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Les boissons énergisantes dans l’esport, aide précieuse ou danger pour la santé ?

Par Dimitry Bigot
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Les boissons énergisantes dans l’esport sont devenues une évidence. On les voit trôner sur toutes les tables d’une LAN. Elles en sont parfois sponsors et vont même jusqu’à avoir sponsorisés les joueurs emblématiques de certains jeux esport. Ainsi, on retrouve sous le pavillon RedBull des joueurs et joueuses comme Reynor, Kayane ou bien Luffy qui nous a accordé de son temps pour parler de la scène Versus Fighting.

Mais au-delà cet aspect de sponsoring, les boissons énergisantes sont sujettes à débat que ce soit dans le domaine de l’esport ou bien dans le domaine public depuis plusieurs années. Alors que faut-il penser de ces boissons ? Doit-on leur faire confiance ou plutôt les éviter ?

Voyons ensemble les mécanismes d’actions derrière ces boissons énergisantes. Comment font-elles pour vous maintenir éveillées alors que vous êtes fatigués ? Nous nous attarderons aussi sur les effets néfastes que ces boissons peuvent avoir en se basant sur des recommandations médicales.

Boissons énergisantes ou énergétiques ?

L’emploi du terme de boisson énergisante depuis le début de cet article a peut-être interpellé certains d’entre vous. On parle souvent dans le langage quotidien de boisson énergétique mais il faut savoir que c’est un abus de langage.

En effet, les boissons énergisantes, qui sont donc celles utilisées dans l’esport, sont un mélange de divers ingrédients stimulants comme la caféine par exemple. Ces stimulants vont booster l’activité de votre cerveau et réduire la fatigue mentale, mais ne lutteront pas contre la fatigue physique.

À contrario, les boissons énergétiques sont un mélange d’eau et d’électrolytes. Ces boissons vont permettre de nous hydrater, mais en plus, d’apporter ces fameux électrolytes à notre corps afin de diminuer la fatigue musculaire lors d’un effort. Ces boissons n’auront aucun impact sur la fatigue mentale et ne sont donc pas vraiment utiles dans l’esport ce qui explique leur faible présence dans notre milieu.

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Les boissons énergisantes ont une place de choix dans les LAN (Crédit: LaPresse)

Comment Red Bull, Monster et les autres boissons sont devenus des incontournables de l’esport ?

Aujourd’hui, on ne peut plus se balader dans une LAN sans voir des boissons énergisantes absolument partout. Que ce soit sur la table des joueurs, sur les affiches, ou bien même en sponsor sur les maillots, c’est simple, ces marques sont omniprésentes dans l’écosystème esportif. 

Cela n’est pas dû au hasard et pour bien comprendre la stratégie de communication et surtout marketing qui se cache derrière, nous allons nous intéresser à un exemple en particulier, celui de Red Bull qui a par la suite été imité par de nombreuses boissons énergisantes. 

Lors d’une interview, le fondateur de Red Bull a dévoilé sa stratégie de communication et de marketing, qu’il avait pensé au moment de la création de sa boisson. Son objectif est clair : viser les jeunes via des compétitions et des slogans qui donnent une image de marque jeune et dynamique à Red Bull. 

Dans un premier temps, c’est vers les sports extrêmes que se dirige Red Bull. La marque va commencer par sponsoriser de plus en plus d’athlètes qu’elle va accompagner jusqu’à ce qu’ils performent. Red Bull finit par être incontournable et réussit à se donner l’image souhaitée.

Alors, forcément, avant même que ces marques ne s’intéressent à l’esport, les joueurs en étaient de grands consommateurs – et la marque était surtout connue et identifiée ! Ces boissons leur permettent non seulement de tenir la journée, mais en plus, elles ont une image de marque qui respire la performance à plein nez. 

Alors, quand l’esport a explosé, du côté de chez Red Bull et des autres marques de boissons énergisantes, on ne s’était pas trompé et on a rapidement commencé à envahir le milieu à grand renfort de pub et de distribution gratuite en LAN. Aujourd’hui, il est quasiment impossible de dissocier l’image de ces boissons énergisantes de celles des compétitions esport.

Comment ça marche ?

Les boisson énergisantes sont composées d’une multitude d’ingrédients mais pour vous expliquer comment ces boissons fonctionnent, nous en retiendrons deux : le sucre et la caféine. Une boisson énergisante peut être vue comme un café très sucré.

