Connaissez-vous le seul point commun des personnes qui accomplissent de grandes choses ?
Elles s’obligent constamment à sortir de leur zone de confort.
C’est ce que Riot Games s’efforce de faire avec League of Legends depuis sa création.
Seulement, l’année 2019 semble être un tournant majeur pour l’éditeur.
La LPL écrase tous les records tant la communauté chinoise est incroyable. La LCK offre un spectacle passionnant emmené par des équipes comme Griffin, T1 ou encore Kingzone DragonX. Le rebranding de la LEC est un succès et la ligue est tout aussi incroyable à suivre. Dans une moindre mesure, c’est aussi le cas pour les LCS (aucune surprise EU > NA)…
On en parle jamais assez, mais Riot Games réalise une sacrée avancée pour l’esport. Le jeu arrive sur ses 10 années d’existence et il semble baigner dans une fontaine de Jouvence lui accordant une jeunesse éternelle.
Les compétitions ne manquent pas. L’éditeur aurait pu s’arrêter là, et pourtant, il donne l’énergie qu’il faut pour aller au bout de ses ambitions : maintenir League of Legends comme le jeu de référence lorsqu’on emploie le mot « esport ».
Pour y arriver, il lance également les ligues nationales. En France : la LFL.
Le pari était osé, surtout dans un contexte où Riot Games se positionne sur tous les fronts pour gagner une guerre de l’attention.
Mais la LFL n’existe pas seulement pour faire plaisir aux fans ou aux équipes qui les supplient d’intégrer un cadre plus sain pour se développer. Elle est là pour former les stars de demain et assurer le spectacle lorsque des joueurs comme Rekkles, Caps ou Perkz laisseront leur place à de nouveaux venus.
La stratégie est huilée. Et à l’instar des ligues universitaires américaines, Riot Games prépare simplement l’avenir de son jeu.
Nombreux étaient les fans et les acteurs de l’esport à se questionner sur une telle initiative.
La naissance d’une ligue fermée à 8 équipes pré-sélectionnées pouvait-elle représenter le futur de l’esport national ? Y’a-t-il assez de spectateurs potentiels pour espérer un retour sur investissement et pérenniser la situation des joueurs et des structures ?
C’est vrai. La communauté française est exceptionnelle (la meilleure au monde, c’est dit). Mais voudrait-elle suivre une compétition locale, d’un niveau inférieur à celles déjà présentes partout dans le monde et qu’elle a déjà du mal à suivre ?
C’est précisément sur ce point que l’annonce est critiquée. Poussant même Narkuss à se retrouver en 1 vs 9 face à d’autres personnalités comme Chips, Zaboutine ou Shanky (et cette fois-ci, pas de Fiddlesticks à l’horizon pour « carry des bonobos »).
Les attentes sont nombreuses, mais la solution apportée par Riot Games était plutôt bien accueillie par le plus grand nombre.
À la rédaction de ces mots, la fin du premier split est arrivée, avec une question cruciale. Quel résultat pouvons-nous en tirer ?
Je ne peux pas parler à la place des principaux intéressés. Les équipes, les marques, Webedia, Riot Games ou encore O’Gaming ont sûrement leur avis.
Mais d’un regard extérieur, si on se base sur l’audience, la qualité de production et le suivi de la compétition, on peut sans doute affirmer que le défi est en passe d’être réussi.
Encore une fois, Riot Games soulève des montagnes pour faire avancer l’esport, comme il l’a fait en implantant les LCS, il y a maintenant 7 ans. Bien sûr, les choix sont critiquables. Tout n’est pas parfait et il reste de nombreuses choses à redire.
Mais je n’ai pas la sensation que la LFL soit un échec. Au contraire. Personnellement, je me suis même surpris à préférer suivre la ligue nationale plutôt que les LEC ou la LCK. Un peu de chauvinisme, sans doute, mais aussi l’envie de suivre l’aventure de joueurs dont je me sens plus proche.
Et après cette première partie de saison, j’ai souhaité m’approcher de Lounet, manager connu et reconnu de la scène française, officiant actuellement chez Team LDLC.
Le parcours de l’équipe est incroyable, et ce n’était une surprise. En gagnant 3 à 1 leur finale des playoffs de la LFL face à Misfits Premier, elle assoie, une fois de plus, sa suprématie. Et elle est sans conteste, depuis le début de la compétition.
