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DaKinMan : L’esport VR se développe indépendamment de l’esport

Par Lenaic Leroy
Esport VR VR Master League

L’esport est un secteur sujet à de très nombreux débats. Bien souvent, la question de l’implication motrice des joueurs est une source d’échanges vigoureux. La pratique du jeu vidéo compétitif comprend-elle une forme d’implication corporelle suffisante pour être considérée comme un sport à part entière ?

Bien souvent, la formule rhétorique va dans ce sens, bien que l’idée de faire de l’esport un sport soit aussi un sujet à lui seul. Une alternative vient souvent calmer le jeu : l’esport VR.

Je vous invite à lire la thèse de Nicolas Besombes, «Sport électronique, agressivité motrice et sociabilités», une source très importante dès que la question de la motricité est au rendez-vous.

Avant même d’avoir à se poser les questions de légitimité de l’esport ou de motricité, un modèle était déjà dans certains esprits.

Si le jeu vidéo et par extension l’esport sont critiquables pour la position assise des joueurs (bien qu’ils fassent appel à une posture spécifique appelant à de nombreux repères), le rapport change complètement avec la Réalité virtuelle ou VR.

La réalité virtuelle, née dans les années 70 dans son appréhension technologique, est une technologie permettant de créer virtuellement un environnement réel ou imaginaire. Depuis 50 ans, la technologie développant la réalité virtuelle a pris différentes formes, des casques ou des simulateurs permettant de créer un environnement.

Depuis plusieurs années, le secteur du jeu vidéo s’est emparé de la réalité virtuelle. Quoi de plus normal dirait-on : le jeu vidéo est lui-même une création d’un environnement réel ou imaginaire dans un cadre virtuel.

La seule limite connue au jeu vidéo, c’est la projection du joueur au sein de l’environnement. Présent à l’aide d’un avatar, le joueur peut se mouvoir et profiter de l’environnement proposé grâce à un contrôleur. Celui-ci, qu’il soit une manette ou un clavier offre des options, mais ne recrée pas l’action du joueur sur l’avatar.

La réalité virtuelle a cette force supplémentaire, de donner la possibilité au joueur d’être le contrôleur de son avatar, supprimant les intermédiaires jusqu’ici en usage.

L’esport a toujours été attiré par les promesses offertes par une telle technologie. Alors que la pratique compétitive invite les joueurs à se dépasser au quotidien, ceux-ci se trouvent limités par ce que le programme peut leur offrir.

La vitesse de déplacement, de rechargement d’une arme, la taille d’un avatar, la façon de le mouvoir, autant de détails qui ne dépendent pas du bon vouloir des joueurs.

La réalité virtuelle offre une toute autre perspective en permettant au joueur de ne plus être limité à une dizaine de boutons sur une manette, mais à une grande variété de possibilités ne dépendant que de leur capacité physique.

Longtemps considérée comme un eldorado inatteignable, la réalité virtuelle a pourtant été mise à disposition du grand public depuis plusieurs années. On voit à chaque LAN française un stand offrir la possibilité de découvrir le grand frisson en enfilant pendant quelques minutes un casque de réalité virtuelle.

Où est donc l’esport sur réalité virtuelle ? Pourquoi ne parvient-il pas à devenir une discipline présente aux grands rendez-vous compétitifs ?

La réalité virtuelle donne envie aux joueurs de la première heure comme aux plus jeunes. Le potentiel de joueur est immense et pourtant, l’esport VR est invisible.

Équipé de mon moteur de recherche, j’ai fait ma petite enquête pour voir si déjà, quelques aficionados avaient tenté de faire de l’esport VR.

La présence de cet article me permet de vous dire sans grande surprise que je suis tombé sur la communauté en question. Pour répondre à mes questions, le fondateur de la VR Master League : DaKinMan.

Joueur canadien, passionné d’esport et de réalité virtuelle depuis plusieurs années, il a accepté de m’ouvrir les portes de la communauté et de me faire découvrir quelles étaient les différentes caractéristiques propres à l’esport VR.