Pour vous en rendre compte, il vous suffit de vous rendre dans le supermarché du coin et de vérifier la dose de ces deux éléments. Pour rendre la chose plus facile à comprendre, nous avons fait des comparatifs et converti les résultats en tasse de café et morceaux de sucres. Selon nos résultats, une boisson énergisante est en moyenne l’équivalent d’une à quatre tasse de café avec 4 morceaux de sucres dedans.

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Maintenant que l’on sait ce qu’il y a dedans, voyons voir à quoi ces deux éléments peuvent bien servir. Commençons par la caféine. Vous l’avez surement deviné au nom, c’est la substance active du café. Quand vous la consommez, la caféine va venir exciter le système nerveux ce qui va avoir pour effet d’augmenter la vigilance. La caféine possède bien sûr d’autres effets, comme le fait d’augmenter l’efficacité des médicaments antalgiques s’il est pris avec, mais c’est vraiment cette hausse de la vigilance qui va nous intéresser dans l’esport.

Oui mais alors, à quoi sert le sucre ? C’est vrai, si le café apporte cette hausse de vigilance, c’est tout ce dont on a besoin. Pour comprendre l’utilité du sucre, il faut voir le cerveau comme un moteur. Quand vous l’utilisez, vous tapez dans les réserves et vous risquez la panne sèche. Sauf que le cerveau n’est pas fan de gasoil ou de sans-plomb 95, lui, son carburant c’est le sucre.

En résumé, la caféine va permettre à votre cerveau de retrouver sa vigilance tandis que le sucre va l’alimenter en énergie. C’est le mélange de ces deux effets qui rend les boissons énergisantes dans l’esport si populaires.

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Les boissons énergisantes peuvent être assimilées à un café très sucré (Crédit: GettyImages)

Que risque t’on avec les boissons énergisantes ?

C’est la grande question que se posent beaucoup de personnes depuis que ces boissons sont revenues en force sur le devant de la scène. Des médecins se sont donc penchés sur les effets de ces boissons. C’est sur leurs comptes rendus que nous nous appuierons pour comprendre ce que l’on risque à prendre des boissons énergisantes.

Boire des boissons aussi sucrées rend-il diabétique ? En 2004, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments à démontré dans son rapport qu’aucun lien direct ne pouvait être fait entre la consommation de sucre et le diabète. Néanmoins, on sait qu’il faut que plusieurs facteurs soient réunis pour que ce diabète apparaisse et le sucre en est certainement un.

Intéressons-nous maintenant au gros du morceau avec les recommandations de la Fédération Française de Cardiologie. On y apprend que le principal fautif d’un risque cardiaque est la caféine. Quand elle est consommé en trop grande quantité, celle-ci peut causer de la nervosité et de l’irritation, de l’insomnie et des troubles digestifs. Il est aussi bon de noter que la caféine va accélérer le rythme de votre cœur, ce qui peut , si vous en consommez trop, entrainer des problèmes de rythme.

Doit-on pour autant arrêter d’en consommer ? Non, mais comme beaucoup de choses dans la vie, il faut savoir consommer les boissons énergisantes avec parcimonie. Pour vous donner une idée, nous nous baserons sur la recommandation de l’EFSA (European Food Security Authority) qui préconise de ne pas consommer plus de 400mg de caféine par jour.

Au vu de nos chiffres précédents, cela correspond à environ 4 canettes même si pour être exacts nous vous conseillons de toujours jeter un œil derrière la canette pour en savoir plus sur la quantité de caféine, car il peut y avoir de fortes variations entre plusieurs produits. De plus, il faudra aussi décompter la caféine prise sous d’autres formes, comme le café.

Consommer trop de boissons énergisantes peut vous exposer à des problèmes de rythme cardiaque (Crédit: RTS)

Et la taurine alors ?

On ne pouvait bien entendu pas se quitter sans aborder le sujet de la taurine. Cet ingrédient est l’argument de vente principal d’une marque que vous reconnaîtrez sûrement tous. Cette taurine à d’ailleurs fait débat de longues années avant que des scientifiques ne statuent sur elle. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas en ce qui concerne sa dangerosité.