Quel est son ressenti sur la LFL ? Que pense-t-il du niveau des équipes ? Comment se placent-ils face au défi qui attend ses joueurs à l’EU Masters ? Quelles sont ses attentes pour la suite ?
Mon entrevue avec Lounet est l’occasion de faire le point.
Alors, bonne lecture à tous !
Bonjour ! Eh bien, elle fait plaisir, surtout que c’est notre première victoire en finale de playoffs. Nous avions déjà gagné des étapes du LoL Open Tour, mais jamais sur des phases finales aussi importantes, donc ça fait du bien.
Nous étions favoris, donc peut-être qu’on apprécie un peu moins la victoire, mais toute l’équipe est contente. Surtout, nous avons prouvé notre solidité tout au long de split, donc la confiance reste intacte pour les EU Masters qui arrivent !
Non, après, nous venions de changer l’un des joueurs de l’équipe. C’était une petite interrogation, car nous avons joué qu’une seule semaine ensemble. Mais nos entraînements se passaient bien, donc nous étions confiants, comme d’habitude.
Même dans la vie de tous les jours, l’ambiance est superbe. En entamant cette finale, on savait qu’on allait gagner. Misfits était sur une bonne lancée, il fallait juste ne pas les sous-estimer.
Oui, nous avons procédé comme d’habitude. La recette fonctionne.
Nous avions un souci avec Bando et ça ne se passait pas idéalement en scrim ou même durant les matchs officiels. Au bout de plusieurs semaines, on ne voyait aucun changement, donc on a décidé de l’écarter.
L’arrivée d’HiRit s’est faite assez rapidement. On ne trouvait personne en Europe, donc on a réfléchi aux joueurs coréens. Le contact s’est bien passé. HiRit était réceptif à l’idée de venir chez nous. Il adhère au projet et voulait venir tenter sa chance par ici.
L’alchimie se passe bien, et avec un bon encadrement, on sait qu’il peut aller très loin. Pour le moment, nous sommes encore sur une phase de test, car on souhaite se laisser un peu de temps pour valider notre choix, mais tout se passe bien, donc il n’y a aucune raison qu’il reparte en Corée.
Il est hyper sociable et essaie énormément de parler, même s’il n’y arrive pas forcément. Il rigole beaucoup, et avec l’ensemble des joueurs, on fait tout pour l’intégrer du mieux possible.
On adopte un peu les mêmes expressions que lui, on essaie de plaisanter sur ses tocs de langage, et ça permet de créer du lien. Après, le fait qu’il soit ouvert, ça nous aide forcément. Il savait que ça allait être difficile, mais il fait des efforts incroyables pour que tout se passe bien de son côté. Ce n’est pas un joueur qui reste dans son coin, et dès qu’il a un besoin, il n’hésite pas à demander de l’aide.
Non, au contraire ! Les joueurs n’étaient pas sûrs de notre choix au départ. C’est vrai que ça ressemble à un gros coup de poker, mais au final, ils ont vite été convaincus.
En deux jours, les doutes s’étaient envolés quand on voyait nos performances en scrim. Le fait de réussir à communiquer en jeu, c’était le principal, et de ce côté, il n’y a aucun souci.
Il ne le montrait pas. Après les matchs, il disait qu’il était nerveux, mais ça s’est très bien passé. Cela dit, il n’y avait pas de public, donc le contexte est différent d’une scène classique. On verra sa réaction et comment il s’adapte sur une grosse LAN lors d’une finale avec de vraies personnes en face de lui. Ce serait une belle expérience à prendre.
Je suis plutôt satisfait ! Je regrette simplement le manque de public lors des phases offline. Je trouve que l’endroit choisi n’est pas adéquat. Il faut absolument que les fans puissent venir nous voir pour créer un attachement plus tangible avec la communauté.
Les joueurs sont accessibles avant les matchs, par exemple. On pourrait également imaginer des interactions après les rencontres. Hormis ce détail, le format est bon, pareil pour les playoffs, mais d’un côté, on est premiers, donc forcément, ça nous avantage. Je trouve ça logique qu’une équipe qui écrase ses adversaires pendant 2 mois soit en finale et directement qualifiée pour les EU Masters. Ça récompense notre travail.
Je trouve que c’est bien. Il y a 4 équipes avec un niveau équivalent, que ce soit du côté de ROG, Misfits Premier, Vitality.Bee ou GamersOrigin. D’ailleurs, même aAa sort du lot et réussit à faire une bonne saison. On ne les attendait pas là.