La VR Master League, née suite à la sortie du jeu Onward en 2016, a étendu son action à d’autres titres comme Pavlov, reprise en réalité virtuelle du très célèbre Counter-Strike : Global Offensive.

Je n’avais aucune idée de ce que j’allais découvrir. Avant de rencontrer un membre de la communauté, j’avais cette impression, partagée par beaucoup, je pense, d’avoir face à moi une technologie parfois bancale, rendant toute proposition compétitive difficile.

Rien ne m’aidait à savoir quelle était la population de joueurs présente sur le support, du format des compétitions ou des règles qui devaient s’adapter aux besoins spécifiques de l’esport VR.

Essai casque réalité virtuelle Lyon e-Sport

Durant les différentes LAN françaises, la réalité virtuelle est au rendez-vous, mais seulement dans les stands de découverte. Crédit : Lyon e-Sport

Je suis parti à l’aventure sans bien comprendre ce qui m’attendait, mais j’avais la certitude de pouvoir découvrir tout un monde à portée de main, encore inexploré par la plupart de mes contemporains.

Je ne possède encore que très peu de maîtrise des différents codes de l’esport VR et mon approche est sûrement assez maladroite. Depuis, j’ai eu l’occasion de regarder quelques matchs et d’en apprendre plus sur cette compétition si particulière.

L’esport VR est encore dans un cocon où la communauté est maître de son destin, à l’instar des premiers esportifs il y a 20 ans. Cette situation, souvent idéalisée par les nostalgiques du bon vieux temps, donne à l’esport VR un aspect que l’on semble avoir perdu sur les plus grandes scènes.

Cette compétition est artisanale, issue de la volonté de joueurs de se réunir pour jauger leur force mutuelle. Loin des grands cashprizes et des franchises de League of Legends, la pratique compétitive mise en place par DaKinMan offre une certaine candeur difficilement perceptible dans les autres communautés de joueurs.

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L’interview mérite sûrement une deuxième édition, plus approfondie après le visionnage de plusieurs compétitions. Je pense néanmoins que cette première introduction sera utile à d’autres que moi, qui n’avait jusqu’ici pas conscience de la réalité entourant l’esport VR. C’est une découverte passionnante qui j’espère vous plaira tout autant qu’elle m’a saisie.

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Comme tu vas pouvoir le voir, je ne connais absolument rien à l’esport VR. J’ai jeté un œil au site de la VR Master League, tu peux m’en dire plus sur la création de la compétition ?

La ligue a commencé avec Onward, le jeu de simulation militaire. Le jeu était tellement compétitif que j’ai eu envie de former une équipe et de faire de la compétition. J’ai rejoint le discord de la communauté de joueurs.

J’étais assez actif dans le chat et rapidement avec d’autres joueurs, on a décidé de se regrouper régulièrement en fin de semaine pour faire un petit tournoi entre quelques équipes. On a essayé durant plusieurs semaines de faire de petits tournois, c’était notre rendez-vous chaque fin de semaine.

On a commencé à faire ce qu’on a appelé la Late Night League, portée par un autre joueur : Ghost. C’était une petite league comprenant 4-5 équipes, organisée pour les joueurs qui aimaient se retrouver assez tard pour faire du compétitif.

J’avais quelques idées d’organisations, je voulais un système de points différents, un site propre à la ligue, une meilleure gestion des équipes. C’est pour ces raisons que j’ai décidé de créer la VR Master League. C’était une initiative personnelle et rapidement les équipes m’ont rejoint.

Combien de temps avez-vous mis pour réussir à mettre en place la ligue ?

Le jeu est sorti en août 2016, nos premiers tournois ont commencé à être organisés dès novembre-décembre. Il n’a pas fallu longtemps pour que la VR Master League soit créée en février mars 2017.

C’est très rapide comme évolution ! Les joueurs avaient tout juste mis le pied à l’étrier, vous parliez déjà de compétition.

Au départ c’était assez brut comme rendu. On utilisait une autre plateforme pour faire le suivi de la compétition. On passait par les ressources de la Late Night League et le site de la VR Master League n’existait pas.

