de reconnaissance de l’esport avec le président de la République. Un rendez-vous immanquable pour près de 200 acteurs du milieu, explicitement calé sur la dixième édition de la Trackmania Cup qui se déroulait le week-end.

L’événement, présenté par le nouveau président de France Esports, Désiré Koussawo, devait sceller dans le marbre la reconnaissance de l’esport et ses besoins par la plus haute instance des pouvoirs publics. Un moment qui aura aussi servi à saluer le talent et le mérite des Français·es les plus émérites à l’international, qu’ils soient joueurs professionnels ou gérants de club.

Sur scène, le streamer ZeratoR, l’intervieweuse du LEC Laure Valée, Fabien “Neo” Devide (co-fondateur de Team Vitality), Kameto et Prime (co-fondateurs de la KCORP), Sébastien “Ceb” Debs (double champion du monde sur DotA 2) et William “Glutonny” Belaid (meilleur joueur français et européen de SSBU).

emmanuel macron et la crème de l'esport français

Le président Emmanuel Macron s’adresse à celles et ceux qui représentent l’esport français (L. Blevennec/Présidence de la République)

Tous se sont exprimés, certains pour saluer les “succès”, les “réussites” ou le “talent français”, d’autres pour mettre le doigt sur les lacunes et les impasses intrinsèques au secteur, avant de laisser la parole à Emmanuel Macron.

Ce moment, si important pour un secteur en manque de reconnaissance, a été rendu possible par le travail conjugué de tous les acteurs du milieu, et coordonné en grande partie par France Esports. En réalité, c’est le cabinet d’Emmanuel Macron qui a enjoint l’association d’organiser cette rencontre entre l’esport et le président.

En mai dernier, le cabinet d’Emmanuel Macron a sollicité le SELL pour organiser une rencontre entre le président et le secteur de l’esport d’ici la mi-juin. Le SELL, n’étant pas particulièrement expert du milieu, nous a demandé de réfléchir conjointement à ce qui pouvait être envisagé comme séquence. Puis, plus aucune nouvelle jusqu’au dimanche précédent la cérémonie, lorsque le cabinet nous annonce que le créneau choisi est la veille de la Trackmania Cup.

 

C’était une situation délicate pour France Esports, car en acceptant, nous savions pertinemment que les communautés seraient bien conscientes du contexte électoral dans lequel se déroulerait l’événement et pourraient à juste titre nous le reprocher, mais en refusant de saisir cette opportunité, c’était potentiellement prendre le risque que le cabinet fasse le choix de ne pas nous aider lors de requêtes futures que nous pourrions porter pour le secteur.

 

Donc nous nous sommes sentis à la fois flattés mais aussi obligés de le faire. Et en plus, on a quatre jours pour organiser la rencontre et on sait que dans l’urgence on risque de faire des erreurs. (Nicolas Besombes, sociologue de l’esport et ancien vice-président de France Esports)

Le lundi 30 mai, à quatre jours de la rencontre, rien n’était encore validé et le cabinet du président souhaitait à tout prix faire le lien avec la Trackmania Cup. Bemol : ZeratoR n’était pas disponible car en pleine répétition et organisation de l’événement.

A ce moment-là, notre préconisation était de dire au cabinet d’Emmanuel Macron qu’il ne fallait pas le faire sans la présence des principaux protagonistes. Parce que ZeratoR et ZQSD n’étaient pas dispo et qu’il était hors de question d’organiser une rencontre à l’occasion de la Trackmania Cup sans qu’ils ne soient présents. Pour nous, c’était évident qu’il ne fallait pas le faire dans ces conditions. On a finalement réussi à se débrouiller pour trouver un créneau grâce à la capacité d’adaptation de ZQSD. Mais il faut bien garder en tête que l’horaire a été modifié à plusieurs reprises afin de trouver le meilleur compromis entre les agendas respectifs de ZeratoR et du président de la République. (Nicolas Besombes)

Malgré ce qui a pu être dit sur les réseaux sociaux, par méconnaissance du fonctionnement éminemment politique du pouvoir et de la force de persuasion des plus hautes instances de l’Etat, France Esports n’a pas du tout l’influence nécessaire pour être à l’origine de cette cérémonie et a, semble-t-il, constamment cherché à faire tampon entre ZQSD et le cabinet du président de la République pour trouver des solutions à la présence des premiers.

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Pour Nicolas Besombes, cette rencontre était “une occasion de célébrer l’esport et faire en sorte que la filière soit reconnue à sa juste valeur” et “l’accomplissement et la concrétisation de plusieurs années de boulot chez FE et de l’ensemble du secteur” malgré ce qu’il qualifie d’ “instrumentalisation” : le calendrier et l’agenda n’étant pas du tout anodins.