Après, c’est sûr qu’on reste un niveau au-dessus, mais ce que j’aime, c’est qu’on voit un classement qui n’est pas prédéfini à l’avance au-delà de la première place. Personne ne pouvait prédire qui allait être dans le top 3 ou voir que ROG Esport allait se positionner aussi haut. Ce n’était pas le cas en Open Tour où tu savais d’avance qui allait être sur le podium.
Au final, ma seule déception reste la performance de Vitality.Bee, mais c’est ça qui rend la compétition intéressante ! Il y a eu des surprises.
Je pensais les voir arriver en finale personnellement.
Oui, ils jouaient plutôt bien, surtout au niveau de leur macro. Donc effectivement, c’est surprenant.
Je ne pense pas que ça soit un problème. C’est pareil en Pologne avec Rogue Academy, même s’ils ont perdu plus de parties, ils ont largement dominé la ligue. Sauf en finale, où ils passent tout près de la défaite.
Au contraire, ça pousse les équipes à se dépasser, que ça soit auprès des joueurs ou de leur communication. Ils se donnent tous. On peut se dire la même chose en LEC avec Fnatic ou G2 tous les ans.
Oui, c’est vrai, c’est un peu différent, mais tous les rosters sont bons, et les plus petites équipes rattrapent l’écart petit à petit, que ça soit sur le niveau des joueurs, l’encadrement, etc.
Je ne peux pas révéler notre budget, mais je pense qu’il est similaire à toutes les autres équipes, que ce soit Vitality ou Misfits. On a réussi à être plus attrayant, et pas forcément sur l’aspect financier, mais avec le staff en globalité.
Le nom joue aussi, forcément. Tu as davantage envie d’aller chez LDLC que MCES qui vient d’arriver et que tu ne connais pas, pourtant, ça reste une excellente structure, et je pense qu’ils vont monter avec le temps. Mais pour le départ, si tu as le choix, tu choisis naturellement LDLC.
Bien sûr ! Il a une belle expérience, des contacts et ils rassurent les joueurs avec son passif.
Oui, je pensais qu’on aurait ça, mais la solution prise n’est pas mauvaise par rapport aux conditions actuelles. Cela dit, je pense que ce serait pas mal de rajouter une semaine, durant le milieu du split, en offline, pour que les joueurs puissent acquérir de l’expérience « on-stage ».
Après ça, je ne vois pas ce qu’on peut améliorer. C’était bien comme ça, car c’est fatigant les déplacements sur le long terme. On habite à 45mn-1h de Webedia, et comme tu dois venir en avance, ta journée est vite bouclée.
Tu te lèves le matin, tu ne joues pas forcément, car tu pars directement après manger. Une fois sur place, tu dois tout préparer et faire des photos donc tout ton temps est pris, et c’est fatigant pour les joueurs.
Oui, MCES est à Marseille, pour eux, ça risque d’être plus difficile déjà, surtout que nos matchs s’organisent sur 2 journées consécutives.
En général, on se lève vers 10h-10h30 pour aller à la gym avec les joueurs qui le souhaitent. On a pas mal de volontaires, que ce soit chez les joueurs ou dans le staff, donc c’est plaisant. Dans l’après-midi, on s’entraîne en faisant 4 ou 5 games contre d’autres équipes et le soir, c’est temps libre pour tout le monde. Parfois, on fait de grosses sorties, mais elles restent limitées. Je dirais environ 1 fois par mois.
Notre seul jour off, c’est le dimanche. Les jours de matchs officiels, le rythme est allégé, et on s’entraîne en faisant 2 games de scrim juste avant. On adapte également en fonction de la fatigue des joueurs. Ça arrive qu’on leur donne des jours de repos supplémentaires s’ils en ressentent le besoin.
On ne scrim jamais les équipes LFL. On joue exclusivement contre le top 2 polonais, turque, allemand et espagnol. Il nous arrive régulièrement de jouer contre des teams LEC, tout spécialement ROGUE et Splyce.
Oui, on a réussi à négocier un premier scrim avec lui, car on le connaissait déjà. Au final, ça s’était bien passé et il considérait que c’était un bon entraînement pour ses joueurs.
On doit jouer environ une fois par semaine contre eux.
Oui, on gagne régulièrement, mais pas la majorité des rencontres.