VR Master League ESL Match

La réalité virtuelle plonge les joueurs dans un environnement dont ils sont le seul intermédiaire avec l’avatar. Crédit : ESL

On dépendait d’un service gratuit pour préparer la League et il nous a fallu un peu de temps avant d’avoir un site propre à notre compétition. Notre première saison était un peu difficile et c’est vraiment la saison 2 qui a lancé la VR Master League.

Durant la première saison, on a eu l’occasion d’apprendre à mieux se connaître et c’était une bonne chose lorsqu’on a décidé de lancer la deuxième édition.

J’imagine que c’était compliqué de mettre tout en place alors qu’il n’y a pas vraiment d’antécédents de compétition VR.

Oui, il fallait constamment changer les règlements ou ajouter de nouvelles règles. C’était quelque chose au début et la première saison était un essai. On voulait être le plus flexible possible en mettant de l’eau dans le vin en permanence.

Une league comme Onward est vraiment structurée désormais. On est à la 7ème saison et notre règlement est bien cadré. On touche assez rarement aux règles, certaines modifications sont apportées en rapport aux changements dans le jeu.

La plupart des jeux VR sont encore en bêta à l’heure actuelle. C’est une technologie qui reste encore un peu expérimentale et il existe des glitchs que l’ont interdit, des zones dans lesquelles il ne faut pas aller. C’est ce genre d’éléments du règlement qui sont modifiés en conséquence.

Tu avais déjà une certaine expérience dans l’organisation de compétition ?

Pas du tout. Je suis juste un joueur compétitif, je suis comme beaucoup de joueurs l’évolution de l’esport, je regarde quelques matchs. J’ai une activité professionnelle à côté de la compétition en VR et c’est vraiment mon hobbie de pouvoir jouer chaque semaine. C’était une première de créer la VR Master League.

Dans les participants à la VR Master League, il y a des joueurs qui ont déjà fait de l’esport sur des jeux plus classiques ?

Je ne connais pas tout l’historique des joueurs, mais la plupart de ceux que je connais n’ont pas spécialement de racines sur des jeux comme Counter-Strike : Global Offensive. Il y en a un certain nombre qui ont un background militaire et qui expérimentent la simulation pour l’aspect tactique.

Un certain nombre ne font que du jeu en VR et ne joue à aucun autre jeu, il y en a beaucoup dans la compétition qui sont dans ce cas. C’est vraiment particulier comme marché et il y a une vraie différence entre l’esport et l’esport VR.

Je pense que c’est vraiment deux marchés qui se distinguent complètement.

C’était quelque chose que je voulais évoquer avec toi. Aujourd’hui, beaucoup de gens voient la VR comme une forme d’esport 2.0 qui serait capable d’effacer tout intérêt pour le jeu classique au clavier souris ou à la manette. D’autres pensent qu’il s’agit d’une autre forme d’esport. Comment est-ce que tu perçois l’esport VR aujourd’hui ?

C’est vraiment deux pratiques bien différentes. Elles peuvent se rejoindre, mais je pense que ce n’est pas la même chose. Il y a de très nombreux joueurs qui vont préférer le jeu en utilisant des manettes ou des claviers et souris plutôt que d’utiliser la VR.

Certains joueurs préfèrent le côté physique du VR, mais même au sein de la communauté, il existe des joueurs qui jouent avec un clavier et une souris. Le VR c’est épuisant et parfois ils veulent jouer sans être dans l’effort.

C’est plus simple de se mettre dans le jeu avec un clavier et une souris. C’est deux mondes différents.

Le cast des rencontres avec ESL a été assuré par les casters habituels de la société comme Pansy, mais aussi par les casters de la VR Master League comme The Night Firee

On a aussi vu des différences au niveau du cast. Nous avons fait plusieurs tests de cast en VR. En utilisant AltSpace VR, on a essayé de faire suivre le match en utilisant la technologie pour le spectateur.

C’était très intéressant et le résultat était fun, mais sur le long terme, la plupart des spectateurs ont préféré regarder les matchs sur leurs écrans plutôt qu’avec le VR. La plupart des gens apprécient de regarder et de jouer en étant assis et l’implication physique du VR n’attire pas tout le monde ou pas pour les mêmes raisons.