Cette critique a d’ailleurs été répétée, à raison, beaucoup y voyant un énième coup de communication du président Macron. Un constat que partage Bertrand Perrin, directeur de Level 256.

J’ai entendu les critiques de la communication en pleine campagne des législatives. Mais ce n’est pas France Esports, ni le cabinet de Macron, ni le compte Twitter de l’Elysée qui ont participé et amplifié cette communication. Ce sont tous les influenceurs qui ont voulu se valoriser en se prenant en photo à l’Elysée : le coup de com c’est eux. (Bertrand Perrin)

Malgré les critiques, France Esports ressort légitimé

Cette conférence apporte énormément d’informations sur les rapports de pouvoir en place et le rapport de force qu’est parvenu à instaurer, bon an mal an, France Esports dans le milieu. Souvent critiquées, que ce soit à tort ou à raison, les actions de l’association ont mené à cet instant précis. Et c’est avec certitude qu’on peut aujourd’hui affirmer que c’est grâce à son travail de lobbyiste que l’association en est arrivée là.

Créée en 2016 sous l’impulsion de plusieurs acteurs de l’esport dont Matthieu Dallon son premier président, France Esports a constamment tenté de structurer et légitimer le secteur de l’esport.

La première pierre a historiquement été posée avec la création du CDD spécifique, qui permettait aux clubs agréés de salarier leurs joueurs professionnels sans devoir passer par l’auto-entreprenariat. Les espoirs portés par cette mesure n’ont été que de courte durée comme Stéphan Euthine me l’avait confié dans un entretien en début d’année 2020.

Quand j’ai reçu l’article de loi et qu’on m’a dit qu’il allait être proposé à l’Assemblée, on a tout de suite envoyé nos alertes en disant que ça ne convenait pas à l’écosystème pour toutes les raisons que j’ai évoquées.

 

La problématique, c’est que l’article, pour des raisons de timing, a été présenté en l’état. Parce que de notre côté, on n’a pas su non plus proposer quelque chose. À l’époque, on n’avait pas les munitions pour proposer quelque chose. Ça traîne depuis 2017 et on tourne en rond. (Stephan Euthine)

C’est peut-être cette déconvenue qui a incité France Esports, plus ou moins consciemment, à changer de cap et à passer la seconde. Parce qu’il faut bien être clair, aujourd’hui, France Esports est un lobby. Un lobby toujours manoeuvré par des bénévoles (qu’ils soient joueurs, promoteurs ou éditeurs), sous la hiérarchie d’un Conseil d’Administration élu dont les intérêts privés sont intrinsèquement liés aux statuts des élus et des entités qu’ils représentent.

De fait, France Esports est bien évidemment un lobby, c’est la raison sociale de l’association. L’objectif de France Esports c’est de faire la promotion du sport électronique. Notre mission, c’est de représenter les intérêts du secteur et d’aller discuter avec les pouvoirs publics pour qu’ils reconnaissent l’esport. Donc oui c’est un lobby. On ne s’en est jamais caché.

 

Sur la question de la déclaration à la Haute Autorité pour la Transparence pour la Vie Publique (HATVP), on l’a fait depuis deux ans. Malheureusement, ça n’a pas été mis à jour sur le site et on est en train de se battre pour que ce soit enfin le cas. Mais on l’a fait ces deux dernières années. (Nicolas Besombes)

Aujourd’hui, France Esports est toujours composé de trois Collèges : celui des Éditeurs et ayant droits (4 élu·es), celui des promoteurs (4 élu·es), et celui des joueurs et clubs associatifs (4 élu·es, 2 pour les joueurs et 2 pour les clubs associatifs). Historiquement, les clubs associatifs ont été rajoutés au sein du collège des joueurs, puisqu’ils ne se retrouvaient pas au sein du collège des promoteurs.

Désiré doit représenter l’écosystème de l’esport face au président de la République et face à un parterre de personnalités qui pour certaines d’entre elles ne reconnaissent pas France Esports comme légitime de défendre leurs intérêts

Foncièrement, cette décision a eu pour effet de faire perdre du pouvoir aux joueurs (plus que 2 représentant·es), déjà dépolitisés et peu investis chez France Esports. L’absence de reconnaissance des associations et clubs associatifs a engendré la création de la FAEF, la Fédération des Associations Esportives de France. Son premier président, Pierre Mc Mahon était d’ailleurs l’un des suppléants des joueurs entre 2019 et 2021, et il n’a pas particulièrement brillé par son implication chez FE, alors qu’il aurait pu participer aux discussions sur les besoins des clubs associatifs.