Avant de savoir si elle est efficace ou non, intéressons-nous un peu à cette énigmatique molécule. La taurine est un dérivé d’acide aminé (qui ensemble forment les protéines de notre corps). Si elle s’appelle taurine, c’est parce qu’elle a été découverte pour la première fois dans de la bile de taureau par Tiedemann et Gmelin en 1827.

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Et voila, l’histoire du taureau s’arrête là. Bien évidemment, il sert d’emblème à la marque car il est un symbole de force et de virilité mais il faut savoir que vous aussi vous produisez de la taurine naturellement. Alors la taurine apporte t’elle vraiment quelque chose ?

La réponse est, pas vraiment, du moins dans le domaine de la concentration. En effet, la taurine est censée booster l’effet stimulant de la caféine des boissons énergisantes dans l’esport. Sauf que les études à ce sujet n’ont pas réussi à faire de lien entre les deux. Pour l’EFSA, il n’y a donc pas de liens avérés pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, la taurine n’aurait pas les effets qu’on lui vante en ce qui concerne la concentration.

Rencontre avec Youenn, manager performance chez Navi

Depuis le début, on vous dévoile tout ce qu’il y a à connaître sur ces boissons énergisantes, mais on peut se poser la question légitime de savoir comment ce sujet est abordé au sein-même des équipes professionnelles. C’est dans ce but que je suis parti à la rencontre de Youenn qui a une belle expérience à ce sujet. Je le remercie chaleureusement pour cela et vous laisse découvrir l’entretien qu’il m’a accordé ci-dessous. 

Salut, pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas ? 

Salut, je m’appelle Youenn, j’ai 23 ans et je suis manager performance chez Navi spécialisé en psychologie et physiologie. Je prépare aussi en parallèle une thèse sur la mesure des ressources et des sources de fatigue pour le joueur de jeu vidéo compétitif. Mon travail chez Navi est d’ailleurs basé un peu sur les deux étant donné qu’il y a un aspect interventionnel auprès des joueurs et un aspect de recherche pour définir ce qui va favoriser la performance et leur bien-être. 

Ça va se faire via un travail de préparation physique adapté au joueur, mais il va y avoir aussi un suivi avec préparation mentale, que ce soit en groupe ou bien en individuel. Ça amène à parler de pas mal de sujets et on est justement dans cet environnement-là avec les boissons énergisantes. 

Aujourd’hui, ces boissons énergisantes, on a l’impression qu’elles sont partout, notamment en LAN et auprès d’un public amateur et semi-pro. Est-ce aussi le cas dans des milieux professionnels ? 

Je dirais que ça va dépendre de la sensibilisation que les joueurs ont pu avoir par rapport à la consommation de ces boissons, de manière individuelle. S’il n’y a pas eu de régulation ou bien de personne avec qui parler de ce sujet, oui, on peut retrouver sans difficulté ce genre de pratique au niveau professionnel. 

Par contre, je pense que le rythme et la quantité d’entraînement va amener le joueur à se tourner vers différents types de boisson qu’il va tester et de ce fait, il va comprendre les effets que cela a sur lui. Donc oui, on va trouver des joueurs professionnels qui consomment beaucoup ces boissons énergisantes, mais cela reste assez limité, du moins du point de vue de mon expérience personnelle. 

J’imagine que toi, via ton métier, tu as un regard sur ces boissons énergisantes et que justement tu donnes des consignes à tes joueurs. Tu peux nous en dire plus ? 

Même si je prendre en compte le ressenti du joueurs, je ne suis pas expert en nutrition et je me base plutôt sur l’avis de professionnels dans ce domaine comme Clément Thillier ou Handbook of esport medecine. Mais en tout cas, concernant les sources énergétiques ou les inhibiteurs de fatigue comme les boissons énergisantes, on essaye de ne pas les prendre trop tard, à des moments qui sont pertinents par rapport aux entraînements. 

On essaye aussi de voir si prendre ces boissons est le plus pertinent. On peut alors prendre à la place un café aux alentours de 15h pour profiter de ses effets jusque dans la soirée. L’idée, c’est de les limiter pour limiter l’incidence que cela peut avoir sur la récupération des joueurs. 