C’est deux mondes bien distincts qui ne sont pas exclusifs, ils échangent beaucoup, mais je ne vois pas l’esport actuel se faire remplacer par la VR.

C’est une idée assez commune de penser qu’une fois la VR rendue publique, cela paraîtrait très faible en termes d’intensité de regarder des joueurs assis face à l’écran.

Pour n’importe quel autre sport, on voit que les joueurs sont dans une activité très physique et c’est plaisant à voir. Néanmoins, il y a aussi beaucoup de gens qui apprécient de regarder un match d’échecs par exemple.

Il y a un véritable intérêt de voir la construction mentale produite par le joueur même si la pratique n’est pas du tout physique. Il y a un public aussi pour ce genre de pratique et il n’y a pas de raisons que ceux qui suivent l’esport actuel ne le fassent plus pour s’intéresser à la VR.

Je suis tombé sur la VR Master League un peu par hasard sur le net, la majorité des participants sont anglophones et je n’ai pas eu la chance de savoir s’il existait une partie de la communauté qui était française.

Il y a quelques joueurs français qui sont dans le VR. Au sein de la VR Master League, on a deux équipes françaises, l’Équipe Virtuelle Francophone et la French Onward Union. Une équipe québécoise vient récemment d’apparaître, la Team Québec ! Ces deux équipes françaises ont une communauté attachée et très active. Ils adorent le VR et on les retrouvent lors des matchs, sur les différends Discord.

Ils ont un discord dédié à la communauté française en complément de la communauté officielle. Il y a aussi une compagnie française avec qui je suis en relation qui est dédiée au VR. Il y a beaucoup de français qui sont actifs dans la communauté, ils ne sont pas forcément visibles, il faut juste réussir à les trouver.

On parle tout le temps en anglais donc on ne voit pas forcément la diversité, mais ils sont bien là !

Réunir une communauté attachée à une technologie, c’est difficile étant donné la diversité des langues, les différences horaires, la distance entre les joueurs.

La compétition est internationale et je ne refuse aucune équipe participante. Le site est créé au Canada, on a naturellement un attachement fort avec les joueurs en Amérique du Nord. Le seul hic, c’est de réussir à programmer les matchs pour toutes les régions.

Au départ, on n’avait qu’une seule région, l’Amérique du Nord, mais rapidement on a ajouté l’Europe dans la liste. C’était compliqué de mettre une programmation en commun pour faire rencontrer les joueurs.

Finalement, nous avons décidé de faire deux régions différentes pour permettre aux joueurs de ne pas être face à des compromis.

La compétition est implantée en Amérique du Nord et en Europe, vous avez déjà des contacts avec des amateurs de VR en Asie ?

Il y en a quelques-uns avec qui nous sommes en contact. La traduction du site nous permettrait vraiment d’agrandir la communauté de joueurs. Nous avons des fans, principalement japonais qui s’intéresse à l’esport VR.

À chaque fois que l’on fait un stream, un tweet ou une vidéo de la compétition, ils sont actifs et suivent les actualités. La communauté japonaise n’est pas intégrée, mais je sais qu’ils sont présents et qu’il y a une demande. On ne se connaît pas personnellement, je ne sais pas si il parle bien anglais, mais ils ont déjà signalé leur présence.

Cela devait être difficile de faire tenir tous les joueurs dans une même compétition, je pense entre autres aux questions de connexion, d’un continent à l’autre il devait souvent y avoir des problèmes de ping.

C’est un élément à prendre en compte et il faut que le jeu soit vraiment bien codé pour réussir ce genre de performance. Idéalement, il nous fallait des serveurs décernés pour assurer la compétition.

Onward est bien fait, le netcode est propre, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’en parler avec les développeurs. En revanche, il existe d’autres jeux qui sont plus difficiles.

Après il faut voir les limites de notre compétition et c’est soit ça ou rien. La communauté est tellement petite, on préfère jouer, même si parfois il arrive d’avoir 1 000 de ping plutôt que de ne pas jouer du tout. C’est important pour nous d’avoir la chance de participer.