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Communication de France Esports dans sa recherche de bénévoles (France Esports)

La FAEF a d’ailleurs très vite compris que c’est au sein de France Esports qu’ils allaient pouvoir faire avancer l’esport amateur. C’est pour cette raison que les associations de la FAEF ont adhéré en masse avant les élections du CA de France Esports en 2021. Elles ont participé à faire élire David Canestrari et Anaïs Xantippe (17 votes chacun), loin devant le troisième candidat (seulement 3 votes). Un noyautage grossier qui servira peut-être moins les intérêts de l’esport amateur que les intérêts particuliers de la FAEF et des clubs associatifs.

France Esports doit composer avec les difficultés d’un secteur qui n’a jamais brillé par son caractère collectif. Ce vendredi, tous les analystes s’accordent pour dire que le secteur et ses représentant·es étaient tou·tes unis, un seul bloc revendiquant l’unité du secteur et son besoin de reconnaissance, et en passant pour profiter encore plus d’un gain de notoriété et de légitimité personnel. Derrière cette unité de façade et les remerciements faits à France Esports, il reste que tou·tes ne reconnaissent pas la légitimité de l’association.

Après que l’animateur qu’on souhaitait avoir pour la conférence ait décliné notre proposition, il n’y avait qu’une seule personne qui, à notre sens, pouvait monter sur scène face au président de la République, c’est le président de France Esports, Désiré Koussawo.

 

Désiré doit représenter l’écosystème de l’esport à la fois face au président de la République, mais également face à un parterre de personnalités qui pour certaines d’entre elles ne reconnaissent pas France Esports comme légitime de défendre leurs intérêts. Face à lui, il a des gens qui émettent de nombreuses critiques sur FE depuis des années. Et il doit s’exprimer en leur nom. A cela s’ajoute que ne sont présentes sur scène que des personnes qui représentent des entités qui ne sont pas ou plus membres de France Esports comme Vitality, KC ou Solary notamment.

 

Le vendredi, on a eu qu’une heure pour tout préparer. On découvre alors sur place que l’ensemble de la scène est brandée France Esports : d’un côté on est flatté que le cabinet nous mette en avant, et en même temps on sent qu’il ne faut pas se planter. Il y a le logo de France Esports partout avec assis dans la salle des gens qui ne nous ont pas toujours soutenus. (Nicolas Besombes)

Mais en dehors, qu’en est-il ? A-t-on observé ces dernières années des femmes et des hommes qui travaillent ensemble pour la structuration du secteur ? Il a beaucoup été fait mention des savoir-faire et des talents français, pour espérer accueillir un événement esportif d’envergure, mais a-t-on déployé la même énergie pour vanter les intérêts d’une structuration de l’esport amateur, d’un arrêt de la précarité, de mesures prises pour accompagner une initiative comme l’esport-étude, de la fin des contrats d’auto-entrepreneurs ? 

Ce sont des thématiques qui s’imposent, dont certains acteurs se sont emparés, mais à chaque fois de manière unilatérale et auto-centrée. Peut-on espérer voir les grands acteurs de l’esport s’allier pour travailler sérieusement sur ces thématiques ? De ce que nous avons entendu dans les discours, ça a l’air d’être le cas. Pourtant jusqu’ici rien n’a été fait de manière aussi sérieuse, et malgré les critiques assénées à France Esports, il n’en reste pas moins que c’est bien l’association qui a le plus fait avancer ces questions. De l’autre côté, chacun prêche pour sa paroisse et tente de se tailler la part du lion.

Le secteur a une unité de façade, mais en réalité, il n’est pas uni. Il y a bien un syndicat d’éditeurs, mais il n’y a pas de syndicats de clubs, ni de joueurs. Soit on décide que c’est France Esports et on s’y met tous, soit on crée d’autres organes. Mais il faut des corps intermédiaires pour porter ces sujets. Avant, c’était un secteur qui n’avait pas besoin d’unité pour grandir, mais maintenant on se heurte à un plafond de verre. Et pour le casser, il faut être uni. Et ce n’est pas le cas. On fera grandir le secteur uniquement si on est ensemble.

 

Le côté collectif n’est pas encore assez assumé par les équipes : en cas de problèmes, de VISA notamment, c’est à la porte de France Esports qu’elles viennent taper. Et France Esports est vraiment sympa de les aider à chaque fois, alors qu’ils pourraient leur dire “Vous n’êtes pas adhérents, vous vous démerdez”. (Bertrand Perrin)

De manière optimiste on peut peut-être se dire que cette conférence va réveiller les foules. En ayant réussi à coordonner un événement de cette envergure, France Esports a potentiellement fait basculer les rapports de force dans son sens.