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À titre personnel je ne suis jamais tombé sur des joueurs qui consommaient des boissons énergisantes dans des proportions telles qu’ils avaient des problèmes comme de la tachycardie ou bien des tremblements. Mais l’idée, c‘est de pouvoir limiter la perception de la fatigue le temps de l’entraînement tout en n’impactant pas sur le temps de récupération et de sommeil. 

Dans un précédent article, on parlait justement du sommeil avec Lucas Legrand, alors manager de l’équipe LoL de Team GO. Tu confirmes qu’en professionnel, on se base donc plus sur des stratégies de récupération que sur la consommation de ces boissons énergisantes ? 

Tout à fait, c’est l’idée. Toutefois, le temps de récupération que l’on met en place avec les joueurs ne coïncide pas toujours avec le rythme d’une journée traditionnelle. Par exemple, quand on va voir des matchs à 23h, ce n’est pas pertinent de caler le joueur sur un rythme de sommeil habituel parce qu’à 23h son niveau de vigilance sera plus bas. 

Par contre, par rapport au temps de sommeil, on va essayer de cadrer la prise de ces boissons. D’ailleurs, ces boissons apportent aussi du sucre et quand on prépare des compétitions, on cherche à éviter une trop grande consommation de sucre qui entraîne une baisse de la vigilance à cause de la sécrétion d’insuline. 

L’idée, ça va donc être de remplacer ces boissons énergisantes par des équivalents qui contiennent de la caféine ou de la théine, mais qui contiennent moins de sucre. En résumé, l’objectif c’est d’éviter la baisse de vigilance que ce soit via une trop grosse ingestion de sucre ou via un rythme de repos mal réglé. 

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Boissons énergisantes, gestion du repos, autant de themes abordés apr Youenn avec Navi (Crédit : Youenn Rocaboy)

Les boissons énergisantes sont partout, notamment en tant que sponsor. Comment on gère les impératifs dont tu m’as parlé tout en ménageant les sponsors qui veulent eux être mis en avant et payent justement pour cela ? 

L’exemple qui me vient en tête quand tu évoques ce sujet, c’est que la marque de boisson énergétique qui nous sponsorise nous fournit des boissons quand on part en bootcamp ou bien alors en compétition. Elles sont là et en nombre, à peu près ma taille je dirais en termes de hauteur. 

Forcément, même moi , même au poste que j’occupe, j’ai alors la tentation de tester ces boissons énergisantes. Je me dis qu’elles sont là, juste devant moi et que j’ai envie de sucre alors je me laisse tenter. Cet exemple est très factuel, mais c’est un bon témoin du fait que leur présence entraîne une tentation plus grande d’en prendre. 

L’une des premières réflexions que j’ai eues quand j’ai commencé à travailler avec une équipe pro, c’était de savoir quelles étaient les limites de ce sponsoring. Car ces investisseurs, ils mettent beaucoup d’argent sur la scène esport et aujourd’hui, les équipes peuvent difficilement s’en passer.

La question, c‘est donc de savoir si on peut aller vers une transition vers des fournisseurs qui sont plus raisonnés sur l’utilisation de ces boissons énergisantes. On peut même imaginer de nouveaux acteurs qui proposeraient des boissons plus saines, voir même des acteurs déjà présents qui travaillaient aussi dans ce sens-là. 

Le problème, c’est que le modèle marketing de ces marques est tellement implanté depuis le sport traditionnel que c’est compliqué de mettre un coup de pied dans la fourmilière.  Ces sponsors ne sont pas arrivés avec l’esport, ils étaient déjà présents, notamment dans les sports extrêmes. 

Ça semble donc difficilement réalisable et c’est pour cela, que pour le moment, on se concentre sur régler ces choses en interne, directement avec les joueurs, plutôt que de révolutionner ce genre de sponsorings. Toutefois, je pense qu’il y a des choses à faire. Ça prendra du temps, mais en attendant, on peut agir à notre échelle. 

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Pour conclure, les boissons énergisantes dans l’esport ne sont donc absolument pas le mal comme certains peuvent le prétendre. Elles peuvent au contraire vous permettre d’avoir un boost de concentration au moment où vous en avez le plus besoin. Toutefois, ces boissons ne restent pas la solution miracle pour la recherche de performance et une trop forte consommation à long terme peut avoir de graves répercussions. Ainsi, comme le disait Paracelse « Tout est poison et rien n’est sans poison; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison ».

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