Les développeurs ont une responsabilité dans la mise en place de compétition sur leur jeu ?

On communique tous les jours, mais ils ont une action passive. Ils ne prennent aucune décision en ce qui concerne la League. Ils suivent son évolution et souvent on essaye de synchroniser nos plannings. Lorsqu’ils vont sortir un patch, on communique les différents bugs et glitchs qui existent.

Nous arrivons à échanger les uns et les autres, principalement pour les problèmes dans le jeu. En revanche, pour ce qui est de l’organisation de la League, c’est toujours les équipes de modérateurs et moi-même qui sommes aux commandes.

Le sujet peut vite être sensible, parfois lorsqu’il y a des tensions entre les équipes, il faut vite prendre la situation en main. C’est mieux que les développeurs ne s’occupent pas de nos problèmes et qu’une personne de la League prenne les décisions difficiles sur une équipe. La League est une chose, le jeu en est une autre, si les gens aiment le jeu auquel ils jouent, s’ils aiment la League, ils participent, c’est aussi simple que ça.

C’est un cas assez unique en 2019, la majorité des compétitions étant pilotées par les éditeurs du jeu. On se croit presque revenu au format communautaire des années 2000, loin des sponsors et des gros cashprizes.

On n’est pas encore rendu à cette situation. Nous avons quelques sponsors sur la VR Master League, mais nous n’engrangeons pas des millions bien sûr. C’est juste une pratique communautaire et c’est ce qui définit la League. Le but est d’offrir une plateforme gratuite pour tous afin de profiter de l’aspect compétitif.

J’ai décidé de ne pas mettre de publicité sur le site pour cette raison. Pour moi le but n’est pas de faire de l’argent sur la pratique, mais d’apporter une plateforme tout public. C’est avant tout une question de plaisir pour la communauté VR en se donnant des moyens.

J’imagine que la VR a des particularités qui se retrouvent dans les règles de jeu. Il y a de grosses différences qui existent avec l’esport ?

Toutes les règles du côté physique ne sont pas existantes dans l’esport. C’était un sujet que l’on a dû aborder à bras le corps dès la saison 1.

C’était quelque chose de spécial parce que quelqu’un qui mesure 1.60 mètre n’aura pas le même gabarit qu’une personne qui fait 1.82 mètre. C’est une particularité qui va beaucoup impacter le jeu.

Il arrive que sur certaines cartes, une personne plus grande soit capable de voir par dessus un mur, alors que son coéquipier ne peut pas. Dans les jeux esports habituels, tout le monde est à la même hauteur il n’y a pas ce genre de problèmes.

En VR, des joueurs peuvent tirer par dessus un mur en restant à couvert grâce à ce paramètre, ce qui rend le jeu plus complexe. C’est tout un enjeu et les développeurs ont dû faire le choix d’augmenter la hauteur des différents murs. C’était un problème récurrent et il existe encore certains endroits dans les différentes cartes qui peuvent avantager les tailles des joueurs.

VR League Onward

Tous les joueurs sont sur une même scène et évoluent dans l’espace virtuelle et physique. Crédit : ESL

Il existe une autre contrainte qui concerne le matériel. Les casques de réalité virtuelle sont équipés de micro pour entendre le déplacement du joueur et la communication. Sur certains casques, il est possible de se rendre muet ce qui coupe toute information sonore pour les adversaires.

Ce genre de problèmes, on ne le voit pas sur les jeux clavier souris. Les joueurs en VR sont dans un effort physique assez important et ils peuvent fatiguer, respirer fort dans le micro, des informations précieuses durant la compétition.

C’est un des points que l’on doit prendre en compte et qui est propre à l’aspect physique de l’esport VR.

C’est incroyable cette question de la taille. Cela remet beaucoup en cause la logique égalitaire des modèles des joueurs, mais en même temps, on ne trie pas non plus les sportifs par rapport à leur taille.

Si quelqu’un joue à Onward et fait 2 mètres de haut, il aura un avatar beaucoup plus grand et il profitera d’une bien meilleure vision. En revanche il sera beaucoup plus facile à toucher et il risque donc d’être une cible facile.