Oui, MAD Lions aussi, mais un peu moins Splyce. On a pu les jouer au début du split. On pensait qu’ils étaient bons, mais en fait, c’était tout l’inverse. Cependant, ils commencent à être chauds, donc on va les rejouer prochainement.
On les connait, mais pas forcément toutes dans le détail. Celles qui viennent des pays de l’Est notamment, en dehors de la Pologne.
Complètement. Je pense que Rogue Academy peut être forte, peut-être Splyce Vipers aussi, mais je n’en suis pas si sûr. Ils ont eu du mal contre l’équipe sœur d’Origen, et ça reste des 3-2 à chaque fois.
Ça ne nous arrive pas. Eux ils galèrent et perdent des parties sans raison alors qu’ils sont favoris. Nous, on est plus stables et on se fait moins surprendre. Je pense qu’on va gagner les EU Masters.
Ça aide. Et c’est pour ça que toutes ces équipes se sont améliorées au fil de la saison. Les équipes académies étaient vraiment faibles au début du split. Au final, elles montrent un meilleur visage aujourd’hui, que ce soit des équipes comme Splyce ou Misfits, par exemple.
Même Vitality.Bee, ils ont bien commencé, mais on sentait que c’était brouillon. Ils perdaient une partie sur deux contre des équipes moins fortes sur le papier. À la fin, ils sont devenus plus solides, mais je ne sais pas pourquoi, ils ont choke contre Misfits. Ça arrive, mais ce n’est pas terrible.
Avoir le soutien d’une grosse structure en LEC, ça aide, c’est clair. Tu peux t’entraîner plus facilement contre de meilleurs joueurs, ils peuvent avoir accès aux replays des scrims des games entre équipes LEC, etc.
Oui, ils ont surtout apporté une expérience sur le shotcall et le lead in-game. Ils savent aussi très bien réagir durant les briefs ou les reviews de game. Ils ont une analyse plus fine que les autres joueurs.
Les joueurs seront libres d’aller en LEC en novembre. Les ligues nationales sont basées sur le même rythme pour éviter tout blocage, donc s’ils ont des offres, c’est probable. Mais en inter-split, ils ne partent pas.
Quand ils sont arrivés, ils nous ont proposé de partir sur un ton un peu plus provocateur. L’idée a plu et nous avons accepté, mais nous avons aussi posé un cadre à respecter. On a la même vision des choses de ce point de vue, du coup, ils se lâchent. C’est exactement ce qu’on voulait, donc ça a matché.
On ne pense pas. Ce ne sont pas des fans de LDLC qui disent ça, donc ça ne nous pose pas de problèmes.
Djoko et Steeelback veulent faire parler d’eux, et ce n’est pas comme s’ils étaient toxiques ou qu’ils faisaient quelque chose de punissable. C’est simplement pour faire le show et ils ont le droit de le faire. Il y a plus de personnes qui aiment leurs prises de paroles que l’inverse, mais dans tous les cas, quand tu sors de l’ordinaire, les gens te crachent dessus.
Il faut que chacun rentre dans le jeu. Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, ce n’est pas un problème. Dan Dan la fait, et il savait très bien que ses chances de victoires étaient faibles, pourtant, il ne s’est pas privé de mettre son petit tweet provocateur pour dire qu’on était les prochains sur la liste. Il a pris position. Même les structures devraient utiliser ça, c’est de la communication gratuite pour eux.
Oui, ça change, surtout comparé à avant où les joueurs s’insultaient constamment. Le seul but, c’est de faire marrer les gens.
Je le répète, mais j’aimerais vraiment que ça soit ouvert au public et qu’on puisse interagir avec le public. C’est le seul gros défaut du format actuel.
Oui ! [Rires].
On ne sait jamais, s’il y a des changements dans les équipes ! Mais si tout reste en l’état, je ne vois pas qui pourrait nous battre.
Mon interview de Lounet touche à sa fin !
Ce fut un réel plaisir d’échanger avec Lounet sur ces différents sujets. Il est clair que la confiance d’LDLC reste intacte avant d’aborder les EU Masters.
Avant de nous quitter, voici 6 leçons à retenir de cet échange avec Lounet :
J’espère que l’interview avec Lounet vous a plu ! N’hésitez pas à venir discuter dans les commentaires ou sur Twitter et nous dire ce que vous en pensez.
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