Les joueurs toujours sous-représentés face aux intérêts économiques

Près de 200 acteurs parmi les plus légitimes du secteur étaient réunis ce vendredi, et l’observateur averti y distinguait deux mondes distincts : celui de l’intérêt général et celui des intérêts privés. Des joueurs professionnels, des casters, des streamers, des gérants de clubs, des acteurs du monde associatif, des représentants des éditeurs, des patrons et des lobbys, tous réunis dans un même lieu, malgré des intérêts hétérogènes à retirer de cette rencontre.

D’un côté, une catégorie de personnes peu habituées à déambuler dans des lieux aussi prestigieux et surtout à discuter avec des élus politiques, qu’ils soient parlementaires, ministres ou président de la République.

De l’autre, il y a celles et ceux qui savent très bien ce qu’ils font, et qui étaient là moins pour la structuration du secteur esportif que pour les intérêts de leurs entreprises.

Pas fou, ZeratoR a bien compris que son événement était une excuse pour certain·es.

Il y avait une surreprésentation d’acteurs économiques, représentés par les éditeurs, les gestionnaires de clubs et les patrons.

De gauche à droite, Julien Villedieu (Délégué Général du SNJV), Guillaume de Fondaumière (co-CEO de Quantic Dream), Julie Chalmette (présidente du SELL), Lévan Sardjevéladzé (président du SNJV) et Nicolas Vignolles (Délégué Général du SELL).

Tout le lobby patronal du secteur du jeu vidéo était évidemment présent, d’une part parce que le SELL est membre fondateur et fait partie du collège des Editeurs de France Esports, et surtout parce que ce sont des personnes que l’on ne peut évidemment pas prendre le risque de ne pas inviter.

Pour eux, c’était le moment opportun pour faire avancer leurs intérêts et plus généralement ceux de l’industrie du jeu vidéo (comprendre les entreprises, les patrons, et les start up). Le Fonds d’aide au jeu vidéo (la FAJV), c’est eux. On ne peut nier leur influence dans le milieu, et la puissance de frappe des grands groupes privés.

C’est d’ailleurs ce qu’une autre de nos sources nous confiait récemment : “Aujourd’hui, les parlementaires nous disent qu’il n’ont jamais autant pris un secteur par la main [en parlant de l’esport]. A titre d’exemple, le SNJV et le SELL connaissent bien mieux les leviers à activer pour faire entendre leurs revendications : ils envoient les textes de proposition de lois directement, et si ça n’avance pas, ils font une tribune à charge dans la presse et ça place les décideurs politiques, de l’exécutif ou du législatif, en porte-à-faux et dans l’obligation de se positionner”.

Leur présence marque la puissance des intérêts de classe, et donne aussi à voir la surreprésentation des patrons dans le jeu vidéo, plus que dans l’esport. On ne peut évidemment pas mettre en cause la présence des éditeurs, qui détiennent la propriété intellectuelle de leurs jeux, mais on peut s’étonner de la présence des grands patrons du milieu du jeu vidéo.

Emmanuel Macron joue la carte de la reconnaissance pour sa com’

Qu’il soit sincère ou non, Emmanuel Macron n’a pas attendu cette conférence pour faire des appels du pied aux mondes du gaming et de l’esport. D’abord une première vidéo de communication avec McFly et Carlito, justement décortiquée et critiquée par la journaliste Salomé Saqué. Chaque année, ses équipes de communication félicitent les exploits du ZEvent, il a tenu à saluer la performance de la KCorp lors de leur troisième victoire aux European Masters, et il défilait dernièrement avec un sweat estampillé Team Vitality.

Ces éléments sont importants à rapporter, puisqu’ils s’inscrivent tous dans une stratégie de communication à destination des jeunes qui s’est concrétisée ce vendredi 3 juin par cette conférence, en pleine campagne des législatives. Le président espère une majorité au Parlement pour pouvoir assumer sa politique néolibérale pendant les cinq prochaines années.

La prise de parole d’Emmanuel Macron s’inscrit dans cette continuité et rejoint un sujet que le président tient en haute estime : celui de la création d’un metavers européen, et par la même occasion du développement d’un soft power à la française, qui permettra d’inventer et d’imaginer des mondes nouveaux.

Emmanuel Macron a initié une discussion, et maintenant ça va se jouer sur qui initie les rapports de force

Son allocution est d’ailleurs remplie d’allusions essentialistes et patriotiques, en référence à l’imaginaire Français : reconnaissance de la nation, création de la valeur pour le pays, être une grande nation de l’esport, célébrer nos disciplines et nos champions…

Assez habilement, il applique son précepte du « en même temps », et donne du grain à moudre à à peu près tout le monde – comme il l’avait fait lors de la campagne 2017, en étant d’accord avec presque toutes les mesures. 