On ne va pas lui couper les jambes pour mettre tout le monde au même niveau. Il peut jouer de la même manière que les autres et il fait en sorte d’adapter son jeu aux avantages de son corps. C’est la même chose pour un joueur plus petit qui profite d’une plus petite hitbox.

Cela fait beaucoup d’informations à prendre en compte, beaucoup plus que dans l’esport alors qu’il y a déjà une très grosse demande. Cela doit faire pas mal de statistiques.

J’en ajoute encore régulièrement à la demande de la communauté. La plupart des statistiques sont publiées sur le site de la VR Master League. J’ai d’abord commencé par des informations sur les pourcentages de victoire de chaque équipe, les résultats par carte. Récemment, les joueurs voulaient savoir quels étaient les taux de victoire par round sur chaque carte.

Régulièrement je dois faire des ajouts, car les joueurs ont besoin d’en savoir plus sur leurs propres performances.

J’ai vu que la VR Master League supportait la compétition sur plusieurs jeux VR. Est-ce qu’il existe une même communauté de joueurs qui jouent sur plusieurs titres ou est-ce qu’il s’agit d’une multitude de communautés qui se regroupe parce qu’il pratique une activité commune : l’esport VR ?

C’est des communautés parfaitement différentes. Certains joueurs sont présents sur deux jeux différents, mais ils sont minoritaires. Je pense que 90 % des joueurs sont présents sur un seul jeu et se donnent au maximum dessus.

Ces communautés sont différentes et la façon d’encadrer le jeu change à chaque fois. Il n’y a pas les mêmes règles, les mêmes particularités ou bien le même système de points.

S’il y a des règles, il y a forcément des transgressions. L’esport VR ne doit pas échapper aux cheats et hack, il en existe certains propres à la compétition VR ?

Il y en a quelques un qui arrivent oui. Dès que l’on a des soupçons sur un joueur, on lui demande de stream pour avoir son point de vue. Si l’on a des preuves, on agit pour sanctionner le joueur.

Notre principal atout, c’est l’anti cheat de Onward qui permet de bloquer la plupart des logiciels. L’ajout de cet outil est très important pour assurer la compétition. Ils nous ont enlevé un poids important de sur nos épaules, jusqu’ici, c’était à nous d’être vigilants et de nous assurer du bien-fondé de tous les joueurs.

Il arrive que certains joueurs abusent de glitch, ce qu’on appelle le flick par exemple. C’est un mouvement particulier qui permet d’envoyer une grenade plus loin que prévu. Ce genre de mouvement, on ne le considère par comme un cheat car c’est un élément du jeu qui doit être fixé par les développeurs.

Dans la compétition il n’est pas admis, car il dépasse le cadre prévu de jeu, mais il semblerait que les développeurs ne veulent pas le supprimer.

Il est déjà arrivé d’avoir un cheat majeur, un joueur qui entrait du code en jeu pour prendre directement l’objectif. Il avait réussi à changer le code de son jeu et dans ce genre de cas, le joueur est banni de la league.

Scène Oculus Connect 5

La grande finale de la saison 6 de l’Onward VR Master League a eu lieu lors de l’Oculus Connect 5, grand rendez-vous de la réalité virtuelle. Crédit : VR Master League

Le jeu est encore en bêta et il existe encore des failles importantes dans son développement. La plupart des abus qui existent sont dus à des problèmes de ce type, permettant aux joueurs d’abuser des faiblesses du jeu. C’est au développeur de faire le nécessaire pour que leur jeu développe une scène compétitive.

On ne peut pas juste prendre en compte tous les problèmes qui ne sont pas réglés pour créer un environnement compétitif pour les joueurs. Si les cartes sont remplis de bugs, nos décisions en tant que modérateurs de la ligue sont constamment critiquées. C’est pourquoi nous, nous appuyons beaucoup sur les développeurs pour qu’ils élèvent la qualité de leur jeu au maximum et le plus rapidement possible.

Il faut que le jeu s’améliore pour atteindre une stabilité pour la compétition. Aujourd’hui, le jeu reste un jeu en « early access » et en VR. Il n’est pas totalement au point et cela crée certaines problématiques supplémentaires pour la ligue.

Tu parlais de streaming, j’imagine qu’il existe un flux de diffusion officiel avec un cast régulier, mais aussi des joueurs qui font profiter de leur point de vue en dehors des compétitions.

Il y a des casters qui sont mobilisés sur la League. Il y a des chaînes Twitchs pour eux, mais aussi pour la compétition. Ils sont dix-huit à se relayer sur toute la saison. On peut retrouver tous leurs casts sur le site. Ils sont énormément investis, cela représente des heures et des heures de compétition à suivre.

C’est d’ailleurs sans compter les matchs des championnats qui ne sont pas comptabilisés sur le site. Il y a beaucoup de bons casters, entre autres NightFiree qui est très actif. Il connaissent vraiment bien le jeu et la communauté, c’est un gros avantage pour les spectateurs.

On rediffuse l’intégralité de la compétition sur Youtube, les joueurs peuvent regarder les matchs et analyser le jeu et les spectateurs profitent de toute la compétition.

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Le cast c’est un vrai travail, il faut du matériel, une technique bien maîtrisée d’animation. C’est important en particulier pour une communauté comme la nôtre. Les membres de la communauté sont très investis et connaissent très bien le jeu et les joueurs. Les casters sont vraiment à la pointe de cette connaissance, ils connaissent les particularités de chaque joueur, c’est un ajout conséquent dans la narration des matchs.

Récemment nous avons été en relation avec ESL. Ils ont leurs propres casters, ils ont essayé de tenir le cast sur la League. ESL a apporté beaucoup de matériel et d’infrastructure, mais heureusement nos casters étaient présents. Nos casters ont apporté leur connaissance et une touche personnelle à la league.

N’importe qui ne peut pas cast les matchs, il faut une vraie maîtrise du jeu et des configurations de joueurs pour être pertinent dans l’animation.

Pour ne parler que d’Onward, combien de temps dure un match ?

En moyenne une heure et demie. Cela dépend des équipe qui jouent plus ou moins lentement. Il peut y avoir des délais, des pauses nécessaires. Si une équipe domine son concurrent, on peut faire un match en une demi-heure.

Une heure et demie, complètement concentré et surtout actif physiquement, c’est un sacré challenge ! Comment le match s’organise ? C’est un système de round ?

Le système mis en place est simple avec quelques spécificités. Le match se joue en BO3 sur trois cartes différentes. Le premier qui remporte deux cartes remporte le match, mais la troisième carte est quand même jouée même si une équipe a déjà remporté deux cartes.

Il s’agit d’un choix qui permet de prendre en considération le score des joueurs sur les différentes cartes. Si une équipe gagne deux cartes en faisant 4-3 et 4-3, ils remportent la partie, mais si leurs adversaires remportent la troisième carte 5-0, ils vont limiter leur défaite et la victoire des autres participants.

C’est une manière d’apporter un certain équilibre dans la compétition en prenant en compte les efforts fournis à chaque round.

On veut permettre de jouer trois parties plutôt que deux. Cela reste le but premier de faire jouer les participants. Ils ne peuvent jouer qu’une fois par semaine ce n’est pas pour s’arrêter au bout de 30 minutes.

C’est aussi une solution pour que les joueurs essayent de se donner au maximum en limitant le poids d’une défaite. Les rencontres sont en 5 contre 5 et il faut que les dix joueurs prennent du plaisir à jouer chaque semaine.

Ils ont tous des vies occupées, la moyenne d’âge des joueurs VR est plus vieille que les joueurs habituels dans l’esport. Ils ont des emplois à temps plein et ils sont déjà bien occupés.

Trois cartes jouées, c’est une solution pour permettre à tous de profiter du jeu et d’essayer de donner le meilleur d’eux même dans la compétition.

Certains jeux VR sont beaucoup plus nerveux comme Pavlov, la reprise VR de Counter-Strike : Global Offensive. Un joueur qui a des limites physiques risque d’ailleurs d’être en difficulté sur Pavlov à cause du rythme de jeu très rapide.