D’un côté, il promet l’organisation de grands événements esportifs : un Major de Counter Strike, une compétition internationale sur League of Legends ou l’organisation d’une édition de The International. Des promesses qui raviront celles et ceux qui ont à y gagner.

De l’autre, il donne des billes à celles et ceux qui souhaitent voir avant tout se structurer l’écosystème esportif amateur : se baser sur les fédérations sportives pour pouvoir préparer sa carrière, être accompagné dans celle-ci, pouvoir se reconvertir en fin de carrière et aider à la structuration de l’écosystème (comment, personne ne le sait).

emmanuel macron et zerator

Adrien « ZeratoR » Nougaret apprend les bases de Trackmania à Emmanuel Macron (JULIEN DE ROSA/AFP)

 

Il est bon de rappeler que Macron n’y connaît rien à l’esport et ce n’est certainement pas lui qui a rédigé son discours. Pourtant, malgré cela, c’était important pour le secteur que ce soit le président de la République et pas un autre qui fasse ses annonces.

Enfin, la présence de l’ancien secrétaire d’Etat chargé du numérique Cédric O, de la ministre du sport Amélie Oudéa-Castéra et de la ministre de la culture Rima Abdul Malak dans cette séquence, et plus encore de leurs conseillers à la Trackmania Cup, sont des bons indicateurs du sérieux et de la reconnaissance attribués à l’esport ce vendredi et lors du week-end de la Trackmania Cup.

Quels enjeux pour la suite ?

Au niveau national, il existe depuis 2020 une stratégie esportive fixée sur cinq ans, avec une feuille de route détaillée pour structurer l’esport en France. C’est sur cette feuille de route déjà amorcée que va se cristalliser le travail des acteurs de l’esport pour les trois prochaines années.

Malgré le travail déjà engagé depuis 2020, Bertrand Perrin et Nicolas Besombes insistent tous les deux sur la nécessité de mettre la main au portefeuille.

Toute la feuille de route est complètement faisable, mais il faut mobiliser des ressources humaines et financières. Il faut un volontarisme politique et ça je pense que les ministres ne l’ont clairement pas assez porté. C’est pour ça que c’est bien que ce soit le président qui l’ai fait. C’est important. Il faut continuer à soutenir la pratique professionnelle et amateur. Si c’est porté par les parlementaires et l’État, ça peut avancer. Emmanuel Macron a initié une discussion, et maintenant ça va se jouer sur qui initie les rapports de force. (Bertrand Perrin)

 

Cette stratégie nationale est ambitieuse et pionnière. La réalité, c’est que sur les 3 ans, il n’y a eu aucun budget mis à disposition au niveau national pour implémenter cette stratégie. Et il y a d’ailleurs pleins de collectivités au niveau local qui ne sont pas au courant qu’il y a une stratégie nationale. Alors oui, ça a été un beau texte, mais sa mise en actes est relativement proche du néant tandis que France Esports fait de son mieux pour déployer cette feuille de route avec des moyens particulièrement modestes. Aujourd’hui, être reçu à l’Elysée, c’est une étape supplémentaire. Mais qu’est-ce que ça va donner par la suite, je n’en ai aucune idée.

 

A l’heure où on parle, il n’y a pas de ministre du numérique. Jusqu’à présent, c’était notre interlocuteur privilégié. Et là on nous oriente fortement vers le sport et la culture, tandis que le portefeuille budgétaire serait à priori au sport. A voir ce que ça va faire, peut-être que le ministère des sports sera plus proactif sur la question de l’esport. Je pense que l’accueil de grands événements esportifs est tout à fait envisageable, ensuite à voir sur le reste, à savoir la formation, l’encadrement… (Nicolas Besombes)

Désormais, les cartes sont entre les mains des acteurs du milieu. On peut toujours être optimiste dans la perspective d’avoir réuni autour de la table tou·tes celles et ceux qui font l’esport français. La pluralité des acteurs soutient la vivacité des débats et pousse à bousculer les monopoles. La question est de savoir si cela se fera au sein de France Esports, ou dans la création d’un organe tiers… ou pas du tout.

De manière générale, il est primordial que les joueurs créent leur propre organe de représentation, pour défendre leurs intérêts et plus généralement ceux de l’esport. Malgré les avancées permises par les bénévoles de France Esports, nous ne pouvons laisser la main libre aux lobbys patronaux pour défendre les intérêts généraux du secteur esportif.

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