Sur Onward, il y a beaucoup plus de temps pour la tactique et la stratégie, on dépend beaucoup moins des réflexes et de la motricité. C’est une différence qui peut être importante entre les styles de jeu.

Vous avez déjà réussi à faire un tournoi esport VR offline?

Oui grâce à notre partenariat avec ESL nous avons eu deux occasions de ce genre. C’était en Angleterre pour qualifier des équipes à la League. On a fait la grande finale de la saison durant le Oculus connect 5.

C’était de très bons moments pour la communauté, fun et agréable. Pouvoir retrouver en personne tous les joueurs que l’on contacte au quotidien sur Discord c’était quelque chose. Nous sommes très connectés, nous avons un Twitter, un reddit,une page facebook et les rediffusions sur Youtube.

On utilise beaucoup les réseaux au quotidien, se retrouver face à face de temps en temps, c’est un vrai plaisir.

Communauté VR Master League

La communauté d’esport VR de la VR Master League, réunie lors de l’Oculus Connect 5. Crédit : VR Master League

Il y a un système de récompense pour les participants de la VR Master League ?

Il y en a un qui existe. On essaye de débloquer des fonds ou des prix chaque saison. On a envoyé des Steam cards pour des joueurs qui ont gagné la Challenger Cup de la saison 6. C’est un tournoi spécial qui permet de se qualifier dans le top des équipes en fin de saison. C’est un petit prix spécial que l’on a décidé d’offrir aux joueurs.

On a aussi avec les compagnies Protube VR et VR Cover des partenariats qui permettent de donner les prix de fin de saison aux joueurs. Ils sont de très bons sponsors de la VR Master League. De nouveaux prix doivent arriver pour la prochaine saison, j’ai hâte de voir ce qu’on va pouvoir faire de ce côté.

Je suis très content d’avoir fait ta rencontre et de découvrir ce que veut dire l’esport VR. Merci beaucoup pour cet échange !

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A ma grande surprise, l’esport communautaire a trouvé dans l’esport VR une vitalité qui semble disparue des titres classiques du milieu.

La question du support, et l’investissement dans une technologie aussi particulière, me laissait penser que les développeurs prendraient la main sur un potentiel phénomène esport, avant même que celui-ci ne se développe chez les joueurs.

Je suis assez content d’avoir été dans l’erreur à ce sujet et de découvrir que même à la pointe d’une technologie, les amateurs sont encore capables de créer un format qui répond à leurs attentes.

L’esport VR souffre néanmoins du manque de finition de la plupart des supports qu’ils utilisent. Pour autant, doit-on ne pas s’intéresser à cette pratique, sous prétexte que les jeux qui servent de base ne sont pas aussi peaufinés qu’un Counter-Strike ou qu’un League of Legends.

Le public a aujourd’hui une certaine attente de ce que doit être un jeu esport et accepte difficilement d’échanger sa perception pour une autre. C’est d’ailleurs cette problématique qui rend si difficile l’intégration de nouveaux genres ou de nouveaux jeux comme Fortnite chez ceux qui sont actifs depuis longtemps dans l’esport.

Néanmoins, je pense qu’il est possible, au même titre qu’un Starcraft en 1998 ou un Dota en 2003, de voir derrière les défauts, le potentiel esport à développer. Certes, l’esport VR n’est pas encore mûri et il reste encore beaucoup à faire, mais c’est dès maintenant qu’il faut penser à reconnaître cette pratique pour l’amener à évoluer.

Ce n’est pas dans 5 ou 10 ans, quand les leagues seront portées par des développeurs et des sponsors, qu’il faudra se dire que l’esport VR vaut la peine d’être digne de notre attention. C’est aujourd’hui, alors qu’il appartient à des passionnés, que l’esport VR peut offrir le meilleur pour les joueurs et pour sa communauté.

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1 Commentaire

Bryan18 2 avril 2019 - 11 h 52 min

Je suis dans un centre de formation qui font des formations dans l’esport et c’est top. C’est le CFPMS à Issy-les-Moulineaux.

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